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30/04/2024 | FRANCE | N°21/02479

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 30 avril 2024, 21/02479


Arrêt n° 24/00152



30 avril 2024

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N° RG 21/02479 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FTDI

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

16 septembre 2021

20/00210

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Trente avril deux mille vingt quatre







APPELANT :



M. [B]

[M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Thomas BECKER, avocat au barreau de SARREGUEMINES







INTIMÉES :



Association UNEDIC délégation CGEA AGS de [Localité 4] prise en la personne de son représentant l...

Arrêt n° 24/00152

30 avril 2024

---------------------

N° RG 21/02479 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FTDI

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

16 septembre 2021

20/00210

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Trente avril deux mille vingt quatre

APPELANT :

M. [B] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Thomas BECKER, avocat au barreau de SARREGUEMINES

INTIMÉES :

Association UNEDIC délégation CGEA AGS de [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Yaël CYTRYNBLUM, avocat au barreau de SARREGUEMINES

SELAS [R] ET ASSOCIES prise en la personne de Me [Z] [R] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL C SERVICES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Yaël CYTRYNBLUM, avocat au barreau de SARREGUEMINES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 septembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, en présence de Mme Kely SOARES DE CARVALHO, greffière stagiaire

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [M] a été embauché à compter du 1er juillet 2014 par la société C'Services en exécution d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet en qualité de chauffeur livreur VL.

Estimant que son contrat de travail devait être résilié aux torts exclusifs de son employeur, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Forbach par requête introductive d'instance du 21 septembre 2020.

La société C'Services a été placée en liquidation judiciaire le lendemain par jugement rendu par le tribunal judiciaire de Sarreguemines le 22 septembre 2020, qui a désigné la SAS [R] et Associés en qualité de liquidateur.

M. [M] a été licencié pour motif économique par un courrier adressée le 23 octobre 2020 par le liquidateur.

Par jugement contradictoire du 16 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Forbach a statué comme suit :

« Dit que la rupture du contrat de M. [M] est intervenue d'un commun accord par acceptation du CSP ;

Fixe la créance de M. [M] à l'égard de la société C'Services, représentée par Maître Daniel Koch, membre de la SELAS [R] et Associés, en sa qualité de mandataire liquidateur, à la somme de 1 221,63 euros brut au titre des primes de nuit sous astreinte de 50 euros jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du présent jugement ;

Se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ;

Dit que le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce ;

Déclare le présent jugement opposable au CGEA AGS de [Localité 4] et dit qu'il ne sera tenu de garantir les sommes allouées à M. [M] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail ;

Condamne la société C'Services, représentée par Maître Daniel Koch, membre de la SELAS [R] et Associés, en sa qualité de mandataire liquidateur, à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Compte tenu de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, déboute le demandeur du surplus de ses demandes ;

Condamne la société C'Services, représentée par Maître Daniel Koch, membre de la SELAS [R] et Associés, en sa qualité de mandataire liquidateur, aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire pour les dispositions du présent jugement qui ne bénéficient pas de l'exécution provisoire de droit prévue par l'article R. 1454-28 du code du travail, étant précisé que la moyenne des trois derniers mois de salaire brut s'élève à 1539,45 euros ».

Par déclaration transmise par voie électronique le 11 octobre 2021, M. [M] a régulièrement interjeté appel.

Par ses conclusions d'appel déposées par voie électronique le 6 janvier 2022, M. [M] demande à la cour de statuer comme suit :

« Infirmant partiellement le jugement entrepris et le confirmant pour le surplus ;

Fixer la créance de M. [M] au passif de la société C'Services à :

- 1 221,63 euros brut au titre des primes de nuit ;

- 3 330,01 euros brut à titre d'indemnité de repos compensateur ;

- 455,16 euros brut au titre des indemnités de congés payés y afférentes ;

Prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Par conséquent,

Fixer la créance de M. [M] au passif de la société C'Services à :

- 3 234,29 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 3 232,84 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 323,28 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 3 427,24 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 11 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la SAS [R] et Associés ès qualité de liquidateur de la SARL C'Services aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au règlement d'une indemnité de 2 400 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dire et juger le jugement commun et opposable à l'AGS-CGEA. ».

