RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/01831 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLLH
Minute n° 23/00168
[U], [U] NEE [J], S.C.I. [U]
C/
[O], [B], S.A.R.L. MORETTI CONSTRUCTION
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de NANCY, décision attaquée en date du 13 Novembre 2017, enregistrée sous le n° 16/04625
Cour d'appel de NANCY
Arrêt du 28 Janvier 2019
Cour de Cassation
Arrêt du 25 Juin 2020
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
RENVOI APRES CASSATION
ARRÊT DU 27 JUIN 2023
DEMANDEURS A LA REPRISE :
Monsieur [K] [U]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sylvie MENNEGAND, avocat plaidant au barreau de NANCY
Madame [W] [J] épouse [U]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sylvie MENNEGAND, avocat plaidant au barreau de NANCY
S.C.I. [U] Représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sylvie MENNEGAND, avocat plaidant au barreau de NANCY
DEFENDERESSE A LA REPRISE:
S.A.R.L. MORETTI CONSTRUCTION, représentée par son représentant légal
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 5]
Représentée par Me François RIGO, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Emmanuel MILLER, avocat plaidant au barreau de NANCY
APPEL EN INTERVENTION FORCEE:
Monsieur [Z] [O],
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ
Monsieur [P] [B],
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 28 Mars 2023 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 27 Juin 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR:
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère
Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par contrats d'architecte des 11 mai 2006 et 30 septembre 2007, la SCI [U] dont [K] [U] et [W] [J] son épouse sont associés, a confié à [Z] [O] et [P] [B], architectes, la réalisation d'un ensemble immobilier à vocation locative situé au [Adresse 2] à [Localité 11].
La SARL Moretti Construction s'est vue attribuer les lots gros-oeuvre, charpente et toiture suite à son devis du 6 janvier 2009 ; elle a notamment réalisé un plancher en poutrelles hourdis sur une surface d'environ 600 m2 pour reprendre l'intégralité des planchers du bâtiment ancien existant. Pour cette réalisation, elle a fait appel en sous-traitance à un bureau d'études béton (la société Technique et Architecture) et s'est approvisionnée auprès des établissements Birh pour les planchers poutrelles hourdis.
Le 2 juin 2009, le maire de [Localité 11] a pris un arrêté portant interruption des travaux au motif de la non-conformité de l'altitude au faîtage et à l'égout. Suite à différentes réunions de conciliation et par arrêté du 4 janvier 2010, un permis modificatif a été accordé prévoyant que la hauteur totale du bâtiment n'excéderait pas la cote de 213,46 mètres.
Toutefois par courrier du 1er juin 2010, le maire a enjoint la SCI [U] de réduire de quarante-six centimètres la hauteur du faîtage.
Par ordonnance du 27 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nancy a ordonné une mesure d'expertise portant sur la non-conformité altimétrique, confiée à M.[A] [C]. Le rapport d'expertise a été déposé le 10 juin 2015.
Par ailleurs, en raison de désordres concernant les poutrelles de plancher, le juge des référés a, par décision du 4 mai 2010 et à la demande de la SARL Moretti Construction, ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [K] [T].
Par ordonnance du 19 juillet 2011, l'expertise a été étendue à la non-conformité acoustique, en raison d'interrogations sur la performance acoustique de l'immeuble par référence à l'arrêté du 30 juin 1999 définissant les caractéristiques de performance acoustique exigées pour les bâtiments d'habitation.
Le rapport d'expertise de M. [T] a été déposé le 14 octobre 2014. Un accord est intervenu entre les parties s'agissant des désordres relatifs aux poutrelles.
Par actes d'huissier délivrés le 16 novembre 2016, la SCI [U] et M. et Mme [U] ont fait assigner M. [O] et M. [B] devant le tribunal de grande instance de Nancy afinde faire indemniser leurs différents préjudices, à savoir les sommes de:
32 085 euros TTC au titre des travaux de reprise nécessaires au respect de la réglementation acoustique ,
292 557 euros ou à titre subsidiaire 258 000 euros TTC au titre du coût des travaux de mise en conformité de la hauteur de l'immeuble,
376 462 euros au titre des pertes de loyers du fait du retard dans les travaux,
315 633 euros au titre de la perte de subvention ANAH,
566 687 euros au titre du préjudice lié à la perte de surface définitive,
66 962 euros au titre du préjudice lié à l'impact de la révision du devis et de la TVA,
66 551 euros au titre du préjudice correspondant aux intérêts de retard sur les échéances d'emprunt impayées et indemnité forfaitaire,
56 338,41 euros TTC au titre des frais engagés durant l'expertise judiciaire (honoraires des experts judiciaires compris),
39 168 euros au titre de la perte de chance d'obtenir les financements nécessaires à d'autres projets immobiliers,
337 480 euros au titre du préjudice patrimonial et moral des époux [U],
20 000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de référé.
