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18/04/2024 | FRANCE | N°21/01548

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 18 avril 2024, 21/01548


Arrêt n° 24/00184



18 Avril 2024

---------------

N° RG 21/01548 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FQXU

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Tribunal Judiciaire de Metz - Pôle social



21 Mai 2021

19/01478

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



dix huit Avril deux mille vingt quatre





APPELANT :



FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIM

ES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ



INTIMÉS :



L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direct...

Arrêt n° 24/00184

18 Avril 2024

---------------

N° RG 21/01548 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FQXU

------------------

Tribunal Judiciaire de Metz - Pôle social

21 Mai 2021

19/01478

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

dix huit Avril deux mille vingt quatre

APPELANT :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

représenté par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 13]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par M. [T], muni d'un pouvoir général

Organisme La [6], organisme national de sécurité social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non présent, non représenté

Monsieur [V] [A]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Guillaume DELORD, avocat au barreau de STRASBOURG substitué par Me DILLENSCHNEIDER, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Réputé contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 25.03.2024

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Né le 3 septembre 1961, M. [V] [A] a travaillé pour le compte des [11] ([11]), devenues par la suite l'établissement public [7] ([7]), de 1981 à 1998 aux différents postes suivants à la centrale [9] :

rondier niveau 36-41 mètres ;

électronicien ;

électromécanicien entretien appareils de contrôle et régulation.

M. [V] [A] a par la suite occupé un emploi de technicien de maintenance au sein du service électrique de la centrale [9], pour le compte de la société [10], du 1er mai 1998 au 30 juin 2015.

En date du 1er janvier 2008, l'établissement des [7] a été dissout et mis en liquidation. Ses biens, droits et obligations ont été transférés à l'Etat, représenté par l'[5] ([5]).

Le 11 janvier 2017, M. [V] [A] a déclaré à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (ci-après la Caisse ou CPAM) une maladie professionnelle (images sous pleurales), en joignant à sa demande de reconnaissance un certificat médical établi le 5 janvier 2017 par le docteur [I].

Après instruction de la demande et expertise médicale consécutive à une première décision de refus, par décision du 9 juillet 2018, la Caisse a reconnu le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [V] [A] au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles.

Le 13 septembre 2018, la Caisse a notifié à l'assuré l'attribution d'une indemnité en capital d'un montant de 1 952,33 euros correspondant à un taux d'incapacité permanente partielle de 5 %, à la date du 6 janvier 2017, lendemain de la date de consolidation.

Selon quittance subrogative du 8 octobre 2018, M. [V] [A] a accepté l'offre du Fonds d'indemnisation des Victimes de l'amiante (ci-après FIVA) d'indemniser les préjudices liés à sa maladie professionnelle due à l'amiante se décomposant comme suit :

' 17 700 euros au titre du préjudice moral,

' 300 euros au titre du préjudice physique,

' 1 400 euros au titre du préjudice d'agrément.

Le FIVA a également versé une somme de 7 873,63 euros à M. [V] [A] en réparation de son préjudice d'incapacité fonctionnelle, déduction faite du capital versé par l'organisme de sécurité sociale.

Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la Caisse le 22 mai 2019, M.[A] a attrait l'Agent Judiciaire de l'Etat (AJE), venant aux droits de [7], en présence de la CPAM de [Localité 13] et du FIVA, devant le pôle social du tribunal de grande instance de Metz, devenu depuis le 1er janvier 2020 pôle social du tribunal judiciaire de Metz, selon courrier recommandé expédié le 11 septembre 2019, aux fins d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle, et de bénéficier de l'indemnisation qui en découle.

La CPAM de [Localité 13] a été mise en cause.

Le FIVA est intervenu volontairement à l'instance, ainsi que l'AJE, qui agit pour le compte des [7] dont la clôture de la liquidation est intervenue, le 31 décembre 2017 et dont les droits et obligations ont été transférés à l'Etat.

Par Jugement du 21 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

Déclaré M. [V] [A] recevable en son action ;

Déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de M. [V] [A], recevable en son action ;

Reçu l'AJE en ses intervention volontaire et reprise d'instance suite à la clôture des opérations de liquidation des [7] ;

Déclaré le jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 13] ;

Dit que la maladie professionnelle du 5 janvier 2017 de M. [V] [A] inscrite au tableau 30B est due à la faute inexcusable de son employeur, les [11], devenues l'établissement public [7], aux droits duquel vient l'Agent Judiciaire de l'Etat ;

Ordonné la majoration maximale de l'indemnité en capital allouée à M. [V] [A], à hauteur de 1 952,33 euros ;

