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12/03/2024 | FRANCE | N°21/00900

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 12 mars 2024, 21/00900


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/00900 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPCG

Minute n° 24/00061





S.C.P. BTSG, S.A.R.L. CLEF DE VOUTE, S.A.R.L. SOCIETE D'AMENAGEMENT DU [Adresse 26]

C/

[L], [L]









Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 23 Mars 2021, enregistrée sous le n° 19/01259



COUR D'APPEL DE METZ



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ARRÊT DU 12 MARS 2024





APPELANTES :



S.A.R.L. CLEF DE VOUTE SARL, représentée Me [H] [B], ès- qualité de liquidateur judiciaire

[Adresse 18]

[Localité 21]



Représentée par Me Véronique HEI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/00900 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPCG

Minute n° 24/00061

S.C.P. BTSG, S.A.R.L. CLEF DE VOUTE, S.A.R.L. SOCIETE D'AMENAGEMENT DU [Adresse 26]

C/

[L], [L]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 23 Mars 2021, enregistrée sous le n° 19/01259

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 MARS 2024

APPELANTES :

S.A.R.L. CLEF DE VOUTE SARL, représentée Me [H] [B], ès- qualité de liquidateur judiciaire

[Adresse 18]

[Localité 21]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vianney DE WIT et Me Patrice GRAILLAT, avocats plaidant au barreau des Hauts de Seine

S.A.R.L. SOCIETE D'AMENAGEMENT DU [Adresse 26], représentée par Me [H] [B], ès-qualité liquidateur judiciaire

[Adresse 24]

[Localité 1]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vianney DE WIT et Me Patrice GRAILLAT, avocats plaidant au barreau des Hauts de Seine

INTIMÉS :

Madame [T] [L]

[Adresse 2]

[Localité 20]

Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

Monsieur [C] [L]

[Adresse 15]

[Localité 19]

Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

INTERVENANT VOLONTAIRE :

S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [H] [B], ès qualité de liquidateur judiciaire des sociétés CLEF DE VOUTE et SOCIETE D'AMENAGEMENT DU [Adresse 26]

[Adresse 5]

[Localité 25]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vianney DE WIT et Me Patrice GRAILLAT, avocats plaidant au barreau des Hauts de Seine

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 26 Septembre 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 12 Mars 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 21 janvier 2014, Mme [G] [O] veuve [L] s'est engagée à vendre à la SARL Clef de Voute plusieurs parcelles cadastrées DK [Cadastre 16], DK [Cadastre 7], DK[Cadastre 17], DK[Cadastre 14], DK[Cadastre 23], DK [Cadastre 3], DK [Cadastre 12], DK[Cadastre 13], DK [Cadastre 22], DK[Cadastre 9], DK[Cadastre 4], DK[Cadastre 6], DK [Cadastre 10], DK[Cadastre 11], lesdites parcelles constituant un ensemble immobilier situé à [Localité 1] et ce, moyennant un prix de 6 750 000 euros.

La promesse de vente était assortie de diverses conditions suspensives dont l'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêt et l'obtention de diverses autorisations administratives : demande d'examen au cas par cas préalable à la réalisation d'une étude d'impact auprès de la DREAL, demande d'autorisation de défrichement, demande de permis d'aménager, dépôt d'un permis de construire ou d'un permis de construire et de démolir en fonction du projet réalisé.

La stipulation contractuelle sur le délai de réalisation était libellée de la manière suivante :

« La promesse de vente est consentie pour une durée expirant le 15 octobre 2014 à seize heures.

Toutefois si à cette date, les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte n'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de sa rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables, sans que cette prorogation puisse excéder trente jours, sauf si les autorisations d'urbanisme ont été déposées par le bénéficiaire dans les délais fixés aux présentes et sont en cours d'instruction ou en cours de purge des délais de recours ou retraits, auquel cas la présente promesse sera prorogée de huit jours à compter de l'obtention desdites autorisations d'urbanisme purgées de tout recours et retrait ».

Par ailleurs, les parties convenaient d'une indemnité d'immobilisation de 337 500 euros au profit du promettant.

Sur les parcelles promises à la vente par Mme [L], la SARL Clef de Voûte envisageait, soit la rénovation de l'ensemble des bâtiments avec réalisation d'une piscine, soit la construction d'une habitation de seize pièces principales pour environ 1 600 m2, d'une maison annexe de cinq pièces, de piscines intérieures et extérieures, avec un parc paysager.

La SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26] (ci-après dénommée la SAB) a été constituée pour effectuer l'ensemble des démarches administratives.

Par courrier du 7 janvier 2015, le Directeur Départemental des Territoires et de la Mer pour le département des Alpes-Maritimes faisait savoir à la SARL SAB que sa demande d'autorisation de défrichement reçue le 17 octobre 2014 était irrecevable, dans la mesure où elle portait sur la parcelle DK [Cadastre 22] dont Mme [L] était propriétaire à hauteur de ¿ seulement.

Le Directeur proposait à la SARL SAB de supprimer cette parcelle de sa demande et précisait que le délai d'instruction de la demande ne courrait qu'à compter de la réception des pièces.

[G] [L] est décédée au cours de l'année 2017, laissant pour héritiers ses petits-enfants M. [C] [L] et Mme [T] [L].

Par courriers du 10 juillet 2018, le notaire de la SARL Clef de Voûte a fait savoir à M. [C] [L] et à Mme [T] [L] que sa cliente restait toujours dans l'attente de la régularisation par le vendeur de la situation relative au quart indivis de la parcelle cadastrée section DK numéro [Cadastre 22], ajoutant que cette erreur dans l'acte notarié avait entraîné la suspension de la demande d'autorisation de défrichement nécessaire aux dépôts des demandes de permis d'aménager et de construire.

L'officier ministériel demandait aux consorts [L] de faire poursuivre l'instruction du dossier de vente au profit de la SARL Clef de Voûte, en précisant que cette dernière se réservait la faculté d'engager une action judiciaire.

Par courrier du 20 juillet 2018, l'avocat de M. [C] [L] a répondu au notaire que les délais de réalisation prévus dans la promesse de vente constituaient manifestement des délais extinctifs de toute obligation du vendeur et il ajoutait qu'aucune injonction de régulariser n'était opposable à son client.

Par courrier du 12 décembre 2018, la SARL Clef de Voûte a, par l'intermédiaire de son avocat, mis en demeure les consorts [L] d'avoir à régulariser la situation de la parcelle cadastrale DK [Cadastre 22] en prenant toute mesure propre à désintéresser le ou les tiers qui pourraient en être indivisaires, en violation des termes de la promesse, et/ou à leur faire concourir aux autorisations administratives nécessaires à sa réalisation.

Par courrier du 2 janvier 2019, l'avocat de M. [C] [L] et de Mme [T] [L] a fait savoir que ses clients étaient prêts à régulariser la vente au prix initialement fixé de 6 750 000 euros mais s'interrogeait sur la régularisation par la SARL Clef de Voûte des autorisations administratives prévues à la promesse de vente dans la mesure où l'erreur affectant les parts indivisaires de la parcelle cadastrée DK [Cadastre 22] résultait selon lui d'une faute des notaires ayant établi l'acte notarié.

Par assignations délivrées le 19 juillet 2019 et le 23 juillet 2019, la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB ont fait citer M. [C] [L] et Mme [T] [L] devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines afin principalement de faire dire et juger que la vente est parfaite et définitive, afin de les faire condamner solidairement à apporter leur concours dans la levée des conditions suspensives affectant la promesse puis le cas échéant, à réaliser la vente de l'ensemble immobilier situé chemin du [Adresse 26] suivant parcelles cadastrées comme suit : DK [Cadastre 16], DK [Cadastre 7], DK[Cadastre 17], DK[Cadastre 14], DK[Cadastre 23], DK [Cadastre 3], DK [Cadastre 12], DK[Cadastre 13], DK[Cadastre 22], DK[Cadastre 9], DK[Cadastre 4], DK[Cadastre 6], DK [Cadastre 10], DK[Cadastre 11], DK[Cadastre 8] et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir.

