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16/04/2024 | FRANCE | N°20/01440

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 16 avril 2024, 20/01440


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 20/01440 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FKIX

Minute n° 24/00101





[W]

C/

S.A.R.L. DU CHENE, S.A.R.L. DOMAINE DE LA FORGE, S.A.R.L. [P] [C] INVESTISSEMENT









Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 21 Novembre 2019, enregistrée sous le n° 2019/00538





COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 16 AVRIL 2024







APPELANT :



Monsieur [I] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localité 1]



Représenté par Me Patrick VANMANSART, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Alexandre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 20/01440 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FKIX

Minute n° 24/00101

[W]

C/

S.A.R.L. DU CHENE, S.A.R.L. DOMAINE DE LA FORGE, S.A.R.L. [P] [C] INVESTISSEMENT

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 21 Novembre 2019, enregistrée sous le n° 2019/00538

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 16 AVRIL 2024

APPELANT :

Monsieur [I] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représenté par Me Patrick VANMANSART, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Alexandre GASSE, avocat plaidant du barreau de NANCY

INTIMÉES :

S.A.R.L. DU CHENE, représentée par son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

S.A.R.L. DOMAINE DE LA FORGE, représentée par son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

S.A.R.L. [P] [C] INVESTISSEMENT, représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

LUXEMBOURG

Représentée par Me Thomas ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 12 Octobre 2023, l'affaire a été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 16 Avril 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Sylvie MATHIS

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [I] [W] a été l'associé unique de la SAS Rox Lux, elle-même associée unique de la SASU [7].

Par actes sous seing privé du 20 février 2015, la SASU [7] et la société de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement se sont associées pour constituer deux sociétés à responsabilité limitée (SARL) distinctes, dénommées SARL du Chêne et SARL Domaine de la Forge, avec pour objet social la promotion immobilière, et ont conclu un pacte d'associés pour chacune d'elles.

La SARL Du Chêne a été constituée avec un capital de 1 000 euros dont les parts sociales ont été réparties comme suit entre les deux associés :

1 part pour la SASU [7],

99 parts pour la SARL [P] [C] Investissement.

Le pacte d'associés prévoyait notamment concernant la SASU [7]:

Un apport en compte courant de 300 000 euros rémunéré au taux 8% l'an,

Une clause pénale de 100 000 euros en cas de violation des obligations stipulées dans le pacte.

La SARL Domaine de la Forge a été constituée avec un capital de 1 000 euros dont les parts sociales ont été réparties comme suit :

500 parts pour la SASU [7],

500 parts pour la SARL [P] [C] Investissement.

Le pacte d'associés prévoyait notamment concernant la SASU [7]:

un apport en compte courant de 500 000 euros, sans rémunération, porté par la suite à 1 000 000 d'euros selon avenant du 05 juin 2015,

Une clause pénale de 100 000 euros en cas de violation des obligations stipulées dans le pacte,

un boni de liquidation au moins égal à la somme de 247 921,35 euros, porté à 644 559,76 euros par avenant du 05 juin 2015, au bénéfice de la SASU [7].

M. [P] [C], par ailleurs gérant de la société de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement, a été désigné gérant de ces deux sociétés nouvellement constituées.

Ultérieurement la SASU [7] est devenue la SASU Rox Investissement.

Le 2 janvier 2016, la SASU Rox Investissement a été dissoute avec transmission universelle de son patrimoine au profit de son associé unique, la SAS Rox Lux.

La SAS Rox Lux a elle-même été dissoute selon publication au BODACC du 29 février 2016.

La totalité de son patrimoine a été transférée à son associé unique M. [W] qui est donc personnellement associé au sein de la SARL du Chêne et de la SARL Domaine de la Forge.

Souhaitant notamment obtenir remboursement du montant versé en comptes courants d'associés par la SASU [7], M. [W] a, par acte du 05 octobre 2018, assigné la SARL Du Chêne, la SARL Domaine de la Forge et la société [P] [C] Investissement en référé devant le tribunal de commerce de Nancy en application de la clause attributive de compétence stipulée dans les pactes d'actionnaires.

Exposant qu'elles n'étaient pas parties aux pactes d'associés, la SARL Du Chêne et la SARL Domaine de la Forge ont soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Nancy.

M. [W] a finalement acquiescé à cette exception.

Par actes des 19 et 22 novembre 2018, M. [W] a assigné la SARL Du Chêne, la SARL Domaine de la Forge et la société [P] [C] Investissement devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Metz.

Par ordonnance du 05 février 2019, le juge des référés s'est déclaré incompétent sur les demandes financières et a condamné la SARL Du Chêne et la SARL Domaine de la Forge à produire leurs comptes, relevés bancaires et documents sociaux.

Par acte d'huissier du 15 mars 2019, M. [W] a assigné à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Metz, sur autorisation de son président obtenue par ordonnance du 27 février 2019, la SARL Du Chêne, la SARL Domaine de la Forge et la société [P] [C] Investissement, aux fins de faire, au visa notamment de l'article 1134 ancien du code civil :

Condamner in solidum la SARL Du Chêne et la société [P] [C] Investissement à payer à M. [W] la somme de 300 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2018 ;

Condamner in solidum la SARL Domaine de la Forge et la société [P] [C] Investissement à lui payer la somme de 1 000 000d'euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2018 ;

Condamner la société [P] [C] Investissement à lui payer les sommes de :

196 010,00 euros concernant la SARL Du Chêne comprenant :

les intérêts à 8 % l'an sur 300 000 euros du 20 février 2015 au 20 février 2019 soit 96 000 euros,

100 000 euros au titre de la clause pénale,

10 euros au titre d'une part sociale,

les intérêts à 8% l'an sur 300 000 euros à compter du 21 février 2019,

745 059,76 euros concernant la SARL Domaine de la Forge comprenant :

644 559,76 euros au titre de la garantie du boni de liquidation,

100 000 euros au titre de la clause pénale,

500 euros au titre de la valeur nominale des parts,

les intérêts au taux légal sur 1 000 000 euros depuis le 20 février 2015,

Condamner les défenderesses in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Bertrand Becker, avocat aux offres de droit.

Dans ses conclusions en réplique du 21 mai 2019, M. [W] a également sollicité que la clause n°15, identique dans les statuts de la SARL Du Chêne et de la SARL Domaine de la Forge, soit déclarée nulle ou réputée non écrite.

La SARL Du Chêne, la SARL Domaine de la Forge et la société [P] [C] Investissement ont constitué avocat, ont demandé à ce que la prétention au titre de la nullité ou du caractère non écrit de la clause n°15 soit déclarée irrecevable et ont sollicité le débouté des prétentions de M. [W].

Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Metz a :

Rejeté la demande en sursis à statuer et en renvoi à la mise en état formée par la SARL Du Chêne, la SARL Domaine de la Forge et la société de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement,;

Accueillie l'exception d'irrecevabilité de la demande en nullité ou en réputé non écrit de l'article 15 des statuts des sociétés SARL Du Chêne et SARL Domaine de la Forge soulevée par la SARL Du Chêne, la SARL Domaine de la Forge et la société de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement;

Déclaré en conséquence irrecevables la demande en nullité ou en réputé non écrit de l'article 15 des statuts des sociétés SARL Du Chêne et SARL Domaine de la Forge et les moyens qui la soutiennent, formés par M. [I] [W] ;

Débouté M. [I] [W] de sa demande en paiement de la somme de 300 000 euros au titre de son compte courant d'associé de la SARL Du Chêne ;

Débouté M. [I] [W] de sa demande en paiement de la somme de 1 000 000 d'euros au titre de son compte courant d'associé de la SARL Domaine de la Forge ;

Condamné la société de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [I] [W] la somme de 48 000 euros au titre des intérêts contractuels ;

Condamné la société de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [I] [W] la somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale stipulée dans le pacte extra-statutaire dont la SARL Du Chêne est l'objet ;

Débouté M. [I] [W] du surplus de ses demandes en paiement formées à l'encontre de la société de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement;

Rejeté la demande formée par M. [I] [W] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté la demande formée par la SARL Du Chêne, la SARL Domaine de la Forge et la société de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera les frais qu'elle a engagés au titre des dépens ;

Prononcé l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a d'abord considéré que la plainte pénale déposée par M. [W] pour abus de confiance ne justifiait pas le sursis à statuer sollicité par les défenderesses.

