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27/05/2024 | FRANCE | N°22/01176

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 22/01176


Arrêt n° 24/00243



27 Mai 2024

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N° RG 22/01176 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXO3

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



17 Mars 2022

19/01305

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre





APPELANTE :



CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA S

ECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la [5] prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée...

Arrêt n° 24/00243

27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/01176 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXO3

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

17 Mars 2022

19/01305

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANTE :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la [5] prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Mme [F], munie d'un pouvoir général

INTIMÉE :

L'ETAT représenté par l'Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

service AT/MP [Localité 6]

ayant siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [R], né le 28 décembre 1932, a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), devenues par la suite l'établissement public [4] ([4]), du 21 juillet 1952 au 14 octobre 1955, puis du 23 avril 1957 au 31 mars 1983.

Durant cette période, il a occupé les postes suivants :

du 21/07/1952 au 14/10/1955 : apprenti et aide-piqueur (fond),

du 23/04/1957 au 31/12/1957 : aide-piqueur (fond),

du 01/01/1958 au 13/10/1974 : piqueur et conducteur remblayage pneumatique (fond),

du 14/10/1974 au 31/07/1978 : transporteur (fond),

du 01/08/1978 au 02/05/1982 : installateur de taille (fond),

du 03/05/1982 au 31/03/1983 : manutentionnaire (jour).

En date du 1er janvier 2008, l'établissement des [4] a été dissous et mis en liquidation. Ses biens, droits et obligations ont été transférés à l'État, représenté par l'Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (ci-après ANGDM), qui intervient au nom et pour le compte du liquidateur des [4].

Le 1er septembre 2017, M. [R] a déclaré à l'Assurance Maladie des Mines (ci-après la Caisse ou CANSSM) une maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles, en joignant à sa demande de reconnaissance un certificat médical initial établi par le Docteur [Z] le 31 août 2017, faisant état de « plaques pleurales ».

La Caisse a diligenté une instruction et interrogé l'assuré, ainsi que l'État, représenté par l'ANGDM, sur les risques d'exposition professionnelle à l'inhalation de poussières d'amiante.

Par décision du 2 mai 2018, la Caisse a admis le caractère professionnel de la pathologie de M. [R] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles.

Contestant cette décision, l'État, représenté par l'ANGDM, a saisi la Commission de recours amiable en inopposabilité de la décision de prise en charge par lettre recommandée datée du 2 juillet 2018. Le Conseil d'administration de la Caisse, statuant sur renvoi de la Commission de recours amiable en raison d'un partage des voix, a rejeté sa requête par décision n°2018/00212 du 20 décembre 2018, tout en précisant que les conséquences financières de cette maladie professionnelle seraient imputées au compte spécial, les Puits Faulquemont et La Houve étant fermés (arrêté du 16 novembre 1995, pris en application de l'article D.242-6-3 du Code de la Sécurité Sociale).

Selon requête déposée au greffe le 13 août 2019, l'État, représenté par l'ANGDM, a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Metz (devenu Pôle social du tribunal judiciaire de Metz au 1er janvier 2020) afin de contester cette décision.

La [5] est intervenue pour le compte de la CANSSM, l'Assurance Maladie des Mines.

Par jugement du 17 mars 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

reçu l'État, représenté par l'ANGDM, en son intervention volontaire suite à la clôture des opérations de liquidation des [4] venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine,

infirmé la décision du 20 décembre 2018 prise par le Conseil d'administration de la Caisse,

déclaré inopposable à l'État, représenté par l'ANGDM, la décision de prise en charge rendue le 2 mai 2018 par l'Assurance Maladie des Mines portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 1er septembre 2017 par M. [R] au titre du tableau n°30B,

condamné la [5] intervenant pour le compte de la CANSSM aux entiers frais et dépens de l'instance.

Par courrier recommandé expédié le 2 mai 2022, la [5], intervenant pour le compte de la CANSSM, a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR réceptionnée le 4 avril 2022.

Par conclusions datées du 28 décembre 2023, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son représentant, la [5], agissant pour le compte de la CANSSM, demande à la cour de :

déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la Caisse,

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 mars 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz

Et statuant à nouveau :

déclarer opposable à l'ANGDM la décision de prise en charge de la maladie professionnelle au titre du tableau n°30B de M. [R],

en conséquence, de confirmer la décision du 20 décembre 2018 du Conseil d'Administration de la Caisse,

le condamner aux entiers frais et dépens.