A titre subsidiaire la SARL Clef de Voûte a demandé la condamnation des consorts [L] à lui payer la somme de 107 676 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte subie, la somme de 8 319 676 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du gain manqué, outre leur condamnation à payer la somme de 10 000 euros au titre de la résistance abusive et en réparation de son préjudice moral.

Dans leurs dernières écritures déposées le 19 janvier 2021, les SARL Clef de Voûte et SAB ont maintenu leurs prétentions antérieures et ont sollicité à titre subsidiaire une expertise judiciaire afin de déterminer plus précisément leur préjudice économique.

M. et Mme [L] ont constitué avocat, ont sollicité le rejet des prétentions des SARL Clef de Voûte et SAB et ont demandé à titre reconventionnel la condamnation in solidum de leurs adversaires à leur payer la somme de 337 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation.

Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :

rejeté les demandes principales de la SARL Clef de Voûte et de la SARL SAB en réalisation de la vente et en condamnation des défendeurs à y apporter leur concours ;

déclaré irrecevables les demandes subsidiaires indemnitaires de ces deux sociétés en dommages et intérêts sur le fondement contractuel contre les consorts [L] ;

condamné la SARL Clef de Voûte à payer à M. et Mme [L] la somme de 337 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts à compter du 6 janvier 2020 ;

rejeté toute autre demande ;

condamné in solidum la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB aux dépens ainsi qu'à payer aux consorts [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l'exécution provisoire sur le tout sans garantie ;

Le tribunal a retenu que le courrier du 7 janvier 2015 de la préfecture des Alpes-Maritimes devait être considéré comme une décision administrative de refus de l'autorisation de défrichement, qu'il ne s'agissait pas d'une simple suspension de l'instruction de la demande comme le soutenaient les sociétés Clef de Voûte et SAB, qu'ainsi la promesse de vente est privée d'effet par la défaillance de la SARL Clef de Voûte dans l'une des démarches nécessaires à la réalisation de la condition suspensive et que le vendeur se trouve délié de tout engagement envers l'acquéreur.

Sur les demandes indemnitaires subsidiaires, le tribunal a considéré que la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil avait couru depuis le 20 janvier 2014, veille de la signature de l'acte notarié et date à laquelle le représentant légal des sociétés demanderesses avait été averti par le notaire de ce que la propriété sur un quart indivis de la parcelle section DK n°[Cadastre 22] ne pouvait être attribuée à une personne identifiée.

Il en a déduit que la prescription s'est trouvée acquise antérieurement à la délivrance des assignations les 19 et 23 juillet 2019.

Sur l'indemnité d'immobilisation, le tribunal a retenu que la condition suspensive d'obtention du permis de construire ou d'aménager doit être considérée comme défaillie mais par la faute de la SARL Clef de Voûte qui ne peut opposer le courrier de la DREAL du 7 janvier 2015 alors qu'elle a été en mesure d'obtenir une décision favorable en matière de division foncière, de sorte que l'absence d'autorisation de défrichement n'a pas fait obstacle à cette démarche ultérieure.

Il a ajouté que la condition suspensive étant défaillie par la faute de sa débitrice, elle est considérée réputée accomplie conformément à l'article 1178 du code civil.

Par déclaration reçue au greffe le 9 avril 2021, la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB ont interjeté appel aux fins d'annulation subsidiairement d'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leurs demandes principales en réalisation de la vente et en condamnation des défendeurs à y apporter leur concours, en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes subsidiaires indemnitaires de ces deux sociétés en dommages et intérêts sur le fondement contractuel contre les consorts [L], en ce qu'il a condamné la SARL Clef de Voûte à payer à M. et Mme [L] la somme de 337 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts à compter du 6 janvier 2020 et en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB aux dépens ainsi qu'à payer aux consorts [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 20 avril 2021, la SARL SAB a été placée en liquidation judiciaire et la SCP BTSG, prise en la personne de M. [H] [B] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 mai 2021, la SARL Clef de Voûte a été placée en liquidation judiciaire et la SCP BTSG, prise en la personne de M. [H] [B] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation.

M. et Mme [L] ont déclaré leurs créances résultant du jugement du 23 mars 2021 du tribunal judiciaire de Sarreguemines au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Clef de Voûte.

La SCI BTSG, prise en la personne de M. [B] ès qualités de liquidateur des deux sociétés est intervenu volontairement à la présente procédure pour soutenir l'appel introduit par ces deux sociétés.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 février 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la SCI BTSG, prise en la personne de M. [H] [B] ès qualités de liquidateur de la SARL Clef de Voûte et de la SARL SAB demande à la cour, au visa des articles 788 et suivants et 263 du code de procédure civile, des articles 1134, 1582 et 1583 du code civil, de :

recevoir en son intervention la SCP BTSG en la personne de M. [B] sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Clef de Voûte et SAB ;

réformer le jugement rendu le 23 mars 2021 par le tribunal de Sarreguemines en ce qu'il a rejeté les demandes principales de ces deux sociétés en réalisation de la vente et condamnation des défendeurs à y apporter leur concours, en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes subsidiaires indemnitaires de la SARL Clef de Voûte et SAB en dommages et intérêts sur le fondement contractuel contre M. et Mme [L], en ce qu'il les a condamnées à payer aux consorts [L] la somme de 337 500,00 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts au taux légal sur l'ensemble à compter du 06 janvier 2020, en ce qu'il a rejeté toute autre demande, en ce qu'il a condamn[é] in solidum la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB aux dépens, en ce qu'il les a condamnées solidairement à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a ordonn[é] l'exécution provisoire sur le tout sans garantie ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

dire et juger que la vente est parfaite et définitive ;

faire condamner in solidum M. et Mme [L] solidairement à apporter leur concours dans la levée des conditions suspensives affectant la promesse puis le cas échéant, à réaliser la vente de l'ensemble immobilier sis [Adresse 27] suivant parcelles cadastrées comme suit : DK [Cadastre 16], DK [Cadastre 7], DK[Cadastre 17], DK[Cadastre 14], DK[Cadastre 23], DK [Cadastre 3], DK [Cadastre 12], DK[Cadastre 13], DK[Cadastre 22], DK[Cadastre 9], DK[Cadastre 4], DK[Cadastre 6], DK [Cadastre 10], DK[Cadastre 11], DK[Cadastre 8] et ce, par devant Maître [M], notaire au profit de la SARL Clef de Vente ou de la SARL SAB qui s'y substituera, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

dire et juger que passé un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et de la levée de la dernière des conditions suspensives, le jugement vaudra titre de propriété au profit de la société Clef de Voûte ou de la société SAB avec publication au service de la publicité foncière d'Antibes ;

A titre subsidiaire,

dire et juger que [G] [L] a promis à la vente un ensemble immobilier dont elle se déclarait propriétaire, et pour lequel elle assurait le bénéficiaire, de l'absence de tout droit ni titre du voisin M. [X], alors que celui-ci est propriétaire indivis d'une des parcelles ;

dire et juger que la responsabilité des ayants-droit héritiers de [G] [L] est engagée au titre de la faute ;

dire et juger que la bénéficiaire de la promesse, la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB subissent un préjudice résultant de cette faute, correspondante à la somme des frais engagés au titre de la promesse et ses suites, et du gain manqué du fait de son absence de réalisation ;

condamner in solidum M. et Mme [L] au paiement de la somme de 107 676 euros à titre de dommages et intérêts au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte, en réparation de la perte subie et sauf à parfaire ;

condamner in solidum M. et Mme [L] au paiement de la somme de 8 319 676 euros à titre de dommages et intérêts au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte en réparation du gain manqué et sauf à parfaire ;

condamner in solidum M. et Mme [L] au paiement au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de la résistance abusive et du préjudice moral ;

