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27/05/2024 | FRANCE | N°22/00131

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 22/00131


Arrêt n° 24/00257



27 Mai 2024

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N° RG 22/00131 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FU56

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



22 Décembre 2021

18/02086

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre







APPELANT :



Monsieur [U] [H]
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br>[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Alexia DILLENSCHNEIDER, avocat au barreau de METZ substitué par Me DELORD , avocat au barreau de METZ



INTIMÉS :



[7]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

Représenté par ...

Arrêt n° 24/00257

27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/00131 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FU56

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

22 Décembre 2021

18/02086

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANT :

Monsieur [U] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Alexia DILLENSCHNEIDER, avocat au barreau de METZ substitué par Me DELORD , avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

[7]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

[4] - [4]

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de [Localité 11] prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

représentée par Mme [F], munie d'un pouvoir général

L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [H], né le 7 mars 1947, a travaillé pour le compte des [8] ([8]) devenues l'établissement public [5] ([5]) du 20 novembre 1961 au 16 janvier 1965 et du 17 mars 1965 au 30 septembre 1995.

Par formulaire établi le 19 août 2015, M. [H] a déclaré à la [4] ([4]) une maladie au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles, transmettant avec ladite demande de reconnaissance un certificat médical initial du docteur [P] du 1er juillet 2015 faisant état d'une « atteinte pleurale bénigne - plaques pleurales multiples ».

Par décision du 16 mars 2016, la Caisse a pris en charge la maladie de M. [H] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles, relatif aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante.

Le 16 août 2016, la Caisse a notifié à M. [H] un taux d'incapacité permanente partielle de 5% à la date du 2 juillet 2015 (lendemain de la date de consolidation), l'assuré optant pour l'attribution d'une indemnité en capital de 1 948,44 euros.

En parallèle, M. [H] a accepté l'offre du [7] ([7]) fixant l'indemnisation de ses préjudices comme suit :

préjudice moral : 12 600 euros,

préjudice physique : 200 euros,

préjudice d'agrément : 1 000 euros.

Après échec de la tentative de conciliation introduite devant l'Assurance Maladie des Mines par lettre du 6 mars 2017, M. [H] a, selon recours du 2 janvier 2019, saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Metz (devenu Pôle social du tribunal judiciaire de Metz au 1er janvier 2020) d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable des [5] dans la survenance de sa maladie professionnelle et afin de bénéficier des conséquences indemnitaires en découlant.

Il convient de préciser que l'établissement public [5] a été définitivement liquidé le 31 décembre 2017, ses droits et obligations étant transférés à l'État, représenté par l'Agent Judiciaire de l'État (AJE).

Par ailleurs, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 11] (CPAM ou Caisse) qui agit pour le compte de la [4] ([4]) depuis le 1er juillet 2015, a été mise en cause.

Le [7] est également intervenu à l'instance.

Par jugement du 22 décembre 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

jugé recevables les demandes de M. [H] et du [7] en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur,

déclaré le jugement commun à la CPAM de [Localité 11] intervenant pour le compte de la [4],

jugé que, dans le cadre de la procédure aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le caractère professionnel de la pathologie présentée par M. [H] n'est pas démontré et que, par conséquent, il ne peut être reproché à l'EPIC [5], aux droits duquel vient M. l'Agent Judiciaire de l'Etat, d'avoir commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie affectant M. [H],

rejeté les demandes formées par M. [H], le [7] et la CPAM de [Localité 11] intervenant pour le compte de la [4],

condamné M. [H] et le [7] aux dépens.

Par déclaration d'appel effectuée au greffe le 7 janvier 2022, M. [H] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR datée du 24 décembre 2021, dont l'accusé de réception ne figure pas au dossier de première instance en ce qu'elle a :

« jugé que, dans le cadre de la procédure aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le caractère professionnel de la pathologie présentée par M. [H] n'est pas démontré et que, par conséquent, il ne peut être reproché à l'EPIC [5], aux droits duquel vient M. l'Agent Judiciaire de l'Etat, d'avoir commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie affectant M. [H],

rejeté les demandes formées par M. [H], le [7] et la CPAM de [Localité 11] intervenant pour le compte de la [4],

condamné M. [H] et le [7] aux dépens ».

Par conclusions datées du 13 avril 2023, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, M. [H] demande à la cour de :

« infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit que la faute inexcusable de l'Agent Judiciaire de l'Etat dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [H] inscrite au tableau n°30B n'est pas établie,

rejeté l'ensemble des demandes formées par M. [H] et le FIVA,

et statuant de nouveau :

déclarer recevable et bien fondé l'appel de M. [H],

rejeter toutes les exceptions et fins de non-recevoir invoquées par l'Agent Judiciaire de l'Etat pour le compte de l'ancien employeur de M. [H], les [5], suite à la clôture de sa liquidation, la Caisse, 

juger que la maladie professionnelle dont est atteint M. [H] est due à une faute inexcusable de son employeur, les [5], aux droits duquel vient l'Agent Judiciaire de l'Etat suite à la clôture de sa liquidation judiciaire,

Par conséquent,

condamner la Caisse au maximum la majoration des indemnités dont bénéficie M. [S] aux termes des dispositions du code de la sécurité sociale,

juger qu'en cas d'aggravation de son état de santé, la majoration maximum de la rente suivra l'évolution du taux d'IPP de la victime,

juger qu'en cas de décès de M. [H] imputable à sa maladie professionnelle liée à l'amiante, le principe de la majoration maximum de la rente restera acquis au conjoint survivant,

juger qu'en vertu de l'article 1153-1 du code civil l'ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat au paiement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner l'AJE aux entiers frais et dépens. »

Par conclusions datées du 11 janvier 2024, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, l'AJE demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer dans son intégralité le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 22 décembre 2021,

Par conséquent et statuant à nouveau :

débouter M. [H] et le [7] et la CPAM de [Localité 11] de toutes leurs demandes formées à l'encontre de l'AJE, la preuve de l'existence d'une faute inexcusable de l'exploitant n'étant pas rapportée,

A TITRE SUBSIDIAIRE : si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue :

débouter le [7] de ses demandes de remboursement des indemnités versées au titre des souffrances physiques et morales endurées ainsi qu'au titre du préjudice d'agrément,

PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE :

réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

rejeter l'action récursoire de la Caisse au titre des sommes versées pour la majoration de l'indemnité en capital,

rejeter les demandes d'article 700 du CPC,

dire n'y avoir lieu à dépens.

Par conclusions datées du 20 avril 2023, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, le [7] demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevables les demandes de M. [H], et du [7], en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur,

infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et, statuant à nouveau,

dire que la maladie professionnelle dont est atteint M. [H] est la conséquence de la faute inexcusable de l'EPIC [5],

fixer à son maximum la majoration de l'indemnité en capital prévue à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1 948,44 euros, et dire que l'Assurance Maladie des Mines devra verser cette majoration de capital directement à M. [H],

dire que cette majoration devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [H], en cas d'aggravation de son état de santé,

dire qu'en cas de décès de la victime imputable à sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de son conjoint survivant,

fixer l'indemnisation des préjudices personnels de M. [H] comme suit :

souffrances morales : 12 600 euros,

souffrances physiques : 200 euros,

préjudice d'agrément : 1 000 euros,

dire que l'Assurance Maladie des Mines devra verser cette somme au [7], créancier subrogé, en application de l'article L.452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale,

condamner l'EPIC [5] à payer au [7] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions datées du 16 mai 2023, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son représentant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de [Localité 11] intervenant pour le compte de la [4] demande à la cour de :

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à l'AJE,

Le cas échéant :

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l'indemnité en capital réclamée par le [7] et M. [H],

en tout état de cause, de fixer la majoration de l'indemnité en capital dans la limite de 1 948,44 euros,

constater que la Caisse ne s'oppose pas à ce que le principe de la majoration de l'indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [H] consécutivement à sa maladie professionnelle,

prendre acte que la Caisse ne s'oppose pas à ce que la majoration de l'indemnité en capital suive l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [H],

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux subis par M. [H],

le cas échéant, de rejeter toute éventuelle demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°30B de M. [H],

en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, de condamner l'AJE à rembourser à la CPAM de [Localité 11] intervenant pour le compte de la [4], l'ensemble des sommes en principal et intérêts, que cet organisme sera tenu d'avancer sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de M. [H] inscrite au tableau n°30B.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE :

M. [H] sollicite l'infirmation du jugement entrepris. Il indique qu'il a travaillé pendant 24 ans dans les chantiers du fond et a occupé différents postes au sein des Unités d'exploitation Reumaux et Vouters. Il expose que les travaux exécutés l'exposaient directement à l'amiante, notamment lorsqu'il manipulait des plaques d'amiante ainsi que des joints et cordes en amiante, ou lorsqu'il utilisait des engins de levage et de déblocage dont les systèmes de freinage étaient amiantés. M. [H] indique produire les témoignages d'anciens collègues de travail qui confirment son exposition à l'inhalation de poussières d'amiante.

