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14/05/2024 | FRANCE | N°10/04517

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 14 mai 2024, 10/04517


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 10/04517 - N° Portalis DBVS-V-B62-CYBS

Minute n° 24/00128





L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

C/

[L] ÉPOUSE [G]









Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 14 Septembre 2010, enregistrée sous le n° 07/1208 I





COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 14 MAI 2024
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APPELANT :



L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT ( AJE) venant aux droits et obligations de l'EPIC CHARBONNAGES DE FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 10/04517 - N° Portalis DBVS-V-B62-CYBS

Minute n° 24/00128

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

C/

[L] ÉPOUSE [G]

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 14 Septembre 2010, enregistrée sous le n° 07/1208 I

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 MAI 2024

APPELANT :

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT ( AJE) venant aux droits et obligations de l'EPIC CHARBONNAGES DE FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE :

Madame [D] [L] épouse [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 09 Novembre 2023, l'affaire été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 14 Mai 2024.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère

Mme FOURNEL, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne- Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La commune de [Localité 2] (Moselle) se situe dans une zone soumise à des mouvements de sol, conséquence de l'industrie minière exploitée à cet endroit des années 1977 à 2003, par l'établissement public industriel et commercial (EPIC) Les Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), sous la direction et coordination nationale de l'EPIC Charbonnages de France (CDF).

La commune de [Localité 2], qui comptait 912 habitants et 344 logements au recensement de 1999, est particulièrement affectée par les affaissements miniers, puisque le village se trouve au centre de [6] de [Localité 5] Nord lequel a par ailleurs été exploité selon la technique du foudroyage, sans étaiement ni comblement.

Le village s'est ainsi affaissé d'une hauteur comprise entre trois et quinze mètres depuis les débuts de l'exploitation minière et à la date du 31 décembre 2011, dans le périmètre de cette commune, avaient déjà été effectuées soixante-dix-huit opérations dites de « relevage » et soixante-huit démolitions de bâtiments publics et privés en lien avec des dommages miniers.

Mme [D] [L] épouse [G] est propriétaire d'une maison à usage d'habitation édifiée en 1983 au [Adresse 1].

Entre 1987 et 2000, l'EPIC HBL a accepté de prendre en charge des travaux de réfection de la maison de M. et Mme [G], après dénonciation par ces derniers de divers dommages liés à l'activité minière.

Par arrêté du 24 février 2004, la dissolution de l'EPIC HBL a été prononcée et l'ensemble de ses activités, biens, droits et obligations a été transféré de plein droit à l'EPIC Charbonnages de France.

Estimant que les désordres subis par son immeuble étaient imputables aux mouvements de sol liés à l'activité minière, Mme [G] a saisi le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (ci-après le fonds de garantie) instauré par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, aux fins de réparation de ses préjudices.

Le cabinet d'expertise Texa, mandaté par le fonds de garantie dans le cadre de cette procédure, a rendu un rapport relevant une pente maximum de 5,87 mm/m constatée le 7 février 2005 au sein de l'immeuble.

Le 10 mars 2006, Mme [G] a accepté l'indemnisation du fonds de garantie établie conformément aux termes du rapport Texa, soit la somme de 13 167 euros en réparation de l'aggravation de la pente entre le 1er septembre 1998 et le 07 février 2005 et la somme de 21 609 euros en réparation des désordres constatés.

Afin d'obtenir réparation intégrale de ses préjudices, Mme [G] a, par acte du 10 mai 2007, assigné l'EPIC Charbonnages de France, venant aux droits de l'EPIC HBL, devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines afin de le voir condamné, sur le fondement des articles 75-1 et 75-3 du code minier, à l'indemniser des sommes suivantes :

35 999 euros à titre d'indemnisation de la pente affectant son immeuble déduction faite de l'indemnisation versée par le fonds de garantie,

10 000 euros au titre d'un trouble de jouissance,

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'EPIC Charbonnage de France a soulevé l'irrecevabilité de l'action de Mme [G] sur les fondements du défaut de qualité à agir et de la prescription puis a sollicité une mesure d'expertise judiciaire.

Par décret n°2007-1806 du 21 décembre 2007, la liquidation de l'EPIC Charbonnages de France a été prononcée à compter du 1er janvier 2008.

Par arrêté du 27 décembre 2007, M. [C] [O] a été nommé liquidateur de l'EPIC Charbonnages de France.

Par jugement du 14 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Sarreguemines a :

condamné l'EPIC Charbonnages de France représenté par son liquidateur [C] [O] à payer avec exécution provisoire à Mme [G] 23 399 euros au titre de la perte de valeur de l'immeuble situé [Adresse 1], outre la somme déjà versée par le fond de garantie, 800 euros au titre du préjudice de jouissance et 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties du surplus de leurs conclusions,

condamné l'EPIC Charbonnages de France représenté par son liquidateur [C] [O] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Mme [G] produisait un extrait du Livre Foncier, de sorte que l'exception soulevée par l'EPIC Charbonnages de France pour défaut de droit à agir devait être écartée.

Ensuite, il a considéré que les effondrements miniers étaient des phénomènes évolutifs qui tendaient vers une consolidation, de sorte que la prescription de l'action en responsabilité contre l'exploitant de la mine ou de ses ayants droit ne courait qu'à compter d'une telle consolidation sous réserve de la connaissance de l'existence du dégât ouvrant droit à l'action. Il a estimé que l'EPIC Charbonnages de France n'apportait pas d'élément suffisant pour démontrer que la consolidation serait acquise dix-huit mois à deux ans après la cessation de l'exploitation comme il le soutenait et qu'il n'établissait pas que l'effondrement de la parcelle de Mme [G] aurait cessé dix ans avant l'assignation.

Le tribunal a en outre rejeté la demande d'expertise de l'EPIC Charbonnages de France en estimant que ce dernier n'avait pas mis à profit la durée de l'instance pour apporter d'autres éléments d'appréciation des préjudices invoqués et que l'expertise réalisée par le cabinet Texa avait été régulièrement produite et soumise au débat contradictoire, de sorte qu'il pouvait l'utiliser pour fixer une indemnisation.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 13 décembre 2010, l'EPIC Charbonnages de France représenté par son liquidateur M. [O] a régulièrement interjeté appel de ce jugement aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation.

Mme [G] a formé appel incident par voie de conclusions et sollicité l'infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance quant au quantum de l'indemnisation allouée.

Par ordonnance du 14 avril 2011, le premier président de la cour d'appel de Metz a prononcé le sursis à l'exécution provisoire du jugement.

Par ordonnance du 05 juin 2012, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise introduite par l'EPIC Charbonnages de France représenté par son liquidateur M. [O] au motif qu'il n'était pas compétent pour trancher une question litigieuse qui avait fait l'objet du jugement dont appel et qui devait par conséquent être soumise à la cour. Le déféré formé contre cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt de cette cour du 20 novembre 2012 et le pourvoi formé contre cette décision a également été déclaré irrecevable par arrêt de la cour de cassation du 30 janvier 2014.

