RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00943 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPGL
Minute n° 23/00176
[E], [W]
C/
[B], S.A.R.L. CABINET R&G IMMOBILIER
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 24 Mars 2021, enregistrée sous le n° 18/03714
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
APPELANTS :
Monsieur [Z] [E]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Gaspard GARREL, avocat au barreau de METZ
Madame [L] [W]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Gaspard GARREL, avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
Madame [D] [B]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
S.A.R.L. CABINET R&G IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]
Non représentée
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 14 Mars 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 04 Juillet 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Madame FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Par défaut
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE:
Aux termes d'un compromis signé le 16 juillet 2018, M. [Z] [E] et Mme [L] [W] se sont engagés à vendre à Mme [D] [B], qui l'acceptait, un bien immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 5] (57).
La vente était conclue sous la condition suspensive de l'obtention par Mme [B] d'un crédit pour un montant de 234.000 €, et le compromis comportait également une clause pénale mettant à la charge de celle des parties qui après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique, une pénalité égale à 10 % du prix de vente.
Une offre préalable de crédit a été adressée à Mme [B] par la Caisse de crédit mutuel de Hagondange, et reçue par elle le 11 août 2018.
Mme [B] qui exerçait la profession de vétérinaire salariée, a été victime le 18 août 2018 d'une grave agression à la suite de laquelle elle a subi plusieurs opérations et a été hospitalisée ou en rééducation pendant de nombreux mois.
Dans un courrier du 02 octobre 2018 la Caisse de crédit mutuel de Hagondange, relevant que Mme [B] avait démissionné de son emploi salarié le 10 août 2018 et ne disposait plus de revenus, lui faisait savoir que les éléments au vu desquels l'accord de la banque avait été donné avaient subi des modifications de sorte que la mise à disposition de fonds ne serait pas effectuée.
Le 02 octobre 2018 Mme [B] indiquait au notaire devant lequel devait avoir lieu la réitération par acte authentique, que la banque lui refusait son crédit.
Considérant que le défaut de régularisation de la vente par acte authentique était imputable à Mme [B], qui avait décidé, le 10 août 2018, de démissionner ce qui la privait de tout revenu et amenant en conséquence le refus de la banque, M. [E] et Mme [W] ont assigné Mme [B] devant le tribunal de grande instance de Metz par acte du 3 décembre 2018, afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 23.600 € au titre de la clause pénale, et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 mars 2021 le tribunal judiciaire de Metz a :
-Déclaré Monsieur [Z] [E] et Madame [L] [W] recevables en leur action;
-Débouté Monsieur [Z] [E] et Madame [L] [W] de leur demande en paiement au titre de la clause pénale ;
-Débouté Madame [D] [B] de sa demande reconventionnelle en indemnisation pour procédure abusive ;
-Rejeté la demande de Monsieur [Z] [E] et de Madame [L] [W] formée en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Rejeté la demande de Madame [D] [B] formée en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamné Monsieur [Z] [E] et Madame [L] [W] aux dépens ;
-Déclaré le présent jugement commun à la SARL R&G Immobilier prise en la personne de son représentant légal ;
-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que, si Mme [B] avait satisfait à son obligation de diligence en recherchant activement un prêt, et l'avait obtenu, en revanche il ressortait du courrier ultérieur de la banque que celle-ci était revenue sur sa décision après avoir eu connaissance de la modification substantielle des éléments en vertu desquels son accord avait été donné, et notamment la démission de Mme [B] de son emploi salarié et de son absence de revenus en conséquence. Le tribunal a encore relevé qu'il ne se déduisait pas des termes de ce courrier que la banque aurait refusé de procéder au déblocage des fonds à raison des conséquences de l'accident dont avait été victime Mme [B], et qu'en outre aucun élément n'établissait la véracité des allégations de celle-ci quant à création de son cabinet vétérinaire.
Le Tribunal a encore considéré que compte tenu des termes du compromis de vente, le critère de réalisation de la condition suspensive était l'émission d'une offre de prêt, laquelle avait en l'espèce été émise, et que l'acquisition subordonnée à un financement impliquait qu'il n'y ait pas de modification substantielle des éléments, notamment financiers, ayant présidé à l'accord de la banque.
