Arrêt n° 23/00340
27 juin 2023
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N° RG 21/00498 -
N° Portalis DBVS-V-B7F-FOBQ
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
26 janvier 2021
19/187
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Vingt sept juin deux mille vingt trois
APPELANTE :
Mme [R] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Cécile CABAILLOT, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/002251 du 12/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉE :
S.A.R.L. AS MUSE sous l'enseigne AYAKO SUSHI prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Déborah BEMER, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [R] [M] été embauchée par la SARL AS Muse exploitant un restaurant à l'enseigne 'Ayako Sushi' à [Localité 3] à compter du 2 février 2018 en qualité de serveuse niveau 1 échelon 1, en exécution d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, avec application de la convention des hôtels, cafés et restaurants.
Selon avenant en date du 1er juin 2018 le temps de travail hebdomadaire de Mme [M] a été augmenté à 25 heures.
Par courrier du 11 décembre 2018, Mme [M] a été convoquée par la société AS Muse à un entretien préalable à licenciement « pour abandon de poste caractérisé » fixé au 21 décembre 2018.
Par lettre recommandée datée du 10 janvier 2019, Mme [M] a été licenciée pour faute grave.
Par requête enregistrée au greffe le 14 mars 2019, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz en contestant le bien-fondé de son licenciement.
Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement contradictoire du 26 janvier 2021, statué comme suit :
'Dit que Mme [M] ne s'est plus présentée à son travail et que cela caractérise un abandon de poste ;
Déboute Mme [M] de l'ensemble de ses demandes ;
Déboute la SARL AS Muse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne Mme [M] aux entiers frais et dépens de l'instance'.
Par déclaration électronique du 26 février 2021, Mme [M] a régulièrement interjeté appel des dispositions de ce jugement.
Par ses conclusions datées du 10 mai 2021, notifiées par voie électronique le 11 mai 2021, Mme [M] demande à la cour de statuer comme suit :
'Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Metz en date du 26 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [M] de l'ensemble de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
Condamner la SARL AS Muse à l'enseigne Ayako Sushi à payer à Mme [M] :
- 267,58 € net au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- 2140,60 € net à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse;
- 1070,30 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
-107,03 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 2140,60 € brut à titre de rappel de salaire ;
- 214,06 € brut au titre des congés payés afférents ;
Condamner la SARL AS Muse à l'enseigne Ayako Sushi à payer à Mme [M] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SARL AS Muse à l'enseigne Ayako Sushi aux entiers frais et dépens'.
Mme [M] relate qu'elle a été placée en arrêt de travail à plusieurs reprises 'de façon régulière' à compter du 29 avril 2018 en raison de la dégradation de ses conditions de travail, et que la société ne l'a soumise à aucune visite médicale de reprise à l'expiration d'un arrêt de travail ininterrompu du16 juin 2018 au 24 septembre 2018. Dès lors, au vu de cette situation, Mme [M] a été placée en arrêt de travail à nouveau à compter du 8 octobre 2018 jusqu'au 28 octobre 2018.
Mme [M] explique qu'elle a demandé une rupture conventionnelle le 26 octobre 2018, soit deux jours avant la fin de son arrêt de travail, et que la société intimée n'a pas donné suite et ne lui a transmis aucun planning de travail ; ce n'est que par courrier du 19 novembre 2018 que la société lui a fait connaître son accord pour la signature d'une rupture conventionnelle.
Mme [M] indique que lors de l'entretien l'employeur a tenu des propos vexatoires à son égard, et qu'elle a alors adressé un courrier le 6 décembre 2018 expliquant qu'elle avait été sans nouvelle de son employeur à l'issue de ses arrêts de travail, qui trouvaient leur fondement dans le comportement de la société AS Muse. Elle ajoute qu'une seconde réunion s'est tenue le 10 décembre 2018, mais qu'elle n'a pas abouti à la signature de la rupture conventionnelle.
S'agissant de la procédure de licenciement, Mme [M] soutient qu'elle a reçu tardivement la convocation à l'entretien préalable, et qu'elle n'a pas pu s'y rendre.