Par conclusions du 09 juin 2015, l'EPIC Charbonnages de France représenté par son liquidateur M. [O] a notamment demandé à la cour de :

annuler le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

dire et juger que le document « descriptif des dommages » établi par Texa lui est inopposable,

avant-dire droit,

ordonner une expertise judiciaire confiée à tel expert immobilier qu'il plaira à la cour de désigner ;

subsidiairement,

débouter Mme [G] de toutes demandes, fins et conclusions,

eu égard aux circonstances de la cause, condamner Mme [G] aux entiers dépens et à lui verser la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 09 mars 2015, Mme [G] a formé un appel incident en demandant notamment à la cour de :

débouter l'EPIC Charbonnages de France de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions tant irrecevables que subsidiairement mal fondés,

rejeter en particulier la demande d'expertise judiciaire,

infirmer le jugement déféré,

vu les dispositions des articles 75-1 et 75-3 du code minier,

dire et juger que l'EPIC Charbonnages de France est tenu par l'effet de la loi d'indemniser les exposants du préjudice de pente et de jouissance affectant leur immeuble,

constater qu'il résulte du rapport sur l'indemnisation des dégâts miniers que l'EPIC Charbonnages de France a indemnisé le fonds de garantie au titre de la subrogation en se fondant sur les montants payés aux sinistrés sur la base du rapport Texa et en vertu de la subrogation ouverte par la loi,

dire et juger irrecevable subsidiairement mal fondée la contestation de l'opposabilité du rapport Texa en raison même de ce paiement subrogatoire au profit du Fonds de garantie,

condamner l'EPIC Charbonnages de France à lui payer la somme de 57 841 euros au titre de l'indemnisation de la pente et la somme de 12 000 euros au titre du trouble de jouissance soit la somme de 69 841 euros avec les intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur la somme de 23 399 euros et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus,

subsidiairement en cas d'expertise,

condamner l'EPIC Charbonnages de France à lui payer la somme de 46 560,66 euros à titre de provision avec intérêts au taux légal à compter du jugement dont appel subsidiairement de l'arrêt à intervenir,

condamner l'EPIC Charbonnages de France aux dépens de première instance et d'appel, de référé sursis Premier Président ainsi qu'au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 22 octobre 2015, la première chambre de la cour d'appel de Metz a notamment :

rejeté la demande d'annulation du jugement,

avant dire droit sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir,

invité Mme [G] à produire dans le cadre de la présente instance ses titres de propriété concernant l'immeuble situé [Adresse 1],

avant-dire droit sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réparation,

avant-dire droit sur les autres prétentions,

ordonné une expertise et commis : M. [S] [N], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Metz, pour y procéder, avec pour mission de :

se rendre sur les lieux, [Adresse 1], et visiter l'immeuble de Mme [G] en présence des parties ou de leurs mandataires ou ceux-ci régulièrement convoqués,

dire si l'immeuble se trouve dans une zone affectée par l'exploitation minière du sous-sol par les HBL, ou à proximité, en donnant toutes informations utiles sur cette exploitation,

relever les désordres affectant l'immeuble,

dire, pour chaque désordre, s'il a une cause minière, même partielle, et en ce cas préciser si possible la date d'apparition du désordre et celle à laquelle il a été définitivement constitué, c'est à dire le moment à partir duquel il n'a plus connu d'aggravation notable, ou s'il est encore susceptible de varier en importance,

déterminer en présence d'un dommage d'origine minière consolidé, si les occupants de l'immeuble ont été à même de le déceler ou s'il n'était devenu manifeste, pour une personne normalement attentive et sans qualifications techniques en la matière, que par les mesures de pente ou constats faits par des techniciens, en indiquant la date à laquelle ils ont été portés à la connaissance du propriétaire et/ou des occupants de l'immeuble,

établir pour chaque désordre réparable un état descriptif quantitatif des travaux de réfection, en chiffrer le coût, déterminer la nature des troubles de jouissance qui peuvent en résulter et proposer les éléments permettant d'indemniser intégralement ces éventuels troubles,

dire si, après réalisation des travaux de réfection, il existe des dommages résiduels (perte de valeur de l'immeuble, inconvénients d'utilisation des lieux...) qui restent à compenser et donner tous éléments d'appréciation pour aboutir à une réparation intégrale,

proposer une évaluation de la moins-value affectant actuellement l'immeuble en raison de désordres mineurs non réparables qui ne nuisent pas à la destination de l'immeuble,

donner toutes indications utiles pour parvenir à la réparation intégrale de tous types de préjudices annexes qui viendraient à être constatés,

établir un pré-rapport et répondre aux dires des parties à lui adresser dans le délai qu'il leur fixera,

dit que l'expert déposera au greffe son rapport définitif dans un délai maximum de 1 an à compter de l'avertissement donné par le greffe que la consignation a été faite,

dit que le contrôle de la mesure d'expertise sera assuré par M. Hittinger, président de la première chambre, et en cas d'empêchement de celui-ci, par tout autre magistrat de cette chambre,

fixé à la somme de 3 760 euros à valoir sur la rémunération de l'expert le montant que l'EPIC les Charbonnages de France devra consigner ;

rejeté la demande de provision,

réservé les dépens et la décision sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Pour se déterminer ainsi, la cour a tout d'abord considéré que l'erreur de fait commise par les premiers juges sur la valeur de la pente de l'immeuble et sur le montant de l'indemnisation accordée par le fonds de garantie est sans incidence sur la validité du jugement, étant relevé que l'effet de l'appel est de remettre en cause devant la cour l'appréciation du préjudice effectuée par le tribunal.

Elle a indiqué que l'action en responsabilité des dommages causés à un immeuble appartenait au propriétaire du bien au moment où le dommage survient et n'est pas inhérent à l'immeuble, de sorte qu'il ne se transmet pas au nouveau propriétaire en cas de cession. Elle a ensuite relevé que Mme [G] produisait par erreur les documents relatifs à la propriété de l'immeuble [Adresse 1]. S'agissant d'une fin de non-recevoir susceptible d'être régularisée en cours de procédure conformément à l'article 126 du code de procédure civile, elle en a déduit qu'il appartiendrait à Mme [G] d'établir sa qualité de propriétaire.

Elle a également constaté que l'EPIC Charbonnages de France ne concluait pas sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action mais qu'il sollicitait l'infirmation du jugement dans les motifs de ses dernières conclusions, tout en réservant sa faculté de conclure après le dépôt du rapport d'expertise qu'il sollicitait. Elle a estimé qu'il convenait donc de réserver sa décision concernant la prescription de son action en indemnisation.