Par acte d'huissier délivré le 5 janvier 2017, M. [O] et M. [B] ont fait assigner en garantie la SARL Moretti Construction.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 24 janvier 2017.
La SCI [U] et les époux [U] ont formé des demandes de condamnation solidaire à l'encontre de MM. [O] et [B] et à l'encontre de la SARL Moretti Construction pour les préjudices déjà invoqués dans l'assignation.
Par jugement contradictoire du 13 novembre 2017, le tribunal ainsi saisi a:
débouté la SCI [U], M. et Mme [U] de leurs demandes,
condamné la SCI [U], M. et Mme [U] à payer à M. [O] et M. [B] la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
dit n'y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL Moretti Construction,
condamné la SCI [U], M. et Mme [U] aux entiers dépens de l'instance et ceux de référé,
rejeté les demandes plus amples ou contraires,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Dans ses motifs, le tribunal a retenu, au regard des différents devis versés aux débats et des conclusions du rapport d'expertise de M. [T], que le maître d'ouvrage a entrepris les travaux sans en aviser les maîtres d'oeuvre MM. [O] et [B] et ce, en ayant directement recours à la SARL Moretti Construction et qu'il ne peut être reproché aux maîtres d'oeuvre de ne pas avoir pris en compte les incidences de la réglementation acoustique, dès lors que le projet qui leur était soumis n'en était qu'au stade des estimations. Il a retenu en outre que le procédé finalement mis en oeuvre ne correspondait pas à celui mentionné dans le devis de la société Moretti Construction et que la SCI [U] ne démontrait pas que le recours à des hourdis polystyrène impliquait de revoir les offres des autres corps d'état. Le tribunal n'a donc pas retenu la responsabilité de M. [B] et M. [O] s'agissant de la non-conformité acoustique.
Concernant la hauteur du bâtiment, bien que le rapport d'expertise de M. [C] ait relevé une difficulté en l'absence de pièce établissant de manière indiscutable les niveaux de faîtage et d'égouts existants, le tribunal a considéré qu'il ne peut être établi avec certitude le fait que la mention d'une hauteur de faîtage à 213,89 mètres sur le premier permis soit fausse, d'autant plus qu'après le retrait de deux rangs de parpaing et la pose d'une nouvelle toiture, la hauteur du bâtiment est de 213, 92 mètres et que les plans joints au permis initial accordé le 6 février 2007 indiquaient que la hauteur du bâtiment existant resterait inchangée.
Par conséquent le tribunal a rejeté la responsabilité de M. [B] et M. [O] s'agissant de la non-conformité de la hauteur du bâtiment, les maîtres d'oeuvre n'ayant pas participé aux opérations de construction visant à réhausser le bâtiment de deux rangs de parpaings. Il est, par ailleurs, précisé que cette réhausse était l'unique cause de l'arrêté du maire du 2 juin 2009 portant interruption des travaux et de la nécessité de déposer une demande de permis modificatif.
En l'absence de caractérisation d'une faute de la SARL Moretti Construction par la SCI [U] et M. et Mme [U], le tribunal les a déboutés de leurs demandes à l'encontre de cette dernière.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 8 janvier 2018, la SCI [U] ainsi que M. et Mme [U] ont relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 28 janvier 2019, la cour d'appel de Nancy a :
confirmé le jugement déféré, par substitution de motifs s'agissant du second chef de responsabilité ;
Y ajoutant,
condamné in solidum la SCI [U], [K] [U] et [W] [J] épouse [U] à payer à [P] [B] et [Z] [O] ensemble la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné in solidum la SCI [U], [K] [U] et [W] [J] épouse [U] à payer à la société Moretti Construction la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté la SCI [U], [K] [U] et [W] [J] épouse [U] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
condamné in solidum la SCI [U], [K] [U] et [W] [J] épouse [U] aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais d'expertises.
S'agissant du problème acoustique, la cour a considéré qu'il était bien consécutif à une erreur de conception mais que cette dernière n'était pas imputable à M. [O] et M. [B] qui n'avaient pas mis en 'uvre la conception du projet. Elle a relevé que c'était l'entreprise Moretti Construction qui avait proposé au maître d'ouvrage une solution technique moins onéreuse pour les planchers, qui s'était révélée non conforme aux normes acoustiques applicables aux logements loués.
Sur le défaut d'altimétrie, la cour a retenu qu'il était imputable au maître de l'ouvrage qui avait décidé de modifier les altitudes des planchers, en infraction avec les dispositions du permis de construire, ce qui a eu un impact sur la hauteur des murs.
Concernant les demandes formées par les consorts [U] à l'encontre de la SARL Moretti Construction, la cour a relevé que cette dernière n'avait commis aucune faute contractuelle, étant titulaire du lot maçonnerie qu'elle avait mis en 'uvre selon les directives de la SCI [U], son co-contractant, maître de l'ouvrage, après l'intervention technique du bureau d'études Technique et Architecture.
Les époux [U] et la SCI [U] se sont pourvus en cassation.
Par arrêt du 25 juin 2020, la cour de cassation a :
cassé et annulé, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de paiement de la somme de 292 557 000 euros ou à titre subsidiaire 258 000 euros et de celle de 566 687 euros formées par la SCI [U] et M. et Mme [U] à l'encontre de la société Moretti Construction au titre du coût des travaux de mise en conformité de la hauteur de l'immeuble et du préjudice consécutivement subi du fait de la perte définitive de surface l'arrêt rendu le 28 janvier 2019 ;
remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz ;
mis hors de de cause M. [O] et M. [B].
La cour de cassation a considéré qu'en retenant qu'aucune faute contractuelle n'était établie à l'encontre de la société Morretti alors qu'elle avait aussi relevé l'existence d'une erreur de conception des planchers imputable au sous-traitant de la société Moretti, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige.
La cour de cassation a aussi rejeté le moyen présenté par les consorts [U] concernant leurs demandes au titre de l'erreur d'altimétrie.
Enfin, elle a également considéré qu'il convenait de mettre hors de cause, à leur demande, M. [O] et M. [B], la présence de ces derniers n'étant pas nécessaire à la solution du litige qui ne porte plus que sur la demande formée par la SCI [U] et les époux [U] à l'encontre de la société Moretti.
La SCI [U] et les époux [U] ont saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration déposée au greffe le 13 octobre 2020.
Par actes d'huissier délivrés le 19 mars 2021, la SARL Moretti Construction a fait assigner M. [O] et M. [B] devant la cour d'appel de céans aux fins d'appel en garantie.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022 puis l'affaire a été mise en délibéré à l'issue de l'audience du 10 mars 2022.
Selon arrêt avant-dire-droit du 5 juillet 2022, la cour a rabattu la clôture et invité les parties à se prononcer sur la requalification du préjudice « perte de loyers » en perte de chance de percevoir des loyers.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions déposées le 18 novembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, les consorts [U] et la SCI [U] demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et suivants du code civil ancienne numérotation, des articles 1382 et suivants du code civil, de :
les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel ;
Par conséquent, y faisant droit ;
réformer le jugement rendu le 13 novembre 2017 par le TGI de Nancy, en ce qu'il a exclu la responsabilité de la société Moretti Construction, débouté la SCI [U] et les époux [U] de l'intégralité de leurs demandes tendant à la condamnation de la société Moretti Construction à verser 32 085,00 euros TTC au titre des travaux de reprise nécessaires au respect de la réglementation acoustique, 376 462,00 euros au titre des pertes de loyers du fait du retard dans les travaux suivant décompte arrêté au 1er juillet 2017, outre réactualisation à compter de cette date pour tenir compte du temps écoulé depuis et jusqu'à parfait paiement, et ce suivant la même méthode d'évaluation, 315 633,00 euros au titre de la perte de subvention ANAH, 66 962 ,00 euros au titre du préjudice lié à l'impact de la révision du devis et de la hausse de TVA, 66 551,00 euros au titre du préjudice correspondant aux intérêts de retard sur les échéances d'emprunt impayées et indemnité forfaitaire, 56 338,41 euros TTC au titre des frais engagés durant l'expertise judiciaire (honoraires de l'expert judiciaire compris), 39 168 euros au titre de la perte de chance d'obtenir les financements nécessaires à d'autres projets immobiliers et 337 480,00 euros au titre de leur préjudice patrimonial et moral, 30 000 euros TTC au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de référé et de TGI puis d'appel, en ce qu'il a condamné la SCI [U] et Monsieur et Madame [U] aux entiers dépens de l'instance et ceux de référé ;
Statuant à nouveau,
dire et juger que la responsabilité contractuelle et subsidiairement délictuelle de la SARL Moretti Construction est engagée ;
condamner la société Moretti Construction à verser à la SCI [U] les sommes de 32 085,00 euros TTC au titre des travaux de reprise nécessaires au respect de la réglementation acoustique, 740 840,76 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers du fait du retard dans les travaux suivant décompte arrêté au 31 décembre 2020, outre réactualisation à compter de cette date pour tenir compte du temps écoulé et ce jusqu'à parfait paiement, et ce suivant la même méthode d'évaluation, soit 5 997,42 euros par mois supplémentaires à compter du 1er janvier 2021, 315 633,00 euros au titre de la perte de subvention ANAH, 66 962 euros au titre du préjudice lié à l'impact de la révision du devis et de la hausse de TVA, 66 551 euros au titre du préjudice correspondant aux intérêts de retard sur les échéances d'emprunt impayées et indemnité forfaitaire, 49 512,29 euros TTC au titre des frais engagés durant l'expertise judiciaire (honoraires de l'expert judiciaire compris) ;
condamner en outre la société Moretti Construction à verser à M. et Mme [U] les sommes de 39 168 euros au titre de la perte de chance d'obtenir les financements nécessaires à d'autres projets immobiliers et de 337 480 euros au titre de leur préjudice patrimonial et moral ;
condamner également la société Moretti Construction à verser à la SCI [U] et à M. et Mme [U] la somme de 30 000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner enfin la société Moretti Construction aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de référé, de première instance, d'appel initial et de la présente procédure ;
débouter la SARL Moretti Construction de toutes ses demandes fins et conclusions, tant en principal qu'intérêts et frais, en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SCI [U] et de M. et Mme [U] comme étant mal fondées.
