RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/00483 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F5JR
Minute n° 24/00108
[K]
C/
S.A.R.L. L'ORN AUTO
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 30 Janvier 2023, enregistrée sous le n° 21/01194
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 23 AVRIL 2024
APPELANT :
Monsieur [V] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
S.A.R.L. L'ORN AUTO, représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 25 Janvier 2024 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 23 Avril 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère
Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Selon facture et certificat de cession du 30 novembre 2019, M. [V] [K] a acquis auprès de la société L'Orn Auto un véhicule d'occasion de marque Mercedes immatriculé [Immatriculation 5], au prix de 34 490 euros TTC.
Exposant qu'à la suite d'un contrôle de police, il avait appris que ce véhicule était en réalité déclaré volé, que le véhicule avait été ultérieurement saisi par les enquêteurs et que lui-même se trouvait soupçonné de recel de vol, et après avoir en vain sollicité la société L'Orn Auto afin de trouver une issue amiable à ce problème, M. [V] [K] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Thionville, par acte du 30 juin 2021, la SARL L'Orn Auto, afin de voir, sur le fondement de l'article 1217 du code civil, prononcer la résolution du contrat de vente aux torts exclusifs de la société L'Orn Auto, et condamner celle-ci à lui payer une somme de de 42 978,13 euros outre 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande et au visa de l'article 1217 précité relatif aux sanctions qui s'attachent aux engagements non exécutés ou imparfaitement exécutés, M. [K] a fait valoir que la défenderesse n'avait pas exécuté son obligation, ou du moins l'avait exécutée imparfaitement, puisque ce véhicule, volé, lui a été confisqué alors qu'il aurait appartenu à la société L'Orn Auto de s'assurer de l'origine et de la légalité de l'origine du véhicule vendu.
La SARL L'Orn Auto a répliqué que, dès lors que la vente était parfaite entre les parties et en application de l'article 1196 du code civil, le transfert de propriété avait opéré transfert des risques, qui pesaient par conséquent sur l'acquéreur.
Elle a fait valoir qu'elle ne pouvait connaître l'origine délictuelle du véhicule vendu et s'est prévalue également de l'article 2279 du code civil, aux termes duquel en fait de meuble possession vaut titre.
Subsidiairement elle a fait valoir que M. [K] ne démontrait pas d'inexécution de sa part, dès lors que l'enquête pénale dont se prévaut celui-ci est toujours en cours, qu'aucun jugement n'est intervenu, et que M. [K] demande ainsi la résolution de la vente en supputant un vol qui n'a peut-être jamais été commis.
Par jugement du 30 janvier 2023 le tribunal judiciaire de Thionville a débouté M. [V] [K] de l'ensemble de ses prétentions y compris celles formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamné aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'à payer à la SARL L'Orn Auto la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi les premiers juges se sont référés aux dispositions des articles 1104 du code civil selon lequel les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, et 1196 selon lequel dans les contrats ayant pour objet l'aliénation de la propriété, le transfert s'opère lors de la conclusion du contrat, et le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose, sauf mise en demeure de délivrer adressée au vendeur.
Le tribunal a estimé que M. [K] n'apportait aucun élément susceptible de remettre en cause la bonne foi de la SARL L'Orn Auto quant à sa connaissance de l'origine du véhicule, ou susceptible d'établir un manquement de celle-ci à ses obligations contractuelles.
Il a notamment estimé que les informations issues du procès-verbal d'audition de M. [K] devant les services de police n'apportaient rien au débat quant à la connaissance ou aux soupçons que la société L'Orn Auto pouvait avoir quant à une éventuelle origine frauduleuse du véhicule.
Il a également rappelé que le transfert de la charge des risques se fait aussitôt le transfert de propriété réalisé.