La cour a également relevé qu'elle ne disposait pas en l'état d'élément pour statuer sur la réalité des dommages, leur imputabilité à l'exploitation minière et par conséquence l'engagement de la responsabilité sans faute de l'EPIC Charbonnages de France mais uniquement du rapport émanant du cabinet d'expertise Texa mandaté par le fonds de garantie. Or, elle a estimé que cette seule expertise ne lui permettait pas de trancher le litige car il y manquait les explications sur les méthodes et bases d'évaluation, sur l'origine minière des dommages. Elle a observé que cette expertise avait été réalisée en 2005 et elle a considéré que les données recueillies n'étaient plus actuelles alors même qu'il incombe au juge d'apprécier le montant du préjudice au moment où il statue. Elle a enfin relevé que l'EPIC Les Charbonnages de France n'avait pas été appelé à assister aux opérations, de sorte qu'elle ne peut exclusivement se fonder sur ce rapport d'expertise non judiciaire.

La cour a enfin estimé que les éléments d'appréciation de la responsabilité sans faute de l'EPIC Charbonnage de France que sont l'existence de dommages au bien, le lien de causalité avec l'exploitation minière et les réparations à mettre à la charge de l'ancien exploitant le cas échéant, rendaient nécessaire l'intervention d'un technicien.

Enfin, elle a considéré qu'aucun texte ne l'autorisait à condamner une partie au versement d'une provision.

Le 11 décembre 2017, M. [N] a rendu son rapport d'expertise.

Le 31 décembre 2017, la liquidation de l'EPIC Charbonnages de France a été clôturée. Conformément à l'article 1er du décret du 21 décembre 2007, les droits et obligations de l'EPIC Charbonnages de France ont été transférés à la clôture de la liquidation à l'Etat intervenant par le biais de son Agent Judiciaire (ci-après dénommé AJE).

Par mention au dossier du 9 octobre 2023, le ministère public auquel le dossier de la procédure avait été communiqué s'en est rapporté à la sagesse de la cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 24 avril 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'Agent Judiciaire de l'Etat, au visa notamment des articles 9 et 564 du code de procédure civile et des articles 75-1 et 75-3 du code minier en leurs versions applicables à l'espèce, demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et particulièrement ce qu'il a rejeté les demandes en irrecevabilité formée par CDF concernant la qualité à agir de Mme [G], condamné CDF à lui verser pour l'immeuble du [Adresse 1] la somme de 23 399 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de valeur de l'immeuble, outre la somme déjà versée par le Fonds de garantie, la somme de 800 euros au titre du préjudice de jouissance et la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et en ce qu'il a rejeté les autres demandes ;

Et statuant à nouveau :

À titre principal,

Déclarer irrecevables les demandes de Mme [L]-[G] en tant que dirigées à l'encontre de l'agent judiciaire de l'État, venant aux droits et obligations de l'EPIC Charbonnages de France, comme prescrites, comme se heurtant à l'exception de transaction et comme nouvelles ;

Subsidiairement,

Débouter Mme [L]-[G] de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l'encontre de l'AJE ;

En tout état de cause,

Condamner Mme [L]-[G] aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

Condamner Mme [L]-[G] à verser à l'AJE la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 

En premier lieu, au soutien de sa demande d'irrecevabilité, l'AJE se prévaut de la prescription décennale en application de l'article 2270-1 du code civil, soutenant ainsi que les demandes de Mme [G], pour des faits dont la survenance est antérieure à l'année 1997, soit dix années avant la date d'assignation, ne sont pas recevables car prescrites. L'AJE rappelle que l'EPIC HBL, après avoir été contacté par les consorts [G], est intervenu dix-huit fois sur l'immeuble de Mme [G] entre 1987 et 2000 et il en déduit que les dommages étaient donc connus d'elle depuis 1987.

L'AJE soulève également l'exception de transaction survenue avec le fonds de garantie. Pour s'en prévaloir, l'AJE soutient, au visa des articles L. 421-3 et L. 421-17 du code des assurances et de l'article 31 du code de procédure civile, que l'indemnisation versée par le fonds de garantie et acceptée par Mme [G] avait été allouée en réparation intégrale et définitive de son préjudice. L'AJE ajoute que la transaction avait pour effet de subroger le fonds de garantie dans ses droits de sorte que Mme [G], bénéficiaire de l'indemnisation du fonds de garantie, n'a désormais plus qualité ni intérêt à agir sur la période postérieure au 1er septembre 1998.

L'AJE expose encore que la demande de relevage présentée par Mme [G] est nouvelle à hauteur de cour et ainsi irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur le principe même de l'indemnisation l'AJE conteste les calculs de pente et de coût des réparations effectués par l'expert judiciaire, les désordres relevés par ce dernier, ainsi que la solution retenue et sollicitée par Mme [G]. L'AJE se prévaut des articles L.155-3 et L. 155-6 du code minier et expose que l'indemnisation doit intervenir dans des conditions normales et donc être économiquement et techniquement justifiée sans dépasser la valeur vénale du bien. L'AJE affirme en outre que le barème d'indemnisation utilisé par le fonds de garantie ne peut lui être imposé.

S'agissant du préjudice de jouissance, l'AJE avance, outre l'absence de démonstration de son existence par Mme [G] faute pour elle d'aborder en quoi l'usage du bien est altéré, que la réparation de ce préjudice est comprise dans l'indemnisation allouée au titre de la pente qui prend en compte la gêne qu'elle occasionne.

Par conclusions déposées le 11 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [G] demande à la cour de :

Débouter l'AJE aux droits de CDF aux droits des HBL de l'ensemble de ses moyens, fins, conclusions et demandes ;

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Sarreguemines le 14 septembre 2010 en que le tribunal a condamné CDF à payer à Mme [G] les sommes de 23 399 euros, 800 euros et 600 euros et a débouté Mme [G] du surplus de ses demandes ;

Vu les dispositions des articles 75-1 et 75-3 du code minier et l'article L 155-3 du code minier,

Juger que l'AJE est responsable des désordres des dégâts miniers de l'immeuble de Mme [G] et tenu par l'effet de la loi d'indemniser les exposants du préjudice de jouissance et du préjudice matériel affectant leur immeuble ;

Juger qu'il résulte du rapport d'indemnisation des dégâts miniers que CDF a indemnisé le FGAO au titre de la subrogation en se fondant sur les montants payés aux sinistrés sur la base du rapport Texa et en vertu de la subrogation ouverte par la loi ;

Juger mal fondée la contestation de l'opposabilité du rapport Texa en raison même de ce paiement subrogatoire au profit du FGAO ;

Condamner l'AJE aux droits de CDF à payer à Mme [D] [G] la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice de jouissance et la somme de 113 268,60 euros au titre de son préjudice matériel soit un total de 213 268,60 euros avec les intérêts au taux légal à compter du jugement soit la somme de 23 399 euros et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus ;

Subsidiairement,

Condamner l'AJE à payer à [D] [G] née [L] la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice de jouissance et la somme de 196 500 euros - 21 609 euros TTC (FGAO) = 174 894 euros au titre du préjudice matériel soit un total de 274 894 euros avec les intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris soit la somme de 23 339 euros et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus ;

Condamner l'AJE aux dépens de première instance et d'appel, de référé sursis Premier Président ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'article 1343-2 du code civil,

Prononcer la capitalisation des intérêts sur toutes les condamnations qui seront prononcées par l'arrêt de la cour d'appel de Metz à intervenir. 