Mme [M] observe que la lettre de licenciement retient des fautes graves, sauf en cas de reprise immédiate du poste de travail, constat qui démontre bien l'absence de griefs constitutifs d'une faute grave.
Elle note qu'aucune preuve n'est rapportée par la société AS Muse et rappelle que faute pour l'employeur d'organiser une visite médicale de reprise, le contrat de travail est 'réputé être suspendu'.
Mme [M] soutient que la société intimée a répondu à son courrier en la convoquant à un entretien préalable de rupture conventionnelle, que l'employeur ne lui a en aucun cas demandé de reprendre le travail, ni de justifier de son absence.
Mme [M] conteste que lors des deux entretiens organisés en vue de la signature d'une rupture conventionnelle, l'employeur lui a réclamé la justification de ses absences. Elle souligne qu'elle-même a mentionné, dans son courrier du 6 décembre 2018, le fait que la société intimée ne lui fournissait pas de travail, et que ce courrier est resté sans réponse.
Mme [M] rappelle que l'entretien préalable est une garantie en faveur du salarié, et que celui-ci peut y renoncer par son absence.
Mme [M] observe enfin que le rappel de la saisine par la salariée de la formation de référé n'a aucunement sa place dans la motivation de la lettre de licenciement.
Par ses conclusions datées du 30 juillet 2021 la SARL AS Muse demande à la cour de statuer comme suit :
'Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 26 janvier 2021, dans toutes ses dispositions, en ce qu'il a :
Dit que Mme [M] ne s'est plus présentée à son travail et que cela caractérise un « abandon de poste » ;
Dit que le licenciement de Mme [M] est fondé en droit ;
Débouté Mme [M] de l'ensemble de ses demandes ;
Débouté la SARL AS Muse de sa demande de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [M] aux entiers frais et dépens de l'instance ;
Dire que le licenciement de Mme [M] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence
Débouter Mme [M] de l'intégralité de ses demandes ;
A titre reconventionnel :
Condamner Mme [M] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'.
La société AS Muse soutient que des faits précis et datés l'ont conduite à rompre le contrat de Mme [M], notamment pour abandon de poste caractérisé car la salariée était attendue par son employeur afin de reprendre son poste le 29 octobre 2018.
La société intimée indique qu'elle a répondu favorablement à la demande de la salariée de signature d'une rupture conventionnelle. Elle précise que cette rupture conventionnelle n'a pas abouti en raison des prétentions exorbitantes de Mme [M], au regard notamment de son ancienneté et de ses longues périodes d'absence.
Elle souligne que Mme [M] n'a travaillé de manière effective que durant trois mois et demi environ, pour une relation de travail qui a duré 10 mois à la date de l'ouverture des négociations pour convenir d'une rupture conventionnelle.
La société intimée soutient que Mme [M] ne s'est pas manifestée pour reprendre le travail, et qu'en sollicitant une rupture conventionnelle deux jours avant sa reprise la salariée a fait le choix de ne pas se présenter sur son lieu de travail après son arrêt maladie.
Elle ajoute que Mme [M] avait pris l'habitude de fournir ses arrêts de travail avec retard. Elle relate qu'elle a sollicité à plusieurs reprises Mme [M] pour savoir si cette dernière serait présente ou si son arrêt de travail serait prolongé. Elle retient que Mme [M] n'apporte pas la preuve du fait qu'elle s'est mise à la disposition de son employeur.
En réponse aux allégations de la salariée relatives à des arrêts de travails causés par une dégradation de ses conditions de travail, la société AS Muse indique que Mme [M] a été placée en arrêt maladie à la suite d'un accident de la route, et ajoute que la signature d'un avenant qui augmente la durée hebdomadaire de travail de la salariée le 1er juin 2018, après deux arrêts maladie consécutifs, est en contradiction avec les dires de Mme [M].
L'ordonnance de clôture de la procédure de mise en état a été rendue le 10 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l'employeur, qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en 'uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués.
Mme [R] [M] a été employée par la société AS Muse en qualité de serveuse avec une qualification niveau I échelon 1 prévue par la convention collective des hôtels, cafés, restaurants à compter du 2 février 2018 avec une durée hebdomadaire fixée à 19 heures « effectuées selon le planning établi par l'employeur et affiché au sein de l'établissement », qui a été augmentée à 25 heures selon avenant en date du 1er juin 2018 prévoyant une rémunération mensuelle brute de 1 070,30 euros.