Cependant, le tribunal a relevé que selon les termes du compromis, la demande en paiement fondée sur la clause pénale, était subordonnée à la délivrance préalable d'une mise en demeure de régulariser l'acte de vente, restée vaine, et qu'en l'état cette mise en demeure faisait défaut.
A cet égard le tribunal a considéré que les courriels échangés avec le notaire ne faisaient pas preuve de l'envoi d'une telle mise en demeure, et que la mise en demeure adressée à Mme [B] par le conseil de consorts [E]-[W] ne portait que sur le paiement de la somme prévue à titre de clause pénale et non sur la régularisation de l'acte de vente.
Par déclaration du 15 avril 2021 M. [Z] [E] et Mme [L] [W] ont interjeté appel des dispositions de ce jugement en intimant Mme [D] [B] et la SARL Cabinet R & G Immobilier en ce que ces dispositions ont débouté M. [E] et Mme [W] de leur demande en paiement de la clause pénale, c'est à dire de leur demande de condamnation de Mme [B] à leur régler la somme en principal de 23.600 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts à compter du 24 octobre 2018, de leur demande au titre de l'article 700 du CPC et en tant qu'elles les ont condamné aux dépens.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de leurs dernières conclusions du 28 décembre 2021 M. [E] et Mme [W] demandent à la cour de :
-Dire et juger bien fondé l'appel interjeté par M. [E] & Mme [W].
-Dire et juger non fondé l'appel incident formé par Mme [B].
En conséquence :
-Infirmer le jugement rendu le 24 mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de METZ en tant qu'il a dit et jugé que la clause pénale ne pouvait recevoir application et en tant qu'il a débouté M. [E] & Mme [W] de leur demande de condamnation de Mme [B] à leur régler une somme de 23600 euros au titre de cette clause pénale.
-Le confirmer en tant qu'il a débouté Mme [B] de sa demande reconventionnelle en indemnisation pour procédure abusive.
Puis, statuant à nouveau :
-Dire et juger que la clause pénale prévue expressément dans le compromis de vente du 16 juillet 2018 doit recevoir application.
En conséquence :
-Condamner Mme [B] à régler, au titre de cette clause pénale, à M. [E] & à Mme [W] une somme totale de 23 600 euros.
-Débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes.
-Condamner Mme [B] à régler à M. [E] & à Mme [W] une somme totale de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
-La condamner aux entiers frais et dépens.
A titre subsidiaire, en cas de confirmation par la Cour de l'analyse du premier juge sur la non application de la clause pénale :
-Dire et juger que Mme [B] a commis une faute ayant entraîné le refus de la banque de financer l'opération et ainsi la non réitération de la vente.
-Dire et juger que cette faute a entraîné un préjudice au détriment de M. [E] & de Mme [W].
-Condamner Mme [B] à régler à M. [E] & à Mme [W] une somme totale de 23600 euros à titre de dommages et intérêts.
-Condamner Mme [B] à régler à M. [E] & à Mme [W] une somme totale de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
-La condamner aux entiers frais et dépens .
Au soutien de leur appel, M. [E] et Mme [W] rappellent que Mme [B] était vétérinaire salariée au moment de la signature du compromis de vente et avait expressément précisé quelles étaient ses ressources mensuelles et sa situation financière lui permettant de prétendre à un prêt.
Ils indiquent que le crédit mutuel a effectivement émis une offre de prêt le 10 août 2018 mais que le même jour Mme [B] a démissionné de son emploi pour prétendument créer son propre cabinet vétérinaire. Ils font valoir que ni la banque ni eux-mêmes n'ont été informés de ce changement de situation, pas plus qu'ils n'ont été informés de l'accident survenu le 18 août 2028.
Ils indiquent que ce n'est que par mail du 10 septembre 2018 que Mme [B] informait de son accident, de sa nouvelle situation matérielle en précisant qu'elle n'avait plus d'emploi et n'avait pu démarrer sa nouvelle activité professionnelle et que de ce fait la banque refusait finalement de lui accorder un prêt.