Dit que cette majoration sera directement versée au FIVA par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 13] ;

Dit que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente de M.[A] en cas d'aggravation de son état de santé et qu'en cas de décès de celui-ci résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ;

Débouté le FIVA de ses demandes d'indemnisation présentées au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [V] [A] ;

Fixé à la somme de 1 000 euros le préjudice d'agrément subi par M. [V] [A] ;

Dit que la CPAM de [Localité 13] devra verser cette somme au FIVA, créancier subrogé dans les droits de M. [V] [A] ;

Condamné l'AJE à rembourser à la CPAM de [Localité 13] l'ensemble des sommes, en principal et intérêts, que cet organisme sera tenu d'avancer sur le fondement des articles L 452-1 à L 452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de M. [V] [A] inscrite au tableau 30B ;

Condamné l'AJE à verser à M. [V] [A] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné l'AJE à verser au FIVA la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné l'AJE aux frais et dépens ;

Ordonné l'exécution provisoire de jugement.

Par acte déposé au greffe le 3 juin 2021, le FIVA a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 31 mai 2021.

Par ses dernières conclusions récapitulatives datées du 11 mai 2023, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son conseil, le FIVA demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé recevable la demande formée par M. [V] [A] dans le but de faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, jugé recevable la demande du FIVA subrogé dans les droits de M. [V] [A], jugé que la maladie professionnelle dont est atteint M.[A] est la conséquence de la faute inexcusable de l'AJE, fixé à son maximum la majoration de l'indemnité en capital prévue à l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale soit 1952,33 euros, jugé que cette majoration devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. [V] [A] en cas d'aggravation de son état de santé, jugé qu'en cas qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant, fixé à la somme de 1 000 euros le préjudice d'agrément subi par M. [V] [A], jugé que la CPAM de [Localité 13] devra verser cette somme de 1 000 euros au FIVA créancier subrogé, condamné l'AJE à verser au FIVA la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné l'AJE aux entiers frais et dépens ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté le FIVA de l'indemnisation présentée au titre du préjudice causé par les souffrances morales de M. [V] [A], et jugé que la CPAM de [Localité 13] devra verser cette majoration de capital de 1952,33 euros au FIVA en sa qualité de créancier subrogé ;

En conséquence,

Fixer l'indemnisation du préjudice moral et du préjudice d'agrément de M. [V] [A] à la somme de 18 700 euros ;

Juger que la [6] devra verser cette somme de 18 700 euros au FIVA, créancier subrogé, en application de l'article L 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ;

Fixer à son maximum la majoration de l'indemnité en capital prévue à l'article L452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1952,33 euros, et dire que la [6] devra verser directement cette majoration de capital de 1 952,33 euros à M.[V] [A] ;

Y ajouter,

CONDAMNER l'AJE à payer au FIVA une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions datées du 18 août 2022 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, M. [V] [A] demande à la cour de :

Confirmer le jugement du 21 mai 2021 rendu par le Tribunal judiciaire de Metz ;

Et par conséquent,

Dire que la maladie professionnelle inscrite au tableau 30 de M. [V] [A] est due à la faute inexcusable des [7],

Dire que M. [V] [A] a droit à une majoration de sa rente en la portant au taux maximum conformément aux dispositions de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale,

Condamner la Caisse à lui payer cette majoration,

- Dire que :

*cette majoration prendra effet à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle;

* En cas d'aggravation ultérieure, le taux de rente sera indexé au taux d'IPP ;

* En cas de décès imputable, la rente de conjoint sera majorée à son taux maximum et que la caisse devra verser l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, de même qu'en cas d'aggravation du taux d'IPP à 100% ;

Condamner l'AJE à payer à M. [V] [A] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l'AJE aux entiers frais et dépens ;

Déclarer la décision à intervenir commune à la caisse ;

Dire et juger que l'ensemble des sommes allouées portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.

Par conclusions datées du 12 mai 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, l'AJE demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL ET D'APPEL INCIDENT :

Infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Metz en date du 21 mai 2021 en ce qu'il a jugé que la preuve d'une faute inexcusable commise par l'exploitant minier serait rapportée ;

PAR CONSEQUENT STATUANT A NOUVEAU :

Débouter M. [V] [A], le FIVA, la CPAM de [Localité 13] et la [6] de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de l'AJE, la preuve de l'existence d'une faute inexcusable n'étant pas rapportée ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue :

Sur les souffrances morales endurées

Confirmer le jugement du 21 mai 2021 en ce qu'il a débouté le FIVA de ses demandes d'indemnisation des souffrances morales endurées par M. [V] [A] ;