Le [7] soutient les arguments de M. [H] et considère que l'exposition de ce dernier est incontestable.

L'AJE demande à ce que le jugement querellé soit confirmé. Il rappelle qu'il est en droit de contester l'exposition de M. [H] au risque du tableau n°30B des maladies professionnelles, ceci d'autant que l'[2] ([2]) n'a pas reconnu l'exposition de ce dernier au risque amiante et qu'aucun des emplois occupés par le salarié ne l'a exposé audit risque. Il conteste les attestations produites qui ne permettent pas de retenir que les témoins ont travaillé avec M. [H], de sorte qu'elles ne peuvent établir l'exposition du salarié au risque amiante.

La Caisse s'en remet à l'appréciation de la cour.

***********************

Aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [H] répond aux conditions médicales du tableau n°30B. Seule est discutée l'exposition professionnelle du salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante.

Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l'inhalation de poussières d'amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30B des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d'entraîner les affections consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante.

Il ressort du relevé de périodes et d'emplois que M. [H] a exercé dans les chantiers des [8], devenues les [5], principalement au fond, du 20 novembre 1961 au 16 janvier 1965 et du 17 mars 1965 au 30 septembre 1995, aux postes suivants (pièce n°1 de l'appelant) :

du 20/11/1961 au 09/01/1964 : trieur sur bandes (jour),

du 10/01/1964 au 06/09/1964 : apprenti-mineur (fond),

du 07/09/1964 au 16/01/1965 : man'uvre détaché (jour),

du 17/03/1965 au 31/12/1975 : abatteur-boiseur (fond),

du 01/01/1976 au 31/08/1976 : ouvrier de PRH (fond),

du 01/09/1976 au 31/05/1977 : boiseur chantier machine (fond),

du 01/06/1977 au 31/07/1977 : piqueur élevage PRH (fond),

du 01/08/1977 au 31/03/1978 : déhouilleur élevage (fond),

du 01/04/1978 au 31/12/1979 : boiseur chantier machine (fond),

du 01/01/1980 au 29/02/1980 : abatteur-boiseur (fond),

du 01/03/1980 au 31/05/1980 : piqueur élevage PRH (fond),

du 01/06/1980 au 30/06/1981 : boiseur chantier machine (fond),

du 01/07/1981 au 31/07/1982 : piqueur élevage PRH (fond),

du 01/08/1982 au 31/12/1982 : rabasseneur (fond),

du 01/01/1983 au 31/08/1983 : transporteur aide-installateur taille (fond),

du 01/09/1983 au 28/02/1985 : piqueur élevage PRH (fond),

du 01/03/1985 au 31/03/1987 : spécialiste (fond),

du 01/04/1987 au 31/05/1987 : piqueur élevage PRH (fond),

du 01/06/1987 au 29/02/1988 : rabasseneur (fond),

du 01/03/1988 au 30/06/1988 : piqueur élevage PRH (fond),

du 01/07/1988 au 30/11/1988 : rabasseneur (fond),

du 01/12/1988 au 31/12/1989 : boiseur renforcement (fond),

du 01/01/1990 au 31/10/1990 : spécialiste (fond),

du 01/11/1990 au 31/03/1992 : rabasseneur (fond),

du 01/04/1992 au 30/09/1993 : transporteur aide installateur (fond),

du 01/10/1993 au 30/09/1994 : installateur taille traçage et voies (fond),

du 01/10/1994 au 31/08/1995 : rabasseneur (fond),

du 01/09/1995 au 30/09/1995 : agent excédentaire (PAR instance de départ).

M. [H] produit aux débats les attestations testimoniales établies par trois anciens collègues de travail, à savoir Mrs [G], [C] et [O] (pièces n°9 à 11 de l'appelant). L'AJE entend remettre en cause l'authenticité de ces témoignages au motif qu'il n'est pas possible d'établir que les témoins ont bien travaillé directement avec M. [H].

Il est relevé que les trois témoins allèguent avoir travaillé avec M. [H] :

M. [G] déclare qu'il a travaillé aux côtés de M. [H] au siège Reumaux de 1975 à 1981 (pièce n°9 de l'appelant) ;

M. [C] explique qu'il a côtoyé M. [H] de 1979 à 1985 environ au siège Reumaux (pièce n°10 de l'appelant) ;

M. [O] indique qu'il a travaillé avec M. [H] de 1972 à 1975 [Localité 3] et [Localité 10] (pièce n°11 de l'appelant).

Cependant, les témoins ne précisent nullement les postes qu'ils occupaient, l'emploi du terme « mineur de fond » n'étant pas suffisante pour permettre de déterminer la fonction réellement exercée dans les travaux du fond, sans relevé de carrière.