Ils affirment que ce refus de la banque a pour origine la démission de Mme [B] de son emploi salarié, ainsi que le crédit mutuel l'a confirmé dans un courrier du 2 octobre 2018, et la diminution conséquente de sa solvabilité, et font valoir que la banque n'invoque nullement l'accident dont a été victime Mme [B].
Ils soulignent que celle-ci a décidé de son propre chef de démissionner, antérieurement à son accident, qu'une telle démission ne constitue donc en rien un événement imprévisible et extérieur à l'intimée, de sorte que si celle-ci n'a pu obtenir son prêt, elle en est seule responsable.
Ils considèrent que le refus de la banque dont se prévaut Mme [B] n'est pas un refus de prêt au sens prévu par les conditions suspensives, mais est la conséquence directe de l'attitude de l'emprunteuse. Or selon la jurisprudence, la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt est empêchée par le comportement de l'acheteur lorsque celui-ci fait des déclarations incomplètes ou mensongères sur sa situation financière, ce qui est le cas en l'espèce.
Ils ajoutent que Mme [B] ne fournit aucune preuve de ce qu'elle aurait été sur le point de créer son propre cabinet vétérinaire, et encore moins de ce que ce projet lui aurait permis d'augmenter ses ressources.
Quant à la mise en demeure de régulariser l'acte de vente, les appelants font valoir que les mails qu'ils ont adressés au notaire font clairement apparaître qu'ils ont indiqué leur intention de mettre en demeure Mme [B] de réitérer l'acte de vente, et ajoutent que la rédaction de la clause pénale en page 17 du compromis n'impose strictement aucune forme particulière à cette exigence d'une mise en demeure préalable.
Ils s'estiment dès lors fondés à solliciter l'application de cette clause.
Subsidiairement et au cas où l'analyse du premier juge serait retenue, ils réclament la condamnation de l'intimée à leur payer la somme de 23.600 € à titre de dommages et intérêts, en faisant valoir que le défaut de réitération résulte de la faute de celle-ci, dès lors qu'elle a signé l'offre de prêt en dépit d'une modification substantielle de sa situation matérielle et de ses revenus sans avoir préalablement prévenu le prêteur.
Sur leur préjudice, ils exposent que le prix de la vente devait leur permettre de financer la construction d'une maison individuelle, pour laquelle ils avaient déjà accompli des démarches, et font valoir que ce projet n'a pu être mené à bien du fait de la non réalisation de la vente.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le mai 2022 Mme [D] [B] demande à la cour de :
-Recevoir en la forme l'appel interjeté par Monsieur [Z] [E] et Madame [L] [W] contre le jugement rendu le 24 mars 2021 par la Chambre Civile du Tribunal Judiciaire de METZ,
-Le dire toutefois mal fondé,
-Le rejeter après avoir, en tant que de besoin déclaré irrecevable comme nouvelle la demande de condamnation de Madame [B] à payer à Monsieur [Z] [E] et à Madame [L] [W] la somme de 23 600 € à titre de dommages et intérêts, présentée pour la première fois à hauteur de Cour,
-Recevant en revanche l'appel incident de Madame [B] contre le jugement entrepris,
-Le déclarer bien fondé,
En conséquence,
-Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de METZ du 24 mars 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] [E] et Madame [L] [W] de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens de première instance,
-Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [B] de ses demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau sur ce seul point,
-Condamner Monsieur [Z] [E] et Madame [L] [W] au versement à Madame [D] [B] de la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
-Condamner Monsieur [Z] [E] et Madame [L] [W] au versement à Madame [D] [B] de la somme de 3000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance outre celle de 6 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
-Condamner Monsieur [Z] [E] et Madame [L] [W] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Mme [B] réplique qu'elle a bien entrepris les démarches pour obtenir un prêt, qu'elle a quitté son poste de salariée le 10 août 2018 et a créé son propre cabinet vétérinaire quelques jours plus tard, que le 10 août le crédit mutuel de Hagondange lui a établi une offre de prêt, mais que le 18 août elle a été victime d'une tentative d'homicide, et hospitalisée en urgence avec de graves blessures aux membres inférieurs, qui ont fait craindre un temps une amputation.
Elle soutient avoir informé la banque dès le 5 septembre 2018 de son état de santé, de son arrêt de travail et également de son changement de situation professionnelle, et indique qu'il lui a été répondu que l'offre de prêt ne serait pas maintenue, ce qui a été confirmé par le courrier du 2 octobre 2018.
Elle fait valoir qu'aux termes de la condition suspensive insérée au compromis de vente, l'acquéreur ne sera redevable d'aucune indemnité s'il justifie que le ou les prêts lui ont été refusés dès lors qu'il a respecté les conditions convenues, et estime qu'en l'espèce elle a accompli toutes les démarches nécessaires pour obtenir un prêt et a rempli toutes les obligations contractuelles mises à sa charge par le compromis de vente et notamment les stipulations figurant au titre de la condition suspensive.
Elle en conclut qu'ayant fait toute diligence pour obtenir le prêt, elle n'est redevable d'aucune indemnité.
En outre elle affirme que ce n'est pas son changement de situation professionnelle qui a fait obstacle à la régularisation du contrat de prêt, mais son état de santé consécutif à son agression, qui ne lui permettait plus, au moins temporairement, de se procurer des revenus.
Elle soutient qu'elle allait créer son propre cabinet de vétérinaire et était déjà connue en qualité de vétérinaire équin dans la région, que ce changement l'aurait fait bénéficier d'une substantielle hausse de revenus, et que ce n'est donc pas ce changement professionnel qui a entraîné le refus de la banque, mais bien les conséquences médicales et financières de son agression. A cet égard elle précise qu'elle a perçu des indemnités journalières pendant 3 ans avant d'être placée en invalidité.
Elle en conclut que la condition suspensive ne s'est pas réalisée et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir réitéré l'acte authentique.
Par ailleurs, se référant aux termes de l'article 1231-5 du code civil ainsi qu'aux termes du compromis de vente, elle fait valoir qu'il était nécessaire que les appelants lui adressent une mise en demeure de régulariser l'acte authentique, restée infructueuse, avant de pouvoir exiger d'elle le montant de la clause pénale, et qu'une telle mise en demeure ne lui a pas été envoyée, les appelants ayant parfaitement conscience que son état ne lui permettait plus de régulariser l'acte, et l'ayant uniquement mise en demeure de payer la somme de 23.600 €.
Sur la demande subsidiaire des appelants en dommages et intérêts, Mme [B] soutient que celle-ci constitue une demande nouvelle à hauteur d'appel, qui est comme telle irrecevable.
Elle ajoute qu'elle n'a commis aucune faute et que seul son état de santé a fait obstacle à la régularisation du contrat de prêt.
Reconventionnellement Mme [B] fait valoir que les consorts [E]-[W] sont parfaitement conscients de sa situation et des difficultés psychologiques et financières dans lesquelles elle s'est trouvée à la suite de son agression. Elle précise qu'elle a encore subi deux opérations en 2020 et que son état n'est toujours pas consolidé. Elle ajoute que les appelants ne rapportent aucune preuve du préjudice qu'ils disent avoir subi, et considère par conséquent que la procédure menée à son encontre est abusive, au regard des nombreuses difficultés auxquelles elle doit faire face.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.
Par note en délibéré du 28 juin 2023, il a été demandé au conseil des appelants de justifier de la signification de la déclaration d'appel au cabinet R&G Immobilier.
Il n'a pas été répondu à cette demande de sorte qu'il convient de déclarer l'appel caduc à l'égard de cette partie.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
1° Sur la fin de non recevoir tirée du caractère nouveau de la demande en dommages et intérêts :
Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l'espèce, la demande des consorts [E]-[W] en dommages et intérêts fondée sur la faute de Mme [B] tend aux mêmes fins que leur demande fondée sur l'exécution de la clause pénale insérée au compromis de vente, à savoir le paiement de la somme de 23.600 €, somme qui est réclamée, dans l'un et l'autre cas, en raison de l'inexécution par Mme [B] de sa principale obligation contractuelle à savoir régulariser le compromis de vente par acte authentique.
Il ne s'agit pas par conséquent d'une demande nouvelle, et cette fin de non recevoir est rejetée.
