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27/03/2024 | FRANCE | N°22/00070

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 27 mars 2024, 22/00070


Arrêt n°24/00112



27 mars 2024

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N° RG 22/00070 -

N° Portalis DBVS-V-B7G-FUZQ

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

10 décembre 2021

19/01025

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt sept mars deux mille vingt quatre







APPELANT :



M. [R] [Z] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Florent KAHN, avocat au barreau de METZ







INTIMÉE :



SAS FAYAT BATIMENT prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

R...

Arrêt n°24/00112

27 mars 2024

------------------------

N° RG 22/00070 -

N° Portalis DBVS-V-B7G-FUZQ

----------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

10 décembre 2021

19/01025

----------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt sept mars deux mille vingt quatre

APPELANT :

M. [R] [Z] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Florent KAHN, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

SAS FAYAT BATIMENT prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 septembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, en présence de Mme [G] [X], greffière stagiaire

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [R] [Z] [E] a été embauché à compter du 19 mai 2003, avant de devenir maître-compagnon, classification cadre B, niveau E2 C1, pour le compte de la SAS Fayat Bâtiment Lorraine suivant avenant signé le 31 janvier 2013. En dernier lieu, sa rémunération mensuelle brute s'élevait à la somme de 4 853 euros.

L'avenant signé entre les parties le 31 janvier 2013 prévoyait également l'application d'une convention de forfait en jours à compter du 1er février 2013.

M. [Z] [E] était titulaire d'un mandat de délégué du personnel et bénéficiait à ce titre du statut de salarié protégé.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des cadres du bâtiment.

Le 18 novembre 2016, M. [Z] [E] s'est trouvé en arrêt maladie suite à un accident du travail. Il a fait l'objet d'une première visite de reprise auprès de la médecine du travail le 29 juin 2018 puis d'une deuxième visite médicale le 4 juillet 2018 à l'issue de laquelle il a été déclaré inapte.

Le 31 juillet 2018, la SAS Fayat Bâtiment Lorraine proposait à M. [Z] [E] un poste de technicien SAV à [Localité 5] que M. [Z] [E] refusait le 25 août 2018.

M. [Z] [E] a été convoqué à un entretien préalable. Le comité d'établissement s'est réuni par la suite le 28 septembre 2018 puis a rendu un avis défavorable sur le projet de licenciement.

Le 1er octobre 2018, la SAS Fayat Bâtiment Lorraine a sollicité l'administration afin d'obtenir l'autorisation de licencier M. [Z] [E] et l'inspection du travail faisait droit à cette demande par décision du 3 décembre 2018, prononcée à la suite d'une enquête contradictoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 7 décembre 2018, M. [Z] [E] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête enregistrée au greffe le 12 décembre 2019, M. [Z] [E] a fait citer la SAS Fayat Bâtiment Lorraine devant le conseil de prud'hommes de Metz aux fins de voir, aux termes de ses dernières conclusions :

Constater la nullité de la convention individuelle de forfait en jours liant les parties ;

Condamner la SAS Fayat Bâtiment Lorraine à lui payer les sommes suivantes :

. 11 143.93 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de l'année 2016 ;

. 1 708.97 euros d'indemnité au titre du contingent annuel ;

. 1 285.29 euros de congés payés sur ces sommes ;

. 9 190.33 euros net de solde d'indemnité spéciale légale de licenciement ;

. 1 988.73 euros de rappel de salaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS Fayat Bâtiment Lorraine à lui délivrer sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du délai de 5 jours courant à partir de la notification de la décision à intervenir, des documents suivants, établis conformément au jugement à intervenir : solde de tout compte, attestation Pôle emploi, certificat de travail, fiches de paye des mois de décembre 2015 à décembre 2018 ;

Se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte prononcée ;

Dire et juger que l'ensemble des sommes produiront intérêts au taux légal depuis la date d'introduction de la demande ;

Ordonner l'exécution provisoire sur le tout conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS Fayat Bâtiment Lorraine aux frais et dépens d'instance et d'exécution.