M. [M] expose que depuis son embauche l'employeur n'a jamais respecté la réglementation applicable au temps de travail et à la rémunération. Il explique que la société C'Services l'a soumis à des amplitudes horaires contraires aux dispositions légales et conventionnelles et qu'elle lui a imposé un mode de rémunération détaché du temps de travail effectif, en ne lui versant ni les repos compensateurs, ni l'intégralité des heures effectuées de nuit.

Il déclare qu'il travaillait toutes les semaines selon un horaire constant et accomplissait ainsi 27 heures de travail de nuit hebdomadaire. Il ajoute qu'il a effectué un total de 328,08 heures supplémentaires au-delà du contingent de 2017 à 2020.

M. [M] fait valoir que la société C'Services a gravement manqué à l'exécution de ses obligations contractuelles en s'abstenant de lui payer les repos compensateurs, de se conformer au minimum conventionnel et de s'acquitter de l'intégralité des primes de travail de nuit. Il soutient qu'en raison desdits manquements de l'employeur, il est en droit de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail et le paiement des sommes en découlant.

Par ses conclusions en date du 30 mars 2022, la SELAS [R] et Associés en sa qualité de liquidateur de la société C'Services demande à la cour de statuer comme suit :

« Vu l'appel interjeté par M. [M] ;

Dire et juger son appel mal fondé ;

Vu l'appel incident ;

Dire et juger l'appel incident recevable et bien fondé ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. [M] la somme de 1 221,63 euros brut au titre des primes de nuit ;

Le confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes ;

Dire et juger que son contrat de travail a été rompu d'un commun accord par acceptation du CSP;

Débouter M. [M] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur ;

Dire et juger que le salarié a été rempli de ses droits ;

Mettre les entiers frais et dépens à sa charge. »

Le liquidateur réplique que M. [M] reconnaît que des majorations de salaire pour heures de travail de nuit lui ont été rémunérées dans le cadre de l'établissement de ses bulletins de salaire.

Il souligne que les attestations, non probantes, produites par le salarié ne peuvent confirmer ses allégations quant aux heures de travail exécutées, alors que leurs auteurs n'ont pas été les témoins directs des heures réalisées au quotidien par M. [M].

Le liquidateur déclare qu'il appartient au salarié de préciser la réalité des circonstances dans lesquelles il était amené à effectuer des heures durant la nuit, ainsi que le quantum desdites heures.

Il rappelle que M. [M] a renoncé au bénéfice de ses repos compensateurs en demandant à être rémunéré sur la base des heures réellement effectuées avec paiement des heures supplémentaires. Il indique que c'est la raison pour laquelle les bulletins de salaire de M. [M] font apparaître une rémunération au titre des heures majorées à 25 et 50 %.

S'agissant de la résiliation du contrat de travail, le liquidateur rétorque que le salarié a réceptionné les bulletins de paie, lesquels mentionnent explicitement le montant des versements effectués tant au titre des heures de nuit que des heures supplémentaires. Il insiste sur le fait qu'aucune contestation n'a été émise par le salarié et que les manquements reprochés ne l'ont pas empêché de continuer à travailler pour le compte de l'employeur.

Le liquidateur rappelle que le contrat de travail de M. [M] a été rompu par l'acceptation du bénéfice du CSP (Contrat de Sécurisation Professionnelle). L'intimé ajoute que le salarié a été rempli de ses droits en percevant les indemnités adéquates.

Il fait valoir que M. [M] ne fait état d'aucune difficulté de réinsertion professionnelle. Il précise que dans le cadre du licenciement économique, l'appelant a pu bénéficier d'une prise en charge améliorée au titre de l'allocation de sécurisation professionnelle laquelle équivaut à 75% de son salaire journalier de référence.