2° Au fond :
Le compromis de vente passé entre les parties le 16 juillet 2018 comporte les stipulations suivantes, à propos de la condition suspensive :
« CONDITION SUSPENSIVE LIEE A L'OBTENTION D'UN CREDIT
Cet avant-contrat est soumis à la condition suspensive stipulée au seul profit de L'ACQUEREUR, qui pourra seul y renoncer, de l'obtention par ce dernier d'un ou plusieurs prêts bancaires qu'il envisage de contracter auprès de tout établissement prêteur de son choix sous les conditions énoncées ci-dessous :
Montant du prêt : 234.0000,00 €
Durée du prêt : 25 ans
Taux d'intérêt annuel maximum hors assurance : 2 %
Obligations de l'acquéreur
L'ACQUEREUR s'oblige à effectuer toutes les démarches nécessaires à l'obtention de son financement dans les meilleurs délais, et notamment à déposer le dossier d'emprunt au plus tard le 31 juillet 2018.
Toutefois LE VENDEUR ne pourra pas se prévaloir du non-respect de cette obligation pour invoquer la caducité des présentes.
L'ACQUEREUR déclare sous son entière responsabilité :
- que rien dans sa situation juridique et dans sa capacité bancaire ne s'oppose aux demandes de prêts qu'il se propose de solliciter,
- que le montant de ses emprunts ainsi que ses ressources mensuelles lui permettent d'obtenir le financement qu'il entend solliciter.
Réalisation de la condition suspensive
Pour l'application de cette condition, ce ou ces prêts seront considérés comme obtenus lorsqu'une ou plusieurs offres de prêts auront été émises.
L'ACQUEREUR devra en justifier au VENDEUR à première demande de celui-ci. En outre, il s'oblige à adresser au notaire copie de l'offre de prêt dans les huit jours de l'obtention de celle-ci.
L'obtention du ou des prêts devra, pour réaliser la condition suspensive des dispositions de l'article L.3l2-16 du Code de la consommation, intervenir au plus tard le 30 septembre 2018.
Faute par L'ACQUEREUR d'avoir informé LE VENDEUR ou le notaire dans ce délai, les présentes seront considérées comme nulles et de nul effet, une semaine après la réception par L'ACQUEREUR d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée par LE VENDEUR d'avoir à justifier de l'obtention du ou des prêts, ou de la renonciation à cette condition. En aucun cas, la renonciation au bénéfice de cette condition suspensive ne pourra entraîner une prorogation du délai dans lequel devra être réalise l'acte authentique de vente.
L'ACQUEREUR ne sera redevable d'aucune indemnité s'il justifie que le ou les prêts lui ont été refusés dès lors qu'il a respecté les conditions convenues.
Toute somme qui aurait pu être versée par lui à titre du dépôt de garantie devra lui être restituée après justification au notaire rédacteur du refus de financement ».
Par ailleurs, le compromis prévoit, en page 16, que la signature de l'acte authentique de vente interviendra au plus tard le 20 octobre 2018 :
« Cette date n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter par le biais d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire. Si dans les quinze jours de cette mise en demeure la situation n'est pas régularisée, il sera fait application des règles suivantes :
DEFAUT DE REALISATION RESULTANT DE L'ACQUEREUR
Si le défaut de réalisation incombe à L'ACQUEREUR, LE VENDEUR pourra poursuivre la réalisation de la vente et fera son affaire personnelle de la demande de dommages et intérêts.
DEFAUT DE REALISATION RESULTANT DU VENDEUR
Si le défaut de réalisation incombe au VENDEUR, L'ACQUEREUR pourra poursuivre la réalisation de la vente et réclamer tous dommages et intérêts auxquels il pourrait avoir droit. Il est ici précisé que le VENDEUR ne pourra invoquer les dispositions de l'article 1590 du Code civil.
CLAUSE PENALE
Au cas où l'une quelconque des parties après avoir été mis en demeure ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, alors elle devra verser à l'autre partie une somme égale à DIX POUR CENT (10%) du prix de vente.
Cette somme sera versée sans délai par la partie défaillante.