Il a retenu que dans le cadre d'une procédure à jour fixe, les prétentions et moyens nouveaux du bénéficiaire de l'assignation à jour fixe qui ne constituent pas une réponse aux conclusions des défendeurs doivent être déclarés irrecevables.

Il en a déduit que la demande de nullité de l'article 15 des statuts qui ne figurait pas dans la requête initiale de M. [W] devait être déclarée irrecevable.

Il a donc appliqué ces dispositions statutaires aux demandes de remboursement des comptes courants d'associés formées à l'encontre de la SARL Du Chêne et de la SARL Domaine de la Forge et il a considéré que M. [W] ne justifiait, ni d'un accord commun de la gérance pour obtenir ces remboursements, ni d'une décision collective des associés en ce sens.

S'agissant des demandes de remboursement des comptes courants d'associés formées par M. [W] à l'encontre de son associée la société [P] [C] Investissement, le premier juge a retenu que les pactes d'associés et leurs avenants ne stipulaient pas une obligation de remboursement de ces avances à la charge de la société [P] [C] Investissement, en lieu et place des sociétés débitrices.

Néanmoins il a considéré qu'il résultait du pacte d'associé du 20 février 2015 concernant la SARL Du Chêne que la société [P] [C] Investissement devait être tenue au paiement des intérêts contractuels au titre des sommes versées en compte courant d'associé, mais exclusivement sur la durée de vie du pacte à savoir trois années.

Il a rejeté la demande d'intérêts au taux légal s'agissant des sommes versées en compte courant d'associé de la SARL Domaine de la Forge, au visa du pacte d'actionnaire du 20 février 2015 qui exclut toute rémunération de ces avances.

Le tribunal a fait droit à la demande de clause pénale à l'encontre de la société [P] [C] Investissement sur le fondement du pacte d'actionnaires relatif à la SARL du Chêne, au seul motif que la société [P] [C] Investissement a manqué à son obligation de paiement des intérêts contractuels. Il a écarté tous les autres manquements contractuels invoqués, notamment l'obligation d'information.

Il a écarté une semblable demande de clause pénale à l'encontre de la société [P] [C] Investissement sur le fondement du pacte d'actionnaires relatif à la SARL du Chêne, au motif que M. [W] ne démontrait pas une quelconque violation par la société [P] [C] Investissement de ses obligations contractuelles.

Concernant les demandes de rachat des parts, le premier juge a considéré que les conditions d'application des clauses de rachat n'étaient pas réunies pour l'une et l'autre société.

Enfin, il a refusé de faire droit à la demande de M. [W] au titre de la garantie due par la SARL [P] [C] Investissement s'agissant du boni de liquidation de la SARL Domaine de la Forge, dès lors que la procédure de dissolution de cette société n'a pas été mise en 'uvre y compris par l'associé minoritaire qui dispose d'une voie judiciaire à cette fin.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 17 août 2020, M. [W] a interjeté appel du jugement rendu le 21 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Metz en ce qu'il a :

Accueilli l'exception d'irrecevabilité de la demande en nullité ou en réputé non écrit de l'article 15 des statuts de la SARL Du Chêne et de la SARL Domaine de la Forge et déclaré en conséquence irrecevables cette demande et les moyens qui la soutiennent, formés par M. [I] [W] ;

Débouté M. [I] [W] de sa demande en paiement de la somme de 300 000 euros au titre de son compte courant d'associé de la SARL Du Chêne ;

Débouté M. [I] [W] de sa demande en paiement de la somme de 1 000 000 d'euros au titre de son compte courant d'associé de la SARL Domaine de la Forge ;

Limité la condamnation de la société [P] [C] Investissement à payer à M. [I] [W] la somme de 48 000 euros au lieu de 96 000 euros au titre des intérêts sur son compte courant dans les livres de la SARL Du Chêne et des intérêts à hauteur de 8 % l'an sur 300 000 euros à compter du 21 février 2019 ;

Débouté M. [I] [W] de sa demande de condamnation de la société [P] [C] Investissement à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale stipulée dans le pacte extra-statutaire dont la SARL Domaine de la Forge est l'objet ;