Ainsi, il n'est pas possible d'établir avec certitude que les témoins ont bien travaillé avec M. [H], de sorte que leurs témoignages ne seront pas retenus.

Cependant, si l'AJE conteste l'exposition de M. [H] au risque amiante, elle fait tout de même référence dans ses écritures à l'étude intitulée « Etude des risques éventuels de pollution de fibres d'amiante a voisinage des systèmes de freinage dans les chantiers du fond » réalisée en 1984 par le docteur [E] au centre d'études des poussières HBCM (pièce n°82 de l'AJE). Cette dernière fait état de poussières fines contenant de l'amiante déposées sur les carters de freins des chargeurs transporteurs [14] et d'une pollution par des fibres d'amiante localisée dans le carter du système de freinage des treuils monorail, étant relevé que, si l'étude conclut in fine à une pollution par fibres d'amiante « négligeable », les tests ainsi pratiqués dans cette étude n'ont pas été réalisés en conditions réelles dans un chantier de fond mais en laboratoire, une seule machine étant testée à la fois en position statique.

Il apparaît ainsi constant que la friction des organes de freins des différentes installations et machines utilisées au fond de la mine à la période d'emploi de M. [H], ont été de nature à exposer habituellement l'intéressé à l'inhalation de poussières d'amiante durant ses nombreuses années d'activité au fond, tout au moins jusqu'à son interdiction en 1996, et ce dans un contexte de confinement résultant de la configuration de la mine.

Les éléments présentés par l'AJE, qui concluent à une pollution minime au regard de l'inhalation de poussières d'amiante pour certains matériels ne sauraient écarter la présomption d'imputabilité qui découle de l'établissement de l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, indépendamment de la question de la nocivité, le tableau n°30B des maladies professionnelles ne fixant pas de seuil d'exposition à l'agent nocif.

Dès lors, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer, et l'AJE n'apportant pas la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel de la maladie dont se trouve atteint M. [H] est établi à l'égard de l'établissement public [5] auquel l'AJE est substituée.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR :

M. [H] soutient que l'AJE avait conscience du danger lié à l'amiante. Il fait valoir que compte tenu de l'inscription des affections respiratoires liées à l'amiante dans un tableau des maladies professionnelles à partir de 1945, des connaissances scientifiques raisonnablement accessibles à l'époque, de la réglementation applicable relative à la protection contre les poussières et de l'importance de l'organisation et de l'activité de cet employeur, celui-ci aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié ; que ni l'information, ni les moyens nécessaires à sa protection n'ont été mis en 'uvre par [5].

Le FIVA précise que l'exploitant minier avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel les mineurs étaient exposés et que les éléments du dossier établissent qu'il n'a pas mis en place de mesures de protection collectives ou individuelles.

L'AJE sollicite la confirmation du jugement entrepris et soutient, outre la contestation de l'exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante, que les [8] ne pouvaient avoir conscience avant 1996 du risque et qu'elles ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l'exploitation, avec les données connues et les mesures de protection qui existaient ; qu'elles ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu'aucun défaut d'information ne peut leur être reproché. Il ajoute que très tôt les Houillères se sont préoccupées des masques et de leur efficacité et ont 'uvré contre l'empoussièrement par la mise en place et l'amélioration constante des systèmes, d'abattage des poussières, d'aérage et de capotage. Il fait également valoir que ce n'est qu'en 1996 qu'ont été introduits dans la liste du tableau n°30 des maladies professionnelles, les travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante de sorte que les [8] ne pouvaient pas, dans ce contexte, avoir conscience du danger du risque amiante.

Il critique enfin les attestations produites qui sont imprécises et lacunaires et estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et de ses témoins.

La Caisse s'en remet à l'appréciation de la cour concernant l'établissement de la faute inexcusable.

***********************

L'article L 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise.

Les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé de son salarié a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Sur la conscience du danger par l'employeur :

La dangerosité de l'amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l'inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage.

