RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/02693 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F3NM
Minute n° 24/00105
[V]
C/
S.A.R.L. SIRCOBAT
Jugement Au fond, origine TJ de METZ, décision attaquée en date du 14 Novembre 2022, enregistrée sous le n° 11-21-1283
COUR D'APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE - TI
ARRÊT DU 22 MARS 2024
APPELANT :
Monsieur [G] [V]
[Adresse 2]
Représenté par Me Noémie FROTTIER, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
S.A.R.L. SOCIÉTÉ NOUVELLE SIRCO BAT
[Adresse 1]
Représentée par Me Virginie EICHER-BARTHELEMY, avocat au barreau de THIONVILLE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.
A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller
M. KOEHL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme BAJEUX, Greffier
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE':
M. [G] [V] a commandé la fourniture et la pose de fenêtres, portes et volets à la SARL Société Nouvelle Sirco Bat selon deux devis du 8 juin 2018. Les travaux ont fait l'objet de deux factures en date du 14 août 2018, d'un montant total de 10.100 euros dont à déduire un acompte de 4.000 euros.
Par ordonnance du 15 juillet 2021, le juge du tribunal judiciaire de Metz a enjoint à M. [V] de payer à la Société Nouvelle Sirco Bat les sommes de 6.100 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter d'une mise en demeure du 25 mars 2021 et 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. M. [V] a formé opposition le 13 décembre 2021.
La Société Nouvelle Sirco Bat a demandé au tribunal judiciaire de le débouter de ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 6.100 euros et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [V] a demandé au tribunal de juger recevable son opposition, de juger prescrite l'action en paiement de la Société Nouvelle Sirco Bat, à titre subsidiaire de la débouter de ses prétentions et la condamner à lui payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 14 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Metz a':
- déclaré M. [V] recevable en son opposition
- débouté M. [V] de sa demande relative à la prescription de l'action en paiement
- débouté M. [V] de sa demande relative à l'exception d'inexécution
- condamné M. [V] à payer à la Société Nouvelle Sirco Bat la somme de 6.100 euros au titre du solde des factures n°18080006 et n°1808005 du 14 août 2018
- condamné M. [V] à payer à la Société Nouvelle Sirco Bat la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 30 novembre 2022, M. [V] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions hormis celle l'ayant déclaré recevable en son opposition.
Aux termes de ses dernières conclusions du 2 octobre 2023, il demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- à titre principal juger prescrite l'action en paiement diligentée par la Société Nouvelle Sirco Bat à son encontre,
- à titre subsidiaire le recevoir en son exception d'inexécution et débouter la Société Nouvelle Sirco Bat de sa demande de paiement de la somme en principal de 6.100 euros outre intérêts,
- en tout état de cause la débouter de l'ensemble de ses prétentions
- la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros pour la procédure de première instance et celle de 2.000 euros pour la procédure d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, ce compris les frais d'exécution.
L'appelant expose qu'après un revirement, la cour de cassation a décidé que le point de départ de la prescription est déterminé par la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d'exercer son action, laquelle peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations. Il indique que les factures litigieuses datées du 14 août 2018 lui ont été remises fin septembre 2018 lorsque la société a estimé avoir achevé correctement sa prestation, que les ouvriers étaient présents pour la dernière fois le 20 septembre 2018, que cette'date correspond à l'exécution de la prestation, que la prescription de l'action était donc acquise au 20 septembre 2020 et que la signification de l'ordonnance a été faite le 16 août 2021. Il prétend que le premier juge s'est uniquement attaché à la notion d'achèvement de travaux sans se prononcer sur l'exécution de la prestation ni la relever alors qu'elle a été revendiquée par l'intimée et que la notion de réception de chantier par le maître de l'ouvrage à laquelle elle se réfère n'a aucune incidence sur la prescription de l'action en paiement.
Subsidiairement sur le fond, au visa des articles 1217 et 1219 du code civil, l'appelant indique que dès le lendemain de la fin des travaux par courrier du 21 septembre 2018, il a mis en demeure l'intimée de remédier aux malfaçons et non-conformités dans le délai de 15 jours, qu'un constat d'huissier du 24 septembre 2018 relève de nombreux désordres, que la société n'a pas répondu dans le délai de 15 jours ni après, et qu'il a été contraint de faire reprendre les désordres pour permettre aux autres corps de métier de poursuivre la rénovation de sa résidence dont il a fini par prendre possession en décembre 2018. Il fait valoir que la gravité de l'inexécution de l'intimée relève de l'accumulation de plusieurs manquements contractuels (malfaçons, non-conformités, retard, déloyauté) dont elle reconnaît l'existence dans ses courriers, de sorte qu'il est fondé à se prévaloir d'une exception d'inexécution pour s'opposer au règlement des factures. Il souligne que les propositions d'intervention de l'intimée ont été faites en 2019 et qu'il n'a pas donné suite en raison de leur tardiveté et d'une perte de confiance.