Par déclaration du 21 février 2023, M. [V] [K] a interjeté appel de ce jugement aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation en ce que ce jugement l'a débouté de sa demande en résolution du contrat de vente conclu le 30 novembre 2019, en ce qu'il a rejeté ses prétentions financières et en ce qu'il l'a condamné aux dépens de l'instance outre le paiement à la SARL L'Orn Auto de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions du 04 mai 2023, M.[V] [K] demande à la cour de :
« Recevoir l'appel en la forme, le déclarer bien fondé,
In'rmer le jugement rendu le 30 janvier 2023 par le Tribunal judiciaire de Thionville en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [K] de ses prétentions,
Vu les articles 1625, 1626 et 1630 du Code Civil,
Condamner la SARL L'Orn Auto à payer à Monsieur [V] [K] la somme de 41 478,13 euros après avoir au besoin prononcé la résolution du contrat de vente du 30 novembre 2019,
Condamner la SARL L'Orn Auto aux entiers dépens de première instance et d'appel outre le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du C.P.C. »
M. [K] rappelle qu'il a acquis son véhicule auprès d'un vendeur professionnel, et que le 20 juillet 2020 ce véhicule lui a été confisqué par la police car il s'agissait d'un véhicule volé.
Il fait valoir qu'il appartient au vendeur, conformément à l'article 1625 du code civil, d'assurer à l'acquéreur une possession paisible de la chose vendue, que selon l'article 1626, le vendeur est de droit obligé de garantie l'acquéreur de l'éviction dont il souffre, et que selon l'article 1630 du même code, l'acquéreur évincé est fondé à demander contre le vendeur la restitution du prix ainsi que tout le préjudice causé par la mauvaise exécution du contrat.
Il réclame donc, outre la restitution du prix de vente, le coût de la carte grise, le coût du crédit contracté, et le coût du nouveau véhicule qu'il a dû acquérir.
En application de l'article 455 du code de procédure civile il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et arguments de l'appelant.
La SARL L'Orn Auto a constitué avocat mais n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
La SARL L'Orn Auto, n'ayant pas conclu, est réputée s'approprier les motifs des premiers juges en application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile.
M. [K] fondait sa demande en première instance sur les dispositions générales de l'article 1217 du code civil, et à hauteur d'appel se prévaut principalement des dispositions relatives à l'éviction spécifiques au droit de la vente, tout en sollicitant également le cas échéant la résolution de celle-ci.
Aux termes de l'article 1626 du code civil, « quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente. »
Aux termes de l'article 1630, lorsque la garantie a été promise ou qu'il n'a rien été stipulé à ce sujet, si l'acquéreur est évincé, il a droit de demander contre le vendeur :
1° La restitution du prix
2° Celle des fruits, lorsqu'il est obligé de les rendre au propriétaire qui l'évince,
3° Les frais sur la demande en garantie de l'acheteur et ceux faits par le demandeur originaire,
4° Enfin les dommages et intérêts ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat.
Enfin selon l'article 1639, les autres questions auxquelles peuvent donner lieu les dommages et intérêts résultant pour l'acquéreur de l'inexécution de la vente, doivent être décidées suivant les règles générales établies au titre « des contrats ou des obligations conventionnelles en général ».
De jurisprudence constante, lorsque l'éviction est le fait d'un tiers, la garantie du vendeur n'est due que si le trouble subi par l'acheteur est un trouble de droit, et qu'il se rapporte à des faits antérieurs à la vente.
En l'espèce il est constant et non contesté que la SARL L'Orn Auto a vendu à M. [K] un véhicule Mercedes modèle CLA, immatriculé [Immatriculation 5].
Il résulte d'autre part du procès-verbal d'audition de M. [K], dressé le 29 juillet 2020 par les services de police du commissariat de [Localité 6], que M. [K] a été entendu à propos d'une infraction qu'il était soupçonné d'avoir commise à savoir celle de recel de véhicule, infraction relevée la veille alors que, circulant à bord de ce véhicule, M. [K] avait fait l'objet d'un contrôle, lequel avait révélé que son véhicule apparaissait au fichier des véhicules volés.
Il lui a en outre été précisé lors de son audition, que le véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 5] avait été loué par la société Instat Transport Express dont le gérant est M. [Y] [W], à M. [B] [P] gérant de la société Mess Transport.
A l'occasion de son audition M. [K] prenait également acte de ce que « pour le moment le véhicule est remisé au garage de permanence le temps de cette enquête » et qu'il « serait avisé par (les) services des suites à donner pour le véhicule ».
M. [K] déclarait déposer plainte contre toute personne que l'enquête permettra d'identifier.
Il résulte donc des termes de ce procès-verbal et des informations communiquées par les services de police à M. [K], que celui-ci a acquis auprès de la SARL L'Orn Auto un véhicule volé, ce dont il résulte que cette société n'a pas rempli vis-à-vis de lui son obligation de délivrance conforme.