La SAS Fayat Bâtiment Lorraine soulevait l'irrecevabilité des demandes ou leur mal-fondé, et sollicitait la condamnation de M. [Z] [E] à lui verser 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement prononcé le 10 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Metz, section encadrement, a statué de la façon suivante :

Dit que le forfait en jours de M. [Z] [E] est valide ;

Dit que les demandes au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et le rappel de salaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sont prescrites ;

En conséquence,

Déboute M. [Z] [E] de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute la SAS Fayat Bâtiment Lorraine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] [E] aux éventuels frais et dépens de l'instance.

Par acte enregistré par voie électronique le 7 janvier 2022, M. [Z] [E] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 13 décembre 2021.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2022, M. [Z] [E] demande à la cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Constater la nullité de la convention individuelle de forfait en jours liant les parties ou à tout le moins son absence d'effet ;

Condamner la société à payer à M. [Z] [E] :

. 11 143.93 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de l'année 2016 ;

. 1 708.97 euros d'indemnité au titre du contingent annuel ;

. 1 285.29 euros de congés payés sur ces sommes ;

. 9 190.33 euros net de solde d'indemnité spéciale légale de licenciement ;

. 1 988.73 euros de rappel de salaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS Fayat Bâtiment Lorraine à lui délivrer sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du délai de 5 jours courant à partir de la notification de la décision à intervenir, des documents suivants, établis conformément au jugement à intervenir : solde de tout compte, attestation Pôle emploi, certificat de travail, fiches de paye des mois de décembre 2015 à décembre 2018 ;

Se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte prononcée ;

Dire et juger que l'ensemble des sommes produiront intérêts au taux légal depuis la date d'introduction de la demande ;

Condamner la SAS Fayat Bâtiment Lorraine aux frais et dépens d'instance et d'exécution.

A l'appui de ses prétentions, M. [Z] [E] explique :

que la convention de forfait en jours n'est pas valable, le contrat de travail comportant des mentions lacunaires, ne précisant pas le nombre de jours, ne renvoyant pas clairement aux dispositions de la convention collective nationale et ne comportant pas ainsi les mentions obligatoires ;

que les dispositions de l'article 3.3 de la convention collective des cadres du bâtiment du 1er juin 2004 n'ont pas été étendues, et n'étaient pas en vigueur au moment de la signature de l'avenant au contrat de travail de M. [Z] [E] prévoyant l'application du forfait en jours ;

qu'aucune clause de l'accord collectif ne permet de garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié bénéficiant d'un forfait en jours restent raisonnables et n'assure donc la protection de la sécurité et de la santé du salarié ;

qu'aucun entretien précis sur l'évaluation de la charge de travail n'a été mis en place, de sorte que la convention individuelle de forfait en jours est privée d'effet ;

que la demande aux fins de constater la privation d'effet de la convention de forfait en jours a été formée dès la première instance de sorte qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle ;

que la charge de la preuve des heures supplémentaires étant partagée, et M. [Z] [E] produisant des décomptes journaliers et des bulletins de salaire de certains collègues de son équipe alors que l'employeur ne verse aucun élément, les heures supplémentaires sont suffisamment établies ;

qu'il a accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 180 heures supplémentaires prévu par la convention collective du bâtiment ;

que la prescription triennale ne court qu'à compter du jour où M. [Z] [E] a eu connaissance du forfait en jours et du fait que l'avenant le prévoyant soit invalide, à savoir à compter de la communication du bordereau de pièces adverses en date du 28 avril 2021, de sorte que la demande n'est pas prescrite ;

que les prétentions au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de l'absence d'effet de la convention de forfait en jours, formées après l'introduction de la procédure ou à hauteur d'appel, sont le pendant de la demande en paiement des heures supplémentaires et se rattachent à elle par un lien suffisant, de sorte qu'elles sont recevables ;