Aux termes de ses dernières conclusions du 21 avril 2023, la Société Nouvelle Sirco Bat demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter M. [V] de toutes ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la prescription de l'action, elle expose que les parties sont encore en phase contractuelle, le maître de l'ouvrage n'ayant pas réceptionné les travaux ni expressément ni tacitement, de sorte que son action n'et pas prescrite, conformément à la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation. Elle soutient que l'appelant n'est pas de bonne foi puisqu'il n'a pas réglé les factures, ni répondu à ses demandes mais fait réaliser des travaux de reprise par d'autres sociétés alors qu'il admettait dans son courrier du 21 septembre 2018 qu'il considérait le chantier comme inachevé. Elle précise qu'il ne prouve pas que le dernier passage des ouvriers remonte au 20 septembre 2018, ni que cette date serait le point de départ de la prescription, la réception étant l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves selon l'article 1792-6 du code civil et le dernier acte de la phase contractuelle ouvrant les délais de garantie. Elle ajoute que l'affirmation de l'appelant selon laquelle il a pris possession de sa maison au mois de décembre 2018 n'a pas de sens au regard des règles qui entourent la réception, celle-ci pouvant être explicite avec ou sans réserve si elle est contradictoire et implicite lorsque l'ouvrage a été accepté sans critiques et totalement payé.
Sur l'exception d'inexécution, elle soutient que les travaux ont été commandés, exécutés, facturés mais n'ont pas été payés, qu'elle a tenté à plusieurs reprises de rencontrer M. [V] pour examiner avec lui ses doléances en lui écrivant à cinq reprises à compter du 22 mars 2019, que l'inexécution est celle de l'appelant qui a bloqué le paiement de 60 % du prix et refusé toute intervention de sa part pour reprendre les finitions et que l'inexécution n'est opposable qu'à celui qui a manqué à son obligation de faire. Elle observe que par sa lettre recommandée du 21 septembre 2018, M. [V] lui a laissé un délai de 15 jours pour venir faire les reprises alors que trois jours plus tard, il a fait réaliser un constat d'huissier et qu'il ne justifie pas de la reprise des malfaçons qu'il allègue pour permettre la poursuite du chantier aux autres corps de métier.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION':
En liminaire il est observé que l'intimée a pour dénomination sociale exacte SARL Société Nouvelle Sirco Bat, comme indiqué par l'appelant dans ses conclusions, ce qui ressort tant du cachet de la société apposé sur ses courriers que des mentions de son inscription au registre national des entreprises.
Sur la prescription
Aux termes de l'article L.218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
La charge de la preuve du point de départ du délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir.
Pour fixer le point de départ du délai biennal de prescription de l'action en paiement de travaux et service engagée à l'encontre d'un consommateur par un professionnel, il convient de prendre en compte la date de connaissance des faits qui permet au professionnel d'exercer son action, laquelle peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations.
En l'espèce, la demande a pour objet le recouvrement de factures de fenêtres, portes et volets que la Société Nouvelle Sirco Bat a fournis et posés en tant que professionnel au domicile personnel de M. [V] lequel doit dès lors être considéré comme consommateur au sens des dispositions légales précitées. L'action est donc soumise à la prescription biennale l'article L.218-2 du code de la consommation.
