RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/02664 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F3J5
Minute n° 24/00102
[T]
C/
Société SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE EUROMETROPOLE DE METZ HAB ITAT
Jugement Au fond, origine TJ de METZ, décision attaquée en date du 14 Novembre 2022, enregistrée sous le n° 21/001292
COUR D'APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE - TI
ARRÊT DU 22 MARS 2024
APPELANTE :
Madame [V] [T]
[Adresse 3]
Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 57463-2022-000202 du 24/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉE :
SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE EUROMETROPOLE DE METZ HAB ITAT
[Adresse 1]
Représentée par Me Arnaud ZUCK, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.
A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller
M. KOEHL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX, Greffier
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 16 septembre 2019,l'EPIC Office public de l'habitat Metz Métropole a consenti un bail à Mme [V] [T] portant sur un local d'habitation situé à [Adresse 2] pour un loyer mensuel de 362,10 euros outre 142,25 euros de provision sur charges.
Par acte d'huissier du 23 décembre 2021, il a assigné la locataire devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Metz aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du bail, ordonner l'expulsion de la locataire et la voir condamner à lui payer une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 494,53 euros jusqu'à la libération effective des lieux et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [T] s'est opposée aux prétentions et a sollicité une indemnité au titre de l'article 700 de code de procédure civile.
Par jugement du 14 novembre 2022, le juge des contentieux de la protection de Metz a':
- déclaré recevables les demandes de l'OPH Metz Métropole devenu la SEM Eurométropole de Metz Habitat
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de location du logement situé [Adresse 2] consenti à Mme [T] à compter de la décision
- ordonné que faute de départ volontaire des lieux loués dans le délai, précité, il pourra être procédé à l'expulsion de Mme [T] et de tous occupants de son chef, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L.412-1 et suivants, R.411-1 et suivants, et R.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution
- dit que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution
- fixé en cas de besoin, l'indemnité d'occupation due par Mme [T] à compter de la décision et jusqu'à libération effective lieux, à une somme équivalente au montant du dernier loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation soit la somme mensuelle de 494,53 euros jusqu'à complète libération des lieux, revalorisable selon la réglementation propre aux loyers HLM et avec intérêts au taux légal à compter de chaque terme impayé, la dernière indemnité d'occupation étant calculée prorata temporis
- condamné Mme [T] à payer à l'OPH la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 24 novembre 2022, Mme [T] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions du 22 février 2023, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement et de':
- déclarer irrecevable la demande de résiliation formée par la SEM Emh
- débouter la SEM Emh de l'ensemble de ses demandes y compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- à titre subsidiaire l'autoriser à quitter les lieux dans un délai de 3 ans à compter du jugement
- condamner la SEM Emh aux dépens d'instance et d'appel.
Sur la recevabilité, elle soutient que l'article 6 du bail stipule que la résiliation est possible en cas de troubles anormaux de voisinage s'ils ont été préalablement constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée et donc que la demande de résiliation du bail est irrecevable.
Sur le fond, elle expose que l'immeuble est ancien et sans isolation phonique, que Mme [H] qui s'est plainte de nuisances sonores a quitté les lieux, qu'elle conteste la réalité des nuisances relatées par M. [O], que les témoignages des différents voisins divergent sur les dates et heures des troubles décrits, que d'autres sont de complaisance, que le bailleur ne produit ni plainte ni constat d'huissier, que ses voisins n'acceptent pas la présence de ses jeunes enfants et cherchent à lui nuire en faisant un signalement aux services sociaux, que le rapport de ces services ne révèle aucune maltraitance et qu'un de ses enfants est hyperactif. Elle précise avoir toujours répondu aux courriers du bailleur, qu'elle n'a pas été convoquée par le conciliateur et que l'intimé ne prend pas en compte ses propres plaintes à l'encontre de certains voisins, ajoutant souffrir d'anxiété. Elle affirme enfin qu'aucun trouble du voisinage n'est allégué depuis décembre 2021 et conclut au rejet de la demande de résiliation du bail. A titre subsidiaire, elle sollicite un délai de 3 ans pour quitter le logement au regard de sa situation, en application de l'article L.112-4 du code des procédures civiles d'exécution.
La SEM Emh a constitué avocat le 15 décembre 2022 et n'a déposé aucune conclusion.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de la demande
Si l'appelante se prévaut d'une clause du contrat de bail pour soutenir que la demande de résiliation du bail serait irrecevable, il est constaté qu'elle ne produit pas le contrat et ne démontre donc pas le non respect de la clause invoquée. En conséquence, la demande d'irrecevabilité est rejetée.