Au soutien de ses prétentions, Mme [G] allègue justifier de sa qualité de propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 1] dans lequel elle habite.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, Mme [G] rétorque que les désordres à l'origine de ses préjudices ont un caractère évolutif et que, selon l'expert, la pente n'a cessé de s'aggraver qu'à compter de 2005.

S'agissant de l'exception de transaction, Mme [G] soutient que la quittance subrogative signée auprès du fonds de garantie mentionnait que l'acceptation de l'indemnisation n'était pas exclusive du recours direct de l'acceptant contre l'exploitant minier. Mme [G] expose également avoir accepté l'indemnisation du fonds de garantie à titre de provision et que son quantum ne permettait pas une réparation intégrale de sorte qu'elle conserve un intérêt à agir en réparation de son préjudice subsistant.

Sur le fond, Mme [G] expose que l'emploi du barème d'indemnisation utilisé par le fonds de garantie présente les avantages d'uniformité et d'objectivité que ne comporte pas celui anciennement utilisé par l'EPIC HBL qu'elle considère comme partial et inéquitable. Mme [G] s'estime en tout état de cause fondée à réclamer la réparation intégrale de son préjudice et justifie les différences entre les calculs de coût de réparation de l'expert et sa demande par l'augmentation du coût des matériaux.

Mme [G] expose en outre que la déclivité de l'immeuble, aussi minime soit-elle, génère une gêne pour l'occupant et doit être réparée et que ce préjudice n'a pas été indemnisé par le fonds de garantie dans la mesure où sa mission se limitait à la réparation des préjudices matériels.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la qualité à agir de Mme [G]

L'article 32 du code de procédure civile dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dans le dispositif de ses prétentions, l'AJE demande l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a rejeté sa fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir mais dans le corps de ses écritures, il ne motive pas cette irrecevabilité alléguée.

De plus, le dispositif du jugement contesté ne comprend pas de chef relatif à une quelconque fin de non-recevoir.

En tout état de cause, suite à l'arrêt avant-dire-droit du 22 octobre 2015, Mme [G] verse aux débats un extrait du Livre Foncier daté du 8 mars 2007 ainsi que l'avis d'imposition à la taxe foncière de 2011 qui établissent qu'elle était alors bien la propriétaire de l'immeuble situé [Adresse 1].

En conséquence et y ajoutant, la cour rejette la fin de non-recevoir tirée de la qualité à agir.

II- Sur la prescription des prétentions de Mme [G]

L'article 2270-1 du code civil, dans sa version en vigueur du 16 juin 1998 au 19 juin 2008, applicable au présent litige, dispose que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

Lorsque les affaissements miniers ne sont pas instantanés mais évoluent progressivement, le dommage immobilier en résultant n'est manifeste dans toute son ampleur qu'à compter de la stabilisation des terrains.

Admettre la position de l'Agent Judiciaire de l'Etat selon laquelle chaque désordre constaté ferait partir un nouveau délai de prescription, l'aggravation d'un dommage plus de dix années après sa manifestation initiale ouvrant un nouveau délai de prescription de dix ans pour la seule aggravation mais n'ayant pas pour effet de rouvrir un nouveau délai pour le dommage initial aurait pour conséquence de faire obstacle au principe de la réparation intégrale des dommages.

En effet, une maison d'habitation peut demeurer habitable au début de l'évolution du phénomène d'affaissement puis devenir finalement inhabitable du fait de la déclivité accrue de l'immeuble.

Il s'en déduit que le point de départ de la prescription pour l'indemnisation des dommages consécutifs à des affaissements miniers se situe à la date de stabilisation des terrains. Le cours du délai décennal est toutefois susceptible de report à la date à laquelle le titulaire du droit à réparation a pris connaissance de la réalité du dommage et de son ampleur.

En l'espèce, il résulte des énonciations du rapport d'expertise de M. [N] que la première mesure de pente, par les HBL elles-mêmes, est intervenue le 11 février 2003 à hauteur de 4,88 mm/m (pente maximum). Par la suite, le 7 février 2005, le cabinet Texa a fait mesurer la pente maximum à 5,87 mm/m et lors des opérations d'expertise judiciaire le 27 octobre 2016, la pente maximum a été mesurée à 6 mm/m.

L'expert judiciaire a indiqué que la date d'apparition de cette pente était impossible à donner avec précision mais que compte tenu des relevés altimétriques effectués par le BGRM (bureau de recherches géologiques et minières) à proximité de l'habitation [G] entre 1975 et 2015, il est probable que le développement de la pente coïncide avec le début de la construction de la maison en 1983 et qu'elle s'est aggravée peu à peu, l'époux de Mme [G] ayant informé les HBL de désordres dès 1987.

L'examen des relevés altimétriques des points situés à proximité de l'immeuble confirment une baisse particulièrement marquée du point 4638 à la fin de la décennie 1980 et une stabilisation vers 2005 seulement (annexe 27 du rapport d'expertise).

Ainsi, il doit être considéré que le terrain d'assise de la maison d'habitation de Mme [G] est stabilisé depuis le 7 février 2005, date à laquelle le cabinet Texa a mesuré l'inclinaison de l'immeuble, que c'est à cette date que Mme [G] pouvait avoir connaissance de la réalité et de l'étendue de son dommage, peu important le fait que l'EPIC HBL soit intervenu sur son immeuble à plusieurs reprises depuis l'année 1987 pour des réparations liées à des dégâts miniers.

Il convient donc de fixer au 7 février 2005 le point de départ du délai de prescription pour agir en indemnisation.

Or, Mme [G] a assigné l'EPIC Charbonnages de France en indemnisation dès le 10 mai 2007, de sorte que ses demandes n'apparaissent pas prescrites.

En conséquence, la cour rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription et déclare non prescrites les prétentions de Mme [G].

III- Sur l'exception tirée de l'existence d'une transaction avec le Fonds de garantie

L'article L.421-17 du code des assurances dispose que :

« I.- Toute personne propriétaire d'un immeuble ayant subi des dommages, survenus à compter du 1er septembre 1998, résultant d'une activité minière présente ou passée alors qu'il était occupé à titre d'habitation principale est indemnisée de ces dommages par le fonds de garantie. Toutefois, lorsque l'immeuble a été acquis par mutation et qu'une clause exonérant l'exploitant minier de sa responsabilité a été valablement insérée dans le contrat de mutation, seuls les dommages visés à l'article L. 155-5 du code minier subis du fait d'un sinistre minier au sens dudit article, constaté par le représentant de l'Etat, sont indemnisés par le fonds.