Par conclusions déposées par voie électronique le 1er avril 2022, l'Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 4] demande à la cour de statuer comme il suit :

« Vu l'appel interjeté par M. [M] ;

Dire et juger son appel mal fondé ;

Vu l'appel incident ;

Dire et juger l'appel incident recevable et bien fondé ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. [M] la somme de 1 221,63 euros brut au titre des primes de nuit ;

Le confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes ;

En conséquence ;

Dire et juger que son contrat de travail a été rompu d'un commun accord par acceptation du CSP;

Débouter M. [M] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur ;

Dire et juger que le salarié a été rempli de ses droits ;

Mettre les entiers frais et dépens à sa charge ;

Dire et juger que la garantie de l'AGS n'a vocation à s'appliquer que dans les limites des dispositions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail ;

Dire et juger qu'au regard du principe de subsidiarité, le CGEA AGS ne doit sa garantie qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective ;

Dire et juger que le CGEA AGS ne garantit que les montants dus au titre de l'exécution du contrat de travail ;

Dire et juger que le CGEA AGS ne garantit pas les montants alloués au titre de l'article 700 du code de procédure civile ni même les astreintes ;

Dire et juger qu'en application des dispositions de l'article L.621-48 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective ;

Dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail. »

L'AGS-CGEA de [Localité 4] rejoint l'argumentation du liquidateur et sollicite le rejet des prétentions de M. [M] en soutenant qu'il a été rempli de ses droits.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les primes d'heures de nuit

Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

M. [M] soutient qu'il exécutait 27 heures de nuit par semaine et que l'employeur ne lui a pas rémunéré l'ensemble de ces heures. Il chiffre le montant lui restant dû à 1 221,63 euros brut pour la période allant des mois de septembre 2017 à juillet 2020.

A l'appui de sa prétention, M. [M] verse aux débats :

- quatre attestations d'anciens collègues de travail (ses pièces n° 2 à 5) ;

- un tableau récapitulatif des heures de travail effectuées entre septembre 2017 et juillet 2020 (sa pièce n°7) ;

- ses bulletins de salaire de janvier 2017 à août 2020 (sa pièce n° 1).

Ces données sont suffisamment précises pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres données.

Le CGEA observe à juste titre que les attestations produites par l'appelant ont été rédigées par des personnes qui ne travaillaient pas directement avec M. [M] au sein de la société C'Services, et que leur contenu est identique au point que les attestations comportent toutes la même erreur selon laquelle M. [M] effectuait un total de 41 heures par semaine « depuis 2013 », alors que le salarié a été embauché à compter du 1er juillet 2014 par la société C'Services.

Si ces observations altèrent la valeur probante de ces éléments produits par le salarié, la seule contestation par l'employeur du nombre d'heures de nuit exécutées par M. [M] ne peut suffire à démontrer la réalité du temps de travail effectué durant la durée de la relation de travail, qui aurait pu être démontrée par les résultats d'un mode de contrôle qu'il lui incombait de mettre en place.

L'employeur se contente de s'opposer au principe de la créance en soutenant que le salarié n'a formé aucune réclamation quant aux heures de nuit qui lui ont été rémunérées, mais il ne développe aucune contestation précise sur le détail du calcul des primes de nuit opéré par le salarié.

Par conséquent, en l'absence de tout élément produit par l'employeur permettant d'établir que M. [M] a été rémunéré de l'intégralité des heures de travail effectuées de nuit, la cour retient que la demande en paiement d'une compensation financière à hauteur de 20% pour les heures effectuées de nuit est fondée.

Ainsi, le différentiel entre le montant réglé par l'employeur au titre des heures exécutées et le montant dû s'élève à 1 221,63 euros brut. Le jugement entrepris est confirmé sur ce point, et il est alloué à M. [M] la somme de 122,16 euros brut au titre des congés payés afférents à ce montant.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a assorti la fixation du montant restant dû au salarié au titre des primes de nuit d'une astreinte, puisque la fixation ne vaut pas condamnation pécuniaire.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

L'article L.3121-30 du code du travail dispose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

L'article D.3121-23 du code du travail dispose que « le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il n'ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il avait droit ou avant qu'il ait acquis les droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. (...) Cette indemnité a le caractère de salaire ».