Mme [R] [M] a été, selon ses propres indications développées dans ses écritures, placée en arrêt maladie 'de façon régulière' à compter du 29 avril 2018, et notamment pendant une période ininterrompue du 16 juin 2018 jusqu'au 24 septembre 2018, date à laquelle elle n'a pas repris son contrat de travail, puis à compter du 8 octobre 2018 jusqu'au 28 octobre 2018.
Mme [M] a par courrier en date du 26 octobre 2018 demandé à son employeur la conclusion d'une convention de rupture conventionnelle, proposition à laquelle la société AS Muse a donné suite par courrier du 19 novembre 2018 en convoquant la salariée à un entretien du 3 décembre 2018, puis à un entretien du 10 décembre 2018 qui n'a pas abouti à un accord et a été suivi d'une convocation de la salariée à un entretien préalable par un courrier du 11 décembre 2018.
Mme [M] a été licenciée par une lettre de l'employeur en date du 10 janvier 2019 « pour fautes graves sauf en cas de reprise immédiate de votre poste de travail » (sic) dans les termes suivants :
« Nous sommes contraints de vous adresser la présente correspondance afin de vous notifier votre licenciement pour fautes graves sauf à vous présenter le JEUDI 17/01 à 12 heures pour reprendre votre poste.
En effet, vous avez été en arrêt de travail dans le cadre de la maladie du 16/06/2018 au 28/10/2018 inclus.
Vous deviez donc reprendre votre travail le 29 octobre 2018 à 11 heures. Or vous ne vous présentez plus à votre poste de travail depuis cette date et vous ne nous avez produit aucun justificatif probant de votre absence telle qu'elle se prolonge de manière injustifiée depuis lors et ce, jusqu'à la date de l'entretien préalable auquel nous vous avons pourtant convoqué par courrier en date du 11 décembre 2018, qui devait se tenir le 21 décembre 2018, auquel vous ne vous êtes pas présentée.
Nous vous avions déjà fait cette demande de justificatifs à l'occasion de nos entretiens des 3 et 10 décembre 2018, consentis dans le cadre de votre demande de rupture conventionnelle, reçue par nos services le 09/11/2018, demeurée sans réponse de votre part.
Vous nous mettez de la sorte devant le fait accompli, ce qui ne nous a pas permis de prendre en temps utile les dispositions nécessaires pour pourvoir à votre remplacement. Votre abandon de poste crée un lourd préjudice dans l'organisation interne de notre entreprise et constitue une faute professionnelle grave que nous ne saurions tolérer plus longuement. De surcroît, vous n'avez pas cru bon devoir vous présenter à l'entretien préalable fixé le 21 décembre 2018 à 18 heures auquel nous vous avons convié, aux fins de recueillir vos explications, par lettre recommandée avec avis de réception du 11 décembre 2018. Un tel comportement ne saurait trouver sa place au sein de notre entreprise et dénote, à nos yeux, un total désintérêt pour le poste et les fonctions que nous vous avons confiés, et, au demeurant, une impossibilité à poursuivre sereinement les relations contractuelles, si tant est que vous en ayez souhaité le rétablissement.
En effet, il convient de rappeler ici, que contrairement aux allégations que vous semblez soutenir dans vos courriers en date des 06/12/2018 ET 21/12/2018 respectivement réceptionnés par nos services les 20/12.2018 et 27/12/2018, notre société a toujours fait montre d'une extrême bonne foi dans l'exécution de votre contrat de travail et ce, en dépit de l'action prud'homale que vous avez portée en référé.
En effet, ressort de la chronologie des faits que vous avez été en arrêt dans le cadre de la maladie plusieurs mois du 16/06/2018 au 28/l0/2018 inclus.
Qu'au cours de celui-ci, vous avez entendu le 24/09/2018 saisir, alors que vous êtes toujours salariée de notre établissement, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Metz d'une demande en rappel de salaire au titre du maintien de salaire de droit local dont le délibéré a été rendu le 08/11/2018, auquel nous nous sommes conformés.
Qu'alors même que n'aviez ni repris votre poste de travail le 29/10/2018 à l'échéance de votre arrêt de travail comme vous auriez pourtant dû le faire, ni transmis à notre société le moindre justificatif de votre absence telle qu'elle se prolonge encore à ce jour, vous nous avez demandé par courrier recommandé avec accusé de réception du 26/10/2018 (soit avant la fin de votre arrêt de travail) reçu le 09/11/2018 soit le lendemain de la date à laquelle vous avez eu connaissance de l'ordonnance de référé rendue le 08/11/2018, la mise en place d'une rupture conventionnelle de votre contrat de travail. Nous avons eu la délicatesse d'en accepter le principe.
Vous nous y avez, en effet, fait part de votre souhait de démarrer de nouveaux projets professionnels, tout en nous menaçant d'une nouvelle procédure judiciaire.
Las de votre comportement et ne souhaitant pas polémiquer davantage sur les de vos motivations et biens conscients de la stratégie que vous avez manifestement décidé de mettre en place, nous vous avons reçue par deux en entretien les 03 et 10/12/2018, pour étudier cette éventuelle possibilité. Vous êtes venue à chaque fois de Monsieur [V] [F], en sa qualité de conseiller du salarié.
Compte tenu de vos demandes indemnitaires dont montant irraisonnablement bien trop élevé, ne pouvait décemment et compte tenu de nos possibilités économiques (sic), pas nous permettre d'accéder à votre requête, ce qui vous a manifestement agacé, puisque vous avez de ce fait, considéré que l'entretien n'avait pas été mené « dans de bonnes conditions », ce qui est faux.
Vous n'en avez simplement pas accepté l'issue négative, le montant n'étant pas à la hauteur de vos réclamations, ce qui est notre droit en notre qualité d'employeur.
Contre toute attente, alors que vous ne vous êtes plus jamais tenue à notre disposition depuis le 29/10/2018, et n'avez jamais cherché à entrer en contact avec nous afin de nous informer de la date de votre reprise et de ses modalités éventuelles, nous laissant dans l'incertitude la plus totale à cet égard, vous n'avez pas hésité, dès le 06/12/2018 à faire pression sur notre société afin de l'obliger à accéder à votre demande d'indemnités disproportionnées, puisque vous nous avez à cette date envoyé un courrier accusateur ne reposant sur aucun fondement.
En effet, puisqu'à l'instar de ce que vous y indiquez, notre société a toujours été à même de vous fournir le travail pour lequel elle a par ailleurs procédé à votre recrutement le 02/02/2018 (et a même augmenté, à votre demande, par avenant en date du 1er/06/2018 votre volume d'heures compte tenu de l'arrêt de vos études et de vos nouvelles disponibilités) et les consignes afférentes à votre poste dès votre retour.
Nous avions même prévu ensemble, avant votre arrêt de travail, que vous passeriez à temps plein dès que possible, compte tenu de nos besoins et de vos aspirations d'alors.
C'est vous qui, nous adressant systématiquement en retard vos prolongations d'arrêt de travail et ne nous informant jamais de la date effective de votre reprise de poste, nous avez mis dans l'impossibilité de prévoir à l'avance votre planning, dont vous connaissez par ailleurs les contraintes et de vous présenter à la visite médicale de reprise.
Sur ce dernier point, nous vous rappelons que l'employeur saisit le service de santé au travail dès qu'il a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, afin qu'il puisse organiser l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise. Or, vous n'avez en réalité, ni repris en vous mettant à notre disposition, ni informés de votre éventuelle reprise.
En plus d'oser tenter de nous rendre responsables de vos propres manquements, vous y confirmez contre toute attente pourtant votre volonté non équivoque de poursuivre la procédure de rupture conventionnelle de votre contrat de travail, puisque vous écrivez « un nouvel entretien doit avoir lieu auquel je me rendrais, le 10/12/2018 à Il heures » et donc votre souhait de quitter en réalité l'entreprise et de ne pas reprendre les fonctions qui sont pourtant les vôtres.