Les deux factures litigieuses sont datées du 14 août 2018 et il ressort des différents courriers échangés entre les parties que les préposés de la société sont intervenus dans le courant des mois d'août et septembre 2018, la lettre recommandée de M. [V] en date du 21 septembre 2018 faisant notamment état de leur présence à son domicile la veille. S'il n'est ni justifié ni allégué qu'en suite de ce courrier de nouvelles interventions ont été réalisées, l'appelant ne démontre pas pour autant que le 20 septembre 2018 marque le terme de l'exécution de la prestation comme il le soutient. Il ressort au contraire des termes de sa lettre qu'il considérait lui-même que cette prestation n'était que partiellement réalisée, précisant en particulier que la liste des réserves l'empêchait «'de prononcer la réception compte tenu de leur nombre et de leur importance'» et invitant l'intimée «'à bien vouloir effectuer l'ensemble des travaux (lui) incombant sous quinzaine'». La liste des malfaçons et non-façons relevées par huissier de justice le 24 septembre 2018 atteste d'un chantier partiellement exécuté, nécessitant la poursuite des interventions de l'intimée qui en a elle-même convenu. Les quatre lettres qu'elle a adressées à l'appelant en 2019 évoquent en effet la nécessité «'de faire un état des lieux des travaux à reprendre, et de fixer une date pour l'exécution et la bonne fin du chantier'» et elles ne sollicitent pas le règlement des factures mais l'obtention d'une date de rendez-vous pour mener à bien son intervention.
Il résulte de ces éléments qu'en l'absence d'achèvement des travaux ou d'exécution de la prestation qui peut caractériser le point de départ du délai de deux ans prévu par l'article L.218-2 du code de la consommation, l'action en paiement de la Société Nouvelle Sirco Bat n'est pas prescrite.
Sur le fond
L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait produit l'extinction de son obligation. Il résulte par ailleurs de l'article 1217 du même code, que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement peut'notamment refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation.
Selon l'article 1219, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
En l'espèce il résulte du procès-verbal de constat établi le 24 septembre 2018 par huissier de justice qu'il existe des non-façons et de malfaçons affectant les menuiseries extérieures installées par l'intimée, notamment l'absence de ventilations intégrées, la présence de charnières apparentes, des écarts de plusieurs centimètres entre des châssis de fenêtres et les ébrasements, des fixations mal assurées ou encore des joints incomplets. Il résulte toutefois des développements qui précèdent que ces désordres qui pour l'essentiel ne sont pas contestés, ont été constatés alors que les travaux n'étaient pas terminés de sorte qu'ils ne sont susceptibles de caractériser un manquement grave de la Société Nouvelle Sirco Bat à ses obligations qu'en cas de refus de celle-ci d'y remédier à l'issue de sa prestation. Or, les courriers qu'elle a adressés à l'appelant après le constat de l'huissier, attestent au contraire qu'elle a sollicité son cocontractant à plusieurs reprises pour la fixation de rendez-vous aux fins de terminer sa prestation, rappelant sa volonté de ne pas laisser le chantier en l'état. Il n'est justifié d'aucune suite réservée à ses demandes par l'appelant qui l'a empêchée ainsi d'achever les travaux et de reprendre les désordres.
C'est en vain que pour justifier son refus, celui-ci fait valoir que la société n'est pas intervenue sous quinzaine comme sollicité dans son courrier du 21 septembre 2018, alors que ce délai qui a été imposé unilatéralement à l'intimée n'a aucune valeur contractuelle et que l'appelant ne démontre pas qu'à l'issue de ces quinze jours, il a fait appel à un autre prestataire pour reprendre les malfaçons au lieu et place de l'intimée rendant ainsi toute intervention de sa part inutile et impossible. La perte de confiance alléguée est tout aussi inopérante à légitimer son opposition à la poursuite des travaux dès lors qu'après avoir relevé les désordres, il a lui-même sollicité l'intervention de l'intimée pour ne plus se manifester lorsqu'elle lui a été proposée.
En conséquence M. [V] ne peut utilement se prévaloir d'une inexécution qu'il a lui-même initiée par ses refus répétés de toute reprise des désordres, afin de s'exonérer de son obligation de paiement du solde des travaux. Faute de justifier du règlement du solde des factures litigieuses ou d'un fait ayant produit l'extinction de son obligation, il doit être condamné au paiement de ces factures, le jugement étant confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'inexécution et l'a condamné au paiement de la somme de 6.100 euros.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
M. [V], partie perdante est condamné aux dépens d'appel et à payer à la Société Nouvelle Sirco Bat la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme mise à sa charge à ce titre en première instance et débouté de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONNFIRME le jugement déféré ce qu'il en ce qu'il a débouté M. [G] [V] de sa demande relative à la prescription de l'action en paiement et de sa demande relative à l'exception d'inexécution, et l'a condamné à payer à la SARL Société Nouvelle Sirco Bat la somme de 6.100 euros au titre du solde des factures n°18080006 et n°1808005 du 14 août 2018 et celle de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [G] [V] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure
civile';
CONDAMNE M. [G] [V] à payer à la SARL Société Nouvelle Sirco Bat la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE M. [G] [V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT