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27/05/2024 | FRANCE | N°21/02152

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 21/02152


Arrêt n° 24/00252



27 Mai 2024

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N° RG 21/02152 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FSI4

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



23 Juillet 2021

18/02112

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre







APPELANT :



Monsieur [H] [C]
>[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Marion DESCAMPS, avocat au barreau de METZ



INTIMÉS :



L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 8]
...

Arrêt n° 24/00252

27 Mai 2024

---------------

N° RG 21/02152 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FSI4

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

23 Juillet 2021

18/02112

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANT :

Monsieur [H] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Marion DESCAMPS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 4]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 9]

[Localité 3]

représentée par Mme [R], munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [C], né le 22 décembre 1959, a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) devenues l'établissement public [5] ([5]) du 30 août 1976 au 31 août 2000.

Il a bénéficié d'un congé charbonnier fin de carrière du 1er septembre 2000 au 31 décembre 2000.

Par formulaire du 2 juin 2015, M. [C] a déclaré à l'Assurance Maladie des Mines (ci-après la caisse ou AMM) une pathologie sous forme de silicose inscrite au tableau n°25, en joignant à sa demande de reconnaissance un certificat médical établi par le docteur [P] le 4 mai 2015.

Par décision du 4 novembre 2015, la caisse a pris en charge la maladie de M. [C] au titre du tableau n°25 A2 des maladies professionnelles, relatif aux affections dues à la silice cristalline, aux silicates cristallins, au graphite ou à la houille.

Le 22 mars 2016, la caisse a notifié à M. [C] un taux d'incapacité permanente partielle de 5%.

Par lettre recommandée du 6 janvier 2017, M. [C] a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Moselle d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle et de bénéficier des conséquences indemnitaires en découlant.

Il convient de préciser que l'établissement public [5] a été définitivement liquidé le 31 décembre 2017, ses droits et obligations étant transférés à l'État, représenté par l'Agent Judiciaire de l'État (AJE).

Par ailleurs, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle (CPAM ou caisse) qui agit pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) depuis le 1er juillet 2015, a également été mise en cause.

Par la suite, en raison de l'aggravation de son état, la caisse a notifié, le 18 juin 2018, à M. [C] un nouveau taux d'incapacité permanente partielle de 10%, lui attribuant une rente annuelle d'un montant de 3.033,98 euros à compter du 11 janvier 2018.

Par jugement du 23 juillet 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :

jugé recevable en la forme la demande de M. [C] en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur,

déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM,

rejeté comme non fondée la demande de communication de pièces formée par M. [C],

jugé que le caractère professionnel de la pathologie présentée par M. [C] est démontré,

jugé que la preuve n'est pas rapportée par le demandeur de ce que son employeur, dont les droits et obligations ont été repris par M. l'Agent Judiciaire de l'Etat, a commis au détriment de celui-ci une faute inexcusable,

rejeté comme non fondées les demandes formées par M. [C] et la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM,

condamné M. [C] et la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM aux dépens.

M. [C] a, par déclaration au greffe effectuée le 23 août 2021, interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR réceptionnée le 29 juillet 2021.

Par conclusions datées du 23 janvier 2023, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, M. [C] demande à la cour de :

déclarer l'appel recevable et bien fondé,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé ainsi qu'il suit :

« Rejette comme non fondée la demande de communication de pièces formée par M. [C] ; [']

Juge que la preuve n'est pas rapportée par le demandeur de ce que son employeur, dont les droits et obligations ont été repris par M. l'Agent Judiciaire de l'Etat, a commis au détriment de celui-ci une faute inexcusable ;

Rejette comme non fondées les demandes formées par M. [C] et la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM ;

Condamne M. [C] et la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM aux dépens ».