Par conséquent,

Débouter le FIVA de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice causé par les souffrances morales endurées par M. [V] [A] ;

Plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions la demande du FIVA au titre des souffrances morales endurées par M. [V] [A] ;

Sur le préjudice d'agrément

Infirmer le jugement du 21 mai 2021 en ce qu'il a accordé au FIVA la somme de 1000 euros en réparation du préjudice d'agrément ;

Par conséquent, statuant à nouveau,

Débouter le FIVA de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément ;

Sur l'action récursoire

Dire et juger que la [6] n'a soutenu aucune demande et qu'elle ne sera, par conséquent, pas autorisée à exercer son action récursoire ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

Déclarer infondée la demande présentée par M. [V] [A] au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;

Par conséquent, l'en débouter, ou tout au moins réduire toute condamnation prononcée sur ce fondement à la somme de 500 euros ;

Déclarer infondée la demande du FIVA au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;

Par conséquent, le débouter purement et simplement de ce chef ;

Dire n'y avoir lieu à dépens.

Par conclusions datées du 3 octobre 2022 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de [Localité 13] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 21 mai 2021 par le Tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a condamné la Caisse à payer au FIVA la majoration maximale de l'indemnité en capital allouée à M. [V] [A] et la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice ;

Et statuant à nouveau,

Ordonner la mise hors de cause de la CPAM de [Localité 13] ;

Dire et juger que la [6] ([6]) est tenue de faire l'avance des fonds résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

A l'audience du 18 octobre 2022, la présidente de l'audience, chargée d'instruire l'affaire, a demandé la mise en cause de la [6] ([6]), organisme social ayant procédé aux versements en l'espèce.

La [6] a été convoquée par le greffe à l'audience du 15 mai 2023 où elle ne s'est pas fait représenter, bien qu'ayant signé l'accusé de réception de la lettre de convocation le 14 mars 2023.

Par arrêt avant dire droit prononcé le 28 septembre 2023, la présente cour a ordonné la réouverture des débats et a invité l'ensemble des parties à justifier de la communication de l'intégralité de leurs conclusions et pièces à la [6]. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 6 novembre 2023.

A l'audience du 6 novembre 2023, la [6] ne s'est pas fait représenter bien qu'ayant signé le 6 octobre 2023 l'accusé de réception de la lettre de notification de l'arrêt avant dire droit valant convocation.

Les autres parties ont justifié de la communication de leurs pièces et conclusions précédemment mentionnées et soutenues à l'audience.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.

SUR CE

SUR LA MISE HORS DE CAUSE DE LA CPAM :

Il est constant que la CPAM de [Localité 13] n'est intervenue que pour la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [V] [A].

En cas de faute inexcusable de l'employeur, les conséquences financières en découlant sont à la charge de la [6], caisse à laquelle M. [V] [A] est affilié depuis le 1er mai 1998 et dont il relève pour la couverture du risque maladie, tel que cela résulte du relevé EOPPS (espace des organismes partenaires de la protection sociale) produit par la CPAM de [Localité 13].

Dans ces conditions, la mise hors de cause de la CPAM de [Localité 13] doit être constatée, et la présente décision doit être déclarée opposable à la [6].

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE :

L'AJE soutient que la caisse a pris en charge la maladie déclarée sans que les conditions de fond du tableau n°30B ne soient remplies, et conteste l'exposition de M. [V] [A] au risque d'inhalation des poussières d'amiante durant l'exercice de ses emplois successifs au sein des [7], anciennement [11].

L'AJE fait valoir que M. [V] [A] ne rapporte aucunement la preuve d'une exposition au risque et critique l'imprécision et la stéréotypie des attestations produites, notamment en ce que les témoignages n'indiquent pas suffisamment les postes occupés et leur lien direct de travail avec M. [V] [A] et comportent des contradictions.

Il insiste sur le fait que les [11] puis [7] avaient mis en 'uvre des mesures efficaces, permettant d'exclure une pollution généralisée à l'amiante au fond de la mine et donc toute exposition au risque amiante.

M. [V] [A] et le FIVA estiment que les conditions légales pour présumer l'origine professionnelle de la maladie se trouvent réunies, notamment par les attestations produites d'anciens collègues.

********************

Aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [V] [A] répond aux conditions médicales du tableau n° 30B. Seule est contestée par l'AJE l'exposition professionnelle de M. [V] [A] au risque d'inhalation de poussières d'amiante.

Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l'inhalation de poussières d'amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30B des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d'entraîner les affections consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante .

Il ressort du relevé de périodes et d'emplois de l'[5] du 11 septembre 2019 (pièce n°1 de l'assuré) que M. [V] [A] a exercé les fonctions suivantes, au jour, au sein de la centrale [9], établissement des [11] : rondier niveau 36-41 m du 16/11/1981 au 30/11/1983, électronicien du 01/12/1984 au 31/10/1995, puis électromécanicien entretien appareils de contrôle et régulation du 01/11/1995 au 30/04/1998.

Dans le questionnaire assuré qu'il a rempli à la demande de la caisse dans le cadre de l'instruction de sa demande (pièce n°3 de la CPAM), M. [V] [A] précise avoir été exposé à l'amiante lors de la découpe à la meule et sans protection respiratoire des planchers en plaque de fibre d'amiante de sous-station électrique pour faire passer des câbles, mais aussi en décollant, meulant, manipulant des tresses d'amiante pour effectuer les joints de portes d'accès des chaudières et ce sans protection, en travaillant toujours sans protection sous des toits en plaques poreuses ethernit chargées en fibres d'amiante, en déposant et en reposant les plaquettes de frein des bandes transporteuses sans protection, et enfin lors des pauses casse-croute en coupant sa baguette sur des plaques de clingerites chargées en fibre d'amiante. Il souligne qu'il se trouvait dans des lieux confinés ou subsistaient de manière importante des poussières d'amiante.

La réalité des tâches et des conditions de travail décrites par M. [V] [A] est également confirmée par deux de ses anciens collègues de travail, en la personne de Mrs. [X] et [H] (pièce n°4 de M. [V] [A]) :

M. [X] : « Les travaux qui mettaient M. [V] [A] en contact quotidien avec les poussières d'amiante étaient le remplacement des joints en tresse d'amiante sur toutes les portes d'ouverture des chaudières à charbon dans les anciens groupes 1 et 2 de la centrale [9] (') nous étions constamment au contact de l'amiante. J'ai vu travailler M. [V] [A] à la chaufferie des anciennes tranches à charbon (groupe 1 et 2) jusqu'en avril 1983. Après intervention des mécanos sur les portes de visite, j'ai vu meuler M. [V] [A] les joints en tresse d'amiante, de les gratter et nettoyer pour en remettre de neuves, toute cette poussière d'amiante se répandait dans le bâtiment, les mêmes travaux étaient effectués pour les gaines de soufflage des chaudières. J'ai même vu M. [V] [A] casser la croûte sur des plaques de clingérite qui nous servaient de nappe. M. [V] [A] utilisait aussi de l'air comprimé pour souffler toutes les portes de visite des chaudières ainsi que son bleu de travail.

Après 1983 M. [V] [A] et moi-même étaient mutés à la DTPS (parc à charbon) sur une passerelle prévue à la maintenance sous un toit en éthernit vétuste nous protégeait des intempéries. J'ai vu aussi M. [V] [A] découper des plaques en fibre d'amiante pour le passage des câbles électriques, même lorsqu'il n'était pas en contact direct avec l'amiante sa présence dans ces lieux ou d'autres manipulaient et effectuaient les travaux avec l'amiante, M. [V] [A] inhalait toutes ces poussières et fibres d'amiante dégagées par ces travaux (') en suspension permanente dans l'atmosphère (') sans protection respiratoire. J'ai vu M. [V] [A] travailler et être exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans les conditions décrites ci-dessus de 1980 à 1996 ('). »

M. [H] : « M. [V] [A] est un collègue de travail avec qui j'ai travaillé sur le même site et même lieux de travail pendant plusieurs années à la centrale [9]. Je suis entré aux [11] à la centrale [9] à [Localité 14] le 1er août 1973 et j'ai connu M. [V] [A] dès son arrivée à la centrale en novembre 1981 ou il a été affecté dans mon équipe 3 aux tranches 1 et 2, à l'exploitation. Après son année de service militaire et suite à la fermeture des tranches 1 et 2, il a été muté comme moi à la DTPS (division de traitement de produits secondaires). (') (Nous étions) constamment en contact de l'amiante car nous avons travaillé ensemble à la chaufferie des anciennes tranches au charbon jusqu'en avril 1983 (date à laquelle les tranches 1 et 2 ont fermé).

Lors des travaux de maintenance sur les chaudières, les joints de porte d'accès à ces chaudières, des conduites de charbon pulvérisées et les différents calorifugeages des conduites étaient meulés sans aucune protection et toutes cette poussière se répandait dans le bâtiment. Lors de la fermeture de tous ces accès de la chaudière, il fallait impérativement déposer les anciens joints en tresse d'amiante des portes d'accès en meulant pour les remplacer (') Nous faisions casse-croûte, dans ces mêmes lieux en inhalant ces poussières d'amiante où 8 chaudières étaient en service total. (') Il nettoyait avec moi et à tous les postes, le plancher et les alentours avec balais et air comprimé, et toutes ces poussières étaient dans l'atmosphère que nous respirions. »

Ces deux témoignages, accompagnés des certificats de travail des témoins, apportent des indications spécifiques permettant de se convaincre qu'il s'agit de collègues de travail directs de M. [V] [A]. Ils sont en outre suffisamment précis quant aux périodes travaillées directement avec M. [V] [A], quant aux postes occupés et aux tâches exécutées par M. [V] [A] pour être retenues comme probants s'agissant des conditions de travail de la victime. Le fait que la copie du certificat de travail de M. [X] soit presque illisible n'enlève pas force probante à son témoignage à partir du moment où il précise, dans le c'ur de son attestation, ses fonctions (technicien d'exploitation et de maintenance électrique), son lieu de travail (centrale [9]), ses périodes d'activité et les périodes communes de travail avec M. [V] [A] (de 1980 à 1996 avec une première période jusqu'en 1983 au niveau des tranches 1 et 2 de la centrale à charbon et à la DTPS après 1983).

Les témoignages de Mrs [X] et [H] doivent donc être retenus, à l'inverse de celui de M. [M] qui n'apporte pas d'éléments sur les tâches accomplies par M. [V] [A], se contentant d'indiquer les produits auxquels la victime a été exposée pendant sa carrière aux [11].

Les deux témoignages de Mrs [X] et [H] confirment la description des tâches effectuée par M. [V] [A] et démontrent, sans être contredits efficacement par l'AJE, comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué, jusqu'en 1996, date à laquelle l'utilisation de l'amiante a été interdite, une exposition de la victime aux poussières d'amiante, du fait de la manipulation de produits amiantés (tresses, joints en amiante, freins).

Ce témoignage n'est pas contredit par les témoignages et les pièces de l'AJE qui ne se rapportent pas à la situation précise de M. [V] [A].

L'AJE reconnaît en outre dans ses conclusions (page 8 de ses conclusions du 12 mai 2023) que lorsque les joints contenaient de l'amiante, ce qui présentait un intérêt pour les seuls organes ou conduites soumis à de fortes températures, une contamination par l'amiante ne pouvait être retenue qu'à condition que « ces joints soient déstructurés et que les particules soient soulevées dans l'air inhalé ».

Les témoignages de Mrs [X] et [H] et la description par M. [V] [A] de ses tâches montrent que les portes d'accès des chaudières comportaient des joints soumis à de fortes températures du fait de leur emplacement, entretenues par M. [V] [A] au moyen d'une action de meulage entraînant la déstructuration du joint composé d'amiante, et la diffusion dans l'atmosphère des poussières d'amiante dont l'inhalation était inévitable par les salariés situés à proximité.

Il apparaît ainsi constant que le meulage des joints en tresse d'amiante, correspondant à des travaux d'entretien et de maintenance des chaudières effectués par M. [V] [A], a été de nature à exposer habituellement l'intéressé à l'inhalation de poussières d'amiante durant ses nombreuses années d'activité au niveau des tranches 1 et 2 puis de la DTPS de la centrale [9], tout au moins jusqu'à son interdiction en 1996, et ce dans un contexte de confinement résultant de la configuration du bâtiment.

Les éléments présentés par l'AJE ne sauraient écarter la présomption d'imputabilité qui découle de l'établissement de l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, indépendamment de la question de la nocivité, le tableau n°30 ne fixant pas de seuil d'exposition à l'agent nocif.

Dès lors, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer, et l'AJE n'apportant pas la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel de la maladie dont se trouve atteint M. [V] [A] est établi à l'égard de l'établissement public [7] auquel l'AJE est substitué.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR

M. [V] [A] et le FIVA sollicitent la confirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable était établie à l'encontre des [7]. Ils soutiennent que l'employeur avait conscience du risque amiante, du fait des connaissances scientifiques de l'époque, de la réglementation applicable, de la taille, de l'organisation et des moyens considérables dont disposait l'entreprise, mais qu'il s'est abstenu de mettre en 'uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d'information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.

L'AJE expose que les [11] puis les [7] ne pouvaient avoir conscience du danger avant 1996, en l'état des connaissances scientifiques certaines et de la réglementation en vigueur et qu'ils ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l'exploitation, sur le plan collectif et individuel.