En l'espèce, M. [M] précise qu'il a effectué 328,08 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel applicable, lequel est fixé à 195 heures. Il justifie de son calcul dans un décompte annuel (sa pièce n°8).

L'employeur et le CGEA contestent les prétentions du salarié en leur principe et soutiennent que M. [M] a renoncé au bénéfice de ses droits en matière de repos compensateurs en signant un formulaire dactylographié intitulé '' attestation'' et comportant pour seules mentions manuscrites une date ( 17 février 2018), le nom du salarié et sa signature, aux termes duquel il a opté pour le paiement d'heures supplémentaires (pièce n°5 de l'employeur).

Le contenu de ce document ' qui ne comporte aucune donnée chiffrée - ne permet toutefois pas de déterminer l'étendue des droits dont le salarié avait prétendument connaissance lors de la signature, de sorte que les parties intimées ne peuvent valablement se prévaloir de son effet libératoire.

Les heures supplémentaires mentionnées sur les fiches de paie ne sauraient venir en compensation des sommes sollicitées par le salarié, aucune compensation n'étant, au demeurant, sollicitée par les parties intimées.

Si l'employeur et l'AGS-CGEA de [Localité 4] soutiennent finalement que le nombre d'heures effectuées au-delà du contingent annuel s'élève en réalité à 247 heures selon le tableau du salarié, ils ne justifient pas le contingent retenu et ne proposent aucun calcul détaillé pour remettre en cause le chiffrage effectué par M. [M].

En conséquence, en l'absence d'éléments permettant d'établir que le salarié a pu bénéficier du repos compensateur auquel il avait droit, il lui est alloué la somme de 3 330,01 euros brut au titre du repos compensateur obligatoire, outre 333,00 euros brut de congés payés y afférents.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée à la demande du salarié aux torts de l'employeur lorsque ce dernier a commis des manquements à ses obligations d'une gravité telle qu'ils empêchent la poursuite du contrat.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation du contrat était justifiée. En l'espèce, la demande de résiliation judiciaire a été présentée devant la juridiction prud'homale le 21 septembre 2020, soit antérieurement au licenciement du 23 octobre 2020.

M. [M] invoque les manquements suivants :

- le défaut de paiement des primes correspondant aux heures réellement effectuées de nuit ;

- le non-respect de la réglementation applicable au temps de travail et l'absence de rémunération des repos compensateurs obligatoires.

Il a ci-avant été fait droit aux demandes présentées par le salarié, de sorte que les manquements de l'employeur allégués par M. [M] sont établis.

Cependant, les reproches formulés par le salarié concernent des faits, dont certains sont anciens, puisqu'il sollicite le paiement de sommes dues depuis septembre 2017, soit trois ans avant qu'il ne demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail par requête du 21 septembre 2020.

Par ailleurs, les montants sollicités par le salarié au titre des primes de nuit et des repos compensateurs sont modérés, car même cumulés sur trois années ils n'excèdent pas l'équivalent de trois mois de salaire. A cet égard, il est rappelé que l'employeur a réglé partiellement les heures effectuées de nuit et a toujours versé intégralement le salaire de base ainsi que la majoration des heures supplémentaires exécutées par le salarié.

De plus, en l'état des données du débat, si M. [M] soutient dans ses écritures qu'il a tenté en vain d'obtenir le paiement de ses créances à plusieurs reprises auprès de son employeur, ces démarches ne sont concrétisées par aucun élément, et M. [M] ne conteste pas avoir signé un document le 17 février 2018 indiquant qu'il renonçait à ses droits aux repos compensateurs en optant pour le paiement intégral des heures supplémentaires (pièce n° 5 du CGEA).

Ainsi, les manquements invoqués par le salarié ne peuvent justifier la résiliation judiciaire dès lors qu'ils n'ont pas fait obstacle à la poursuite de la relation contractuelle durant plus de trois années.