Statuant à nouveau :

Avant dire droit :

ordonner une mesure d'instruction,

ordonner à l'ARS et à la DIRECCTE la communication de toutes les informations relatives aux conditions de travail dans les mines, en particulier en ce qui concerne l'exposition au risque de l'inhalation de poussières de silice, pour la période de 1976 à 1997 et pour les postes de travail occupés par M. [C],

ordonner à l'AJE la production :

des attestations d'exposition de M. [C],

des comptes rendus de réunions des instances représentatives du personnel de 1976 à 2000, période d'emploi de M. [C],

des justificatifs de fourniture, à M. [C] personnellement, des équipements de protection efficaces et adaptés contre l'inhalation de poussières, pour chaque jour travaillé sur l'ensemble de la période d'emploi,

des justificatifs de l'information, faite à M. [C] personnellement, sur les dangers de la silice, les manières de s'en protéger et le caractère obligatoire du port des équipements individuels de protection,

des relevés d'empoussièrement de 1976 à 2000.

Sur le fond :

constater que les Houillères du Bassin de Lorraine et [5] ont manqué à l'obligation de sécurité à laquelle ils étaient tenus envers M. [C],

constater que ces employeurs, avaient ou auraient dû avoir conscience du danger,

constater que le manquement de ces employeurs, a participé à la survenance du dommage,

juger que les Houillères du Bassin de Lorraine et [5], aux droits desquels vient l'Agent Judiciaire de l'Etat, sont coupables d'une faute inexcusable à l'égard de M. [C],

condamner l'Assurance Maladie à payer à M. [C] la majoration de la rente (rappels d'arrérages et rentes à échoir),

condamner l'Assurance Maladie à appliquer la majoration en cas d'augmentation du taux d'incapacité en cas d'aggravation de l'état de santé de M. [C],

condamner l'Assurance Maladie à appliquer la majoration pour le calcul de l'éventuelle rente de conjoint survivant,

condamner l'Assurance Maladie à indemniser les autres préjudices de M. [C] :

préjudice moral : 40.000 euros,

souffrances physiques : 20.000 euros,

préjudice d'agrément : 20.000 euros,

préjudice sexuel : 20.000 euros,

réserver les droits de M. [C] relativement à l'indemnisation desdits préjudices en cas d'aggravation,

statuer sur ce que de droit relativement à l'action subrogatoire de la Caisse vis-à-vis de l'AJE,

condamner l'AJE à payer à M. [C] 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

condamner la Caisse et l'AJE aux frais et dépens de l'instance et d'exécution tant pour la première instance que pour l'appel,

rejeter toutes les demandes formées par les parties adverses à l'égard de M. [C].

Par conclusions datées du 16 octobre 2023, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, l'AJE demande à la cour de :

IN LIMINE LITIS :

débouter M. [C] de ses demandes formulées avant-dire droit,

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer dans son intégralité le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 23 juillet 2021 en ce qu'il a dit que la maladie professionnelle déclarée n'est pas due à la faute inexcusable de l'établissement [5],

PAR CONSEQUENT ET STATUANT A NOUVEAU :

débouter M. [C] et la CPAM de Moselle de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de l'AJE,

A TITRE SUBSIDIAIRE : si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue :

débouter l'appelant de ses demandes au titre d'un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées au titre d'un préjudice d'agrément et au titre d'un préjudice sexuel,

PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE :

réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

rejeter l'action récursoire de la Caisse au titre des sommes versées pour la majoration de la rente,

rejeter la demande d'article 700 du CPC,

dire n'y avoir lieu à dépens.

Par conclusions datées du 17 janvier 2023, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son représentant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM demande à la cour de :

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la sagesse du tribunal en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société [5] (AJE),

Et, le cas échéant :

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de la rente réclamée par M. [C],

prendre acte que la Caisse ne s'oppose pas à ce que la majoration de la rente suive l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [C],

constater que la Caisse ne s'oppose pas à ce que le principe de la majoration de la rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [C] consécutivement à sa maladie professionnelle,

donner acte à la Caisse qu'elle ne s'oppose pas à la désignation d'un médecin expert afin de déterminer l'étendue des préjudices extrapatrimoniaux subis par M. [C],

réserver les droits de la Caisse après dépôt du rapport d'expertise,

condamner l'employeur à rembourser à la Caisse les frais d'expertise qu'elle aura avancé,

rejeter la demande d'indemnisation complémentaire relative au préjudice d'agrément, préjudice esthétique, préjudices relatifs à l'assistance d'une tierce personne, préjudices liés à l'incidence professionnelle ; ces frais étant déjà couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale,