Vous récidivez dans votre courrier du 21/12/2018, puisque pour tenter vainement de justifier votre absence à l'entretien préalable à un éventuel licenciement ce jour-là, auquel vous avez pourtant régulièrement été convoquée par courrier en date du 11/12/2018 qui vous a été présenté le 14/12/2018, vous avancez à tort, ne pas être en mesure de vous y rendre « en raison de la proximité des dates » ! Vous vous y fourvoyez dans votre volonté de nous nuire et vos allégations mensongères. En effet, la procédure de licenciement engagée, ne saurait être en lien et constituer une « réaction » de notre part à votre courrier daté du 06/12/2018, puisque nous ne l'avons réceptionné que le 20/12/2018.
Vous noterez que nous n'avons pas par cette démarche sanctionné le comportement mensonger de vos affirmations sur facebook.
Aussi, devant la persistance de votre absence et de votre mutisme que nous interprétons comme une volonté claire et non équivoque de vous dérober à vos obligations professionnelles, vous ne nous laissez pas d'autre choix que celui de prononcer votre licenciement pour abandon de poste caractérisé, sauf à vous présenter le JEUDI 17/01 à 12 heures pour reprendre votre poste et nous permettre de reconsidérer la situation, comme indiqué en préambule de cette correspondance.
Dans la perspective de votre mise à disposition effective, nous prévoyons de vous faire passer une visite médicale de reprise dont nous vous tiendrons informée.
Néanmoins, à défaut de présentation au jour et à l'heure convenus pour la reprise de votre poste ou en cas de refus, nous serons contraints de considérer cette lettre comme valant lettre de licenciement immédiat pour graves à effet de ce jour, date d'envoi de la présente.
Vous serez dans ce cas, ainsi privée de l'indemnité compensatrice de préavis'»
Dans ses écritures, à l'appui de la démonstration qui lui incombe de la réalité et de la gravité des griefs reprochés à la salariée, la société AS Muse ne se prévaut que d'un manquement de Mme [M] constitué par l'abandon de son poste, en soutenant que la salariée était attendue afin de reprendre son poste le 29 octobre 2018, qu'elle ne s'est pas présentée, et qu'elle n'a fourni aucune explication à l'employeur auquel elle a adressé un courrier daté du 26 octobre 2018 sollicitant la conclusion d'une convention de rupture conventionnelle.
La société AS Muse indique que le premier arrêt de travail de Mme [M] fait suite à un accident de voiture survenu le dimanche 29 avril 2018, et précise que Mme [M] a dès lors été placée en arrêt de travail à plusieurs reprises, soit du 29 au 30 avril 2018, du 4 au 13 mai 2018, du 16 juin au 24 septembre 2018, et du 8 octobre au 28 octobre 2018.
Elle soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fourni de travail à la salariée à l'issue de son arrêt maladie du 28 octobre 2018 au regard de l'incertitude dans laquelle elle s'est régulièrement trouvée en raison des arrêts maladie 'habituellement' adressés avec retard par Mme [M].
Elle retient dans ses écritures que du fait que la salariée avait le 26 octobre 2018 demandé la rupture conventionnelle de son contrat, « tout laissait croire que Mme [M] était déterminée à ne plus travailler au sein de de la société AS Muse ».
Elle évoque la mauvaise foi de la salariée qui « tente de profiter de la tolérance et de la compréhension de son employeur », et qui ne s'est pas mise à la disposition de son employeur au terme de son arrêt maladie.
Elle soutient encore que pour elle « il ne faisait pas de doute que l'arrêt de travail de Mme [M] avait été prolongé à compter du 29 octobre dans la mesure où Mme [M] ne s'est pas mise à la disposition de son employeur au terme de son arrêt maladie », et ajoute qu'« entre la date du 29 octobre 2018 et la date du 3 décembre 2018, date du premier entretien dans le cadre des négociations pour une éventuelle rupture conventionnelle, les contacts entre Mme [M] et la société AS Muse n'ont jamais été rompus ».