A titre très subsidiaire,

désigner tel expert qu'il ou elle lui plaira, avec pour mission de fournir à la cour les éléments nécessaires pour apprécier le préjudice des sociétés Clef de Voûte et SAB et pour ce faire :

Se rendre sur place

Entendre les parties

Se faire remettre tous documents

vérifier les dépenses alléguées par les sociétés Clef de Voûte et SAB (pertes subies à hauteur de 107 676 Euros) tant dans leur quantum qu'en fait, sur le lien effectif avec le projet immobilier décrit à l'acte authentique ;

vérifier le calcul du gain manqué présenté par les sociétés Clef de Voûte et SAB au titre de la non-réalisation de ce même projet, se prononcer sur les hypothèses, valeurs et coefficients retenus, au besoin les rectifier ou y substituer tout calcul au vu de tout élément comptable ou extra-comptable,

Se faire aider de tout sachant au besoin,

Et du tout, dresser rapport,

A titre infiniment subsidiaire,

débouter M. et Mme [L] de leur demande reconventionnelle formulée en cours d'instance portant sur le paiement de la somme de 337 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts au taux légal sur l'ensemble à compter du 06 janvier 2020 ;

dans tous les cas,

condamner in solidum M. et Mme [L] au paiement de la somme de 10 000 euros sauf à parfaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel et aux frais inhérents au placement en procédure collective des deux sociétés SAB et Clef de Voûte ;

Dans leurs dernières écritures déposées le 6 avril 2023 et auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, M. [C] [L] et Mme [T] [L] demandent à la cour, au visa des articles 640-1 et suivants du code de commerce, de :

rejeter l'appel de M. [B] ès qualités de liquidateur judiciaire des SARL Clef de Voûte et SAB, le dire mal fondé ;

recevoir l'appel incident de M. et Mme [L] et y faire droit ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les demandes principales des sociétés Clef de Voûte et SAB tendant à la réalisation de la vente et statuant à nouveau :

déclarer irrecevables comme prescrites l'action et l'ensemble des demandes des sociétés SAB et Clef de Voûte, tant principales que subsidiaires ;

déclarer en tout état de cause irrecevables les demandes de la SCP BTSG, prise en la personne de M. [B] ès qualités de liquidateur des sociétés Clef de Voûte et SAB en réalisation de la vente ainsi que toutes les demandes y afférentes, pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;

subsidiairement, constater la caducité de la promesse de vente ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes principales de la SARL Clef de Voûte et de la SAB en réalisation de la vente et condamnation des défendeurs à y apporter leur concours, en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes subsidiaires indemnitaires des SARL Clef de Voûte et SAB en dommages et intérêts sur le fondement contractuel contre les héritiers [L], en ce qu'il a condamné la SARL Clef de Voûte à payer aux consorts [L] la somme de 337 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts au taux l6gal sur l'ensemble à compter du 6 janvier 2020, en ce qu'il a rejeté les autres demandes des sociétés Clef de Voûte et SAB, en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Clef de Voûte et la SAB aux dépens, en ce qu'il a condamné solidairement les mêmes sociétés à payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeter en tout état de cause l'ensemble des demandes de la SCP BTSG, prise en la personne de M. [B], es qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Clef de Voûte et SAB, les dire mal fondés ;

dire n'y avoir lieu à condamner les consorts [L] à une obligation de faire sous astreinte ;

rejeter la demande d'expertise, la dire mal fondée ;

en tout état de cause,

fixer les créances des consorts [L] au passif de la SARL Clef de Voûte à 386 369, 95 euros comprenant le principal, les intérêts, l'article 700 du code de procédure civile, les dépens d'instance et les frais d'huissier ;

très subsidiairement,

rejeter la demande des appelantes tendant à voir considérer que l'arrêt à intervenir vaudrait vente trois mois après une signification ;

conditionner la réalisation de la vente au paiement du prix par le liquidateur des sociétés Clef de Voûte et SAB à M. et Mme [L] ou entre les mains du notaire, soit la somme de 6 750 000 euros, outre un complément de prix de 1 750 000 euros en cas de réalisation du projet 2 des sociétés adverses ;

dans cette hypothèse improbable de réalisation de la vente, condamner la SCP BTSG, prise en la personne de M. [B] ès qualités de liquidateur des sociétés Clef de Voûte et SAB à payer à Mme [L] et M. [L] la somme de 6 750 000 euros outre un complément de prix de 1 750 000 euros en cas de réalisation du projet n°2 des demanderesses ;

condamner la SCP BTSG, prise en la personne de M. [B] ès qualités de liquidateur des sociétés Clef de Voûte et SAB aux dépens ainsi qu'à payer aux consorts [L] une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de M. [B] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Clef de Voûte et la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26]

Il se déduit de l'article 31 du code de procédure civile que l'intérêt au succès d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice (sur ce point voir par exemple Cass. Civ. 2e, 28 mai 2009, no 08-14.057).

L'article 32 du code de procédure civile dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Enfin l'article L.641-4 alinéa 1 du code de commerce dispose que le liquidateur peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire.

M. [C] [L] et Mme [T] [L] font valoir à la fois l'absence de qualité à agir de M. [B] ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Clef de Voûte et la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26], car la procédure poursuivie par le liquidateur n'entrerait pas dans sa mission mais également son absence d'intérêt à agir, puisque la liquidation entraîne la cessation de l'activité, de sorte que M. [B] ne pourra pas payer le prix si la vente est considérée comme étant parfaite.

M. [B] ès qualité réplique que sa mission de mandataire dans le cadre de la liquidation judiciaire implique précisément la réalisation des actifs.

Sur ce, conformément à l'article L.641-4 du code de commerce déjà cité, M. [B] ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB est recevable à intervenir à la présente procédure pour poursuivre l'action engagée par ces deux sociétés. Sa qualité à agir ne fait donc pas de doute.

De plus, aux dates de délivrance des assignations le 19 juillet 2019 et le 23 juillet 2019, dates auxquelles il convient de se placer pour apprécier l'intérêt à agir des sociétés Clef de Voûte et SAB, ces dernières avaient bien intérêt à obtenir la condamnation des consorts [L] à faire poursuivre la vente et/ou au paiement de diverses indemnités.

En tout état de cause, la mission du mandataire à la liquidation judiciaire est de réaliser des actifs de manière à désintéresser les créanciers.

En conséquence, la cour rejette la fin de non-recevoir fondée sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir de M. [B] ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Clef de Voûte et la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26].

II- Sur la fin de non-recevoir concernant la prescription des prétentions aux fins de faire constater l'existence d'une vente parfaite et définitive avec toutes ses conséquences

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En matière de promesse de vente, sauf stipulation contraire, l'expiration du délai fixé pour la réitération de la vente par acte authentique ouvre le droit, pour chacune des parties, soit d'agir en exécution forcée de la vente, soit d'en demander la résolution et l'indemnisation de son préjudice.

Le fait justifiant l'exercice de cette action ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente (voir par exemple Cass. Civ. 3ème, 1er octobre 2020, 19-16.561).

En l'espèce, le délai prévu à la promesse pour réaliser la vente expirait le 15 octobre 2014 à 16 heures.