que la demande aux fins de voir constater la nullité de la convention de forfait en jours, formée en cours de première instance,  a un lien évident avec la demande initiale en paiement d'heures supplémentaires et n'est, tout comme celle visant à voir priver d'effet cette convention, qu'un moyen et non une prétention, qui est en l'espèce la condamnation au paiement du rappel de salaires, de sorte qu'ils peuvent être soulevés à tout moment, y compris à hauteur d'appel ;

que les documents de fin de contrat ne mentionnent pas la réelle ancienneté de M. [Z] [E] qui doit tenir compte de la période d'arrêt de travail ;

que l'indemnité de préavis et l'indemnité légale de licenciement doivent prendre en compte les sommes dues au titre des heures supplémentaires ainsi que les salaires versés pour la période antérieure à la suspension du contrat de travail pour arrêt maladie ;

que la demande au titre des indemnités de rupture n'est pas prescrite car intentée moins d'un an après la réception de la lettre de licenciement, en application de l'article 668 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2022, la SAS Fayat Bâtiment Lorraine demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le forfait en jours est valide ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les demandes au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement et le rappel de salaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sont prescrites ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [E] de l'ensemble de ses demandes et a statué ainsi au fond ;

Et statuant à nouveau,

Sur les heures supplémentaires,

. déclarer prescrites les demandes de M. [Z] [E] de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité au titre du contingent annuel ;

. en conséquence, déclarer M. [Z] [E] irrecevable en sa demande afférente aux heures supplémentaires ;

. à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [E] de sa demande d'heures supplémentaires ;

Sur les demandes de nullité de son forfait en jours et de sa demande de voir jugée « sans effet » la convention de forfait en jours,

. déclarer irrecevable la nouvelle demande de M. [Z] [E] au titre de la nullité de son forfait en jours et de sa demande de voir être jugée « sans effet » la convention de forfait en jours ;

. déclarer prescrite la demande de nullité de la convention de forfait en jours ;

. en conséquence, déclarer M. [Z] [E] irrecevable en ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de son forfait en jours et de sa demande de voir être jugée « sans effet » la convention de forfait en jours ;

. subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [E] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité au titre du contingent annuel ;

. à titre infiniment subsidiaire, déclarer que le forfait en jours s'impose au salarié et n'est pas privé d'effet, et en conséquence débouter l'appelant de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité au titre du contingent annuel et confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [E] de sa demande au titre du forfait en jours ;

. à titre subsidiaire, débouter M. [Z] [E] de ses demandes d'heures supplémentaires et de congés payés ;

. à titre infiniment subsidiaire, ramener à plus juste proportion le montant des demandes d'heures supplémentaires faute de preuves sérieuses ;

A titre subsidiaire et en tout état de cause,

Sur le contingent annuel et congés payés,

. déclarer irrecevables les demandes de contingent annuel et de congés payés ;

. à titre subsidiaire, déclarer prescrites les demandes de contingent annuel et de congés payés ;

. à titre tout à fait subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [E] de ses demandes ;

Sur le rappel d'indemnité de licenciement et de préavis,

. déclarer M. [Z] [E] irrecevable en ses demandes au titre du rappel d'indemnité de licenciement sur préavis, notamment pour cause de prescription ;

. subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [E] de sa demande ;

En tout état de cause,

. débouter M. [Z] [E] de l'intégralité de toutes ses autres demandes ;

. le condamner à 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel.