Il critique l'imprécision des attestations précédemment citées des collègues de M. [V] [A] et estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations de M. [V] [A] et de ses témoins.

La CPAM ne prend pas position sur ce point.

********************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s'apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l'avoir été par l'employeur aux périodes d'exposition au risque du salarié.

Sur la conscience du danger par les [7]

La dangerosité de l'amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l'inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage.

Dans les années 1930, plusieurs publications ont également alerté sur l'exposition professionnelle à l'amiante et le développement de certaines pathologies. Ainsi, en 1930, une publication du Docteur [E] dans la revue La médecine du travail établissait déjà un lien de causalité entre l'asbestose et le travail des ouvriers de l'amiante, et comprenait déjà des recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire l'empoussièrement. A partir de 1935 d'autres publications ont fait un lien entre l'exposition professionnelle à l'amiante et le cancer broncho-pulmonaire.

Les maladies engendrées par les poussières d'amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d'amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d'entraîner les maladies inscrites au tableau 30B est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.

Dès lors, les éventuelles carences des pouvoirs publics s'agissant de la protection des travailleurs exposés à l'amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l'employeur de sa propre responsabilité.

Ainsi, dès le début des années 50, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l'usage, alors encore licite, de la fibre d'amiante.

Un décret du 17 août 1977 a fixé des limites de concentration moyenne de fibres d'amiante dans les locaux de travail ainsi que les règles de protection générale ou à défaut individuelle à appliquer. Il résulte des pièces même produites par l'AJE que les [7] disposaient d'un service médical interne conséquent et performant dont faisait partie le docteur [D], entré dans l'entreprise en 1977, l'intéressé ayant rédigé sa thèse de docteur en médecin sur l'amiante, ses risques et son utilisation sur les lieux de travail. Sans compter l'existence au sein des [8] (le [8]) à la compétence internationale reconnue en la matière.

Compte tenu de sa dimension et des moyens corrélatifs dont il disposait pour exploiter les informations et les données scientifiques déjà connues à cette époque, sur les dangers liés à l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, l'employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, à l'époque de la période d'emploi de M. [V] [A], des risques sanitaires graves, d'ores et déjà révélés par de nombreuses publications, auxquels se trouvaient exposés son salarié.

Ainsi, compte tenu de ce qui vient d'être développé et compte tenu des emplois exercés par M. [V] [A], il en résulte que les [7] ne pouvaient ignorer le risque encouru par l'intéressé.

C'est donc par des motifs sérieux et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont caractérisé la conscience du danger qu'avaient ou auraient dû avoir les Charbonnages de France, des effets nocifs de l'amiante sur la santé de M. [V] [A].

Sur les mesures prises par [7]

Il apparaît que M. [V] [A], dans son questionnaire assuré, a indiqué qu'à l'époque où il a travaillé au sein de la centrale [9] « on n'a jamais été sensibilisé et informé sur les risques de l'amiante et on n'avait pas d'effets de protection à porter. De plus, les suivis médicaux annuels par simple radios ne permettaient pas de détecter la présence de fibres d'amiante dans les poumons ».

Ses allégations sur l'absence de système de protection individuelle sont démontrées par les deux attestations de Mrs [X] et [H] déjà évoquées, qui témoignent en des termes constants de l'absence de protections respiratoires, et du défaut de toute mise en garde par l'employeur sur les dangers de l'amiante et de l'inhalation des poussières d'amiante pour leur santé. M. [H] précise en outre qu'il n'y avait ni protection, ni cabine fermée, qu'ils travaillaient dans un milieu fermé sans protection pendant 8h par poste, pendant plusieurs années et que les différents travaux « s'effectuaient sans aucune protection ou autres effets spécifiques individuels. Les équipements de protections individuelles ont été à la disposition du personnel qu'après 1996 ».

Compte tenu des arguments présentés par l'AJE sur le souci affiché par les [7] de protéger la santé de ses salariés, il appert que la carence relatée par M. [V] [A] et par ces deux témoins en terme de prévention et d'information des risques encourus ne se justifie pas.

L'Agent Judiciaire de l'Etat ne peut par ailleurs sans contradiction prétendre que l'établissement public [7] ne pouvait pas avoir conscience du danger lié au risque amiante avant 1996 et en même temps affirmer qu'il a pris les mesures nécessaires pour protéger M. [V] [A] contre ce risque.

De plus, l'examen des pièces générales produites par l'AJE établit que la lutte contre les poussières avait manifestement pour objectif essentiel la lutte contre la silicose.