Par conclusions datées du 9 janvier 2024, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son conseil, l'État, représenté par l'ANGDM, demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer dans son intégralité le jugement du 17 mars 2022,

déclarer inopposable à l'État, la décision de prise en charge du 2 mai 2018 notamment parce que l'exposition n'est pas établie et priver l'Assurance Maladie des Mines de son action récursoire,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

désigner un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles pour donner son avis sur la question de savoir s'il existe un lien direct entre la pathologie de M. [R] et son activité professionnelle au sein des HBL et [4].

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties, en application de l'article 455 du code de procédure civile, et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE :

La [5], intervenant pour le compte de la CANSSM, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, estimant avoir apporté la preuve que les conditions légales pour établir l'origine professionnelle de la maladie de M. [R] se trouvent réunies à l'égard de l'ANGDM. Elle relève que cette exposition au risque est établie par les éléments du dossier, et notamment par la description du matériel utilisé par M. [R] dans le cadre de son activité au fond, conforme à son relevé de carrière, ainsi que par sa durée d'emploi au fond de la mine. La Caisse énonce enfin que l'ANGDM n'apporte aucun élément de preuve de nature à faire tomber la présomption d'origine professionnelle de la maladie dont est atteint M. [R].

Elle souligne, au contraire, qu'en première instance, l'ANGDM a reconnu, a minima, la présence d'amiante dans les joints des conduites, dans le système de freinage des convoyeurs blindés, ainsi que dans les joints des palans et les freins des treuils. Elle précise avoir procédé aux investigations nécessaires au traitement de la demande d'indemnisation de M. [R] en ayant rassemblé un faisceau d'indices permettant de démontrer que le salarié a été exposé au risque durant ses 28 années et 3 mois d'activité au fond, notamment en raison de l'utilisation de machines, et outils contenant tous des éléments ou pièces comportant de l'amiante et dégageant des fibres d'amiante lors de leur utilisation.

L'ANGDM sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle soutient que la Caisse a pris en charge la maladie déclarée sans que les conditions de fond du tableau n°30B ne soient remplies dès lors que la Caisse ne rapporte pas la preuve d'une exposition du salarié au risque d'inhalation des poussières d'amiante durant l'exercice de ses emplois successifs auprès des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues [4]. L'ANGDM souligne le caractère incomplet de l'enquête administrative menée par la Caisse, au mépris de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et sans tenir compte de ses réserves, la Caisse se contentant de la déclaration de M. [R] et considérant automatiquement l'exposition au risque établie dès lors que le salarié présente des signes pathologiques. Elle reproche également à la Caisse de ne pas avoir sollicité l'avis d'un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP).

L'ANGDM fait valoir qu'il ne résulte ni du questionnaire lapidaire rempli par M. [R], ni des autres éléments du dossier, notamment en l'absence de témoignage, la moindre preuve d'une exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante de l'intéressé, ni aucune preuve de la présence de poussières d'amiante dans les outils utilisés, ceci d'autant que le salarié n'a pas décrit les emplois occupés.

**********************

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau.

En cas de recours de l'employeur, il incombe à l'organisme de sécurité sociale qui a décidé d'une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau.

Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Il convient de rappeler que le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection, de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [R] répond aux conditions médicales du tableau n°30B. Seule est contestée l'exposition professionnelle du salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante.

Selon le relevé de carrière (pièce n°5 de l'intimée), M. [R] a travaillé dans les chantiers du bassin des Houillères de Lorraine, en débutant au fond du 21 juillet 1952 au 14 octobre 1955, puis du 23 avril 1957 au 2 mai 1982, aux postes suivants : apprenti, aide-piqueur, piqueur et conducteur remblayage pneumatique, transporteur et installateur de taille, avant d'être affecté au jour au terme de sa carrière en qualité de manutentionnaire du 3 mai 1982 au 31 mars 1983.

En ce qui concerne les travaux effectués par M. [R], dans les réponses apportées le 25 janvier 2018 au questionnaire que lui a adressé la Caisse dans le cadre de l'instruction de sa maladie professionnelle (pièce n°4 de l'appelante), l'intéressé expose avoir été exposé aux poussières d'amiante, de charbon et de pierre durant sa carrière. Il indique qu'il devait effectuer des travaux de foration, havage et scrapage du charbon et de la pierre, de pose et de dépose des conduites de remblayage et qu'il conduisait également la locomotive. Il cite ensuite une liste d'outils utilisés dans le cadre des travaux du fond, à savoir les scrapers, les treuils, les palans Victory 1T et 2T, les équipements de manutention « pull lift », les haveuses à moteur électrique, les outils pneumatiques de foration et de boulonnage fonctionnant à l'air comprimé, les outils de maintenance, les perforatrices et marteaux perforateurs, ainsi que la locomotive suspendue fonctionnant au diesel.

Il y a lieu de relever que les activités mentionnées par M. [R] ne sont pas contredites par le questionnaire rempli par l'employeur (pièce n°5 de l'appelante), ce dernier étant seulement beaucoup plus détaillé sur les fonctions principales occupées par le salarié qui sont décrites de la façon suivante, pour ce qui concerne sa période au fond :

« Apprenti-mineur + Aide-piqueur du 21/07/1952 au 14/10/1955 :

Apprenti-mineur : jeune embauché qui a d'abord suivi des cours théoriques (en salle) et des cours pratiques dans une mine image (c'est-à-dire un chantier de fond reconstitué au jour). Il s'est ensuite perfectionné aux différentes techniques et méthodes d'exploitation dans les quartiers écoles réservés aux apprentis.

Aide-piqueur : ouvrier mineur abattant le charbon et qui assiste le piqueur.

Aide-piqueur du 23/04/1957 au 31/12/1957.

Piqueur et Conducteur de remblayage pneumatique du 01/01/1958 au 13/10/1974 :

Piqueur : ouvrier mineur abattant le charbon à l'aide d'outils pneumatiques.

Conducteur de remblayage pneumatique : ouvrier mineur chargé de conduire une machine alimentée par air comprimé et qui sert à souffler des terres stériles pour combler les vides laissés par l'exploitation.

Transporteur du 14/10/1974 au 31/07/1978 : ouvrier mineur qui effectue le transport et la manutention de l'ensemble des matériels nécessaires à l'équipement d'une taille ou d'un traçage et de ses voies d'accès. Il participe aux travaux d'installation et de démontage sans intervention sur le soutènement. Il peut installer les blindés dans sa totalité, des câbles, des flexibles, des engins de transport.

Installateur taille ou traçage du 01/08/1978 au 02/05/1982 : ouvrier qualifié, qui est chargé de l'installation ou du démontage de l'ensemble des matériels de la taille ou du traçage et des voies d'accès ».

L'ANGDM précise en outre que, dans le cadre de ses activités, l'intéressé a été amené à utiliser habituellement des outils et machines tels que « marteau piqueur, marteau perforateur, manipulation soutènement, pelle, perforatrice, matériel de levage et manutention ».

L'ANGDM décrit ainsi elle-même les différentes activités et matériels utilisés par M. [R] tout au long de sa carrière dans les chantiers du fond, sans que ces précisions ne contredisent les mentions plus laconiques indiquées par le salarié.

Ainsi, M. [R] a exercé au fond pendant 28 ans et 3 mois avant l'interdiction de l'utilisation de l'amiante.

Si l'ANGDM conteste l'exposition de M. [R] aux poussières d'amiante, elle reconnaît un travail dans un milieu chaud, humide et empoussiéré, avec des opérations de manutention lourde.

De plus, aux périodes où M. [R] a travaillé pour le compte des HBL, devenues par la suite [4], l'ANGDM admet habituellement que de l'amiante était présente au fond à minima dans certains joints, le système de freinage de certains éléments d'équipement et les installations électriques, tel étant notamment le cas de certains engins de levage de type treuils et palans. Cette reconnaissance de présence d'amiante ressort à suffisance des conclusions déposées en première instance par l'ANGDM (pièce n°8 de l'appelante), cette dernière écrivant notamment :

« Les chaînes des convoyeurs blindés ainsi que le blindé lui-même étaient métalliques et ne contenaient pas d'amiante. Il est vrai que l'opération nécessitait des freinages ; néanmoins, l'analyse réalisée par le Service Sécurité Générale montre que même dans des conditions sévères lors du raccourcissement de la chaîne la libération de fibres au voisinage des convoyeurs blindés était infinitésimale ».

En l'espèce, il ne paraît pas inutile de rappeler que M. [R] a nécessairement travaillé aux côtés des convoyeurs blindés employés au fond de la mine, notamment lorsqu'il devait abattre le charbon, ou effectuer le transport et la manutention de l'ensemble des matériels nécessaires à l'équipement d'une taille ou d'un traçage et de ses voies d'accès, alors qu'il était chargé d'installer les blindés, ceci alors que l'employeur a admis que les convoyeurs blindés libéraient de l'amiante lors du freinage. Enfin, le salarié a utilisé régulièrement des engins de levage de type treuils et palans, dont le système de freinage était amianté.

En outre, si l'ANGDM a fait état d'une pollution minime en première instance, cette affirmation ne saurait écarter la présomption d'imputabilité qui découle de l'établissement de l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, indépendamment de la nocivité, le tableau n°30B ne fixant pas de seuil d'exposition.

De plus, elle reconnaît aussi de manière habituelle l'exposition au risque d'inhalation des poussières d'amiante des électromécaniciens travaillant en taille avant 1996, de sorte que les mineurs travaillant dans leur entourage, mais à d'autres fonctions, subissaient nécessairement cette contamination.

Ainsi, les descriptions effectuées par l'employeur quant à la nature des fonctions occupées par le salarié, ainsi que des outils habituellement utilisés par celui-ci, et notamment le fait que la victime travaillait aux côtés de convoyeurs blindés, dans un contexte de confinement propre aux travaux effectués dans les chantiers au fond, exposent ainsi parfaitement comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué, jusqu'en 1996, date à laquelle l'utilisation de l'amiante a été interdite, une exposition de la victime aux poussières d'amiante, en raison de l'usage ou du travail à proximité d'engins et de véhicules dont les pièces de friction des organes de frein libéraient des fibres d'amiante en fonctionnant.

Il est ajouté qu'à supposer même que M. [R] n'ait pas utilisé lui-même les outils ou matériels contenant de l'amiante, il est établi qu'il a travaillé quotidiennement dans des sites dans lesquels il est constant qu'étaient utilisées des installations et machines contenant des matériaux amiantés qui en fonctionnant libéraient des fibres d'amiante.

Il résulte de ce faisceau d'éléments que l'exposition habituelle de M. [R] au risque amiante est démontrée.

Les conditions médico-administratives du tableau n°30B étant remplies, c'est en vain que l'ANGDM prétend que la Caisse a été défaillante dans son instruction. En interrogeant les intéressés, la Caisse a, préalablement à sa prise de décision, diligenté une enquête au sens de l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'il n'y avait pas lieu pour la Caisse de saisir un CRRMP.

Il sera également relevé que, si une circulaire du 24 juin 2013 de la direction des assurances maladies de la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines enjoint aux directeurs régionaux de prendre systématiquement des décisions de prise en charge favorables aux anciens mineurs lorsqu'ils demandent la reconnaissance de l'origine professionnelle de leur pathologie, ce texte ne saurait avoir de portée dans la présente procédure, qui a précisément pour objet de vérifier que les conditions relatives au caractère professionnel de la maladie de M. [R] sont remplies.

Dès lors, en l'absence de toute preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, il convient de considérer que le caractère professionnel de la maladie dont s'est trouvé atteint M. [R] est établi à l'égard de l'employeur auquel se substitue l'ANGDM.

Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à l'État, représenté par l'ANGDM la décision de prise en charge rendue le 2 mai 2018 par l'Assurance Maladie des Mines portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 1er septembre 2017 par M. [R] au titre du tableau n°30B.

SUR LES DEPENS :

Partie succombante, l'ANGDM sera condamnée aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DECLARE l'appel formé par la [5], intervenant pour le compte de la CANSSM, l'Assurance Maladie des Mines, recevable,

INFIRME le jugement entrepris du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 17 mars 2022,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE l'État, représenté par l'ANGDM, de sa demande en inopposabilité de la décision de prise en charge rendue le 2 mai 2018 par l'Assurance Maladie des Mines portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 1er septembre 2017 par M. [S] [R] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles,

DEBOUTE l'État, représenté par l'ANGDM, de sa demande en désignation d'un CRRMP,

DECLARE opposable à l'État, représenté par l'ANGDM, ladite décision de l'organisme de sécurité sociale,

CONDAMNE l'État, représenté par l'ANGDM, aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01176
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.01176 ?
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