Sur la demande en paiement fondée sur la clause pénale contractuelle :
Ainsi qu'il résulte des stipulations précédemment rappelées, la nécessité d'une mise en demeure aux fins de régulariser l'acte authentique est expressément prévue au compromis de vente, et constitue une condition nécessaire pour que le vendeur puisse exiger le paiement de 10 % du prix de vente à titre de clause pénale.
En l'espèce, il n'est justifié d'aucune mise en demeure adressée à Mme [B] d'avoir à régulariser l'acte authentique.
A ce titre, les courriels échangés entre M. [E] et l'étude notariale, par lequel effectivement celui-ci demande à l'étude de « renouveler la demande d'acte à Mme [B] en lettre simple et en courrier avec accusé de réception », illustrent la volonté de celui-ci mais ne constituent pas une mise en demeure valablement envoyée à Mme [B].
En l'absence de toute mise en demeure, M. [E] et Mme [W] ne sont donc pas fondés à réclamer à Mme [B] la somme due au titre de la clause pénale contractuelle.
Sur la demande en paiement de la somme de 23.600 € à titre de dommages et intérêts.
Les dommages et intérêts ne sont dus qu'en présence d'une faute, et de la démonstration d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice démontré par les demandeurs.
En l'espèce, le courrier du 02 octobre 2018 émanant de la Caisse de crédit mutuel, expose que postérieurement à l'envoi de l'offre préalable de prêt, le 10 août 2018 Mme [B] a démissionné de son emploi et ne dispose plus de revenus. Le même courrier indique que Mme [B] a transmis à la banque, le 20 septembre 2018, des justificatifs de sa nouvelle situation mais qu'au vu des informations nouvelles portées à sa connaissance, les éléments en vertu desquels la banque avait donné son accord avaient subi des modifications substantielles de sorte qu'elle estime que la mise à disposition des fonds ne pourra être effectuée.
L'offre de prêt versée aux débats comporte effectivement une clause selon laquelle toute mise à disposition des fonds ne pourra être effectuée qu'à la condition que les déclarations effectuées par l'emprunteur sur sa situation soient exactes, qu'aucun événement constituant un cas d'exigibilité anticipée ne soit survenu et que les éléments, notamment financiers, au vu desquels l'accord du prêteur a été donné, n'aient pas subi de modifications substantielles.
Le fait d'avoir démissionné et décidé d'exercer sa profession en libéral, alors qu'elle avait obtenu un prêt et que la condition suspensive s'était réalisée, pourrait donc être considéré comme fautif de la part de Mme [B], puisque provoquant le refus de la banque de délivrer les fonds.
Rien ne permet cependant à priori de considérer que le choix d'un exercice en libéral d'une profession telle que vétérinaire équin, aurait été une erreur constitutive d'une perte de revenus pour l'intéressée, qui produit au contraire des documents établissant que le revenu moyen d'un vétérinaire en Lorraine était au dessus de la moyenne nationale, et qui justifie effectivement de ce qu'elle avait déjà, pour la fin du mois d'août 2018, une activité programmée qui confirme qu'elle était déjà connue dans son secteur d'activité.
Par conséquent, la perspective d'une perte de revenus pour Mme [B] ne résulte pas tant de la décision qu'elle a prise et dont elle n'a pas informé la banque, que de l'accident dont elle a été victime quelques jours plus tard et qui l'a empêchée d'exercer.
Même si le courrier de la banque en date du 02 octobre 2018 ne fait aucune allusion à l'accident dont venait d'être victime Mme [B], il n'en demeure pas moins que ce courrier a été envoyé après que la banque ait eu connaissance de cet accident particulièrement grave et qui obérait sa situation professionnelle et financière bien plus que son changement de statut professionnel. Il n'est donc nullement certain que devant une telle situation la Caisse de crédit mutuel aurait souhaité maintenir son offre, à supposer qu'elle ait eu la possibilité de se prévaloir de ces faits pour renoncer à accorder un crédit à Mme [B].
Par ailleurs, si la banque mentionne, au titre des événements postérieurs ayant modifié la situation, le fait que Mme [B] ne « disposait plus de revenus », il convient d'observer que cette perte de revenus n'apparait pas être une conséquence de la démission de Mme [B], celle-ci ayant versé aux débats des preuves d'une poursuite d'activité ultérieure, mais résulte en revanche de façon bien plus certaine de l'accident ultérieurement survenu.