Néanmoins les pièces versées aux débats, et notamment le courrier électronique du 10 mars 2015 de Maître [I] notaire de la promettante et celui du 31 août 2017 de Maître [Z] notaire des sociétés bénéficiaires établissent que les parties poursuivaient alors leurs échanges à propos de la situation de la parcelle DK [Cadastre 22] et de l'éventuel rachat du dernier quart indivis, sans que [G] [L] puis ses héritiers ne fassent valoir la caducité de la promesse.

Le courrier du 20 juillet 2018 dans lequel l'avocat de M. [C] [L] faisait savoir au notaire de la SARL Clef de Voûte que les délais de réalisation prévus dans la promesse de vente constituaient manifestement des délais extinctifs de toute obligation du vendeur et qu'aucune injonction de régulariser n'était opposable à son client est le premier document qui manifeste le refus d'un des ayants droit d'[G] [L] de régulariser l'acte de vente.

Par ailleurs, par courrier du 2 janvier 2019, l'avocat de M. [C] [L] et de Mme [T] [L] a fait savoir à l'avocat des sociétés Clé de Voûte et SAB que ses clients étaient prêts à régulariser la vente au prix initialement fixé de 6 750 000 euros mais s'est interrogé sur la régularisation par la SARL Clef de Voûte des autorisations administratives prévues à la promesse de vente, dans la mesure où l'erreur affectant les parts indivisaires de la parcelle cadastrée DK [Cadastre 22] résultait selon lui d'une faute des notaires ayant établi l'acte notarié.

Cette missive peut être analysée comme un refus par les héritiers de la promettante de signer l'acte authentique de vente, peu important les motifs avancés par ces derniers à savoir la solvabilité de la bénéficiaire.

Ainsi, le point de départ de la prescription de l'action à l'égard de M. [C] [L] doit être fixé au 20 juillet 2018.

Celui de l'action engagée contre [T] [L] doit être fixé au 2 janvier 2019.

L'action des sociétés Clef de Voûte et SAB, engagée selon assignations délivrées le 19 et le 23 juillet 2019, n'est donc pas prescrite.

La cour rejette la fin de non-recevoir au motif de la prescription s'agissant des prétentions principales de la SARL Clef de Voûte et de la SARL SAB aux fins de faire réitérer l'acte authentique de vente devant faire suite à la promesse de vente du 21 janvier 2014 et déclare recevables ces prétentions aux fins de faire constater l'existence d'une vente parfaite et définitive avec toutes ses conséquences.

III- Sur la fin de non-recevoir tirée de la faute contractuelle alléguée de [G] [L]

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 2227 du code civil dispose que le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

A titre subsidiaire, la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB entendent invoquer la responsabilité contractuelle des consorts [L] en raison de fausses déclarations de [G] [L], laquelle selon eux :

a omis de déclarer qu'elle ne disposait pas de toutes les parts indivises des parcelles composant sa propriété, objet de la promesse de vente ;

a précisé précédemment à la signature de la promesse et par l'intermédiaire de son notaire, « concernant la parcelle [Cadastre 22], ni les titres antérieurs en ma possession, ni l'état hypothécaire ne révèle de 4ème quart » ;

a déclaré à l'acte de promesse qu'elle était la seule propriétaire de l'ensemble des biens promis par elle à la vente et que son voisin M. [X] ne faisait que passer sur cette parcelle DK81, sans qu'il puisse en justifier par un titre, alors qu'en réalité celui-ci est indivisaire.

Ils soutiennent que leur demande principale constitue une action réelle immobilière qui se prescrit par 30 ans conformément à l'article 2227 du code civil, de sorte qu'elle ne serait pas prescrite.

En réplique, les consorts [L] font valoir que c'est la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil qui doit s'appliquer et que la SARL Clef de Voûte n'ignorait pas à la signature de l'acte que [G] [L] n'était pas la propriétaire du dernier quart indivis, les échanges des notaires sur ce point la veille de la signature de l'acte révélant l'absence de titre de propriété de l'intéressée sur ce dernier quart.

Sur ce, il sera rappelé qu'en matière de promesse de vente, le fait justifiant l'exercice de l'action en indemnisation ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente.

Cette demande en indemnisation constitue bien une action personnelle et c'est la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil qui s'applique (voir par exemple Cass, Civ 3ème, 1 octobre 2020, 19-16.561).

Sur la connaissance par les parties de la situation juridique exacte de la parcelle DK [Cadastre 22], les articles 711 et 712 du code civil disposent que la propriété peut s'acquérir de diverses manières : par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, par l'effet des obligations, par accession ou incorporation ou par prescription acquisitive.

Ainsi [G] [L] pouvait être propriétaire du dernier quart indivis de la parcelle DK[Cadastre 22] sans titre, c'est-à-dire sans écrit constatant un acte juridique quelconque, par exemple par le biais de la prescription acquisitive.

Dans ces conditions, ni le courrier électronique échangé la veille de la signature de l'acte entre les notaires des parties selon lequel « ni les titres antérieurs en ma possession, ni l'état hypothécaire ne révèle le quatrième quart », ni les énonciations de la promesse de vente détaillant les titres de propriété pour ¿ seulement de la parcelle DK [Cadastre 22], ne pouvaient révéler à la SARL Clef de Voûte qu'une tierce personne était propriétaire du dernier quart indivis de cette parcelle.

En effet, [G] [L] pouvait avoir acquis la propriété de ce dernier quart par la prescription, étant observé par ailleurs qu'elle promettait bien à la SARL Clef de Voûte de lui vendre l'intégralité de la parcelle DK [Cadastre 22] et qu'elle déclarait également dans l'acte que M. [X] lui-même « passe et circule sur la parcelle DK[Cadastre 22] sans qu'il puisse justifier d'un titre », déclarations de nature à rassurer sa co-contractante sur l'étendue des droits de propriété de [G] [L].

Dans le courrier du 7 janvier 2015, les services de la préfecture des Alpes-Maritimes ont indiqué à la SARL SAB qu'[G] [L] était propriétaire des trois quarts de la parcelle en litige seulement.

C'est à la date de réception de ce courrier, le 8 janvier 2015 au plus tôt, que la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB ont pu prendre connaissance du fait qu'aucun droit de propriété n'était reconnu à [G] [L] sur le quatrième quart de la parcelle DK [Cadastre 22], quelles que soient les modalités d'acquisition de la propriété.

Le délai de prescription pour agir en indemnisation a donc commencé à courir le 8 janvier 2015.

L'action des sociétés Clef de Voûte et SAB sur le fondement contractuel, engagée selon assignations délivrées le 19 et le 23 juillet 2019, n'est pas prescrite.

La cour relève par ailleurs que la prescription de l'action en dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral n'est pas soutenue dans le corps des écritures des intimés.

La cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes subsidiaires indemnitaires des SARL Clef de Voûte et SAB en dommages et intérêts sur le fondement contractuel contre les héritiers [L], statuant à nouveau, rejette la fin de non-recevoir au motif de la prescription s'agissant des prétentions indemnitaires de la SARL Clef de Voûte et de la SARL SAB et déclare recevables lesdites prétentions.

IV- Sur la caducité de la promesse de vente et le caractère parfait de la vente

L'article 1134 du code civil dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 01 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Par ailleurs, il est admis depuis l'arrêt Septfonds du 16 juin 1923 rendu par le tribunal des conflits que les tribunaux judiciaires sont compétents pour interpréter le sens des actes réglementaires.

Le délai de réalisation de la vente entre [G] [L] et la SARL Clef de Voûte faisait l'objet de la stipulation contractuelle suivante :

« La promesse de vente est consentie pour une durée expirant le 15 octobre 2014 à seize heures.