Si la société AS Muse considère que Mme [M] a manifesté la volonté de ne pas reprendre son poste à l'issue de son arrêt de travail qui justifiait de son absence jusqu'au 28 octobre 2018 par l'envoi de son courrier de demande de rupture conventionnelle deux jours avant son issue, il résulte des indications factuelles rapportées par l'employeur que Mme [M] a été placée en arrêt de travail ininterrompu à compter du 16 juin jusqu'au 24 septembre 2018, date à laquelle aucune visite de reprise n'a été organisée par l'employeur, qui ne justifie d'aucune démarche effectué par lui pour permettre la reprise du travail à temps partiel de la salariée tel que l'envoi d'un planning ' étant rappelé que Mme [M] était employée à hauteur de 25 heures par semaine, et pour mettre fin à la suspension du contrat de travail en organisant une visite de reprise.
La société AS Muse peut d'autant moins se prévaloir d'une manifestation de la volonté de la salariée de ne pas se présenter à son travail que Mme [M] explique, sans être efficacement contredite par des arguments pertinents de la société intimée, que c'est au vu de cette situation d'inertie de l'employeur à l'issue de son arrêt maladie le 24 septembre 2018 qu'elle a à nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 8 octobre 2018 jusqu'au 28 octobre 2018, et qu'elle a adressé à la société AS Muse une proposition de rupture conventionnelle le 26 octobre 2018 avant l'expiration de cet arrêt de travail.
La cour relève que la société AS Muse ne conteste pas avoir reçu le courrier de Mme [M] daté du 26 octobre 2018 puisqu'elle-même en fait état sans préciser la date de sa réception (ce document n'est pas produit aux débats par les parties), et la société AS Muse explique y avoir répondu par une lettre - dont la date du 19 novembre 2018 est apposée par une mention manuscrite - (pièce n°16 de l'intimée), qui est rédigée comme suit :
« Suite à votre demande pour courrier en date du 26/10/20218, je vous confirme, par la présente, accepter de débuter la procédure de rupture conventionnelle de votre contrat de travail'.
Nous vous proposons la date du 3 décembre 2018 pour le premier entretien. Dans l'attente de ce premier entretien, je reste à votre entière disposition. ».
Comme l'observe avec pertinence Mme [M], ce courrier de l'employeur, qui en l'état des éléments produits est la seule manifestation de la société AS Muse auprès de la salariée après l'expiration de l'arrêt de travail de Mme [M] le 29 octobre 2018, et ce document n'évoque ni qu'une reprise de travail de la salariée a été envisagée, ni a fortiori un abandon de poste.
Si la société AS Muse affirme dans ses écritures qu'elle « a demandé à maintes reprises à Mme [M] de fournir les justificatifs de son arrêt pour maladie, ce que Mme [M] n'a jamais fait », aucune des six pièces versées aux débats par la société intimée ne démontre la pertinence de cette affirmation.
De surcroît la cour observe que par assignation du 21 septembre 2018 Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz dans sa formation de référé en réclamant la condamnation de l'employeur à divers montants à titre de provision pour maintien du salaire selon les règles du droit ainsi que pour remise tardive de l'attestation à destination de l'organisme social, et qu'une ordonnance de référé a été rendue le 8 novembre 2018 qui a fait droit aux demandes de Mme [M].
L'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version applicable au présent litige prévoit que :
« Le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise. ».
Aussi il appartient à l'employeur d'organiser la visite de reprise chaque fois que le salarié a effectivement repris son travail ou a simplement manifesté sa volonté de le reprendre, et seule la visite de reprise auprès du médecin du travail met fin à la suspension du contrat de travail à compter de l'examen médical.
Ainsi, tant que la visite n'a pas eu lieu le contrat demeure suspendu, et le salarié n'est donc pas tenu de reprendre le travail.
En l'espèce, la société AS Muse ne peut valablement se prévaloir d'un abandon de poste de Mme [M], alors que le contrat de travail demeurait suspendu.
De surcroît si la société AS Muse soutient que Mme [M] n'avait pas l'intention de reprendre son travail, les données factuelles ci-avant relevées démentent cette affirmation.
Ce grief n'est donc pas fondé.