La SAS Fayat Bâtiment Lorraine soutient à l'appui de ses prétentions :

que le licenciement étant intervenu le 7 décembre 2018 et son dernier jour travaillé avant son arrêt de travail étant le 18 novembre 2016, la demande formée par M. [Z] [E] est prescrite en application de l'article L 3245-1 du code du travail, sa demande n'étant recevable que jusqu'au 18 novembre 2019 et ayant été formée le 12 décembre 2019 ;

que M. [Z] [E] a eu connaissance du forfait en jours à la date de la signature de l'avenant le prévoyant, soit le 31 janvier 2013, et qu'il avait également connaissance des accords en 2011 en qualité d'élu du personnel, de sorte que la demande formée le 12 décembre 2019, soit plus de trois ans après, est prescrite ;

que la demande aux fins de voir prononcée la nullité de la convention de forfait en jours a été formée pour la première fois le 9 août 2021 devant le conseil de prud'hommes, de sorte qu'elle est irrecevable en application de l'article 70 comme ne se rattachant pas aux prétentions originaires par un lien suffisant ;

que subsidiairement cette demande est irrecevable comme étant prescrite, le délai de prescription de deux ans prévu par l'article L 1471-1 du code du travail s'appliquant en l'espèce, s'agissant d'une demande relative à l'exécution du contrat de travail, et M. [Z] [E] ayant eu connaissance de la convention de forfait en jours par la signature de l'avenant du 31 janvier 2013, par ses bulletins de salaire, par les documents de pointage des jours travaillés qu'il remplissait tous les mois et par l'information spécifique qu'il a reçue dès 2011 sur l'accord RTT en sa qualité de représentant du personnel ;

que sur le fond, la convention de forfait en jours est prévue par l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail de 2011, prévoyant 218 jours travaillés et respectant les obligations prévues par les textes, notamment quant aux modalités de contrôle ;

que les entretiens annuels garantissent le respect des points relevés par la loi en cas de forfaits en jours ;

que subsidiairement sur les heures supplémentaires, la charge de la preuve reposant toujours sur le salarié qui doit fournir des éléments à l'appui de sa demande en application de l'article L 3171-4 du code du travail, le salarié est défaillant en l'espèce à les produire ;

qu'en l'espèce M. [Z] [E] ne fournit aucun élément à l'appui de sa demande ;

que la demande au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires est irrecevable comme étant nouvelle, formée pour la première fois en mars 2021 devant le conseil de prud'hommes et ne se rattachant pas aux prétentions originaires par un lien suffisant ;

que subsidiairement sur le fond cette demande n'est pas expliquée ni détaillée quant à son mode de calcul ;

que les demandes de rappel de solde d'indemnités de licenciement et de préavis sont prescrites comme étant formées plus de 12 mois après la notification de la rupture du contrat, en application de l'article L 1471-1 alinéa 2 du code du travail, s'agissant d'une action portant sur la rupture du contrat de travail, le licenciement étant intervenu le 7 décembre 2018 et la demande ayant été enregistrée le 12 décembre 2019, soit plus d'un an après ;

que le solde de tout compte a été adressé à M. [Z] [E] le 10 décembre 2018 de sorte que sa critique est tardive comme formulée le 15 avril 2019 et la demande au titre de l'indemnité de licenciement prescrite ;

que le calcul du salaire moyen de M. [Z] [E] ne peut pas prendre en compte les heures supplémentaires et le salaire de 2016, la rupture du contrat étant intervenue en 2018 ;

qu'en outre les heures supplémentaires étant inconstantes et diverses, elles ne peuvent pas être prises en considération à défaut de constituer un élément constant de sa rémunération.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juillet 2023.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'existence de demandes nouvelles

La SAS Fayat Bâtiment Lorraine soulève l'irrecevabilité des demandes formées par M. [Z] [E] tendant obtenir une indemnité pour dépassement du contingent annuel, mais également de celles tendant à voir constatée la nullité du forfait en jours ou voir privé d'effet celui-ci, indiquant que ces prétentions n'ont pas été formées dans la demande initiale dont a été saisi le conseil de prud'hommes, la demande relative à l'inopposabilité du forfait en jours n'étant apparue en outre qu'en cause d'appel.