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la mise à charge de l'avance des sommes correspondants aux préjudices non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale,

dans l'hypothèse où cette avance serait mise à sa charge, la Caisse entend solliciter la condamnation de l'employeur et son assureur le cas échéant, au remboursement de l'intégralité des sommes qui seront avancées par ses soins,

si la demande d'expertise devait être rejetée, de donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux de M. [C],

le cas échéant, de rejeter toute éventuelle demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°25 de M. [C],

condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat intervenant pour le compte de la société [5] à rembourser à la Caisse les sommes qu'elle sera tenue de verser au titre de la majoration de la rente et de l'intégralité des préjudices ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE

SUR LA DEMANDE AVANT DIRE DROIT DE PRODUCTION DE PIECES

M. [C] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de production de pièces avant dire droit. Il souligne qu'un certain nombre d'éléments ne sont pas en sa possession, alors que l'ancien employeur désormais représenté par l'AJE en a connaissance et refuse de les produire. De même, l'ARS, le chef du service régional de l'inspection du travail et la [6] ont en leur possession des informations relatives aux conditions de travail, matériaux et outils utilisés dans les mines, et concernant les postes occupés par M. [C].

Il sollicite en conséquence, la production par l'AJE des pièces suivantes : attestation d'exposition le concernant ; comptes-rendus de réunions des instances représentatives du personnel de 1976 à 2000 (période d'emploi du salarié) ; justificatifs de la fourniture, à lui personnellement, des équipements de protection efficaces et adaptés contre l'inhalation des poussières, pour chaque jour travaillé sur l'ensemble de la période d'emploi ; justificatifs de l'information faite à lui personnellement, sur les dangers de la silice, les manières de s'en prémunir et le caractère obligatoire du port des équipements individuels de protection ; ainsi que les relevés d'empoussièrement de 1976 à 2000.

L'AJE sollicite le rejet de la demande formulée avant-dire droit par M. [C] au motif qu'il n'appartient pas à la juridiction de pallier les carences de l'appelant s'agissant de l'administration.

La caisse n'a pas pris position.

*******************

C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'il incombe au demandeur de rapporter la preuve que les conditions de la faute inexcusable, dont il sollicite la reconnaissance, sont réunies, de sorte qu'il lui appartient de verser aux débats les documents lui permettant de soutenir ses prétentions.

En l'espèce, la cour tirera toute conséquence de droit des seuls éléments produits au soutien des prétentions de chacun en fonction de la charge de la preuve qui leur incombe respectivement. Elle se référera aux pièces versées aux débats pour statuer.

Il n'y a pas lieu d'ordonner à l'AJE, ni à l'ARS, ni au chef du service régional de l'inspection du travail, ni à la [6], de produire les pièces sollicitées par M. [C].

La demande de M. [C] est en conséquence rejetée, le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR :

M. [C] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu que l'existence d'une faute inexcusable à l'encontre de l'employeur n'était pas établie. Il soutient que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis en l'espèce. Il allègue notamment que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque lié aux poussières de silice cristalline, du fait des connaissances scientifiques de l'époque, la silicose ayant été inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles par une ordonnance du 2 août 1945, de la réglementation applicable, de la taille de l'organisation et des moyens considérables dont disposait l'entreprise, mais qu'il s'est abstenu de mettre en 'uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d'information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.

L'AJE sollicite la confirmation du jugement entrepris et expose que si les Houillères du Bassin de Lorraine, devenues [5], avaient bien conscience du risque encouru par les salariés, ils ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger ces derniers des risques connus à chacune des époques de l'exploitation, tant sur le plan collectif qu'individuel. Il ajoute que les Houillères du Bassin de Lorraine, devenues [5], ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu'aucun défaut d'information ne peut leur être reproché.