Si la société AS n'évoque pas dans ses écritures les autres griefs visés dans le courrier de licenciement, Mme [M] fait efficacement valoir :
- que la proposition faite par l'employeur dans le courrier de licenciement d'une reprise immédiate de son travail par la salariée à date proche est en parfaite contradiction avec la réalité d'une faute grave ;
- que l'absence de la salariée à l'entretien préalable n'est pas fautive ;
- que le rappel dans le courrier de licenciement de la procédure engagée par Mme [M] auprès de la formation de référé du conseil de prud'hommes à l'encontre de l'employeur constitue un motif illicite en raison de l'atteinte au droit d'agir en justice, qui constitue une liberté fondamentale.
Etant observé que Mme [M] ne soutient pas la nullité de son licenciement mais qu'elle se prévaut de ce qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse à l'appui de ses prétentions, il sera fait droit à sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de griefs caractérisant une faute grave. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Sur les montants sollicités par Mme [M]
Mme [R] [M] sollicite un rappel de salaire à hauteur de 2 140,60 euros brut augmenté des congés payés afférents au titre des périodes du 24 septembre au 8 octobre 2018 et du 28 octobre 2018 au 17 janvier 2019, durant lesquelles elle n'était plus placée en arrêt de travail, et n'a pu bénéficier de l'organisation d'une visite de reprise ainsi que d'une reprise de son poste.
Cette demande n'a donné lieu à aucune observation de la société intimée. Il y est fait droit à hauteur du chiffrage réclamé par la salariée, qui n'est pas contesté par la société AS Muse.
Mme [R] [M] réclame une indemnité de préavis à hauteur de 1 070,30 euros brut correspondant à un mois de salaire, ainsi que 107,03 euros brut de congés payés afférents.
En vertu des dispositions de l'article L. 1234-1 2° du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus compris entre six mois et deux ans, à un préavis d'un mois.
Il n'est pas contesté que Mme [M] remplit les conditions d'ancienneté exigées par ces dispositions légales, et il lui est alloué la somme de 1 070,30 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 107,03 euros brut de congés payés afférents.
Mme [R] [M] réclame une indemnité de licenciement à hauteur de 267,58 euros.
L'article L. 1234-9 du code du travail fixe une condition d'ancienneté de 8 mois ininterrompus au service du même employeur pour que le salarié bénéficie d'une indemnité légale de licenciement.
Il convient de relever qu'au soutien de ses prétentions chiffrées Mme [M] ne se prévaut d'aucune disposition conventionnelle plus favorable que les dispositions légales.
Si le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date de sa notification ' en l'espèce le 10 janvier 2019 - et si la période de suspension pour cause de maladie n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée, le calcul de l'ancienneté tient compte de la durée du préavis.
Etant observé que le chiffrage retenu par Mme [M] n'attire aucune critique de l'employeur, il est alloué à l'appelante la somme de 267,58 euros.
Mme [M] sollicite une somme de 2 140,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société AS Muse n'émet aucune observation sur cette prétention.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, et au regard de l'ancienneté de la salariée qui était de moins d'un an au moment de la rupture mais aussi en l'absence de tout renseignement communiqué à la cour sur l'effectif de la société AS Muse au moment du licenciement ' l'attestation Pôle emploi produite par Mme [M] n'est pas renseignée sur ce point -, il est alloué à Mme [M] un montant de 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Il est contraire à l'équité de laisser à la charge de Mme [M] ses frais irrépétibles. Il lui est alloué à ce titre la somme de 1 500 euros.
La demande de la société AS Muse qui succombe au titre de ses frais irrépétibles est rejetée.
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens sont infirmées.
La société AS Muse est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 26 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Metz dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau sur ces points et dans cette limite :
Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [R] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société AS Muse à payer à Mme [R] [M] les sommes de :
- 2 140,60 euros brut de rappel de salaire au titre des périodes du 24 septembre au 8 octobre 2018 et du 28 octobre 2018 au 17 janvier 2019 ;
- 214,06 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 1 070,30 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 107,03 euros brut de congés payés afférents sur préavis ;
- 267,58 euros à titre d'indemnité de licenciement.
- 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société AS Muse à payer à Mme [R] [M] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Rejette les prétentions de la société AS Muse au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société AS Muse aux dépens de première instance et d'appel.
La Greffière La Présidente