M. [Z] [E] conclut à la recevabilité de ses prétentions, indiquant que sa demande en paiement au titre du dépassement du contingent annuel et des congés payés afférents a un lien suffisant avec sa demande initiale en paiement d'heures supplémentaires non réglées, et que la nullité du forfait en jours ou son absence d'effet à son encontre ne sont que des moyens sur lesquels s'appuie sa demande en paiement des heures supplémentaires, pouvant être soulevés en tout état de la procédure.

Selon l'article 70 alinéa 1 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. En application des articles 68 et 72 du même code, les demandes additionnelles sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense qui peuvent être proposés en tout état de cause, s'agissant des défenses au fond.

Par ailleurs, s'agissant des moyens, l'article 563 du code de procédure civile prévoit notamment que les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge.

En l'espèce, il résulte de l'examen de la demande initiale et des différentes conclusions établies pour le compte de M. [Z] [E] que celui-ci a formé dès sa requête initiale, enregistrée au greffe du conseil de prud'hommes de Metz le 12 décembre 2019, une demande en paiement au titre des heures supplémentaires, ainsi que des demandes en paiement d'un complément d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, et enfin une prétention aux fins de se voir communiquer sous astreinte les documents de fin de contrat modifiés.

La demande en paiement d'une indemnité au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, et des congés payés afférents à cette indemnité et aux heures supplémentaires, n'a été matérialisée que par les conclusions de M. [Z] [E] datées du 18 mars 2021 et communiquées dans le cadre de la première instance.

La demande en paiement d'une indemnité réclamée au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, prévue par l'article D 3121-23 du code du travail, présente un lien suffisant avec la demande en paiement des heures supplémentaires, tout comme celle relative au paiement des congés payés afférents à ces heures supplémentaires et à ce dépassement, compte tenu du fait qu'elles dépendent toutes deux du nombre d'heures supplémentaires accomplies par le salarié.

Ces demandes s'analysent dès lors comme des demandes additionnelles de sorte qu'elles doivent être déclarées recevables comme ayant été formées le 18 mars 2021, en cours de procédure de première instance, et dans les conditions fixées par les articles 68, 70 et 72 du code de procédure civile.

S'agissant de la nullité du forfait en jours et de son absence d'opposabilité au salarié, il y a lieu de constater qu'il ne s'agit pas de prétentions du requérant, devenu appelant, mais seulement de moyens sur lesquels il a fondé sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

Dès lors, ces prétentions pouvaient être invoquées à tout moment, y compris en cause d'appel et doivent être examinées, sous réserve que l'action à laquelle elles se rattachent ne soit pas déclarée irrecevable.

La fin de non-recevoir soulevée par la SAS Fayat Bâtiment Lorraine au titre de l'existence de demandes nouvelles est donc rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Aux termes de l'article L 3245-1 du code du travail, issu de la loi du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En outre, selon l'article L 1471-1 alinéa 2, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

La Cour de cassation rappelant en outre de façon constante que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de la demande, l'action en paiement de rappel de salaires pour heures supplémentaires, fondée sur l'invalidation d'un forfait en jours, de congés payés afférents, d'indemnité au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, et la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, qui a la nature de salaires, sont soumises à la prescription triennale prévue à l'article L 3245-1 précité.

Les demandes en paiement d'un complément d'indemnité spéciale de licenciement et en communication de documents de fin de contrat étant quant à elles par nature liées à la rupture du contrat de travail, le délai de prescription d'un an s'applique à ces prétentions.

La saisine du conseil de prud'hommes de Metz par M. [Z] [E] le 12 décembre 2019 a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil, cette interruption jouant à l'égard de toutes les demandes, même celles présentées en cours d'instance, les demandes additionnelles portant sur la même relation contractuelle.

S'agissant de la demande en paiement des heures supplémentaires, de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel, et des congés payés afférents, M. [Z] [E] indique que le point de départ du délai de prescription est le 28 avril 2021, date à laquelle il a eu connaissance du bordereau de pièces de la SAS Fayat Bâtiment Lorraine et de l'avenant du 31 janvier 2013 qui y figurait, caractérisant le moment où il a eu connaissance du forfait en jours et a pu établir qu'il n'était pas valide.

L'examen des pièces versées aux débats montre cependant que M. [Z] [E] avait parfaitement connaissance de l'application à son profit de la convention de forfait en jours, et ce depuis qu'il avait signé et approuvé à la date du 31 janvier 2013 l'avenant à son contrat de travail le prévoyant. Cette connaissance est également renforcée par les bulletins de salaire versés aux débats couvrant des périodes postérieures au 1er février 2013, montrant que la référence à la durée légale du travail n'apparaît plus, contrairement à ceux relatifs à des périodes antérieures. M. [Z] [E] reconnait enfin dans ses conclusions (page 13 de ses conclusions d'appel récapitulatives du 30 août 2022) qu'il « pensait être soumis à un forfait de cadre empêchant le paiement d'heures supplémentaires, même s'il ne savait pas lequel ».

La SAS Fayat Bâtiment Lorraine justifie en outre avoir adressé par courriel du 14 février 2011 aux différents représentants du personnel dont M. [Z] [E] faisait partie le compte rendu de la réunion comité d'entreprise de l'établissement de [Localité 4] du 26 janvier 2011, accompagné de la synthèse de l'accord sur la réduction du temps de travail signé le 20 janvier 2011, prévoyant la convention de forfait en jours pour les cadres autonomes, de sorte que M. [Z] [E] ne pouvait ignorer la portée de cette convention de forfait en jours.

Le point de départ de cette prescription de trois ans est donc bien la date d'exigibilité des heures supplémentaires réclamées, et donc la date à laquelle elles auraient dû être versées à M. [Z] [E].

Le tableau des heures supplémentaires dont le paiement est revendiqué par M. [Z] [E] (pièce n°6 de l'appelant) montre qu'elles correspondent aux mois travaillés couvrant la période de janvier à novembre 2016 inclus, de sorte que le paiement des dernières heures effectuées en novembre 2016 était exigible au plus tard le 3 décembre 2016, les bulletins de salaire versés aux débats faisant apparaître que le paiement du salaire était réalisé entre le 1er et le 3ème jour du mois suivant.

Dès lors, pour que son action en paiement des heures supplémentaires, congés payés afférents et indemnité pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, ne soit pas prescrite, il appartenait à M. [Z] [E] d'introduire son action dans les trois ans suivant le 3 décembre 2016.

La demande formée par M. [Z] [E] ayant été enregistrée au greffe le 12 décembre 2019 soit postérieurement à l'expiration du délai triennal de prescription, il convient de constater que l'action en paiement des heures supplémentaires, de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel et des congés payés y afférents est prescrite et donc irrecevable en application de l'article 122 du code de procédure civile, et ce sans qu'il soit nécessaire d'examiner son bien-fondé lié notamment à la validité ou à l'opposabilité de la convention de forfaits en jours.

Le point de départ du délai triennal de prescription applicable à la demande formée au titre du complément d'indemnité compensatrice de préavis se situe en revanche à la date de la rupture du contrat de travail, soit au 7 décembre 2018, date de l'exigibilité de cette indemnité. La demande formée par M. [Z] [E] le 12 décembre 2019 sur ce fondement, soit dans le délai de trois ans suivant son exigibilité, n'est donc pas prescrite et doit être déclarée recevable.

S'agissant des demandes en paiement d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement et de la prétention aux fins de délivrer sous astreinte les documents de fin de contrat rectifiés, le délai de prescription d'un an applicable pour toute action portant sur la rupture du contrat de travail s'applique en l'espèce, en application de l'article L 1471-1 alinéa 2 du code du travail, et le point de départ de ce délai se situe à la date de notification de la rupture, soit en l'espèce le 10 décembre 2018 au vu de l'accusé de réception signé par M. [Z] [E].