Toutefois si à cette date, les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte n'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de sa rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables, sans que cette prorogation puisse excéder trente jours, sauf si les autorisations d'urbanisme ont été déposées par le bénéficiaire dans les délais fixés aux présentes et sont en cours d'instruction ou en cours de purge des délais de recours ou retraits, auquel cas la présente promesse sera prorogée de huit jours à compter de l'obtention desdites autorisation d'urbanisme purgées de tout recours et retrait » (page 9).

Il se déduit de cette stipulation contractuelle que dans l'hypothèse où une autorisation administrative serait en cours d'instruction à la date du 15 octobre 2014, le délai maximal pour régulariser la promesse continuerait à courir jusqu'à huit jours après l'obtention de ladite autorisation purgée de tout recours ou retrait.

Les délais à la charge du bénéficiaire de la promesse de vente pour l'obtention des autorisations administratives étaient les suivants :

« 1- Demande d'examen au cas par cas préalable à la réalisation d'une étude d'impact auprès de la DREAL dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la purge des droits de préemption au bénéficiaire par le notaire soussigné et dans un délai minimum de 45 jours à compter de la signature des présentes.

2- Demande d'autorisation de défrichement dans le délai de quinze jours à compter de la délivrance de l'attestation d'absence d'étude d'impact ou de la délivrance du rapport d'étude d'impact pour le cas où celle-ci serait exigée par la DREAL. En ce dernier cas l'acquéreur s'obligerait à passer commande de l'étude d'impact dans le délai d'un mois à compter de la réception du courrier de la DREAL.

3- Demande de permis d'aménager conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'autorisation de défrichement.

4- Dépôt d'un permis de construire (pour la réalisation du projet 1) conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'arrêté du permis d'aménager.

5- Demande d'un permis de construire et de démolir (pour la réalisation du projet 2) conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'arrêté du permis autorisant le projet 1 ».

La SARL Clef de Voute et la SARL SAB justifient de l'obtention de la première autorisation administrative prévue par les stipulations contractuelles, à savoir la dispense de réalisation d'étude d'impact environnemental, selon arrêté préfectoral du 12 septembre 2014.

Elles justifient également du dépôt de leur demande d'autorisation de défrichement dans les quinze jours ayant suivi cette première autorisation administrative, par un courrier recommandé du 27 septembre 2014.

La demande d'autorisation de défrichement était donc en cours d'instruction à la date d'expiration stipulée contractuellement, à savoir le 15 octobre 2014.

Les parties divergent quant à l'interprétation du courrier adressé le 7 janvier 2015 par la préfecture des Alpes-Maritimes au sujet du défrichement, rejet pur et simple de l'autorisation ou simple suspension.

Cette missive est rédigée de la manière suivante :

« Par courrier du 17 octobre 2014, j'accusais réception de la demande d'autorisation de défrichement ['] et vous réclamais un certain nombre de pièces.

Le 5 décembre 2014, vous m'avez transmis la majeure partie de ces pièces mais votre demande reste irrecevable, en ce qui concerne la propriété de la parcelle DK81 dont Mme [G] [L] n'est propriétaire que des trois quarts.

J'ai pris contact avec votre notaire qui ne peut à ce jour indiquer qui est ou qui sont les propriétaires du quart de cette parcelle. Il ne vous est donc pas possible, sans l'accord du ou des propriétaires de ce quart, de faire votre demande sur cette parcelle.

Je vous propose donc de la supprimer de votre demande et d'en modifier à la fois la superficie et le plan de délimitation des zones à défricher.

Le délai d'instruction de votre demande ne courra qu'à compter de la réception de ces pièces.

Dans cette attente, je vous prie d'agréer' ». (pièce 7 des appelantes).

Les services de la préfecture ne notifient pas dans ce courrier un rejet pur et simple de la demande d'autorisation de défrichement.

Des termes employés « Le délai d'instruction de votre demande ne courra qu'à compter de la réception de ces pièces » et « dans cette attente », il se déduit que l'instruction de la demande d'autorisation de défrichement était seulement suspendue, dans l'attente de la réception d'une demande modifiée ou éventuellement d'une autorisation de défrichement signée du propriétaire du dernier quart indivis de la parcelle DK [Cadastre 22].

Les services préfectoraux n'avaient pas considéré à l'époque que l'autorisation de défrichement était superflue, même si la parcelle DK [Cadastre 22] était partiellement goudronnée. De plus, les courriers électroniques adressés plus récemment par ce même service aux consorts [L] ne peuvent permettre de confirmer avec certitude que la réglementation sur le défrichement ne serait finalement pas applicable à la parcelle DK[Cadastre 22], en l'absence de réponse signée par le préfet ou son délégataire. Dans ces conditions, M. et Mme [L] ne peuvent pas se prévaloir du fait que cette autorisation ne serait finalement pas indispensable pour soutenir que la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB auraient pu se dispenser de solliciter cette autorisation de défrichement.

Le courrier électronique du 10 mars 2015 adressé par le notaire d'[G] [L] au notaire des sociétés SAB et Clef de Voûte établit d'ailleurs qu'à cette date, aucune des parties ne considérait que la promesse de vendre avait expiré ou que l'autorisation de défrichement serait superflue puisque Me [I] y indique que « la propriétaire du quart indivis est effectivement connue du vendeur et de sa fille. Il s'agit d'une voisine. Ma cliente m'avait prévenue qu'elle essaierait de la rencontrer afin de lui expliquer la situation et qu'elle signe l'autorisation de défrichement. Il restait à trouver un moment dans l'agenda de votre client ».

Les stipulations contractuelles prévoyant que dans l'hypothèse où une autorisation administrative serait en cours d'instruction à la date du 15 octobre 2014, le délai maximal pour régulariser la promesse continuerait à courir jusqu'à huit jours après l'obtention de ladite autorisation purgée de tout recours ou retrait et la préfecture des Alpes-Maritimes ayant seulement suspendu sa réponse sur l'autorisation de défrichement dans l'attente de pièces complémentaires, il s'en déduit que le délai pour réaliser la promesse de vente n'a pas expiré en l'absence de rejet pur et simple de la demande d'autorisation de défrichement.

Enfin, la promesse de vente mentionne une condition suspensive d'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêt, avec cette précision que « dans le cas où le bénéficiaire n'aurait pas apporté la justification requise dans un délai de huit jours suivant la mise en demeure qui lui sera faite par le promettant, ce dernier pourra se prévaloir de la caducité des présentes » (page 15).

La SARL Clef de Voûte et la SARL SAB ne répondent pas quant à l'absence de justificatifs du dépôt d'une ou plusieurs demandes de prêt alors que dans leurs conclusions récapitulatives déposées le 6 avril 2023, les consorts [L] indiquent pour la première fois qu'ils considèrent cette carence comme un motif supplémentaire de caducité.

Néanmoins, la clause contractuelle sur cette condition suspensive précise également que « le bénéficiaire s'oblige à déposer le ou les dossiers de demande de prêt dans le délai d'un mois à compter de la délivrance du permis de construire nécessaire à la réalisation du projet 1 et à en justifier à la première demande du promettant par tout moyen de preuve écrite ». (p15).

En conséquence, la SARL Clef de Voûte n'est tenue de déposer ses demandes de prêt qu'après obtention du permis de construire. Or les parties admettent que lorsque la réglementation sur le défrichement s'applique, l'autorisation de défrichement est un préalable à toutes les autres autorisations administratives dont le permis de construire, peu important le fait que la société Clef de Voûte ou la société SAB ait quand même pu obtenir une simple autorisation de division des parcelles en vue de construire.

L'instruction sur l'autorisation de défrichement étant en cours, la SARL Clef de Voûte ne peut pas déposer de demande de permis de construire et elle n'est donc pas tenue de justifier de sa ou ses demandes de prêt.