II.- L'indemnisation versée par le fonds assure la réparation intégrale des dommages visés au I, dans la limite d'un plafond. Lorsque l'ampleur des dégâts subis par l'immeuble rend impossible la réparation de ces désordres, la réparation intégrale doit permettre au propriétaire de l'immeuble sinistré de recouvrer dans les meilleurs délais la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents. Si ces dommages font l'objet d'une couverture d'assurance, l'indemnisation versée par le fonds vient en complément de celle qui est due à ce titre.

III.- Toute personne victime de tels dommages établit avec le fonds de garantie un descriptif des dommages qu'elle a subis. Le montant des indemnités versées par le fonds est mentionné au descriptif. Lorsque le montant de ces indemnités est inférieur à un montant précisé par décret en Conseil d'Etat, la victime est présumée avoir subi les dommages mentionnés au descriptif et les indemnités versées par le fonds de garantie sont présumées réparer lesdits dommages dans les conditions du II, si une expertise a été réalisée par un expert choisi par le fonds de garantie. Ces présomptions sont simples. En tout état de cause, le montant des indemnités versées à la victime lui reste acquis.

IV.- Sauf stipulations plus favorables, les indemnisations du fonds doivent être attribuées aux personnes victimes de tels dommages dans un délai de trois mois à compter de la date de remise du descriptif des dommages ou de la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, du constat de sinistre minier du représentant de l'Etat prévu au second alinéa de l'article L. 155-5 du code minier.

V.- Le fonds de garantie est subrogé dans les droits des personnes indemnisées à concurrence des sommes qu'il leur a versées ».

En premier lieu, il sera rappelé que le fonds de garantie indemnise uniquement les dommages survenus ou aggravés depuis le 1er septembre 1998 et concernant des résidences principales, de sorte que pour les dommages survenus antérieurement et/ou concernant des résidences secondaires, les propriétaires concernés n'ont d'autre choix que d'actionner l'exploitant minier.

En second lieu, même pour les dommages survenus postérieurement au 1er septembre 1998, les dispositions précitées selon lesquelles le fonds de garantie est subrogé dans les droits des personnes indemnisées à concurrence des sommes qu'il leur a versées, n'interdisent aucunement au bénéficiaire d'une indemnité versée par le fonds de garantie de rechercher la responsabilité de l'exploitant minier, s'il considère que les sommes allouées par le fonds sont insuffisantes.

Ainsi dans l'hypothèse où la cour ferait droit aux prétentions de Mme [G], il conviendrait seulement de déduire de l'indemnisation les sommes déjà allouées par le fonds et qui feraient double emploi avec celles allouées par la présente juridiction.

En conséquence, la cour rejette l'exception soulevée par l'agent judiciaire de l'Etat en raison de la transaction conclue le 29 août 2006 entre Mme [G] et le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages.

IV- Sur le caractère nouveau des demandes de Mme [G] devant la cour

L'article 564 du code de procédure civile dispose que :

« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

L'article 565 précise que : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».

L'article 566 précise que : « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

Il est exact qu'en première instance, Mme [G] sollicitait seulement la somme de 35 999 euros à titre d'indemnisation de la pente et la somme de 10 000 euros au titre d'un trouble de jouissance, sans précision concernant une éventuelle indemnité de relevage.

Néanmoins, l'indemnité de relevage a pour objectif la mise en 'uvre des travaux qui supprimeront la pente affectant l'immeuble. Elle vise donc à réparer les désordres consécutifs aux mouvements de sol résultant de l'exploitation minière.

Elle apparaît ainsi manifestement comme étant une demande complémentaire aux prétentions initiales et recevable à ce titre, conformément à l'article 566 précité.

Y ajoutant, la cour déclare donc recevables sur le fondement de l'article 566 du code de procédure civile les prétentions de Mme [G].

V- Sur l'opposabilité du rapport du cabinet Texa

Mme [G] demande à la cour de juger mal fondée la contestation par l'AJE de l'opposabilité du rapport TEXA en raison même du paiement subrogatoire au profit du FGAO.

Néanmoins, l'AJE ne présente plus de demande d'inopposabilité de ce rapport.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

VI- Sur la nature des désordres et leur imputabilité à l'activité minière

L'article 75-1 du code minier, dans sa version en vigueur du 31 mars 1999 au 1er mars 2011, applicable au présent litige, dispose que :

« L'explorateur ou l'exploitant, ou à défaut le titulaire du titre minier, est responsable des dommages causés par son activité. Il peut toutefois s'exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d'une cause étrangère.

Cette responsabilité n'est pas limitée au périmètre du titre minier ni à la durée de validité du titre.

En cas de disparition ou de défaillance du responsable, l'Etat est garant de la réparation des dommages mentionnés au premier alinéa ; il est subrogé dans les droits de la victime à l'encontre du responsable ».

L'article 75-1 du code minier est devenu l'article L.155-3 du même code avec un principe identique de responsabilité de plein droit de l'exploitant minier.

Il résulte des éléments versés aux débats et notamment les énonciations du rapport d'expertise de M. [N] que :

la maison, construite en 1983, est bien concernée par l'exploitation minière, car se trouvant à 287 mètres de la zone d'exploitation et à cinq mètres de la faille St-Nicolas ; lors de la construction les HBL ont d'ailleurs accepté de prendre en charge des travaux de renforcement des fondations ;

la première mesure de pente, par les HBL elles-mêmes, est intervenue le 11 février 2003 à hauteur de 4,88 mm/m (pente maximum). Par la suite, en février 2005, le cabinet Texa a fait mesurer la pente maximum à 5,87 mm/m et pendant les opérations d'expertise judiciaire le 27 octobre 2016 cette pente a été mesurée à 6 mm/m ; si l'AJE conteste la fiabilité du relevé établi le 7 février 2005 par le cabinet Texa car non contradictoire, il sera observé que ce relevé semble cohérent avec celui effectué par l'expert judiciaire et les autres éléments techniques présents à la procédure, notamment l'observation des courbes d'évolution de l'altimétrie à proximité de l'immeuble ;

l'Agent Judiciaire de l'Etat ne verse pas aux débats la norme NF P04-002 du mois de décembre 1985 dont il affirme qu'elle admet un écart de 30 mm par rapport au plan idéal ; Mme [G] indique pour sa part que les DTU y compris anciens (DTU 21 09/84 et 52-1 10-85) retiennent une tolérance de pente de 2 mm/m. Si elle ne produit pas cette norme, cette allégation est confirmée par le fonds de garantie dans sa note du 4 février 2011 selon laquelle aucune indemnisation n'est susceptible d'être allouée lorsque la pente n'excède pas 2 mm/m. Toujours selon ce document, une maison d'habitation est considérée comme économiquement inhabitable en l'absence d'aménagements spécifiques à 20 mm/m soit 2% ; enfin, il résulte du barème des HBL que cette entreprise était susceptible d'accorder une indemnité de pente dès lors qu'une des mesures atteignait ou excédait 3 mm/m et que l'octroi d'une indemnité de relevage ou le rachat de l'immeuble était envisageable si l'une des pentes atteignait 30 mm/m. Il s'en déduit qu'une déclivité d'un immeuble au-delà de 2 mm/m constitue bien un désordre ;

les énonciations du rapport d'expertise judiciaire établissent que dans la cave, le poteau principal est fissuré au niveau de l'appui de la poutre, le dallage aussi est fissuré ; au rez-de-chaussée, quelques carreaux sont fissurés dans la circulation derrière la cuisine ainsi que certaines marches de l'escalier ; en façade une fissure horizontale au niveau de l'allège de fenêtre est visible ; en façade latérale gauche une fissure verticale est visible en partie centrale et une autre à l'angle ; en façade latérale droite une fissure horizontale s'est développée à hauteur de la dalle, deux autres sont verticales.