D'autre part, ce véhicule a été enlevé à M. [K] à compter du 29 juillet 2020 eu égard au fait qu'il était volé, et il n'est ni allégué ni démontré qu'il aurait été restitué ou qu'il pourrait l'être, alors qu'il est considéré comme un véhicule volé.
Ainsi, M. [K] s'est bien trouvé évincé de la possession du véhicule qu'il avait acquis auprès de la SARL L'Orn Auto.
Si la SARL L'Orn Auto n'est pas elle-même à l'origine de l'éviction de M. [K], et a pu de bonne foi ignorer que le véhicule qu'elle avait elle-même acquis était volé, il n'en demeure pas moins que cette éviction, qui est le fait d'un tiers, en l'occurrence le véritable propriétaire par le biais de sa plainte et de l'action des services de police, a pour origine un droit antérieur à la vente, à savoir le droit du légitime propriétaire.
Ainsi, les conditions posées pour que le vendeur garantisse l'acheteur d'une éviction totale provoquée par le droit d'un tiers, sont réunies.
En application de l'article 1630 précité, M. [K] est donc en droit de réclamer restitution du prix, soit la somme de 34 490 euros.
Il est également en droit de réclamer remboursement des frais générés par la vente, eu égard à l'éviction dont il est victime, à savoir les sommes de 3 729,37 francs suisses au titre du coût du crédit souscrit pour l'achat du véhicule, ainsi qu'il résulte du courrier de confirmation émanant de la caisse de crédit mutuel de Saint Louis, et de 258,76 euros au titre du coût d'établissement de la carte grise.
S'agissant en revanche du prix d'un nouveau véhicule, soit 3 000 euros, M. [K] ne peut à la fois réclamer remboursement du prix de vente du véhicule litigieux, et prise en charge de l'achat d'un nouveau véhicule, dont il bénéficie actuellement et dont il est propriétaire.
Ce chef de demande ne sera donc pas retenu.
La SARL L'Orn Auto doit donc être condamnée à payer à M. [K] la somme de (34 490 + 258,76) = 34 748,76 euros, outre la contrevaleur en Euros au jour du paiement de la somme de 3.729,37 CHF (francs suisses).
Enfin M. [K] demande à la cour la condamnation de la SARL L'Orn Auto, après que la cour ait au besoin prononcé la résolution du contrat.
L'article 1639 précité renvoie aux dispositions générales du droit des contrats pour réglementer le surplus des conséquences, résultant notamment d'une éviction totale.
En l'occurrence, une telle éviction doit être regardée comme une inexécution par la SARL L'Orn Auto de ses obligations découlant de la vente, et au premier chef de son obligation de délivrance conforme.
Contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, la bonne ou la mauvaise foi de la vendeuse n'entre pas en ligne de compte dans cette hypothèse, pas plus qu'elle n'est prise en compte pour apprécier une éviction résultant d'un motif de droit.
De même, au regard de l'inexécution d'une obligation contractuelle, compte tenu d'une situation de droit qui préexistait à la vente, il ne peut être opposé à M. [K] un transfert des risques, la réalisation de ce risque étant antérieure à la vente.
Ainsi et en application de l'article 1217 du code civil initialement visé à juste titre par M. [K] dans sa demande en première instance, la cour prononcera la résolution du contrat liant les parties.
Le jugement dont appel est donc infirmé en toutes ses dispositions.
La SARL L'Orn Auto qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il est en outre équitable d'allouer à M. [K], en remboursement de ses frais irrépétibles, une somme de 3 000 euros, à raison de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Prononce la résolution de la vente intervenue le 30 novembre 2019 entre la SARL L'Orn Auto et M. [V] [K], portant sur le véhicule de marque Mercedes immatriculé [Immatriculation 5],
Condamne la SARL L'Orn Auto à payer à M. [V] [K] :
34 748,76 euros, au titre de la restitution du prix de vente et du remboursement des frais de carte grise
la contrevaleur en Euros au jour du paiement de la somme de 3 729,37 CHF (francs suisses)
Condamne la SARL L'Orn Auto aux entiers dépens de première instance,
Condamne la SARL L'Orn Auto à verser à M. [V] [K] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
Y ajoutant,
Condamne la SARL L'Orn Auto aux entiers dépens d'appel,
Condamne la SARL L'Orn Auto à payer à M. [V] [K] une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
La Greffière La Présidente de chambre