En définitive, les ayants droit d'[G] [L] ne peuvent pas invoquer la caducité de la promesse de vente, le délai de réalisation de la promesse de vente n'ayant pas expiré en raison de l'instruction en cours des autorisations administratives.

La SARL Clef de Voute et la SARL SAB en déduisent qu'elles peuvent solliciter :

qu'il soit dit et jugé que la vente est parfaite et définitive ;

que M. et Mme [L] soient condamnés à apporter leur concours dans la levée des conditions suspensives affectant la promesse puis le cas échéant, à réaliser la vente de l'ensemble immobilier sis [Adresse 27] suivant parcelles cadastrées comme suit : DK [Cadastre 16], DK [Cadastre 7], DK[Cadastre 17], DK[Cadastre 14], DK[Cadastre 23], DK [Cadastre 3], DK [Cadastre 12], DK[Cadastre 13], DK[Cadastre 22], DK[Cadastre 9], DK[Cadastre 4], DK[Cadastre 6], DK [Cadastre 10], DK[Cadastre 11], DK[Cadastre 8] au profit de la SARL Clef de Vente ou de la SARL SAB qui s'y substituera, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et dans un délai de un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

qu'il soit dit et juger que passé un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et de la levée de la dernière des conditions suspensives, le jugement vaudra titre de propriété au profit de la société Clef de Voûte de la société SAB avec publication au service de la publicité foncière d'Antibes.

Mais d'une part, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la promesse de vente ne prévoit pas la participation du promettant à la levée des conditions suspensives, s'agissant notamment de démarches envers le voisin M. [X] pour qu'il accepte de vendre le quart indivis en litige ou au moins qu'il signe l'autorisation de défrichement, puisqu'au contraire [G] [L] s'y déclarait comme étant la propriétaire de l'intégralité de la parcelle DK[Cadastre 22].

Le simple fait que dans le courrier électronique de Maître [I] du 10 mars 2015, il soit mentionné le fait que « ma cliente m'avait prévenue qu'elle essaierait de la rencontrer afin de lui expliquer la situation et qu'elle signe l'autorisation de défrichement » ne permet pas de considérer qu'[G] [L] avait admis une telle obligation contractuelle à la date de la signature de la promesse de vente le 21 janvier 2014.

La faute contractuelle alléguée de [G] [L], à savoir s'être déclarée propriétaire de l'intégralité de la parcelle alors qu'en réalité son voisin en possède un quart indivis, ne permet pas non plus de matérialiser à posteriori une obligation contractuelle de participation de la promettante à la levée des conditions suspensives.

D'autre part, la cour ne peut pas déclarer la vente en litige parfaite et définitive puisqu'un certain nombre de conditions suspensives demeurent à purger, dont l'autorisation de défrichement mais aussi les permis de construire et de démolir et enfin l'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêt, M. [B] ne précisant d'ailleurs pas comment des sociétés en liquidation judiciaire seraient en mesure de financer une opération supérieure à six millions d'euros.

Enfin et surtout, la vente ne peut pas être parfaite dès lors qu'elle porte sur l'intégralité de la parcelle DK [Cadastre 22] alors que les consorts [L] n'en possèdent que les trois quarts.

Ainsi, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes principales de la SARL Clef de Voûte et de la SAB en réalisation de la vente et condamnation des consorts [L] à y apporter leur concours et y ajoutant, rejette la demande des consorts [L] de faire constater la caducité de la promesse de vente du 21 janvier 2014.

V- Sur la faute contractuelle alléguée de [G] [L]

L'article 1134 du code civil dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 01 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Il a déjà été exposé que la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB font grief aux héritiers d'[G] [L] des fausses déclarations de [G] [L], laquelle selon eux :

a omis de déclarer qu'elle ne disposait pas de toutes les parts indivises des parcelles composant sa propriété, objet de la promesse de vente ;

a précisé précédemment à la signature de la promesse et par l'intermédiaire de son notaire, « concernant la parcelle [Cadastre 22], ni les titres antérieurs en ma possession, ni l'état hypothécaire ne révèle de 4ème quart » ;

a déclaré à l'acte de promesse qu'elle était la seule propriétaire de l'ensemble des biens promis par elle à la vente et que son voisin M. [X] ne faisait que passer sur cette parcelle DK81, sans qu'il puisse en justifier par un titre, alors qu'en réalité celui-ci est indivisaire.

Il est exact que par courrier électronique du 20 janvier 2014, Maître [I], notaire de [G] [L], indiquait au notaire de la SARL Clef de Voûte que « concernant la parcelle [Cadastre 22], ni les titres antérieurs en ma possession, ni l'état hypothécaire ne révèle le quatrième quart ».

Il s'en déduit qu'à la veille de la signature de la promesse de vente, le notaire des parties appelantes avait confirmation du fait que [G] [L] ne pouvait justifier d'aucun titre de propriété sur le dernier quart de la parcelle DK[Cadastre 22] et l'acte notarié de promesse de vente ne mentionne d'ailleurs que l'origine de propriété des trois premiers quarts de cette parcelle.

Ainsi [G] [L] n'a pas fait de fausses déclarations quant au fait qu'elle disposerait d'un titre de propriété sur le quatrième quart indivis de la parcelle DK[Cadastre 22].

En revanche, les consorts [L] affirment que leur grand-mère n'a promis à la vente que les trois premiers quarts de la parcelle DK[Cadastre 22], qu'il est en effet bien spécifié dans l'acte notarié que [G] [L] ne détient que trois quarts de cette parcelle DK [Cadastre 22] et qu' « elle n'a pas promis à la vente le 4e quart indivis qu'elle ne possède pas. » (page 8 de leurs dernières conclusions).

Il résulte pourtant clairement des énonciations de l'acte notarié que [G] [L] a bien promis à la vente l'intégralité de la parcelle DK [Cadastre 22], dont la surface est d'ailleurs précisée dans l'acte, le paragraphe « effet relatif » qui suit immédiatement le descriptif de ladite parcelle renseignant seulement sur les origines de propriété alors connues, à savoir celles des trois premiers quart indivis.

Ainsi [G] [L] a promis à la SARL Clef de Voûte de lui vendre l'intégralité de la parcelle DK [Cadastre 22], alors qu'il est établi qu'elle n'en possédait que les trois quarts et qu'elle savait qu'elle n'avait pas de droits sur le dernier quart indivis.

Cette fausse déclaration, non sur ses titres de propriété, mais sur ses droits de propriété, établit la faute contractuelle d'[G] [L] invoquée par les appelants.

VI- Sur les préjudices invoqués par la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB

Aux termes de l'ancien article 1151 du code civil, applicable au présent litige, même en cas d'inexécution qualifiée, le débiteur ne répond, à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution.

Les pertes subies

Les appelantes indiquent que suite aux fausses déclarations de [G] [L], la SARL SAB a subi une perte sèche, car elle a engagé de nombreuses dépenses dans la perspective de l'opération immobilière projetée : études préalables, géomètre, frais de notaire, architecte, promotion, frais de déplacement et de rendez-vous sur place'

Elles versent effectivement aux débats un certain nombre de factures en rapport notamment avec une prestation de géomètre-expert et des frais de publicité, ainsi que les comptes annuels de la SARL SAB.

Néanmoins, ces factures sont toutes libellées à l'intention de la SARL SAB.

Or dans le dispositif des écritures des appelantes, la demande de condamnation des consorts [L] en paiement de la somme de 107 676 euros au titre de la perte subie est faite par la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Clef de Voûte et non par la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL SAB.

Certes, les appelantes versent aussi aux débats la convention de refacturation entre les deux sociétés, selon laquelle la SARL SAB effectue au nom de la SARL Clef de Voûte toutes les démarches concernant le projet [Adresse 26], en contrepartie d'une rémunération d'un montant de 15% HT du coût total des frais nécessaires à l'obtention des permis, mais la SARL Clef de Voûte ne justifie pas des factures qui auraient dû lui être adressées par la SARL SAB, tant au titre des dépenses effectuées pour le projet qu'au titre de la rémunération de cette société pour ses prestations.

Les comptes annuels de la SARL SAB font certes mention de créances clients, par exemple pour la somme de 112 454 euros s'agissant du bilan arrêté au 31 décembre 2018, mais ce document ne suffit pas à établir que ces créances clients concernent bien la SARL Clef de Voûte.

En conséquence, la SARL Clef de Voûte ne rapporte pas la preuve de la perte subie à hauteur de 107 676 euros qu'elle invoque.

Le gain manqué

La SARL Clef de Voûte et la SARL SAB indiquent que la faute de [G] [L] les a privées de la chance de réaliser l'opération immobilière projetée.

Ils soutiennent que la perte de chance de réaliser une marge brute de 11 millions d'euros s'élève à 75%, compte tenu de la bonne santé de l'immobilier de luxe sur la Côte d'Azur et du faible aléa de réalisation de ce type de projet.

Dans la demande au titre du gain manqué, la SARL Clef de Voûte inclut la somme de 107 676 euros déjà écartée dans le précédent paragraphe.

Au préalable sur le gain manqué, il convient de souligner la fragilité financière manifeste de la SARL Clef de Voûte qui n'a pas été capable de justifier de justifier d'un engagement de caution ou de verser la somme correspondant à l'indemnité d'immobilisation de 300 000 euros prévue dans la promesse de vente et qui ne démontre pas ses capacités financières à mener le projet immobilier jusqu'à son terme.

Mais surtout, en l'absence de faute contractuelle de [G] [L], si cette dernière avait promis à la vente les seuls ¿ de la parcelle DK[Cadastre 22] qu'elle possédait, la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB auraient connu les mêmes difficultés s'agissant de l'obtention des autorisations administratives indispensables, car elles n'auraient pas pu obtenir l'autorisation de défrichement laquelle est un préalable nécessaire à la délivrance du permis de construire.

Ainsi la perte de chance invoquée par la SARL Clef de Voûte de réaliser un gain sur le projet immobilier n'existe pas, car en l'absence d'autorisation de défrichement signée par le propriétaire du dernier quart indivis, cette opération immobilière n'était pas réalisable.

En conséquence, la SARL Clef de Voûte n'établit pas la réalité du gain manqué qu'elle invoque.

L'expertise judiciaire

Une expertise sur le préjudice économique ne présenterait aucun intérêt s'agissant du gain manqué, la cour ayant déjà indiqué que ce préjudice était inexistant.

S'agissant de la perte subie, il appartenait à la SARL Clef de Voûte d'en rapporter la preuve en versant tous les justificatifs utiles aux débats et en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Statuant à nouveau, au fond, la cour rejette la demande subsidiaire d'expertise formée par les SARL SAB et Clef de Voûte et les demandes en paiement de la somme de 107 676 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte subie au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte et de la somme de 8 319 676 euros à titre de dommages et intérêts au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte en réparation du gain manqué.

VII- Sur l'indemnité d'immobilisation

L'article 1178 du code civil dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 01 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que :

« La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ».

La clause contractuelle d'indemnité d'immobilisation est rédigée de la manière suivante:

« Les parties conviennent de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation à la somme forfaitaire de 337 500 euros.

Le versement de l'indemnité d'immobilisation due au promettant par le bénéficiaire au cas de non-réalisation sera garanti par la remise au plus tard dans le délai de trente jours à compter de la réception par le bénéficiaire, et non la simple présentation, du permis de construire du projet 1, entre les mains de Me [I] pour le compte du promettant, d'un engagement de caution d'un établissement financier, ledit établissement financier devant s'engager par cette caution, en renonçant aux bénéfices de division et de discussion, à verser au promettant en cas de défaillance du bénéficiaire l'indemnité d'immobilisation.

L'engagement de caution devra pouvoir être mis en jeu jusqu'à la date du 31 décembre 2014. Dans l'hypothèse où le bénéficiaire se trouverait dans l'impossibilité d'obtenir ladite caution dans le délai imparti, il aura la faculté d'effectuer à la comptabilité de Me [I] dans le même délai, le versement d'une somme correspondant au montant de l'indemnité.

Le sort de l'indemnité d'immobilisation sera le suivant selon les hypothèses ci-après envisagées si elle venait à être versée aux lieu et place de la caution :

Elle s'imputera purement et simplement et à due concurrence sur le prix en cas de réalisation de la vente promise ;

Elle sera restituée et simplement au bénéficiaire dans tous les cas où la non-réalisation de la vente résulterait de la défaillance de l'une quelconque des conditions suspensives sus-énoncées et auxquelles le bénéficiaire n'aurait pas renoncé.

Elle sera versée au promettant et lui restera acquise à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible faute par le bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais ci-dessus, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées.

Dans l'hypothèse où la somme convenue au titre de l'indemnité d'immobilisation ou la caution bancaire dont il a été question ne serait pas versée ou remise au notaire dépositaire, dans les délais impartis, les présentes seront considérées comme nulles et non avenues si bon semble au promettant ».

Les appelantes soulèvent la prescription de la demande en paiement d'une indemnité d'immobilisation dans le corps de leurs écritures, sans évoquer de demande d'irrecevabilité de cette prétention dans leur dispositif. Conformément à l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne répondra donc pas sur ce point.

Il résulte par ailleurs des explications des parties et des pièces versées aux débats que la SARL Clef de Voûte n'a jamais justifié d'une caution bancaire, ni versé l'indemnité d'immobilisation dans les mains du notaire de [G] [L].

Selon les stipulations de la promesse de vente du 21 janvier 2014, la SARL Clef de Voûte devait effectuer les démarches suivantes s'agissant des autorisations administratives à obtenir:

« 1- Demande d'examen au cas par cas préalable à la réalisation d'une étude d'impact auprès de la DREAL dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la purge des droits de préemption au bénéficiaire par le notaire soussigné et dans un délai minimum de 45 jours à compter de la signature des présentes.

2- Demande d'autorisation de défrichement dans le délai de quinze jours à compter de la délivrance de l'attestation d'absence d'étude d'impact ou de la délivrance du rapport d'étude d'impact pour le cas où celle-ci serait exigée par la DREAL. En ce dernier cas l'acquéreur s'obligerait à passer commande de l'étude d'impact dans le délai d'un mois à compter de la réception du courrier de la DREAL.

3- Demande de permis d'aménager conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'autorisation de défrichement.

4- Dépôt d'un permis de construire (pour la réalisation du projet 1) conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'arrêté du permis d'aménager.

5- Demande d'un permis de construire et de démolir (pour la réalisation du projet 2) conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'arrêté du permis autorisant le projet 1 ».

Il est ajouté à la promesse de vente que :

« Cette condition suspensive sera considérée comme réalisée par la délivrance des permis d'aménager et de construire purgés de tout recours et retrait pour le projet 1 et/ou le projet 2 » (p.17).

Il se déduit de ces stipulations contractuelles que l'autorisation de défrichement est le préalable nécessaire à la demande et à l'obtention du permis de construire au profit de la SARL Clef de Voûte.

Or la SARL Clef de Voûte ne pouvait pas obtenir une autorisation de défrichement sur la parcelle DK81 puisque [G] [L] n'en était pas l'unique propriétaire, peu important le fait que la société Clef de Voûte ou la société SAB ait quand même obtenu une autorisation de division des parcelles en vue de construire.