Si l'AJE fait valoir que les médecins du travail de [7], notamment les docteurs [Y] et [K], ont mené plusieurs exposés quant aux dangers des poussières d'amiante, et s'il produit des comptes - rendus de réunion ou rapports émanant des services médicaux du travail devant certaines instances, telles que le comité d'hygiène et de sécurité, il ne justifie aucunement d'une diffusion large et accessible de ces informations à ses salariés, notamment en la personne de M. [V] [A].

Ces documents ne sont en effet pas de nature à contrecarrer les témoignages produits par la victime et à démontrer qu'elle a été informée des dangers de l'amiante sur sa santé et a bénéficié de protections efficaces, alors d'une part, que les poussières d'amiante beaucoup plus fines que les poussières de silice nécessitaient des protections respiratoires spécifiques et qu'il ressort d'autre part, d'une annexe au compte rendu de la réunion du Comité de Bassin du 12 septembre 1996 qu'une action de sensibilisation de l'ensemble du personnel concernant l'amiante était seulement, à cette date, en préparation (pièce n° 72 de l'AJE).

Quant aux dispositifs de prévention médicale mis en avant par l'AJE, il apparaît nécessaire de rappeler que si ces dispositifs permettaient de détecter une éventuelle pathologie et d'en éviter potentiellement l'aggravation, ils n'avaient aucunement pour vocation de prévenir l'apparition des maladies. En outre, il n'est pas établi que M. [V] [A] en aurait personnellement bénéficié.

En l'état de l'ensemble de ces constatations, il doit donc être retenu que les [7], qui avaient conscience du danger auquel M. [V] [A] était exposé, n'ont pas pris les mesures de protection individuelle et collective nécessaires pour l'en préserver et ont ainsi commis une faute inexcusable à son égard.

Il s'ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau 30B dont est victime M. [V] [A] doit être déclarée due à la faute inexcusable de [7] et que le jugement du 21 mai 2021 est donc confirmé sur ce point.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE

Sur la majoration de l'indemnité en capital

Aux termes de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

Selon l'article L.452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l'article précédent [faute inexcusable de l'employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité [...] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret ».

Aucune discussion n'existe à hauteur de cour concernant le principe de la majoration de l'indemnité en capital allouée à M. [V] [A].

En l'espèce, compte tenu du taux d'incapacité qui lui a été reconnu (5%), M. [V] [A] s'est vu allouer une indemnité en capital, laquelle doit être majorée à son taux maximum, soit 1 952.33 euros.

Cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [V] [A], et restera acquise pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de l'assuré consécutivement à sa maladie professionnelle, et ce tel que prévu par les premiers juges.

En revanche, elle ne sera pas versée par la CPAM de [Localité 12] mais par la [6], organisme auquel M. [V] [A] est affilié depuis le 1er mai 1998, et sera directement allouée à M. [V] [A], et non au FIVA, le jugement entrepris devant être infirmé sur ces deux points.

Sur les préjudices personnels de M. [V] [A]

Sur les souffrances morales

Le FIVA sollicite l'indemnisation du préjudice moral de M. [V] [A] à hauteur de 17 700 euros.

Il fait valoir qu'il résulte de la rédaction de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices indemnisés par le capital ou la rente majorés sont totalement distincts des préjudices visés à l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale ce que démontre également la rédaction de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale qui définit les critères retenus pour fixer le taux d'IPP.

Il ajoute que le préjudice moral subi par M. [V] [A] résulte de la spécificité de la situation des victimes de l'amiante, amenées à constater le développement de la maladie et son évolution.

L'AJE fait valoir que seules les souffrances physiques et morales non déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, c'est-à-dire celles endurées pendant la période antérieure à la date de consolidation et donc pendant la maladie traumatique, peuvent faire l'objet d'une réparation complémentaire. L'AJE souligne qu'en l'espèce, la date de consolidation de M. [V] [A] coïncidant avec celle du certificat médical initial, il en résulte que M. [V] [A] ne peut se prévaloir d'une période de maladie traumatique et donc revendiquer l'existence d'un préjudice moral non déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent. Il ajoute enfin que M. [V] [A] n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses prétentions.

La caisse s'en rapporte à la sagesse de la cour.

*******************

Aux termes de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale « indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. [...] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur. »

ll résulte de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d'incapacité permanente défini à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947). En conséquence, les souffrances morales de la victime peuvent être indemnisées.

En l'espèce, la victime, en application de l'article L434-1 du code de la sécurité sociale, s'est vu attribuer une indemnité en capital, son taux d'incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d'admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d'incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage les souffrances morales.