En conséquence, M. [M] est débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat et de ses demandes en octroi de dommages-intérêts pour licenciement abusif. Le jugement querellé est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes du salarié

Il résulte du bulletin de paie établi au mois de novembre 2020 par l'employeur (pièce n°4 du CGEA), que M. [M] ' qui ne conteste pas le contenu de ce document - a d'ores et déjà perçu plusieurs sommes lors de la rupture du contrat de travail.

Le salarié a été rempli de ses droits concernant l'indemnité compensatrice de congés payés sollicitée puisqu'il a déjà perçu dans le cadre de la rupture au cours de la liquidation judiciaire un montant de 3 292,05 euros brut pour paiement de 40 jours de congés payés.

Concernant l'indemnité compensatrice de préavis, l'employeur et l'AGS-CGEA de [Localité 4] rappellent que l'indemnité de préavis n'est pas due alors qu'elle a été versée directement à Pôle emploi, désormais France Travail depuis le 1er janvier 2024.

Aux termes de l'article L.1233-67 du Code du travail, « L'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L.1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l'employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l'article L. 1233-68. Les régimes social et fiscal applicables à ce solde sont ceux applicables aux indemnités compensatrices de préavis. ».

Ayant signé le contrat de sécurisation professionnelle, M. [M] est dès lors débouté de sa demande en versement d'une indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents.

Concernant l'indemnité légale de licenciement, il est établi qu'une indemnité légale de licenciement d'un montant de 3 309,86 euros a déjà été versée à M. [M] lors de la rupture du contrat de travail.

Le salarié indique que l'indemnité légale de licenciement omet toutefois de prendre en considération les primes de nuit qui lui étaient dues et qu'elle s'élève en réalité à 3 427,24 euros net.

L'employeur et l'AGS-CGEA de [Localité 4] ne se prévalent d'aucun calcul de nature à contester celui dont se prévaut le salarié, puisqu'ils ne font qu'affirmer que l'indemnité légale de licenciement qui lui était due lui a déjà été réglée.

En définitive, il convient d'allouer au salarié un différentiel de 117,38 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4]

La créance de M. [M] est fixée au passif de la procédure collective de la société C'Services, et le présent arrêt est déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 4], partie intervenante à la procédure, qui est tenu à garantie dans les limites légales telles que définies par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.

Sur la demande de remise de documents sous astreinte

M. [M] étant débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa demande de remise de documents sous astreinte est rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a condamné la société C'Services, représentée par Maître Daniel Koch, membre de la SELAS [R] et associés, en sa qualité de liquidateur, à verser à M. [M] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [M] pour ses frais d'appel. Sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel est rejetée.

Les dépens d'appel sont fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société C'Services.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- fixé une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant sa notification pour la fixation de la créance de M. [B] [M] à 1 221,63 euros brut au titre des primes de nuit ;

- débouté le salarié du surplus de ses demandes compte tenu de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle ;

- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire brut s'élève à 1 539,45 euros ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant ;

Fixe la créance de M. [B] [M] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL C'Services comme suit :

122,16 euros brut au titre des congés payés afférents aux primes de nuit ;

3 330,01 euros brut au titre du repos compensateur obligatoire ;

333,00 euros brut de congés payés y afférents ;

117,38 euros au titre du différentiel de l'indemnité légale de licenciement ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 4] tenu à garantie dans les limites légales telles que définies par les articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, et par l'article L. 621-48 du code de commerce ;

Dit que l'AGS-CGEA de [Localité 4] est tenue à garantie à l'égard de M. [B] [M] sous les réserves suivantes :

- la garantie est plafonnée, en application des articles L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;

- l'obligation à la charge de l'AGS-CGEA de procéder à l'avance des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé établi par le liquidateur et justification de l'absence de fonds disponibles entre ses mains ;

- en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective ;

Déboute les parties de toute autre demande, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fixe les dépens d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la SARL C'Services.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 21/02479
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;21.02479 ?
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