Il critique la qualité des attestations des témoins ayant déposé en faveur de M. [C] en ce qu'elles sont, stéréotypées, imprécises, lacunaires, mais également en ce que les témoins ne justifient pas avoir travaillé directement avec M. [C]. L'AJE estime enfin que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et de ses témoins.

La caisse s'en remet à l'appréciation de la cour concernant l'établissement de la faute inexcusable.

***********************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s'apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l'avoir été par l'employeur aux périodes d'exposition au risque du salarié.

Sur l'exposition au risque :

L'AJE n'a pas contesté la condition tenant à l'exposition au risque de M. [C] en première instance, ni à hauteur d'appel.

Au contraire, il résulte de l'attestation établie par ses soins le 1er juillet 2015 qu'elle a reconnu l'exposition de M. [C] au risque du tableau n°25 A2 des maladies professionnelles entre le 30 août 1976 et le 30 novembre 1999, soit durant toute sa carrière au fond (pièce n°1 de l'appelant).

Partant, la condition tenant à l'exposition du salarié au risque du tableau n°25 A2 des maladies professionnelles est remplie.

Sur la conscience du danger par l'employeur :

L'AJE reconnaît que les Houillères du Bassin de Lorraine, devenues [5], avaient conscience du danger constitué par l'inhalation de poussières de silice et revendique même cette conscience dans ses écritures, de sorte que cette condition est également caractérisée.

Sur les mesures prises par l'employeur pour préserver le salarié :

Seules sont discutées l'existence et l'efficacité des mesures de protection individuelle et collective prises par l'employeur afin de préserver le salarié du danger auquel il était exposé, ainsi que la délivrance d'une information sur les risques encourus par le salarié lors de son activité professionnelle.

Ces mesures de protection sont déterminées par le décret n°51-508 du 04 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l'évacuation des poussières ou, en cas d'impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle.

L'article 187 dudit décret dispose que lorsque l'abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l'accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s'y opposer ou y remédier.

L'instruction du 30 octobre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) précises et devant être efficaces.

S'agissant des masques, on peut lire dans l'instruction de 1956 que « seuls les masques à pouvoir d'arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuelle ne saurait être admise en remplacement d'une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu'en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible ».

En l'espèce, il résulte du relevé de périodes et d'emplois de M. [C] (pièce n°1 de l'appelant) que ce dernier a travaillé au sein des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues les [5], du 30 août 1976 au 31 août 2000 aux postes suivants :

du 30/08/1976 au 31/12/1977 : apprenti-mineur (fond),

du 01/01/1978 au 05/11/1978 : boiseur de renforcement (fond),

du 06/11/1978 au 26/12/1978 : équipeur-déséquipeur (fond),

du 27/12/1978 au 31/01/1979 : boiseur de renforcement ' abatteur-boiseur (fond),

du 01/02/1979 au 31/03/1979 : ripeur soutènement marchant (fond),

du 01/04/1980 au 30/09/1982 : préparateur remblayeur hydraulique (fond),

du 01/10/1982 au 31/12/1985 : préposé entretien piles (fond),

du 01/01/1986 au 30/11/1988 : préposé entretien piles hydrauliques (fond),

du 01/12/1988 au 31/01/1989 : installateur taille ou traçage et voies (fond),

du 01/02/1989 au 31/05/1989 : conducteur engin déblocage taille (fond),

du 01/06/1989 au 31/12/1995 : préposé entretien piles hydrauliques (fond),

du 01/01/1996 au 30/11/1997 : hydraulicien confirmé taille exploitation (fond),

du 01/12/1997 au 27/09/1998 : chef équipe installateur taille (fond),

du 28/09/1998 au 30/11/1999 : préposé entretien piles hydrauliques (fond),

du 01/12/1999 au 31/07/2000 : préposé vestiaires bains douches (jour).

M. [C] produit les attestations rédigées par quatre anciens collègues de travail, à savoir MM. [O], [Z], [W] et [J] (pièces n°4a à 4d de l'appelant). Ces dernières ont été complétées par les témoins à hauteur d'appel.