Sur la résiliation du bail
En application des dispositions des articles 1728 du code civil et 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, il appartient au locataire d'user paisiblement des locaux loués suivant la désignation qui leur a été donnée par le contrat de location. En cas de manquement par le locataire à ses obligations, le bailleur peut solliciter, en application des articles 1217 et 1224 du code civil, la résiliation du contrat de location, dès lors qu'il considère que le manquement relevé est d'un degré de gravité tel qu'il est de nature à empêcher la continuation du contrat, la charge de la preuve de la gravité du manquement du locataire à ses obligations incombant au bailleur.
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. Selon l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement.
En l'espèce, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que ces faits constituent en raison de leur continuité, de leur répétition et de leur permanence des troubles anormaux du voisinage qui caractérisent des manquements graves et répétés de Mme [T] à son obligation légale et contractuelle d'user paisiblement de la chose louée, et un motif légitime et sérieux de résiliation du contrat de bail.
En effet, le premier juge a exactement relevé que le contrat de location signé entre les parties le 3 mars 2011 comportait une clause faisant interdiction aux locataires de faire du bruit entre 22 heures et 7 heures du matin, que les nuisances sonores de Mme [T], bruits de pas, chutes d'objets, discussions tardives, disputes conjugales nocturnes, injures et bruits d'enfants, ressortaient des courriers et mails de doléances de nombreux locataires, ainsi que des attestations produites dont l'appelante ne remet pas en cause l'existence. Les attestations produites par l'appelante ne sont pas de nature à contredire celles décrites par le jugement alors que M. [S], Mme [U], M. [E] et Mme [J] ne font état que de ses qualités de mère. L'argument de la faible insonorisation de l'immeuble a été à juste titre écarté par le premier juge qui a constaté que la réalité des nuisances était rapportée par d'autres locataires que Mme [H], notamment Mme [G], Mme [A], Mme [N] et Mme [P] dans leurs attestations établies en août 2021. L'incohérence alléguée entre les attestations de MM. [O] et [K] et celle de Mme [A] n'est pas démontrée, les nuisances sonores pouvant être constatées à des moments différents de la journée avec une intensité variable. L'absence de mains courantes ou de constats d'huissier est inopérante et l'appelante n'établit pas l'existence d'un harcèlement de ses voisins en lien avec son état de santé, le certificat médical versé ne permettant pas de rattacher son anxiété au comportement de son voisinage.
Le premier juge a parfaitement retenu que le rapport d'évaluation du 2 novembre 2020 établi suite à un signalement, relève les difficultés de l'appelante à prendre en charge ses enfants et corrobore les témoignages du voisinage faisant état de leurs cris et pleurs insoutenables. Il a tout aussi justement relevé que Mme [T] a fait l'objet de nombreuses mises en demeure de la part du bailleur, sans effet, et que contrairement à ce qui est allégué, les nuisances ont persisté au-delà de l'année 2021, certains voisins relatant des nuisances toujours d'actualité en mars et juillet 2022 et des menaces proférées à leur encontre par le compagnon de l'appelante et sa famille. Si elle produit des attestations indiquant qu'elle-même a subi des nuisances sonores de la part de ses voisins, ces témoignages ne sont pas de nature à remettre en cause les nombreux faits exposés précédemment.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement ayant prononcé la résiliation du bail et ordonné l'expulsion de Mme [T].
Sur l'indemnité d'occupation
C'est à juste titre et pour des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a fixé l'indemnité d'occupation à 494,53 euros par mois et condamné Mme [T] à son paiement au profit de la SEM emh jusqu'à libération effective des lieux. En effet, le contrat de location liant les parties a pris fin le 14 novembre 2022, date à laquelle le tribunal a prononcé sa résiliation et à cette date l'appelante est devenue occupante sans droit, ni titre du logement objet de ce bail. Elle doit dès lors indemniser le bailleur du préjudice causé pour l'occupation des locaux et ce à hauteur du loyer et de la provision sur charges prévus par le bail résilié. Le jugement est confirmé.
Sur les délais d'expulsion
Aux termes de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. L'article L. 412-4 du même code précise qu'il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
En l'espèce il est constaté que l'appelante ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande de délai, notamment quant aux diligences pour son relogement, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.
Mme [T], partie perdante, devra supporter les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DEBOUTE Mme [V] [T] de sa demande d'irrecevabilité ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions';
Y ajoutant
DEBOUTE Mme [V] [T] de sa demande de délai pour quitter les lieux ;
CONDAMNE Mme [V] [T] aux dépens'd'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT