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19/03/2024 | FRANCE | N°21/02916

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 19 mars 2024, 21/02916


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/02916 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FUHV

Minute n° 24/00077





[U]

C/

[V], [V]









Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 08 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 20/00153





COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 19 MARS 2024





APPELANT

:



Monsieur [M] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ







INTIMÉS ET APPELANTS INCIDENTS :



Monsieur [J] [V]

[Adresse 5]

'[Adresse 5]

[Localité 4]



Représenté par Me Fr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/02916 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FUHV

Minute n° 24/00077

[U]

C/

[V], [V]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 08 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 20/00153

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 MARS 2024

APPELANT :

Monsieur [M] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS ET APPELANTS INCIDENTS :

Monsieur [J] [V]

[Adresse 5]

'[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

Madame [R] [V]

[Adresse 5]

'[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 12 Décembre 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 19 Mars 2024.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 21 janvier 2020, M.[J] [V] et Mme [R] [V] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Thionville M. [M] [U], afin d'obtenir paiement des sommes de 36.500 € en principal, 10.000 € au titre du préjudice financier et 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils exposaient avoir prêté une somme de 40.000 € à leur ex-gendre M. [U], destiné à l'activité professionnelle de celui-ci et qu'il s'était engagé à rembourser.

Ils faisaient valoir que si M. [U], personnellement ou par le biais de son entreprise, avait effectué quelques virements en remboursement partiel de cette dette, il restait encore leur devoir une somme de 36.500 € en principal.

Ils considéraient qu'aucune prescription ne leur était opposable compte tenu notamment des paiements effectués, le dernier virement datant du 27 mars 2017, date qui constituait par conséquent le point de départ du délai de prescription.

Ils considéraient en outre que l'omission de l'indication manuscrite, en toutes lettres et chiffres, du montant prêté n'entraînait pas la nullité de la reconnaissance de dette et n'affectait pas la preuve de la réalité du prêt, puisque selon eux M. [U] aurait affirmé que ce montant avait été prêté à la communauté des époux. Ils contestaient ce dernier point, affirmant que ce prêt était destiné à l'activité professionnelle de M. [U].

Enfin ils exposaient avoir perdu des intérêts suite à un rachat partiel d'un contrat d'assurance vie pour le prêt de la somme précitée, outre paiement du prélèvement libératoire.

M.[U] a fait valoir que le document dont se prévalaient les époux [V] ne respectait pas les conditions de forme prévues à l'article 1376 du code civil de sorte qu'il ne pouvait être qualifié de reconnaissance de dette et ne valait pas engagement de sa part. Il a relevé qu'il était également signé de son ex épouse et aurait dû par conséquent engager la communauté des époux, aujourd'hui dissoute. Il s'est également prévalu de la prescription de l'action des demandeurs.

Par jugement du 08 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Thionville a :

Condamné M. [M] [U] à payer à M. [J] [V] et Mme [R] [V] la somme de 36.500 € pour solde de la reconnaissance dette signée par lui le 13 décembre 2011 ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Rejeté la demande de M. [J] [V] et Mme [R] [V] aux fins d'indemnisation du préjudice financier allégué,

Condamné M. [M] [U] à payer à M. [J] [V] et Mme [R] [V] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamné M. [M] [U] aux entiers dépens ;

Rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Pour statuer ainsi, et sur la valeur probatoire du document produit par M. et Mme [V], le tribunal a considéré compte tenu de ses termes, que celui-ci constituait bien une reconnaissance de dette, et qu'il importait peu pour sa validité qu'il ne soit pas signé des prêteurs. Il a estimé également que nonobstant la signature de Mme [U], les termes employés caractérisaient un emprunt réalisé par M. [U]. Quant au fait que ce document ne contenait pas la mention manuscrite en lettres et en chiffres du montant de l'engagement du débiteur contrairement aux dispositions de l'article 1376 ancien du code civil, le tribunal a considéré qu'un tel document valait néanmoins commencement de preuve par écrit et a constaté que la preuve du versement de la somme de 40.000 € était rapportée par la production de l'ordre de virement, et que, par les virements et remboursements partiels effectués, M. [U] avait reconnu la réalité de sa dette.

Quant à la prescription invoquée par M. [U], le tribunal a estimé que chacun des remboursements partiels effectués avait interrompu la prescription et notamment les deux versements effectués en mars et avril 2017 et qu'il en était de même de la procédure d'injonction de payer mise en 'uvre par les époux [V] en 2019.

Le tribunal a donc fait droit à la demande principale en remboursement de la somme de 36.500 €.

Il a en revanche rejeté la demande au titre d'un préjudice financier, en considérant que si les époux [V] avaient pu regretter d'avoir prêté une somme aussi conséquente en mobilisant leur épargne, pour autant la perte des intérêts et les frais financiers n'étaient pas en lien avec les manquements de M. [U].

Par déclaration du 09 décembre 2021 M.[M] [U] a interjeté appel de ce jugement aux fins d'annulation ou d'infirmation, « en ce qu'il a Condamné M. [M] [U] à payer à M. [J] [V] et Mme [R] [V] la somme de 36.500 € pour solde de la reconnaissance dette signée par lui le 13 décembre 2011 ; en ce qu'il a dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; en ce qu'il a condamné M. [M] [U] à payer à M. [J] [V] et Mme [R] [V] aux fins d'indemnisation du préjudice financier allégué ; en ce qu'il a condamné M. [M] [U] à payer à M. [J] [V] et Mme [R] [V] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; en ce qu'il a condamné M. [M] [U] aux entiers dépens ; en ce qu'il a rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire ».

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 1er septembre 2022 M. [M] [U] demande à la cour de :

« Recevoir en la forme l'appel principal interjeté par M. [M] [U] contre le jugement rendu le 8 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de THIONVILLE, ainsi que l'appel incident des époux [V],

Dire le seul appel principal de M.[U] bien fondé,

Y faisant droit et,

Rejetant l'appel incident des époux [V],

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Condamné M. [M] [U] à payer à M. [J] [V] et à Mme [R] [V] la somme de 36.500 € pour solde de la reconnaissance de dette signée par lui le 13 septembre 2011,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamné M. [M] [U] à M. [J] [V] et Mme [R] [V] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens

Statuant à nouveau

Déclarer M. et Mme [V] irrecevables en leurs demandes en tant que présentée à l'encontre de M.[U].

En tout état de cause

Vu les dispositions de l'article 1326 du Code Civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,

Constater que l'acte dactylographié produit par les consorts [V] daté du 13 décembre 2011 n'est pas une reconnaissance de dette et en tout état de cause ne peut produire effet en tant que commencement de preuve par écrit,

Ce fait

Débouter M.et Mme [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause

Déclarer les consorts [V] irrecevables comme prescrits en leurs demandes,

Les en débouter

A titre infiniment subsidiaire

Octroyer à M.[M] [U] les plus larges délais de paiement

Condamner M. et Mme [V] solidairement à payer à M. [M] [U] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel »

Au soutien de son appel, M. [U] fait tout d'abord valoir que le document dont se prévalent les époux [V] n'est pas conforme aux exigences de l'article 1326 ancien du code civil en ce qu'il ne comporte pas l'indication manuscrite, en lettres et en chiffres relative au montant de l'engagement, de sorte qu'un tel document ne peut produire effet, en tant que commencement de preuve par écrit, que s'il est complété par des documents extrinsèques établissant la connaissance par le souscripteur de la nature et de l'étendue de l'engagement souscrit.

En outre l'appelant se prévaut des conclusions des époux [V] par lesquelles ceux-ci exposent que la somme prêtée était selon eux destinée à l'activité professionnelle de M. [U], ce qui explique que certains virements en remboursement aient été faits par l'EURL EMC Peinture.

M. [U] voit dans ces termes un aveu judiciaire duquel il ressort que l'emprunteur serait l'EURL EMC Peinture de sorte que la demande est irrecevable en tant qu'elle est présentée à son encontre.

Il fait encore valoir que les virements retenus par le premier juge ne sont pas causés, et qu'il n'est pas indiqué que ceux-ci auraient été effectués en remboursement d'un prêt consenti par les époux [V] de sorte que le document produit ne peut valoir reconnaissance de dette de sa part.

En tout état de cause il relève que le document dont se prévalent les époux [V] est daté du 13 décembre 2011, et qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu depuis. Notamment il fait valoir qu'en suite de l'opposition qu'il avait formée à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendue à la requête des époux [V], ceux-ci n'ont pas constitué avocat dans le délai de l'article 1418 du code de procédure civile de sorte que l'ordonnance a été déclarée non avenue et n'a pu interrompre la prescription.

Enfin sur l'appel incident des époux [V], M. [U] fait valoir que le jugement entrepris était soumis à l'exécution provisoire, que lui-même n'a sollicité aucun sursis à exécution, et que les époux [V] n'ont pas usé de la faculté qui leur était offerte par l'article 524 du code de procédure civile de solliciter la radiation de la procédure.

Il se réfère aux motifs du premier juge et fait valoir que rien n'obligeait les époux [V] à mobiliser leur épargne pour réaliser un prêt, et que le fait qu'il résiste à leur demande n'est pas à l'origine de l'appauvrissement allégué.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 02 juin 2022, M. [J] [V] et Mme [R] [V] demandent à voir, au visa des articles 1359 et 1231-1 du code civil et 700 du code de procédure civile :

« Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M.[U] à payer à M.& Mme [V] les sommes suivantes :

36.500 € au titre du principal restant dû augmenté des intérêts au taux légal appliqués à compter de la décision entreprise,

1.500 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [V] de leur demande d'indemnisation de leur préjudice financier

Y faisant droit,

Condamner M.[U] à payer à M.& Mme [V] la somme de 10 000 € au titre de l'indemnisation du préjudice financier subi nécessairement par le défaut de paiement de M.[U]

Condamner M.[U] à régler à M.& Mme [V] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du CPC outre 3 000 € en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ».

Les époux [V] répliquent que M. [U] n'a pas exécuté le jugement dont appel ce qui démontre sa mauvaise foi et son incapacité à respecter tout engagement.

Sur le fond ils se réfèrent aux motifs du premier juge, qui a retenu que l'absence des mentions manuscrites nécessaires sur la reconnaissance de dette dont ils se prévalent, est suppléée par des éléments valant commencement de preuve par écrit.

Ils soutiennent qu'en effectuant des virements de remboursement partiel, M. [U] a reconnu son obligation de remboursement en vertu de l'engagement du 13 décembre 2011 et que la réalité du virement de la somme de 40.000 € est établie par la production de l'ordre de virement.

Ils estiment que même si aucun délai de remboursement n'est mentionné dans l'acte, le remboursement partiel effectué par M. [U] démontre qu'il a lui-même considéré qu'il pouvait ou devait commencer à rembourser, de sorte que la preuve de la réalité et de l'étendue de son engagement est rapportée.

Sur la prescription alléguée par M. [U], ils soutiennent que les versements effectués ont interrompu celle-ci, et qu'il en est de même de la procédure d'injonction de payer qu'ils avaient précédemment introduite.

Enfin les époux [V] forment appel incident en ce qui concerne le rejet de leur demande au titre de leur préjudice financier, en soutenant que par son attitude et son opposition à tout paiement M. [U] est bien à l'origine de leur appauvrissement.

EXPOSE DES MOTIFS

I- Sur la preuve de l'existence d'un emprunt et de l'obligation incombant à M [U]

A l'appui de leur demande, M. et Mme [V] versent aux débats un document dactylographié « fait à [Localité 7] le 13 décembre 2011 », comportant le texte suivant : « Je soussigné Mr et Mme [U] [M] domicilié [Adresse 2], reconnaît devoir à Mr et Mme [V] domiciliés [Adresse 6] la somme de quarante mille euros (40.000 euros) montant du prêt qu'ils m'ont consenti.

Je m'engage à lui rembourser cette somme ».

Ce texte dactylographié est suivi des signatures de M. [M] [U] et de Mme [E] [U].

Il comporte également, en haut et sur la gauche, la mention « Mr et Mme [U] [M], [Adresse 2] ».

Il est constant que cet acte ne répond pas aux exigences de l'article 1326 dans sa rédaction applicable à l'époque, lequel dispose que « l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible, doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

Cependant cette irrégularité n'affecte que la valeur probante de l'acte, et par ailleurs celui-ci peut valoir commencement de preuve par écrit s'il remplit les conditions posées par l'ancien article 1347 du code civil, qui définit le commencement de preuve par écrit comme étant « tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu'il représente et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

En l'occurrence, M.[U] n'a jamais contesté l'authenticité de sa signature, telle qu'elle figure sur le document litigieux. Si dans ses conclusions il fait valoir que le document n'est produit qu'en copie et qu'il conviendrait d'enjoindre aux intimés de produire l'original, il ne reprend pas une telle demande dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour de ses prétentions, et surtout ne se prévaut d'aucun montage, faux ou autre, qui justifierait cette demande.

Il doit donc être considéré que ce document, en ce qu'il comporte notamment sa signature, (et effectivement ne comporte pas la signature des prêteurs ce qui n'est pas une condition de sa validité), émane bien de M. [U].

Par ailleurs et compte tenu des termes explicites y figurant, ce document rend vraisemblable le fait allégué, à savoir le prêt d'une somme de 40.000 €, étant observé que l'absence de mention manuscrite ne permet pas de fournir la preuve de ce que le débiteur connaissait l'étendue de son obligation, mais ne remet pas en cause l'allégation d'un prêt tel que mentionné à l'acte signé de M. [U] et de son ex-épouse.

En outre, la critique de M. [U] vis à vis de ce document se borne à souligner le fait qu'il ne comporte pas les mentions manuscrites exigées, mais à aucun moment M. [U] ne conteste expressément avoir reçu une certaine somme.

Il convient donc de considérer que l'acte sous seing privé du 13 décembre 2011 a la valeur probante d'un commencement de preuve par écrit.

La présence d'un commencement de preuve par écrit autorise les demandeurs à fournir par d'autres moyen la preuve de l'étendue de l'engagement du débiteur et la preuve que celui-ci en avait connaissance.

En l'espèce, les époux [V] versent aux débats copie d'un ordre de virement interne émanant de la banque CIC Est, (étant constaté que les parties ont toutes la même banque) et entièrement établi par celle-ci, mentionnant la réalisation à la date du 16 décembre 2011 d'un virement interne de 40.000 € par débit du compte de M. ou Mme [J] [V] et par crédit du compte de M. [M] [U].

M. [U] n'a émis aucune contestation vis à vis de ce document, duquel il résulte que son compte a été crédité de 40.000 € le 16 décembre 2011 ce qu'il ne pouvait ignorer. Il n'a par ailleurs fourni aucune autre explication à propos d'un pareil virement, n'a jamais soutenu que celui-ci aurait constitué une donation à son profit, non plus que le paiement d'une dette antérieure.

Les époux [V] se prévalent également de divers versements intervenus, constituant selon eux des remboursements ainsi que retenu par le premier juge.

Ils versent aux débats des extraits de compte relatifs aux versements suivants :

26 janvier 2012 : virement de 1.000 € de EURL EMC Peinture, ainsi que mentionné expressément sur l'extrait de compte

16 avril 2012 idem « vir de EURL EMC Peinture » pour 1.000 €

10 décembre 2013 « VRST [M] » selon les termes de l'extrait de compte, pour 500 €,

27 mars 2017 : versement de 500 € sur le livret d'épargne populaire des époux [V]

27 avril 2017 : versement de 500 € sur le livret d'épargne populaire.

S'agissant des deux versements effectués les 27 mars et 27 avril 2017, désignés dans les extraits de compte uniquement par des numéros, il résulte du jugement dont appel que, par une note en délibéré, les demandeurs ont communiqué au tribunal et à leur adversaire les justificatifs permettant d'identifier le donneur d'ordre de ces virements, qui s'est avéré être M. [M] [U].

Le tribunal a ainsi constaté qu'étaient indiquées les informations suivantes :

« (date de valeur) 23 03 3017 (donneur d'ordre) M. [M] [U] »

« date de valeur 27/04/17, donneur d'ordre M. [M] [U], montant 500 € ».

Ces constatations figurant au jugement de première instance n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part de M. [U] au stade de l'appel.

Il est par conséquent établi sans conteste que les deux derniers virements intervenus en 2017 sont de son fait.

Or, pas plus pour ces deux virements que pour celui du 10 décembre 2013, M. [U] n'indique à quoi ils pourraient correspondre, si ce n'est au remboursement de la somme de 40.000 € précitée. Il n'allègue d'aucune autre dette, d'aucune autre opération conclue avec les époux [V] ni d'aucune intention libérale.

S'agissant des deux virements émanant de l'EURL EMC Peinture, M. [U] ne conteste pas que cette EURL est ou était son entreprise. Il ne donne pas davantage d'explications sur les raisons pour lesquelles cette entreprise unipersonnelle aurait eu à régler deux montants de 1.000 €, sinon pour le remboursement précité, étant rappelé que selon les époux [V] cette somme a été prêtée à M. [U] pour les besoins de son activité professionnelle.

A l'inverse M. [U] en déduit uniquement que le débiteur du remboursement serait sa société unipersonnelle de sorte que la demande serait mal dirigée à son encontre.

La cour observe cependant que M. [U] a bien signé personnellement le document du 13 décembre 2011 dans lequel il est question d'un prêt à lui-même et non à son EURL, que la somme de 40.000 € n'a pas été virée sur un compte au nom de cette EURL, et qu'en tout état de cause il n'est pas interdit à une personne, physique ou morale, de payer la dette d'autrui, à plus forte raison lorsque l'emprunteur est en réalité l'unique associé de la personne morale.

Par conséquent la circonstance que M. [U] ait fait effectuer deux remboursements depuis le compte de son EURL est sans emport sur le fait qu'il est bien personnellement débiteur de la somme de 40.000 € qui lui a été personnellement virée selon l'extrait produit.

Cet argument est donc écarté et par voie de conséquence la cour rejettera aussi la fin de non-recevoir soulevée sur ce point par M. [U].

Il est par conséquent suffisamment établi par les documents produits, que M. [U] a été bénéficiaire d'un prêt de 40.000 € selon virement effectué le 16 décembre 2011, s'est engagé à le rembourser, et a commencé à le faire de façon partielle.

II- Sur la prescription alléguée de l'action de M. et Mme [V]

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

S'agissant d'un prêt, le fait provoquant la naissance d'une action en justice au bénéfice du prêteur n'est pas le prêt en lui-même, mais le défaut de remboursement à la date ou selon les modalités contractuellement convenues.

En l'occurrence, il n'était prévu ni date précise ni modalités pour le remboursement de la somme de 40.000 €.

En tout état de cause, et à supposer que les versements précités effectués par M. [U] et par l'EURL EMC Peinture fassent preuve de l'existence d'une convention portant sur un remboursement par fractions à compter de janvier 2012, il convient alors de faire application des dispositions de l'article 2240 du code civil selon lequel la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription.

Or, en l'état des éléments produits et de l'absence de toute autre explication fournie par M. [U] sur les raisons des paiements effectués, les paiements précités sont considérés comme des remboursements de l'emprunt effectués, qui constituent autant de reconnaissance du droit de M. et Mme [V], et interrompent le délai de prescription courant à l'encontre de ceux-ci.

Selon l'article 2231 du code civil, l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

Il en résulte, notamment, que le versement effectué le 16 avril 2012 a fait courir un nouveau délai de prescription allant jusqu'au 16 avril 2017, que le versement effectué le 10 décembre 2013 a fait courir un nouveau délai jusqu'au 10 décembre 2018 et que les derniers versements de 2017 ont fait courir un nouveau délai jusqu'au 27 avril 2022.

L'action des époux [V] à l'encontre de M. [U] ayant été engagée par assignation du 21 janvier 2020 devant le tribunal judiciaire de Thionville, celle-ci n'était pas prescrite à cette date.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription est donc rejetée.

La demande principale n'étant pas autrement contestée, il convient sur ce point de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. [U] à rembourser la somme de 36.500 € outre les intérêts à compter du jugement.

III- Sur l'appel incident et la demande en paiement de la somme de 10.000 € au titre du préjudice financier

Il résulte des pièces produites que pour pouvoir prêter la somme de 40.000 € à M. [U], les époux [V] ont procédé à un rachat partiel sur un contrat d'assurance-vie ouvert au CIC.

La perte des intérêts liés à la rémunération de cette épargne, de même que les frais de rachat, ne sont donc pas consécutifs à la carence de M. [U] dans le remboursement de la somme prêtée, mais résultent de la décision même de procéder à un rachat pour prêter cette somme. Il s'agit donc d'un choix délibéré de la part des prêteurs, qui auraient dû en subir les conséquences même en cas de remboursement à bonne date de la somme prêtée, étant observé qu'il n'était pas prévu paiement d'intérêts en sus du remboursement du capital prêté.

Il n'existe donc pas de lien de causalité entre la carence fautive de M. [U] dans le remboursement de la somme de 40.000 € et le préjudice financier subi, et le jugement de première instance sera également confirmé sur ce point.

Enfin les époux [V] se prévalent du fait que M. [U], bien qu'ayant interjeté appel, n'a pas payé la somme à laquelle il avait été condamné avec exécution provisoire. Ils n'ont cependant pas demandé que soient tirées de cette carence les conséquences procédurales prévues, et cette situation est sans lien de causalité avec la perte des intérêts ou des frais de rachat précitée.

IV- Sur les dépens et les sommes réclamées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement de première instance pour ce qui concerne ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

A hauteur d'appel M. [U] qui succombe, supportera les entiers dépens.

Il est en outre équitable d'allouer à M. et Mme [V], en remboursement des frais irrépétibles exposés en appel, une somme de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par M. [M] [U],

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [U] aux entiers dépens d'appel

Condamne M. [M] [U] à verser à M. [J] [V] et Mme [R] [V] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02916
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;21.02916 ?
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