Débouté M. [I] [W] de ses demandes de condamnation de la société [P] [C] Investissement à lui payer la somme de 10 euros correspondant au montant nominal de sa part sociale dans la SARL Du Chêne et 500 euros correspondant à la valeur nominale de ses parts sociales dans la SARL Domaine de la Forge ;

Débouté M. [I] [W] de sa demande de condamnation de la société [P] [C] Investissement à lui payer la somme de 644 559,76 euros au titre de la garantie du boni de liquidation concernant la société Domaine de la Forge ;

Débouté M. [I] [W] de sa demande de condamnation de la société [P] [C] Investissement à lui payer les intérêts au taux légal sur la somme de 1 000 000 d'euros correspondant à son compte courant dans les livres de la société Domaine de la Forge depuis le 20 février 2015 ;

Débouté M. [I] [W] de sa demande de condamnation in solidum des intimées à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conserverait les frais engagés au titre des dépens, et débouté M. [I] [W] de sa demande de condamnation des intimées in solidum aux entiers dépens.

Les sociétés intimées ont formé appel incident par voie de conclusions déposées le 17 décembre 2020, sollicitant l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société [P] [C] Investissement à payer à M. [W] la somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale stipulée dans le pacte extra statutaire de la SARL Du Chêne et celle de 48 000 euros au titre des intérêts contractuels dus en application de ce même pacte, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et que chaque partie conserverait la charge de ses dépens.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 13 avril 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, M. [W] demande à la cour d'appel de :

confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Metz du 21 novembre 2019 en ce qu'il a condamné la société [P] [C] Investissement à lui payer 100 000 euros au titre de la clause pénale stipulée dans le pacte extrastatutaire de la SARL Du Chêne et 48.000 euros au titre des intérêts contractuels dus en application du pacte de la SARL Du Chêne ;

L'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau ;

Juger nul et non écrit l'article 15 des statuts des sociétés SARL Du Chêne et SARL Domaine de la Forge ;

Condamner in solidum la SARL Du Chêne et la société [P] [C] Investissement à payer à M. [I] [W], la somme de 300 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2018 ;

Condamner in solidum la SARL Domaine de la Forge et la société [P] [C] Investissement à payer à M. [I] [W], la somme de 1 000 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2018 ;

Condamner la Société [P] [C] Investissement à payer à M. [I] [W], les sommes de :

Concernant la SARL Du Chêne

Intérêts à 8 % l'an sur 300 000 euros du 20 février 2015 au 20 février 2019

96 000,00

Clause pénale art. 7-3 du pacte

100.000,00

Une part sociale

10,00

Intérêts à 8 % l'an sur 300 000 euros à compter du 21 février 2019

TOTAL SAUF MEMOIRE

196.010,00

Concernant la société Domaine de la Forge

Garantie de boni de liquidation

644.559,76

Clause énale article 7-3 du pacte

100.000,00

Valeur nominale des parts

500,00

Intérêts au taux légal sur 1 000 000 euros depuis le 20 février 2015

Mémoire

TOTAL SAUF MEMOIRE

745.059,76

Condamner chacune des défenderesses à payer à M. [I] [W] une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civilee ainsi qu'aux entiers dépens. 

Au soutien de ses prétentions, M. [W] expose de prime abord que ses demandes en nullité ou en réputé non écrit de l'article 15 des statuts de la SARL Du Chêne et de la SARL Domaine de la Forge sont recevables. Pour le démontrer, M. [W] explique avoir rappelé dans son assignation à jour fixe le principe selon lequel un prêt fait par un associé en compte courant constitue une créance en permanence exigible sur la société, sauf stipulations particulières des statuts ou décision particulière de l'Assemblée Générale des Associés. Contrairement à ce que le tribunal a pu retenir, M. [W] dément s'être fondé sur l'article 15 des statuts dans son assignation à jour fixe. M. [W] affirme ainsi qu'il ne s'agissait pas d'une demande nouvelle mais d'un moyen au soutien des demandes formées dès l'origine de remboursement du solde créditeur des comptes courants.