Dans les années 1930, plusieurs publications ont également alerté sur l'exposition professionnelle à l'amiante et le développement de certaines pathologies. Ainsi, en 1930, une publication du Docteur [Z] dans la revue La médecine du travail établissait déjà un lien de causalité entre l'asbestose et le travail des ouvriers de l'amiante, et comprenait déjà des recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire l'empoussièrement. A partir de 1935 d'autres publications ont fait un lien entre l'exposition professionnelle à l'amiante et le cancer broncho-pulmonaire.

Les maladies engendrées par les poussières d'amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d'amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d'entraîner les maladies inscrites au tableau 30B est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.

Dès lors, les éventuelles carences des pouvoirs publics s'agissant de la protection des travailleurs exposés à l'amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l'employeur de sa propre responsabilité.

Ainsi, dès le début des années 50, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l'usage, alors encore licite, de la fibre d'amiante.

Un décret du 17 août 1977 a fixé des limites de concentration moyenne de fibres d'amiante dans les locaux de travail ainsi que les règles de protection générale ou à défaut individuelle à appliquer. Si ce décret n'était pas applicable aux mines, il ne pouvait qu'alerter à nouveau les [5] sur la nocivité de l'amiante. D'ailleurs, il résulte des pièces même produites par l'AJE que les [5] disposaient d'un service médical interne conséquent et performant dont faisait partie le docteur [M], entré dans l'entreprise en 1977, l'intéressé ayant rédigé sa thèse de docteur en médecine sur l'amiante, ses risques et son utilisation sur les lieux de travail. Sans compter l'existence au sein des [6] (le [6]) à la compétence internationale reconnue en la matière.

Compte tenu de sa dimension et des moyens corrélatifs dont il disposait pour exploiter les informations et les données scientifiques déjà connues à cette époque, sur les dangers liés à l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, l'employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, à l'époque de la période d'emploi de M. [H], des risques sanitaires graves, d'ores et déjà révélés par de nombreuses publications, auxquels se trouvaient exposés son salarié.

Ainsi, compte tenu de ce qui vient d'être développé et compte tenu des emplois exercés par M. [H] dans les chantiers du fond, il en résulte que les [5] ne pouvaient ignorer le risque encouru par l'intéressé.

Sur les mesures prises par l'employeur pour préserver le salarié :

S'agissant des mesures de protection mises en 'uvre, une réglementation en matière de protection contre l'empoussiérage a existé très tôt et a connu une évolution particulière à partir de 1951, date du décret n°51-508 du 04 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines dont l'article 314 énonce : 'Des mesures sont prises pour protéger les ouvriers contre les poussières dont l'inhalation est dangereuse'. Également, une instruction du 15 décembre 1975 relative aux mesures de prévention médicales dans les mines de houille a introduit la notion de pneumoconiose autre que la silicose, et a préconisé des mesures de prévention telles que des mesures d'empoussiérage, de classement des chantiers empoussiérés, de détermination de l'aptitude des travailleurs aux différents chantiers et de leur affectation dans les chantiers empoussiérés.

M. [H] ne produit aucun élément pour justifier du fait que l'employeur a manqué à ses obligations, à l'exception des trois attestations dont la force probante n'a pas été retenue.

Par ailleurs, les seules pièces générales émanant de l'AJE ne permettent de tirer aucune conclusion pertinente sur le cas individuel de M. [H] quant aux mesures prises par l'employeur pour le protéger, ni sur leur absence.

A défaut de faire état et de justifier des carences précises de l'employeur quant à la mise en place de mesures de protection destinées à protéger la santé de M. [H], il convient de constater que celui-ci ne démontre pas suffisamment l'existence de la faute inexcusable de l'employeur comme étant à l'origine de sa maladie professionnelle déclarée et inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles.

Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [H] et le [7] de leur demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et d'indemnisation qui en découlent.

SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE :

L'action récursoire de la Caisse est sans objet dès lors que la faute inexcusable de l'employeur n'est pas retenue.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

La cour dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [H] et le [7] étant déboutés de leurs demandes formées sur ce fondement.

Parties succombantes, M. [H] et le [7] seront condamnés, in solidum, aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du 22 décembre 2021 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a jugé que le caractère professionnel de la pathologie présentée par M. [U] [H] n'est pas démontré à l'égard de l'AJE,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

DIT que le caractère professionnel de la pathologie inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles dont est atteint M. [U] [H] est établi à l'égard de l'AJE,

DIT cependant que la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [U] [H], inscrite au tableau 30B des maladies professionnelles, n'est pas établie ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [U] [H] et le [7] de leur demande de condamnation de l'AJE sur base de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] [H] et le [7], in solidum, aux dépens d'appel.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/00131
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.00131 ?
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