Suite aux dires des parties, M. [N] a confirmé l'origine minière de ces désordres ainsi que la nécessité de régler l'ensemble des menuiseries de l'immeuble, impactées par la pente et qui devront de toute façon être vérifiées après les travaux de réparation.

L'expert judiciaire a également listé les réparations prises en charge par les HBL dès l'année 1987 au titre des dégâts miniers affectant l'immeuble [G].

Enfin il sera rappelé que le cabinet Texa, mandaté par le fonds de garantie, attribuait aussi les désordres constatés en 2005 chez Mme [G] à l'activité minière et que l'AJE ne conteste pas le fait que l'EPIC Charbonnages de France a remboursé au fonds de garantie les dépenses engagées au profit de l'immeuble [G].

En conséquence, l'Agent Judiciaire de l'Etat, qui échoue à rapporter la preuve d'une cause étrangère aux désordres affectant l'immeuble [G] à savoir la pente affectant l'immeuble et les fissures, doit être déclaré responsable de ces désordres.

VII- Sur la réparation des désordres

a- Les modalités de la réparation des dommages

Le principe en matière de responsabilité civile est celui de la réparation intégrale de la victime sans perte ni profit.

Il appartient à la victime de faire la démonstration des préjudices qu'elle invoque.

Par ailleurs, la détermination des préjudices relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Enfin, il sera aussi rappelé que les indemnisations forfaitaires sont prohibées (voir par exemple (Cass. 3e civ., 23 mars 2010, n° 09-11.873) et que la victime dispose librement des indemnités qui lui sont allouées.

En ce qui concerne plus particulièrement l'indemnisation des dommages miniers, l'article L.155-6 (anciennement 75-3) du code minier, dans sa version en vigueur depuis le 1er mars 2011, dispose que :

« L'indemnisation des dommages immobiliers liés à l'activité minière présente ou passée consiste en la remise en l'état de l'immeuble sinistré. Lorsque l'ampleur des dégâts subis par l'immeuble rend impossible la réparation de ces désordres dans des conditions normales, l'indemnisation doit permettre au propriétaire de l'immeuble sinistré de recouvrer dans les meilleurs délais la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents ».

Il s'en déduit que lorsque l'immeuble n'est plus susceptible d'être remis en état dans des conditions normales, l'indemnisation doit correspondre à sa valeur de remplacement et non pas au coût de démolition, d'aménagement et de reconstruction à neuf de l'immeuble sinistré (sur ce point voir par exemple Cass. 3e Civ., 17 février 2010, pourvoi n° 09-15.269).

Contrairement à ce que soutient Mme [G], ce n'est pas l'ampleur de la pente et la gravité des désordres qui justifient une indemnisation du préjudice matériel à hauteur de la valeur de remplacement de leur immeuble, mais éventuellement le coût excessif des réparations par rapport à cette valeur de remplacement.

La valeur de remplacement peut être supérieure à la valeur vénale de l'immeuble mais en l'espèce, les intimés évoquent exclusivement la valeur vénale sans jamais évoquer la valeur de remplacement. C'est donc la valeur vénale de l'immeuble qui servira de référence en l'espèce.

Il sera observé que l'intimée réclame à titre principal le « relevage » de son immeuble. Le relevage correspond à l'exécution de travaux lourds, confiés à une entreprise spécialisée consistant à reprendre les fondations et/ou à placer sur ces fondations si celles-ci sont stables des niches en maçonnerie permettant de corriger la déclivité. Le relevage doit donc permettre de supprimer la pente qui affecte la maison.

S'agissant de la position de l'agent judiciaire de l'Etat quant aux modalités d'indemnisation, il soutient, au visa de l'article 75-3 ancien du code minier, que l'indemnisation pour mise en pente de l'immeuble ne peut excéder la valeur vénale du bien.

Mais d'une part, l'article L.155-3 précité fait exclusivement référence aux frais de réparation de l'immeuble, en imposant au juge de comparer le coût des réparations à la valeur de remplacement de l'immeuble sinistré, sans qu'il ne soit question de soumettre le préjudice de jouissance à un quelconque plafond.

D'autre part, le principe de la réparation intégrale de la victime, sans perte ni profit, doit également s'appliquer en matière de dommages miniers.

Dans ces conditions, le préjudice de jouissance subi par les occupants doit être réparé distinctement des dommages matériels qu'ils ont subis.

S'agissant de l'indemnité de pente réglée par le fonds de garantie, elle s'analyse, selon la réponse des services du Premier Ministre, comme une indemnité visant à compenser, soit la perte de valeur d'un bâtiment du fait de la pente, si son propriétaire souhaite la vendre, soit la gêne occasionnée par la pente, si le propriétaire continue de l'occuper (JO du Sénat 17 avril 2003, question écrite n°4566). Il s'agit donc, dans ces deux hypothèses, d'un préjudice immatériel.

Ainsi, l'indemnisation allouée par le fonds ne se limitait pas à la réparation des préjudices matériels et il conviendra de déduire cette indemnité de pente des sommes effectivement allouées à Mme [G] au titre de l'indemnité de jouissance.

De plus, la pente prise en considération sera la pente maximum figurant dans le rapport d'expertise de M. [N]. Il n'y a pas lieu de calculer, comme le faisait l'EPIC Charbonnages de France, une moyenne des trois pentes relevées dans l'immeuble, car ce calcul aurait nécessairement pour effet de minorer la déclivité subie à certains endroits de la maison.

La cour observe aussi que le barème mis en place par le fonds de garantie pour les habitants de [Localité 2] et des environs ne peut pas être retenu, dès lors que pour tenir compte de son intervention à compter du 1er septembre 1998 seulement, l'indemnisation de l'aggravation de la pente était modulée en fonction de la pente pré-existante.

Indépendamment donc de tous « barèmes » utilisés par le fonds de garantie ou les Houillères du bassin de Lorraine, le préjudice immatériel sera fixé comme pour n'importe quelle victime en considération de la gêne subie (préjudice de jouissance au sens strict) ou de la perte de loyers occasionnée ou de la dépréciation de la valeur du bien révélée lors d'une cession.

Enfin, si l'AJE fait valoir que les indemnités demandées portent sur des solutions réparatoires « techniquement et économiquement injustifiées », ce qui pourrait s'analyser comme étant une demande de contrôle de proportionnalité, il sera observé que les désordres miniers subis dans le secteur de [Localité 2] s'expliquent par une technique d'extraction utilisée sans précaution, à savoir le foudroyage sans remblaiement, ce dont il est résulté un affaissement inéluctable des terres. L'AJE n'est donc pas un débiteur de bonne foi (sur ce point voir par exemple Cass. 3e Civ., 6 juillet 2023, pourvoi n° 22-10.884).

En définitive, l'indemnisation sera déclinée selon les modalités suivantes :

réparation du préjudice matériel : indemnisation à hauteur de la valeur vénale de l'immeuble si le montant des réparations de l'immeuble quelle que soit la nature des réparations excède ce montant ;

réparation du préjudice immatériel : indemnisation en fonction de l'importance de la pente et de la durée de la gêne occasionnée (préjudice de jouissance au sens strict) ou de la perte de loyers occasionnée ou de l'importance de la dépréciation du bien consécutive aux dommages et révélée lors d'une cession.

b- Le cas d'espèce de la maison de Mme [G]

Au titre de son préjudice matériel et en se prévalant du rapport d'expertise judiciaire déposé par M. [N], Mme [G] réclame en premier lieu la somme de 134 877,60 euros, correspondant aux travaux de relevage avec une majoration de 30% par rapport à l'estimation de M. [N] et à titre subsidiaire, la somme de 196 500 euros correspondant à la valeur vénale de l'immeuble selon l'estimation de M. [N]. Dans les deux cas elle propose de déduire des sommes dues l'indemnité reçue du Fonds de garantie.

Sur les modalités de réparation, M. [N] a préconisé des travaux de relevage avec quelques travaux annexes type réfection des façades abîmées par les fissures et réglage des menuiseries.

L'expert judiciaire a chiffré le coût de ces opérations de relevage à la somme de 103 752 euros TTC, frais de maîtrise d''uvre inclus.

Il a précisé que ces travaux nécessiteront des sondages géotechniques préalables ainsi qu'une étude statistique mais que la maison avait été construite de façon à pouvoir être relevée, avec notamment un chaînage en partie basse, de sorte que le relevage ne posera pas de difficultés techniques particulières.

Il a indiqué qu'une partie des travaux qu'il recommande avaient déjà été prévus par le Fonds de garantie qui les a indemnisés et qu'il faut donc déduire de ce descriptif la somme de 21 609 euros versée par le fonds au titre des réparations.

En revanche, l'AJE ne peut pas soutenir que les fissures sur carrelage et sur la façade auraient déjà été indemnisées par les HBL en 1987 et 1998, sans que les réparations correspondantes n'aient été effectuées, dès lors qu'il résulte de l'historique de l'immeuble figurant dans le rapport d'expertise que les HBL ne réglaient qu'après vérification des factures de réparation. Les dommages observés par M. [N] ne sont donc pas identiques à ceux déjà pris en charge par l'EPIC HBL.

L'Agent Judiciaire de l'Etat fait grief à l'expert judiciaire d'avoir également retenu des frais au titre de la réfection des murs et du réglage des menuiseries intérieures et extérieures, mais le relevage est une opération de réparation conséquente qui implique des frais de réparation annexes et de finition et il convient par ailleurs de réparer les désordres autres que la déclivité de l'immeuble.

Par ailleurs, à aucun moment l'AJE ne démontre que des travaux de réparation plus légers et moins onéreux permettraient de réparer intégralement le préjudice de la victime.

Sur le coût des réparations tel que chiffré par l'expert, les sommes mises en compte par l'expert judiciaire apparaissent cohérentes avec les prix habituellement pratiqués dans le secteur de la construction.

Surtout, les parties elles-mêmes n'ont pas produit au cours des opérations d'expertise judiciaire de devis ou autres justificatifs susceptibles de démontrer que l'expert judiciaire aurait mal apprécié le coût des travaux nécessaires.

La demande de majoration présentée par Mme [G] sera écartée en l'absence de pièces justificatives suffisantes, étant observé par ailleurs que l'intéressée ne sollicite pas l'indexation des sommes dues en fonction de l'indice BT01 du coût de la construction.

Il y a donc lieu de retenir l'estimation faite par M. [N] et d'évaluer le coût des réparations nécessaires à la somme de 89 143 euros (travaux de relevage + frais de maîtrise d''uvre pour 103 752 euros TTC ' 21 609 euros au titre de l'indemnité perçue du fonds + la somme de 7 000 euros pour les frais annexe type location d'un garage et relogement pendant les travaux).

M. [N] estime à 196 500 euros la valeur vénale de l'immeuble, soit la moyenne de deux calculs reposant sur la surface habitable et la surface « corrigée ». Le cabinet Texa avait retenu en 2005 une valeur vénale de 212 205 euros, mais en fonction d'une surface développée hors 'uvre pondéré plus importante que celle retenue par M. [N] (258,51 m2 au lieu de 229 m2).

Selon la fiche descriptive 3035 des services fiscaux versée aux débats par l'AJE, la superficie développée pondérée hors 'uvre d'un immeuble est calculée à partir de la superficie bâtie (c'est-à-dire de la superficie couverte au sol par la construction), murs extérieurs compris, puis affectée d'un coefficient particulier tenant compte de l'usage et de la structure de chaque niveau.

L'AJE conteste l'évaluation de l'expert judiciaire et celle effectuée par le cabinet Texa au motif que la valeur vénale que M. [N] détermine correspond à la moyenne de deux calculs reposant sur des bases très différentes, à savoir la surface habitable et la surface « corrigée ». L'appelant soutient qu'il convient de retenir, pour calculer la valeur vénale de l'immeuble, la surface habitable ou surface utile à savoir la surface de plancher construite après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches, cages d'escaliers, gaines, plutôt que la superficie développée pondérée hors 'uvre d'un immeuble calculée à partir de la superficie bâtie (c'est-à-dire de la superficie couverte au sol par la construction), murs extérieurs compris, puis affectée d'un coefficient particulier tenant compte de l'usage et de la structure de chaque niveau (fiche 3035 des services fiscaux).

Mais la fiche descriptive précitée se contente de recenser les principales méthodes d'évaluation, en soulignant que les plus couramment retenues sont le prix au mètre carré de superficie développée pondérée hors 'uvre (SDPHO) et le prix au mètre carré de « superficie utile » ou « habitable », sans préconiser de méthode à privilégier.

Dans ces conditions, la référence faite par l'AJE à l'article R.156-1 du code de la construction et de l'habitation, qui définit les règles de calcul de la surface et du volume habitable d'un logement, est inopérante.