Dès lors le FIVA, subrogé dans les droits de M. [V] [A], est recevable en sa demande d'indemnisation des souffrances morales endurées, sous réserve qu'elles soient caractérisées.

S'agissant du préjudice moral, M. [R] était âgé de 55 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint de calcifications pleurales. L'anxiété liée au fait de se savoir atteint d'une maladie irréversible due à l'amiante dont bon nombre de ses anciens collègues sont atteints parfois sous des formes plus graves ou sont décédés et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera réparée par l'allocation d'une somme de 15 000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l'âge de M. [V] [A] au moment de son diagnostic.

Sur le préjudice d'agrément

L'indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu'il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d'une activité spécifique sportive ou de loisir qu'il lui est désormais impossible de pratiquer.

Le FIVA demande la confirmation du jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a fixé à 1 000 euros le préjudice d'agrément subi par M. [V] [A], au vu de son âge au moment de l'apparition de la maladie et de la gêne ressentie durant la pratique de la nage.

L'AJE s'oppose à cette demande estimant que le FIVA ne justifie pas de ce préjudice.

L'examen des pièces versées aux débats montre que M. [V] [A] s'est plaint d'une « oppression durant les activités de nage », sans décrire d'autres symptômes, relevée par le rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanent en MP daté du 29 août 2018 (pièce n°9 du FIVA). Aucune autre pièce relative à l'activité de nage de M. [V] [A] n'est produite aux débats.

Dès lors, à défaut de démontrer que M. [V] [A] pratiquait régulièrement la natation avant la manifestation de sa maladie professionnelle, et qu'il ne serait plus dans la capacité de s'y adonner désormais, il convient de constater que le FIVA ne justifie pas du préjudice d'agrément subi par M. [V] [A] du fait de sa maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B.

La demande présentée par le FIVA au titre du préjudice d'agrément sera ainsi rejetée et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

SUR L'ACTION RÉCURSOIRE DE LA CAISSE

La CPAM de [Localité 13] étant mise hors de cause, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a accordé le bénéfice de son action récursoire à l'encontre de l'AJE, venant aux droits des [11], devenues [7].

La [6] ([6]) ayant été mise en cause dans le cadre de la procédure d'appel mais ne s'étant pas fait représenter, il convient de constater qu'elle n'a formé aucune action récursoire.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L'issue du litige conduit la cour à condamner l'AJE à payer au FIVA et à M. [V] [A] la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel, les dispositions prises à ce titre par le pôle social étant confirmées.

Enfin, l'AJE, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris du 21 mai 2021 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz sauf en ce qu'il a :

Dit que la majoration maximale de l'indemnité en capital allouée à M. [V] [A] à hauteur de 1 952.33 euros sera directement versée au FIVA par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 13] ;

Débouté le FIVA de sa demande d'indemnisation présentée au titre du préjudice causé par les souffrances morales endurées par M. [V] [A] ;

Fixé à la somme de 1 000 euros le préjudice d'agrément subi par M. [V] [A] ;

Dit que la CPAM de [Localité 13] devra verser cette somme au FIVA, créancier subrogé dans les droits de M. [V] [A] ;

Condamné l'AJE à rembourser à la CPAM de [Localité 13] l'ensemble des sommes, en principal et intérêts, que cet organisme sera tenu d'avancer sur le fondement des articles L 452-1 à L 452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de M. [V] [A] inscrite au tableau 30B ;

En conséquence, statuant à nouveau sur ces points,

MET hors de cause la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de [Localité 13] ;

DECLARE l'arrêt opposable à la [6] ([6]) ;

DIT que la majoration maximale de l'indemnité en capital allouée à M. [V] [A] à hauteur de 1 952.33 euros sera directement versée à M. [V] [A] par la [6] ;

FIXE l'indemnité réparant le préjudice moral subi par M. [V] [A] à la somme de 15 000 euros;

DIT que la [6] devra verser cette somme au FIVA, créancier subrogé dans les droits de M. [V] [A] ;

DEBOUTE le FIVA de sa demande au titre du préjudice d'agrément subi par M. [V] [A] ;

CONSTATE que la [6] ne formule plus de demande au titre de son action récursoire à l'encontre de l'Agent Judiciaire de l'Etat, venant aux droits de l'EPIC [7], anciennement [11] ;

Y ajoutant,

CONDAMNE l'Agent judiciaire de l'État, venant aux droits de l'EPIC [7], anciennement [11], à payer au FIVA et à M. [V] [A] la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Agent judiciaire de l'État, venant aux droits de l'EPIC [7], anciennement [11], aux dépens d'appel.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 21/01548
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;21.01548 ?
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