De même, la cour observe qu'il est fait état de « justificatifs de (sa) nouvelle situation » transmis par Mme [B] le 20 septembre 2018, à propos desquels le courrier précité ne donne aucune indication, mais qui font manifestement partie des « informations nouvelles » ayant conduit la banque à refuser la délivrance de fonds. Or la situation de Mme [B] à la date du 20 septembre 2018 était celle d'une personne accidentée
En tout état de cause ce courrier est postérieur, non seulement à la démission critiquée de Mme [B], mais également à son accident particulièrement lourd de conséquences.
Rien n'établit en l'état que devant le seul choix fait par Mme [B] d'exercer sa profession en libéral, la banque aurait décidé de retirer son offre, alors qu'une telle décision n'apparaissait pas déraisonnable.
S'agissant par ailleurs de la jurisprudence citée par les appelants relative aux déclarations incomplètes ou mensongères faites par d'éventuels emprunteurs, celle-ci n'est pas transposable à la situation d'espèce, dans la mesure où Mme [B] n'a nullement cherché par de fausses informations, à provoquer un refus de la banque, mais a au contraire obtenu dans un premier temps l'accord de celle-ci ,et a encore ultérieurement cherché à maintenir cet accord en renvoyant à la caisse de crédit mutuel son offre de prêt, acceptée et signée, et ce malgré l'agression dont elle avait été victime.
Quant à faire grief à Mme [B] de n'avoir pas prévenu suffisamment rapidement, la cour observe, d'une part que l'enquête pénale était effectivement susceptible d'empêcher Mme [B] d'utiliser son téléphone, placé sous scellés ainsi qu'elle l'indique dans un de ses courriels, et d'accéder à ses contacts, et d'autre part et surtout qu'elle a souffert de blessures graves (fractures du fémur, du bassin, de la cheville) dont il est parfaitement plausible qu'elles aient fait obstacle à toute manifestation et toute initiative de sa part pendant un temps.
En l'état par conséquent, et notamment au regard des remarques qui précèdent concernant le courrier du 02 octobre 2018, le lien de causalité entre la décision de Mme [B] de démissionner pour exercer à titre libéral, et la décision de la banque de refuser la remise des fonds, n'est pas suffisamment établi.
Il s'en suit que le lien de causalité entre la faute alléguée et le défaut de réitération du compromis de vente, privant les consorts [E]-[W] du prix de vente escompté, fait défaut, de sorte qu'il ne peut être fait droit à leur demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Il est incontestable que Mme [B] s'est retrouvée dans une situation personnelle particulièrement difficile.
Pour autant M. [E] et Mme [W] ont exposé les griefs qu'ils avaient à son encontre et ont argumenté sur ce point, et leur démarche ne dépasse pas le simple droit d'ester en justice et ne peut être considérée comme abusive.
Le jugement dont appel doit être confirmé sur ce point.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens :
Le sens de la présente décision conduit à confirmer la disposition de première instance relativement à la charge des dépens, ainsi qu'à mettre à la charge de M. [E] et de Mme [W] les dépens de la procédure d'appel.
Il est équitable d'allouer à Mme [B], en remboursement des frais irrépétibles exposés en première instance, une indemnité de 2.000 €. A hauteur d'appel, l'équité commande de lui allouer également une somme de 2.000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare caduc l'appel interjeté à l'égard de la Sarl Cabinet R&G Immobilier,
Déclare recevable à hauteur d'appel la demande de M. [Z] [E] et Mme [L] [W] en dommages et intérêts,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [D] [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur ce point :
Condamne M. [Z] [E] et Mme [L] [W] à verser à Mme [D] [B] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme pour le surplus le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déboute M. [Z] [E] et Mme [L] [W] de leur demande en dommages et intérêts,
Condamne M. [Z] [E] et Mme [L] [W] aux dépens d'appel,
Condamne M. [Z] [E] et Mme [L] [W] à verser à Mme [D] [B] une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente de Chambre