En conséquence, la SARL Clef de Voûte ne pouvait pas satisfaire à la condition d'obtention d'un permis de construire et les consorts [L] ne peuvent pas lui faire grief de sa défaillance à obtenir la levée de cette condition suspensive.

Il est exact que la promesse de vente stipule également une condition suspensive liée à l'octroi de prêts, dans les termes suivants :

« dans le cas où le bénéficiaire n'aurait pas apporté la justification requise dans un délai de huit jours suivant la mise en demeure qui lui sera faite par le promettant, ce dernier pourra se prévaloir de la caducité des présentes. Par la suite le promettant retrouvera son entière liberté mais le bénéficiaire ne pourra recouvrer l'indemnité d'immobilisation qu'il aura, le cas échéant, versée qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt et que la condition n'est pas défaillie de son fait, à défaut, l'indemnité d'immobilisation restera acquise au promettant en application des dispositions de l'article 1178 du code civil ».

Dans un paragraphe précédent, il a déjà été exposé que la SARL Clef de Voûte n'a pas justifié de ses démarches pour l'obtention d'un ou plusieurs prêts mais que la bénéficiaire n'est tenue de déposer ses demandes de prêt qu'après obtention du permis de construire.

Or la délivrance de ce permis de construire dépend de l'autorisation de défrichement dont l'instruction est en toujours en cours.

En conséquence, il ne peut être considéré que cette condition suspensive est défaillie du fait de la SARL Clef de Voûte.

M. et Mme [L] ne font donc pas la démonstration de ce que la bénéficiaire aurait omis de réaliser l'acquisition dans les délais contractuellement prévus alors que toutes les conditions suspensives auraient été réalisées ou que les conditions suspensives auraient défailli du fait de la promettante.

La cour infirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Clef de Voûte à payer à M. et Mme [L] la somme de 337 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts à compter du 6 janvier 2020 et statuant à nouveau, rejette la demande de M. et Mme [L] en paiement de la somme de 337 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation.

VIII- Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive

Il résulte des dispositions de l'article 1382 devenu 1240 du code civil que la simple résistance à une action en justice ne peut constituer un abus de droit.

Par ailleurs, la SARL Clef de Voûte elle-même ne justifie d'aucune démarche ou relance particulière auprès de [G] [L] ou de ses héritiers entre le 10 mars 2015 et le 31 août 2017. Après les échanges de courriers électroniques du 31 août 2017, elle a attendu le mois de juillet 2018 pour adresser ses premières mises en demeure aux héritiers.

Dans ces conditions, [G] [L] puis ses héritiers ont pu croire que la SARL Clef de Voûte elle-même avait renoncé à faire réaliser la vente.

Il sera aussi rappelé que la cour n'a fait pas fait droit aux demandes en paiement de la SARL Clef de Voûte, le préjudice le plus conséquent invoqué, à savoir le gain manqué à hauteur de 8 212 000 euros, étant même inexistant.

Cette demande de dommages et intérêts avait déjà été soumise à la juridiction de première instance qui n'y avait pas répondu.

Y ajoutant, la cour rejette la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL Clef de Voûte pour résistance abusive et préjudice moral.

IX- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Après leur déclaration d'appel, les sociétés appelants ont fait l'objet d'une procédure collective.

La cour infirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Clef de Voûte et la SARL SAB aux dépens ainsi qu'à payer aux consorts [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, fixe au passif de la procédure collective de la SAS Clef de Voûte les dépens de première instance à hauteur de 50%, fixe au passif de la procédure collective de la SAS SAB les dépens de première instance à hauteur de 50%, fixe la créance de M. [C] [L] et de Mme [T] [L] au passif de la SARL Clef de Voûte au titre des frais irrépétibles de première instance à la somme de 1 000 euros et fixe la créance de M. [C] [L] et de Mme [T] [L] au passif de la SARL SAB au titre des frais irrépétibles de première instance à la somme de 1 000 euros ;

Les sociétés Clef de Voûte et SAB succombent à l'appel. Dans ces conditions la cour fixe au passif de la procédure collective de la SAS Clef de Voûte les dépens d'appel à hauteur de 50% et fixe au passif de la procédure collective de la SAS SAB les dépens d'appel à hauteur de 50%.

Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait droit à l'une ou l'autre demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir fondée sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir de M. [B] ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Clef de Voûte et de la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26] ;

Rejette la fin de non-recevoir au motif de la prescription s'agissant des prétentions principales de la SARL Clef de Voûte et de la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26] afin de faire dire et juger que la vente est parfaite et définitive, faire condamner in solidum M. et Mme [L] à apporter leur concours dans la levée des conditions suspensives affectant la promesse puis le cas échéant, à réaliser la vente de l'ensemble immobilier sis [Adresse 27] et faire dire et juger que passé un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et de la levée de la dernière des conditions suspensives, le jugement vaudra titre de propriété;

Rejette la fin de non-recevoir au motif de la prescription s'agissant des prétentions subsidiaires de la SARL Clef de Voûte en paiement de la somme de 107 676 euros à titre de dommages et intérêts au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte, en réparation de la perte subie et sauf à parfaire, en paiement de la somme de 8 319 676 euros à titre de dommages et intérêts au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte en réparation du gain manqué et sauf à parfaire et en paiement de la somme de 10 000 euros au titre de la résistance abusive et du préjudice moral;

Déclare recevables les prétentions principales et subsidiaires de la SARL Clef de Voûte et de la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26] ;

Infirme le jugement du 23 mars 2021 du tribunal judiciaire de Sarreguemines en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes subsidiaires indemnitaires des SARL Clef de Voûte et Société d'Aménagement du [Adresse 26] en dommages et intérêts sur le fondement contractuel contre les héritiers [L], en ce qu'il a condamné la SARL Clef de Voûte à payer à M. et Mme [L] la somme de 337 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts à compter du 6 janvier 2020, en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Clef de Voûte et la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26] aux dépens ainsi qu'à payer aux consorts [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le confirme en ce qu'il a rejeté les demandes principales de la SARL Clef de Voûte et de la Société d'Aménagement du [Adresse 26] en réalisation de la vente et condamnation des défendeurs à y apporter leur concours ;

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de la SARL Clef de Voûte et de la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26] de faire ordonner une expertise judiciaire ;

Rejette les demandes de la SARL Clef de Voûte en paiement de la somme de 107 676 euros à titre de dommages et intérêts au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte, en réparation de la perte subie et sauf à parfaire et de la somme de 8 319 676 euros à titre de dommages et intérêts au profit de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Clef de Voûte en réparation du gain manqué et sauf à parfaire ;

Fixe au passif de la procédure collective de la SAS Clef de Voûte les dépens de première instance à hauteur de 50%;

Fixe au passif de la procédure collective de la SAS Société d'Aménagement du [Adresse 26] les dépens de première instance à hauteur de 50%;

Fixe la créance de M. [C] [L] et de Mme [T] [L] au passif de la SARL Clef de Voûte au titre des frais irrépétibles de première instance à la somme de 1 000 euros ;

Fixe la créance de M. [C] [L] et de Mme [T] [L] au passif de la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26] au titre des frais irrépétibles de première instance à la somme de 1 000 euros ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes de la SARL Société d'Aménagement du [Adresse 26] et de la SARL Clef de Voûte en dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral ;

Fixe au passif de la procédure collective de la SAS Clef de Voûte les dépens d'appel à hauteur de 50%;

Fixe au passif de la procédure collective de la SAS Société d'Aménagement du [Adresse 26] les dépens d'appel à hauteur de 50%;

Rejette toutes les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00900
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;21.00900 ?
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