L'AJE entend remettre en cause l'authenticité de ces témoignages en indiquant qu'il n'est pas possible d'établir la qualité de collègues de travail directs des témoins à défaut de relevé de carrière et que les attestations sont stéréotypées et générales.

La cour relève que les témoins allèguent avoir travaillé aux côtés de M. [C] :

M. [O] indique qu'il a connu M. [C] à partir de l'année 1982 au Puits Reumaux alors qu'ils étaient affectés dans les quartiers de longue taille, méthodes exploitation, plateure chassante et abattage mécanisé (pièce n°4a de l'appelant). Il précise qu'ils devaient s'occuper d'environ 190 à 200 piles hydrauliques.

M. [W] déclare qu'il a travaillé aux HBL de 1980 à 2004 et qu'il a connu M. [C] à partir de 1980, en étant affecté dans les mêmes chantiers « Irma, Ema, Frieda et Dona » (pièce n°4c de l'appelant).

M. [J] précise qu'il a travaillé aux HBL de 1977 à 2002 et a côtoyé M. [C] dans les mêmes chantiers du fond au Puits Reumaux, notamment les chantiers à attaques multiples, et les chantiers mécanisés (pièce n°4d de l'appelant).

Les témoignages susvisés, s'ils ne sont accompagnés d'aucun relevé de carrière, sont suffisamment précis pour démontrer que les témoins ont travaillé directement avec M. [C], dans la mesure où ils indiquent avoir effectué leur carrière aux côtés de M. [C] à compter de 1980, et délivrent des informations particulièrement détaillées et circonstanciées sur les tâches exécutées par l'appelant dans les différents chantiers, notamment lorsqu'il occupait le poste d'hydraulicien, ou lorsqu'il devait s'occuper des piles hydrauliques. Ces éléments établissent que les témoins et le salarié ont bien travaillé ensemble, sans que ces informations ne soient utilement contredites par l'AJE.

M. [Z] explique qu'il a travaillé aux HBL du 30 septembre 1978 au 15 mai 2005 et a côtoyé M. [C] jusqu'à la fin de sa carrière (pièce n°4b de l'appelant). Cependant, le témoin ne précise pas le Puits, ni les chantiers sur lesquels il aurait été amené à travailler aux côtés de l'appelant et ne donne pas davantage de détails sur les postes occupés. Ainsi en l'absence de relevé de carrière, il n'est pas possible d'établi que MM. [Z] et [C] ont bien travaillé ensemble.

En conséquence, seule la force probante des attestations rédigées par MM. [O], [W] et [J] sera retenue.

M. [O] expose que les masques respiratoires mis à disposition par l'employeur n'étaient pas suffisants puisqu'il se colmataient rapidement, en raison de la chaleur des quartiers charbon, de la transpiration, et des poussières, et les empêchaient de respirer normalement, ce qui les contraignaient à les jeter (pièce n°4a de l'appelant). Il indique que, lorsqu'il travaillait avec M. [C] en taille plateure à abattage mécanisé, la haveuse, de type électra 2000, générait une quantité très importante de poussières en raison de l'avancement de la taille par le foudroyage du soutènement marchant, étant précisé qu'il y avait environ 200 piles hydrauliques à foudroyer. Il précise que, lors de l'abattage du charbon, ce dernier tombait sur le convoyeur blindé de la taille et était acheminé vers un broyeur qui réduisait la taille des gros blocs de pierre, ce qui générait davantage de poussières. Il ajoute que, pour combler les vides à l'arrière de la taille, ils ne remblayaient pas les parties creuses et laissaient le toit s'effondrer, ce qui dispersait une importante quantité de poussières dans les galeries. Il insiste sur le fait que les duses à eau installées sur les différentes machines n'étaient pas suffisantes alors que cela ne suffisait pas pour diminuer la concentration importante de poussières en suspension constante dans l'atmosphère, et que, de surcroît, ce système de neutralisation des poussières se détériorait progressivement.

M. [W] déclare que la haveuse dégageait beaucoup de poussières en fonctionnant et confirme que le foudroyage dispersait des poussières (pièce n°4c de l'appelant). Il explique que le système d'arrosage sur le chapeau des piles hydrauliques devenait inutilisable au bout d'une semaine alors qu'une couche de 20 centimètres de poussières bouchait les duses, ce qui les rendait hors d'usage. M. [W] ajoute que d'autres problèmes altéraient le système d'arrosage, notamment les pompes qui tombaient régulièrement en pannes, des flexibles qui se rompaient'Le témoin relate que les masques mis à leur disposition ne comportaient pas de valves et se colmataient rapidement à cause des poussières fines, ainsi que de la chaleur ambiante et de la transpiration.

Il précise qu'ils devaient changer 6 à 10 fois de masques par poste, quand il n'y avait pas de rupture, ce qui était souvent le cas, la rupture se prolongeant sur plusieurs jours. M. [W] souligne que les mesures de l'empoussièrement n'étaient jamais effectuées dans les zones les plus saturées en poussières, et que les capteurs étaient déplacés lorsque les taux relevés étaient trop importants, ce qui falsifiait le résultat obtenu.

M. [J] confirme que l'environnement de travail était fortement empoussiéré. Il relate que le système d'arrosage présent sur la haveuse en tête de taille était réglé au minimum pour éviter une éventuelle dérive de la bande transporteuse en voie de base et qu'il était souvent à l'arrêt (pièce n°4d de l'appelant). Il précise que les masques fournis étaient conçus pour qu'ils puissent changer le filtre une fois par poste, lorsque ce dernier était colmaté, ce qui arrivait très rapidement dans l'atmosphère chargée en poussières. Le témoin indique qu'il pouvait leur arriver de passer leur filtre à l'air comprimé afin de le déboucher puisqu'ils n'avaient pas de filtre. Il ajoute que le clip « sautait de la fixation filtre », ce qui les empêchait de se servir du masque. M. [J] précise qu'à compter de 1985, l'employeur a mis à leur disposition des masques jetables mais que ces derniers se déformaient et se colmataient très rapidement à cause de l'humidité, de sorte qu'ils n'étaient plus étanches et laissaient passer les poussières.

Il résulte des témoignages circonstanciés qui précèdent, une absence de mise en place par l'employeur d'un moyen de protection collective efficace, laquelle résulte des propos des témoins qui indiquent tous que les chantiers du fond dégageaient d'importantes quantités de poussières dans l'air respiré, notamment lors du havage ou du foudroyage, ce qui confirme l'inefficacité des systèmes d'arrosage et de ventilation. De même, les témoins font état de l'inefficacité des masques respiratoires délivrés, en quantité insuffisante, par l'employeur, ces derniers n'étant pas adaptés aux conditions de travail difficiles des chantiers du fond et se bouchant rapidement en raison de la chaleur, de l'humidité et de l'environnement de travail fortement empoussiéré.

Ces témoignages ne sont pas utilement contestés par l'AJE qui ne verse aux débats aucun élément de nature à élever des doutes sur la sincérité de ces témoins et sur le caractère authentique des faits qu'ils relatent.

Si l'AJE indique dans ses écritures qu'elle a placé la santé de ses employés en tête de ses priorités en ne cessant de trouver des moyens pour améliorer le système d'arrosage, l'aération des galeries, et en mettant à la disposition des mineurs des masques de plus en plus efficaces, elle développe uniquement des considérations d'ordre général qui ne comportent aucun élément sur les conditions de travail concrètes de M. [C], ni sur la qualité des moyens de protection réellement mis à la disposition du salarié.

Aussi, l'ensemble des éléments qui précèdent confirment que l'employeur qui avait conscience du danger auquel M. [C] était exposé n'a pas pris les mesures nécessaires afin de protéger ce dernier des dangers liés à l'inhalation des poussières de silice, ceci alors qu'il n'a pas mis en place de mesures de protection collective (aération-arrosage) et individuelle (port du masque) suffisantes et efficaces.

Partant, il s'ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles dont souffre M. [C] doit être déclarée comme résultant de la faute inexcusable commise par l'employeur à son égard.

Le jugement entrepris sera donc infirmé quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE :

Sur la majoration de la rente

M. [C] demande la majoration de la rente suite à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

La CPAM s'en remet à la cour quant à la majoration sollicitée par M. [C]. Elle ajoute qu'elle ne s'oppose pas à ce que la majoration suive l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [C], ni à ce que le principe de la majoration reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de l'assuré consécutivement à sa maladie professionnelle.

L'AJE ne formule pas d'observations à ce titre dans ses écritures.

*******************

Aux termes de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l'article L.452-2, alinéas 1, 3 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l'article précédent [faute inexcusable de l'employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. ['] Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale. ['] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret ».

Il est constant que la caisse a notifié à M. [C], le 22 mars 2016, un taux d'incapacité permanente partielle de 5%. Par la suite, l'état de santé de M. [C] s'est aggravé et la caisse a révisé le taux d'incapacité permanente partielle à 10%, lui attribuant une rente annuelle d'un montant de 3.033,98 euros à compter du 11 janvier 2018.

Aucune discussion n'existe à hauteur de cour concernant la majoration au maximum de la rente versée à M. [C], par conséquent ladite indemnité sera majorée au maximum conformément aux conditions définies par l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, étant admis que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle résultant d'une aggravation de l'état de santé de M. [C], et que le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de l'assuré consécutivement à la maladie professionnelle dont il souffrait.

Cette majoration sera versée par la caisse directement à M. [C].

Sur les préjudices personnels de M. [H] [C]

Il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale qu'« indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. [...] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ».

Sur les souffrances physiques et morales

M. [C] sollicite l'indemnisation de ses préjudices comme suit : 40.000 euros au titre du préjudice moral, et 20.000 euros pour ses souffrances physiques.

L'AJE sollicite le rejet des demandes présentées par M. [C] en indiquant que ce dernier ne peut se prévaloir de l'existence de préjudices, physique et moral, antérieurs à la date de consolidation, dans la mesure où cette dernière coïncide avec la date du certificat médical initial, ceci d'autant qu'il ne produit aucun élément pour en justifier. L'AJE ajoute qu'il appartient à la victime qui se prévaut de souffrances physiques et morales postérieures à la date de consolidation de prouver ces dernières.

Il demande, à titre plus subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires présentées par M. [C].

La caisse s'en rapporte à la cour.

*******************

Comme indiqué, il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d'incapacité permanente défini à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n°21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.

Dès lors la victime est recevable en sa demande d'indemnisation des souffrances physiques et morales subies par elle sous réserve qu'elles soient caractérisées.

S'agissant des souffrances physiques subies par M. [C], ce dernier produit des pièces médicales (certificats médicaux, compte-rendu de scanner) (pièces n°3, 6 et 9 de l'appelant). Les certificats médicaux établis par les Docteurs [M] et [E], respectivement le 26 juillet 2017 et le 28 février 2019, permettent d'établir que les dyspnées d'effort dont souffre M. [C] se sont aggravés, alors qu'il s'essouffle rapidement pour des efforts peu importants. Le second certificat médical révèle que M. [C] est traité par aérothérapie trois fois par jour. Ces éléments permettent d'établir la réalité du préjudice physique dont se prévaut M. [C], ce dernier sera réparé par l'allocation d'un montant de 400 euros.

S'agissant du préjudice moral, M. [C] était âgé de 55 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint d'une silicose. Ses proches décrivent son anxiété liée au fait de se savoir atteint d'une maladie irréversible liée à l'inhalation de poussières de silice et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance.

Le préjudice moral est donc caractérisé en l'espèce et sera réparé par l'allocation d'une somme de 12.000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause, et à l'âge de M. [C] au moment de son diagnostic.

Sur le préjudice sexuel

M. [C] sollicite l'attribution d'une indemnité de 20.000 euros en réparation de son préjudice sexuel, cependant il ne fournit aucun élément pour en justifier.

Ainsi, en l'absence de tout élément de preuve, notamment médical, venant établir la réalité d'un tel préjudice, M. [C] sera débouté de sa demande.

Sur le préjudice d'agrément

L'indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu'il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d'une activité spécifique sportive ou de loisir qu'il lui est désormais impossible de pratiquer.

En l'espèce, M. [C] sollicite l'octroi d'une indemnité de 20.000 euros en réparation de son préjudice d'agrément, lequel n'est pas détaillé dans ses écritures.

L'AJE s'oppose à l'indemnisation du préjudice d'agrément en indiquant que M. [C] ne produit pas d'éléments susceptibles de justifier d'un tel préjudice.

La caisse s'en rapport à la sagesse de la cour.

********

Les proches de M. [C] indiquent que ce dernier aimait se promener, jardiner, pratique la natation, et faisait du vélo, mais qu'il n'est plus en mesure de s'adonner à ses loisirs depuis la découverte de sa pathologie. Cependant les attestations des proches de M. [C] sont insuffisantes à justifier d'une part de la régularité de la pratique par ce dernier, avant le diagnostic de sa maladie professionnelle, d'une activité spécifique sportive ou de loisirs, et d'autre part qu'il n'a plus été en capacité de l'exercer du fait de sa maladie.

Dès lors, M. [C] ne justifiant pas suffisamment de l'existence de ce préjudice, il doit être débouté de sa demande formée à ce titre.

SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE :

Aux termes de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, il apparaît « quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

En outre, les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d'indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L.452-3.

C'est donc vainement que l'AJE s'oppose à cette action récursoire de la caisse au titre de la majoration de la rente, au motif pris de l'absence de préjudice professionnel du fait du départ à la retraite de M. [C].

Dès lors, la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de l'AJE.

Par conséquent, l'AJE doit être condamné à rembourser à la CPAM de Moselle, les sommes qu'elle sera tenue d'avancer au titre de la majoration de la rente, ainsi que des préjudices extrapatrimoniaux subis par M. [C].

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

L'issue du litige conduit la cour à infirmer les dispositions du jugement entrepris ayant condamné M. [C] aux dépens de la première instance.

L'AJE sera condamné à verser 3.000 euros à M. [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance et à hauteur d'appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du 23 juillet 2021 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, sauf en ce qu'il a :

jugé recevable en la forme la demande de M. [H] [C] en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur,

déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM,

jugé que le caractère professionnel de la pathologie présentée par M. [H] [C] est démontré,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

DIT que la maladie professionnelle déclarée par M. [H] [C] inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur, l'EPIC [5], anciennement [7], aux droits duquel vient l'Agent judiciaire de l'Etat (AJE),

ORDONNE la majoration au maximum de la rente allouée à M. [H] [C] au titre de sa maladie professionnelle n°25 dans les conditions telles que définies à l'article L.452-2 alinéas 1 et 3 du code de la sécurité sociale,

ORDONNE à la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, de verser cette majoration directement à M. [H] [C],

DIT que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [H] [C] en cas d'aggravation de son état de santé due à sa maladie professionnelle du tableau n°25,

DIT qu'en cas de décès de M. [H] [C] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle du tableau n°25, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

FIXE l'indemnité en réparation du préjudice moral de M. [H] [C] à la somme de 12.000 euros (douze mille euros), et DIT que cette somme, qui portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision, devra être versée à M. [H] [C] par la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, et si besoin l'y CONDAMNE,

FIXE l'indemnité en réparation du préjudice physique de M. [H] [C] à la somme de 400 euros (quatre cents euros), et DIT que cette somme, qui portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision, devra être versée à M. [H] [C] par la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, et si besoin l'y CONDAMNE,

DEBOUTE M. [H] [C] de ses demandes au titre du préjudice sexuel et du préjudice d'agrément,

CONDAMNE l'AJE à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, les sommes, en principal et intérêts, qu'elle aura versées à M. [H] [C] au titre de la majoration de la rente et des préjudices extrapatrimoniaux de la victime, sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale,

CONDAMNE l'AJE à payer à M. [H] [C] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'AJE aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 ainsi qu'aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 21/02152
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;21.02152 ?
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