En conséquence, les demandes en paiement du solde de l'indemnité spéciale de licenciement et en production des documents de fin de contrat, enregistrée au greffe du conseil de prud'hommes le 12 décembre 2019, est prescrite comme ayant été formée après l'expiration du délai d'un an suivant la notification du licenciement.

Sur le bien-fondé de la demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

M. [Z] [E] sollicite un complément d'indemnité compensatrice de préavis, aux motifs que les sommes allouées à ce titre par la SAS Fayat Bâtiment Lorraine ne tiennent pas compte des heures supplémentaires qu'il a effectuées et qui auraient dû être intégrées dans sa rémunération, que l'employeur n'a pas retenu les salaires versés antérieurement à son arrêt maladie pour accident du travail, et qu'il n'a pas enfin pris en considération la totalité de son ancienneté.

La SAS Fayat Bâtiment Lorraine s'oppose à cette demande, indiquant que le salaire de 2016 ne peut pas être pris en compte pour calculer le salaire de 2018, les heures supplémentaires invoquées n'étant subsidiairement pas à intégrer puisque ne constituant pas un élément constant de rémunération.

En l'espèce, il résulte du solde de tout compte signé par M. [Z] [E] le 15 avril 2019 que l'appelant a perçu une somme totale de 63 516.71 euros couvrant les salaires, les accessoires de salaire « et toutes les indemnités qui (lui) étaient dues au titre de l'exécution et de la cessation de (son) contrat de travail ».

Le bulletin de salaire de M. [Z] [E] de décembre 2018 fait état d'une indemnité de licenciement de 47 273.99 euros et d'une indemnité de préavis de 15 078 euros.

M. [Z] [E] estime que l'employeur a calculé l'indemnité litigieuse sur la base d'un salaire de référence de 4 800 euros alors qu'avec les heures supplémentaires accomplies le salaire de référence à prendre en compte était de 6 244.32 euros.

La demande formée au titre des heures supplémentaires ayant été déclarée irrecevable, ces heures ne doivent pas être retenues pour le calcul du salaire de référence.

Par ailleurs les bulletins de salaire de M. [Z] [E] des 12 mois précédant son arrêt maladie n'étant pas versés aux débats, l'attestation destinée à Pôle emploi faisant état d'une durée d'emploi comprise entre le 19 mai 2003 et le 10 décembre 2018 et mentionnant les salaires de novembre 2015 à octobre 2016 au titre des 12 derniers mois complets dont la moyenne s'élève à 4 214.44 euros, et les bulletins de salaire reprenant une ancienneté débutant le 19 mai 2003, il ne résulte pas de l'ensemble de ces éléments que l'employeur a commis une erreur quant à l'ancienneté de M. [Z] [E] et au salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis.

La demande formée par M. [Z] [E] en paiement d'un solde d'indemnité compensatrice de préavis n'est donc pas justifiée et doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [Z] [E] étant la partie perdante à la présente procédure, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné celui-ci aux dépens de première instance et de condamner en outre M. [Z] [E] aux dépens d'appel.

L'équité commande en revanche de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la SAS Fayat Bâtiment Lorraine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [R] [Z] [E] aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'existence de demandes nouvelles ;

Déclare irrecevables comme étant prescrites les demandes formées par M. [R] [Z] [E] en paiement d'un rappel de salaire tiré de l'existence d'heures supplémentaires, des congés payés afférents, en paiement d'une indemnité au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires et d'un complément d'indemnité spéciale de licenciement ;

Déclare également irrecevable comme étant prescrite la demande formée par M. [Z] [E] aux fins de se voir communiquer sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande relative au complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

Déclare recevable la demande relative au complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

Rejette la demande en paiement d'un solde d'indemnité compensatrice de préavis formée par M. [R] [Z] [E] ;

Condamne M. [R] [Z] [E] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 22/00070
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;22.00070 ?
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