Enfin M. [B], expert judiciaire intervenu dans le cadre des litiges en cours devant le tribunal judiciaire de Sarreguemines, a évalué à 1 000 euros le prix du mètre carré hors 'uvre pondéré dans le secteur de Rosbruck, Grosbliederstroff et Alsting. Il est exact que le prix du mètre carré hors 'uvre pondéré retenu par M. [B] intègre la valeur du terrain, laquelle n'est pas prise en considération par M. [N] mais cette exclusion n'est pas pertinente, dès lors que la valeur de remplacement d'un immeuble doit être évaluée en prenant en compte son terrain d'assise sans lequel il ne peut être vendu.

Il sera relevé que selon le critère de référence proposé par M. [B], la valeur vénale de l'immeuble pourrait être fixée à la somme de 229 000 euros (229 m2 x 1 000 euros).

En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en considération les frais de démolition pour apprécier la valeur vénale de l'immeuble.

En définitive il y a lieu de retenir la valeur vénale proposée par l'expert judiciaire à savoir 196 500 euros.

Au regard des critères d'évaluation de l'article L.155-6 (anciennement 75-3) du code minier, et de la comparaison entre le coût des réparations estimé par M. [N] et la valeur vénale de l'immeuble, la réparation de l'immeuble apparait possible dans des conditions normales, en privilégiant les opérations de relevage chiffrées à titre principal à hauteur de 103 752 euros.

Le préjudice matériel est donc fixé à la somme de 89 143 euros (travaux de relevage + frais de maîtrise d''uvre pour 103 752 euros TTC ' 21 609 euros au titre de l'indemnité perçue du fonds + la somme de 7 000 euros pour les frais annexe type location d'un garage et relogement pendant les travaux).

S'agissant du préjudice de jouissance résultant de la déclivité de l'immeuble, la cour a exposé dans un précédent paragraphe que la déclivité d'un immeuble qui excède 2 mm/m constitue bien un désordre et qu'il résulte du barème des HBL que cette entreprise était susceptible d'accorder une indemnité de pente dès lors qu'une des mesures atteignait ou excédait 3 mm/m.

Il s'en déduit que la gêne résultant dans la mise en pente de l'immeuble était réelle même si la déclivité atteignait 6 mm/m seulement et qu'une pente de 6 mm/m correspond à une déclivité perceptible qui perturbe la vie quotidienne dans l'habitation. Lors de la première réunion d'expertise, les époux [G] ont d'ailleurs évoqué un inconfort lié à la pente de la construction.

La première mesure de pente, par les HBL, est intervenue le 11 février 2003 à hauteur de 4,88 mm/m (pente maximum). Par la suite, en février 2005, le cabinet Texa a fait mesurer la pente maximum à 5,87 mm/m et lors des opérations d'expertise judiciaire le 27 octobre 2016, la pente maximum a été confirmée à 6 mm/m. L'expert judiciaire a toutefois confirmé que la date d'apparition de la pente était bien antérieure, M. [G] ayant sollicité les HBL pour des désordres miniers dès l'année 1987.

La demande au titre du préjudice de jouissance présentée par Mme [G] apparaît donc justifiée depuis le 10 mai 1997 jusqu'à la date du prononcé de la présente décision.

Le trouble de jouissance de 100 000 euros demandé par Mme [G] correspond à une demande annuelle d'environ 3 703 euros.

Au vu des explications des parties et des pièces produites, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à la somme de 500 euros par an le préjudice de jouissance subi par Mme [G]. Le préjudice de jouissance pour la période allant du mois de mai 1997 au mois de mai 2024 peut être évalué à la somme de 13 500 euros (500 x 27 ans).

Il convient toutefois d'imputer sur le poste préjudice de jouissance la somme de 13 167 euros versée par le fonds de garantie pour indemniser la pente survenue ou aggravée entre le 1er septembre 1998 et le 17 janvier 2005, dès lors que cette indemnité avait précisément pour objectif de réparer la gêne occasionnée par la pente, c'est-à-dire le préjudice de jouissance.

Ainsi la somme de 333 euros reste due au titre du préjudice de jouissance de Mme [G].

Ainsi, la cour :

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'EPIC Charbonnages de France représenté par son liquidateur [C] [O] à payer avec exécution provisoire à Mme [G] la somme de 23 399 euros au titre de la perte de valeur de l'immeuble sis [Adresse 1] et la somme de 800 euros au titre du préjudice de jouissance ;

et statuant à nouveau,

condamne l'Agent Judiciaire de l'Etat à payer à Mme [G] la somme de 89 143 euros au titre du préjudice matériel et la somme de 333 euros au titre du préjudice de jouissance, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur la somme de 24 199 euros et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus ;

ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil (article 1154 ancien) ;

VIII- Sur les dépens et les frais irrépétibles

La cour confirme le jugement rendu le 14 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Sarreguemines en ce qu'il a condamné l'EPIC Charbonnages de France représenté par son liquidateur [C] [O] aux dépens et à payer à Mme [G] la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile mais rappelle que l'Agent Judiciaire de l'Etat se substitue désormais à l'EPIC Charbonnages de France.

La cour condamne l'agent Judiciaire de l'Etat qui succombe aux dépens de l'appel, y compris les frais de l'expertise judiciaire et ceux de la procédure de référé devant le premier président.

Pour des considérations d'équité, il devra aussi payer la somme de 3 000 euros à Mme [G] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir soulevée par l'Agent Judiciaire de l'Etat ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par l'Agent Judiciaire de l'Etat ;

Rejette l'exception soulevée par l'Agent Judiciaire de l'Etat en raison de la transaction conclue le 29 août 2006 entre Mme [D] [L] épouse [G] et le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages ;

Déclare recevables sur le fondement de l'article 566 du code de procédure civile les prétentions de Mme [D] [L] épouse [G] ;

Confirme le jugement rendu le 14 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Sarreguemines en ce qu'il a condamné l'EPIC Charbonnages de France aux dépens et à payer à Mme [D] [L] épouse [G] la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme en ce qu'il a condamné l'EPIC Charbonnages de France à payer à Mme [D] [L] épouse [G] la somme de 23 399 euros au titre de la perte de valeur de l'immeuble situé [Adresse 1] et la somme de 800 euros au titre du préjudice de jouissance;

Statuant à nouveau,

Juge l'Agent Judiciaire de l'Etat venant aux droits de l'EPIC Charbonnages de France responsable des dégâts miniers affectant l'immeuble de Mme [D] [L] épouse [G] au [Adresse 1] ;

Condamne l'Agent Judiciaire de l'Etat à payer à Mme [D] [L] épouse [G] la somme de 89 143 euros au titre du préjudice matériel et la somme de 333 euros au titre du préjudice de jouissance, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur la somme de 24 199 euros et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil (article 1154 ancien) ;

Y ajoutant,

Condamne l'Agent Judiciaire de l'Etat aux dépens de l'appel qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire confiée à M. [N] et les frais du référé devant le premier président ;

Condamne l'Agent Judiciaire de l'Etat à payer à Mme [D] [L] épouse [G] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10/04517
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;10.04517 ?
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