Sur le caractère nul et non écrit de l'article 15 alinéa 2 et l'exigibilité du solde créditeur des comptes courants, M. [W] fait valoir que l'associé qui a consenti une avance en compte courant à durée indéterminée a le droit d'en exiger le remboursement à tout moment à défaut de disposition conventionnelle contraire. Selon M. [W], la clause des statuts prévoyant que les conditions de retrait des avances en compte courant sont fixées par la gérance est réputée non écrite dès lors que l'article 15 des statuts contrevient à la disposition impérative selon laquelle le remboursement d'une avance en compte courant ne doit pas dépendre exclusivement d'une décision de la société ou de l'un de ses associés et qu'elle constitue donc une condition purement potestative, en vertu des articles 1170 et 1174 du code civil.

Sur les demandes formulées à l'encontre de la société [P] [C] Investissement, M. [W] expose que si les sociétés Du Chêne et Domaine de la Forge ne sont pas formellement parties aux pactes d'associés, des engagements ont été souscrits dans ce cadre par la SARL [P] [C] Investissement. M. [W] affirme ensuite que la société [P] [C] Investissement a violé à plusieurs reprises les pactes d'actionnaires et que ces différentes violations sont en lien direct avec l'absence de remboursement à M. [W] des sommes qui lui sont dues par les sociétés Du Chêne et Domaine de la Forge. Il en déduit que la société [P] [C] Investissement doit être condamnée au remboursement des avances en compte courant mais aussi au paiement de l'ensemble des sommes correspondant aux engagements figurant dans les pactes d'associés du fait de ses propres violations, soit les intérêts, les clauses pénales, la valeur des parts sociales et le boni de liquidation.

Sur les intérêts, M. [W] soutient que, puisque les sommes mises à disposition dans le cadre du pacte d'associé n'ont pas été restituées contre le gré du prêteur, elles doivent continuer à porter intérêt au taux de 8 % l'an jusqu'à complet remboursement concernant la SARL du Chêne et au taux légal concernant la SARL Domaine de la Forge.

M. [W] affirme que la SARL [P] [C] Investissement a été gravement défaillante depuis plus de quatre ans, que son attitude est dilatoire et stigmatise sa particulière mauvaise foi et il indique enfin avoir subi un préjudice matériel et moral considérable dans la mesure où les sommes prêtées représentaient l'ensemble de ses économies.

Par conclusions déposées le 30 mars 2022, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les sociétés Du Chêne, Domaine de la Forge et [P] [C] Investissement demande à la cour d'appel de :

déclarer l'appel formé par M. [I] [W] irrecevable, faute pour lui d'avoir intimé le curateur de la SARL [P] [C] Investissement, en tant que dirigé à l'encontre de cette dernière ;

Pour le surplus,

Avant dire-droit, ordonner le sursis à statuer de la présente procédure jusqu'à l'issue de la plainte pénale déposée le 02 juin 2019 par M. [I] [W] ;

En tout état de cause,

Rejeter l'appel de M. [W] et le dire mal-fondé, accueillir au contraire l'appel incident de la SARL [P] [C] Investissement,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL [P] [C] Investissement à payer à M. [W] la somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale stipulée dans le pacte extra statutaire de la SARL Du Chêne et celle de 48 000 euros au titre des intérêts contractuels dus en application du pacte de la SARL Du Chêne, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens.

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Débouter M. [W] de ses demandes ;

Subsidiairement, confirmer le jugement entrepris et débouter M. [W] du surplus de ses demandes ;

Condamner M. [W] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la SARL Du Chêne, à la SARL Domaine de la Forge et à la SARL [P] [C] Investissement, chacune, la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Au soutien de leurs prétentions, les sociétés intimées affirment tout d'abord, au visa de l'article 122 du code de procédure civile et de l'article L. 641-9 du code de commerce, que la SARL de droit luxembourgeois [P] [C] Investissement a fait l'objet d'une procédure de faillite au Luxembourg le 11 octobre 2019 et que M. [W] n'a pas intimé le curateur. Les sociétés intimées en déduisent donc que l'appel est irrecevable en application combinée des articles 122 et 125 du code de procédure civile et L.141-9 du code de commerce, peu important que cette procédure ait été rapportée le 08 janvier 2020 puisque, selon elles, c'est à la date de l'appel qu'il convient de se placer pour apprécier la régularité.

Les sociétés intimées exposent ensuite que c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande de sursis à statuer car il importe que la plainte déposée le 02 juin 2019 par M. [W] contre M. [C] et contre les sociétés Du Chêne, Domaine de la Forge et [P] [C] Investissement puisse être instruite et que la cour ait connaissance de ses conclusions. Soutenant que, du propre aveu de M. [W], la plainte porte sur la gestion de son argent, les sociétés intimées estiment que l'action pénale est donc intimement liée à la présente procédure justifiant un sursis à statuer.

Sur la demande en remboursement des comptes courants d'associés dirigée contre la SARL Du Chêne et la SARL Domaine de la Forge, les sociétés intimées affirment que c'est à bon droit que le tribunal a jugé ces demandes irrecevables. Les sociétés intimées soutiennent ainsi que, en application des articles 788 à 792 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°98-1231 du 28 décembre 1998, les prétentions et moyens nouveaux non contenus dans la requête initiale doivent être déclarés irrecevables et que tel doit donc être le sort de la demande de voir juger nul ou réputé non écrit l'article 15 des statuts des SARL Du Chêne et Domaine de la Forge formée par M. [W] en cours de procédure.

En tout état de cause, les sociétés intimées affirment que l'article 15 des statuts n'est pas potestatif et n'encourt pas la nullité prévue aux articles 1170 et 1174 anciens du code civil ou de l'article 1304-2 nouveau du même code. Les sociétés intimées soulèvent que cet article prévoit que les conditions de retraits sont fixées soit entre la gérance et l'associé intéressé, soit par décision collective des associés mais ne confère aucunement aux SARL Du Chêne et Domaine de la Forge le pouvoir de se prononcer sur la demande de retrait présentée par un associé. Elles en déduisent que cette clause ne constitue donc pas une condition purement potestative puisque sa réalisation ne dépend pas du seul consentement du débiteur du compte courant et précise que le fait que la SARL [P] [C] Investissement détienne 99% du capital n'y change rien.

Les sociétés intimées soulèvent en outre le fait que la demande de désignation par M. [W] d'un administrateur ad hoc aux fins de solliciter la tenue d'une assemblée générale avec pour ordre du jour, notamment, la demande de remboursement de ses apports en compte courant vaut reconnaissance de la validité de l'article 15 des statuts et que le remboursement de ses apports en comptes courants devait forcément être soumis à une consultation des associés et non à l'appréciation d'un tribunal. Les sociétés intimées en déduisent qu'il s'agit d'un aveu judiciaire rendant la demande irrecevable.

Sur la demande en remboursement des comptes courants d'associés dirigée contre la SARL [P] [C] Investissement, les sociétés intimées exposent que l'associé n'est pas tenu de restituer les avances en comptes courants et que cette demande ne saurait pas plus aboutir sur le fondement d'une prétendue violation des pactes d'associés qui, selon elles, ne prévoyaient rien de tel. Les sociétés intimées précisent qu'il ne peut se déduire des stipulations contractuelles prévoyant le blocage des sommes versées pendant une durée de trois ans une obligation de remboursement de ces sommes à la charge du co-signataire.

Sur les autres demandes en paiement dirigées contre la SARL [P] [C] Investissement, et premièrement concernant les intérêts, les sociétés intimées soutiennent qu'il ressort de la volonté claire et non équivoque des parties que les pactes d'associés attachés à la SARL Du Chêne prévoyaient que les intérêts ne pouvaient être dus que pour la durée du pacte, soit trois ans, et qu'aucune reconduction tacite ni accord postérieur n'étaient intervenu. Les sociétés intimées ajoutent que, s'agissant des années pour lesquelles les intérêts prévus n'ont pas été perçus, il y a lieu de considérer qu'en application de la clause stipulée dans le pacte et à défaut pour M. [W] de démontrer avoir sollicité un tel règlement, les intérêts ont été laissés à la disposition de la société et sont venus augmenter le montant du compte courant d'associé. Elles ajoutent que la demande en tant que dirigée contre la société [P] [C] Investissement est incontestablement mal fondée. Enfin, les sociétés intimées considèrent que M. [W] est mal fondé à solliciter le paiement des intérêts concernant la somme versée en compte courant d'associé de la SARL Domaine de la Forge puisqu'il résulte de l'article 3-2 du pacte d'associé la concernant que la somme mise à disposition ne portera pas intérêt.

S'agissant des demandes au titre des clauses pénales, les sociétés affirment que M. [W] ne démontre aucune inexécution contractuelle permettant l'application des clauses pénales. Les sociétés intimées affirment en outre que, en application de l'article 1231-5 du code civil, la clause pénale n'est encourue que si le débiteur a été mis en demeure d'exécuter l'obligation assortie de la pénalité, ce qu'elles exposent ne pas être le cas en l'espèce, et qu'en tout état de cause le montant de la clause pénale est manifestement excessif et devra à tout le moins être modéré.

Concernant le paiement des parts sociales, les sociétés intimées soutiennent que M. [W] n'a pas exercé son droit de retrait dans les délais qui lui étaient impartis selon les termes des pactes d'associés prévoyant la notification de l'exercice de ce droit à la SARL [P] [C] Investissement dans les 60 jours de la survenance de la cause de retrait. De même, elles estiment que M. [W] n'est pas plus fondé à se prévaloir de l'article 7-3 des pactes d'associés relatif à l'inexécution fautive de l'un quelconque des engagements puisque là encore la clause prévoit une notification à l'autre partie par lettre recommandé avec accusé de réception dans un délai de 30 jours à compter de la violation de l'exercice de son droit d'option et que tel n'a pas été le cas en l'espèce.

S'agissant de la demande au titre du boni de liquidation, les sociétés intimées indiquent que le boni de liquidation prévu à l'article 6-2 du pacte initial et modifié par avenant du 05 juin 2015, n'est dû qu'en cas de dissolution et liquidation de la SARL Domaine de la Forge et que ce n'est pas le cas en l'espèce.

MOTIFS DE LA DECISION

Le tribunal a retenu que dans le cadre d'une procédure à jour fixe, les prétentions et moyens nouveaux du bénéficiaire de l'assignation à jour fixe qui ne constituent pas une réponse aux conclusions des défendeurs doivent être déclarés irrecevables et il en a déduit que la demande de nullité de l'article 15 des statuts des SARL Domaine de la Forge et du Chêne, qui ne figurait pas dans la requête initiale de M. [W], devait être déclarée irrecevable.

Dans leurs conclusions devant la cour, les parties reprennent leurs moyens développés devant le premier juge pour discuter de la recevabilité de la prétention de M. [W] aux fins de nullité de l'article 15 des statuts et de la confirmation ou infirmation de la décision de première instance sur ce point.

Néanmoins, la présente juridiction considère ne pas pouvoir statuer sur la recevabilité de cette prétention sans prendre en considération les articles 564, 565 à 566 du code de procédure civile relatifs aux demandes nouvelles en appel.

En effet, l'article 564 du code de procédure civile dispose que : « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

L'article 565 du même code dispose que : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».

L'article 566 du même code dispose que : « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

Les débats seront réouverts afin de permettre aux parties de s'expliquer sur les observations ainsi formulées par la cour.

L'affaire fera l'objet d'un calendrier de procédure et sera renvoyée à la mise en état de la première chambre civile de la cour d'appel de Metz.

Les demandes ainsi que les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture ;

Ordonne la réouverture des débats, tout droit et moyens des parties réservés ;

Invite les parties à s'expliquer sur la recevabilité, au regard des articles 564 à 566 du code de procédure civile, de la prétention de M. [W] de faire déclarer nul ou non écrit l'article 15 des statuts des SARL Domaine de la Forge et du Chêne et ce selon le calendrier suivant : les observations de M. [W] sont attendues avant le 13 juin 2024 et celles de la SARL Domaine du Chêne, SARL Domaine de la Forge et société de droit luxembourgeois [P] [C]. Investissement avant le 11 juillet 2024 ;

Dit que l'affaire sera renvoyée à la mise en état du 12 septembre 2024 à 15h00, la présente décision valant convocation des parties pour cette date ;

Réserve les demandes ainsi que les dépens.

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01440
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;20.01440 ?
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