Les appelants exposent que c'est bien la société Moretti Construction, et non la SCI [U], qui a fait appel en sous-traitance à un bureau d'études béton, lequel a préconisé la réalisation d'une structure légère, proposition qui a été reprise par la société Moretti Construction dans le cadre de son offre comprenant la mise en oeuvre des planchers à poutrelles corps creux ou polystyrène, pour précisément offrir une variante à la conception initialement envisagée correspondant à une structure avec micro-pieux et dalles pleines.
S'en référant aux conclusions de l'expert judiciaire M. [T], les consorts [U] considèrent que si ce choix de la structure légère était techniquement envisageable, il aurait fallu prévoir dans le même temps des compléments pour tenir compte de la réglementation acoustique applicable, ce qui n'a pas été le cas. Ni le bureau d'études Technique et Architecture ni l'entreprise Moretti Construction n'ont proposé ce complément acoustique, dont l'expert judiciaire a clairement indiqué qu'il était impératif compte tenu du choix de structure légère opéré.
Selon les époux [U] et la SCI [U], que cette « omission » soit la résultante d'une erreur de conception du bureau d'études, comme l'ont retenu les premiers juges ou encore d'une erreur propre de la société Moretti Construction, la responsabilité contractuelle de cette dernière est pleinement engagée à l'égard de la SCI [U].
Ils rappellent qu'en effet, le bureau d'études Technique et Architecture est intervenu en sous-traitance et à la demande de la SARL Moretti Construction, laquelle doit dès lors répondre des éventuels manquements de son sous-traitant vis-à-vis du maître d'ouvrage, la SCI [U], tout comme de ses propres manquements contractuels.
S'agissant du coût des travaux de réfection, la SCI [U] fixe sa demande à la somme de 32 085 euros TTC, conformément aux conclusions de l'expert judiciaire.
Les consorts [U] soutiennent également avoir subi des préjudices immatériels conséquents, dans la mesure où les travaux de construction n'ont jamais pu reprendre, de sorte que la mise en location des appartements n'est toujours pas possible.
Ils rappellent que pour évaluer les différents préjudices financiers, l'expert judiciaire M. [T] a fait appel à un sapiteur expert-comptable M. [H], lequel a évalué à 293 974 euros la perte de loyers liée au retard de chantier résultant du seul problème relatif à la non-conformité acoustique. Ils soulignent que le décompte est arrêté à fin septembre 2014, soit peu avant le dépôt du rapport, mais que le préjudice s'accroît, la SCI [U] n'ayant pas les capacités financières de reprendre les travaux, de sorte que le montant réactualisé de la perte des loyers à fin décembre 2020 s'élève à 748 324 euros.
Sur la perte de chance de percevoir des loyers soulevée d'office dans l'arrêt avant-dire-droit du 5 juillet 2022, les consorts [U] indiquent que la perte de chance peut se rapprocher très sensiblement du préjudice évoqué lorsqu'il est établi que celui-ci était incontestable et absolument réalisable dans les proportions sollicitées.
Ils font valoir que la mise en location de ces logements une fois achevés ne poserait aucune difficulté, compte tenu du dynamisme démographique de la commune de [Localité 11] et du conventionnement ANAH (Agence Nationale pour l'Habitat).
Ils indiquent qu'ils ont tout fait pour résoudre rapidement ce litige, avec l'objectif de reprendre les travaux et de mettre les appartements en location, que personne n'a jamais contesté la réalité de ce préjudice de sorte qu'en l'état, la perte de chance de percevoir les loyers est quasiment identique à la perte de loyers tant la location de ces appartements dès leur mise sur le marché ne prête pas à discussion.
Ils en déduisent que le préjudice résultant de la perte de chance de percevoir des loyers ne peut pas être inférieur à 99% du montant total des loyers perdus.
Les consorts [U] font aussi valoir le fait qu'en raison de la suspension des travaux, la subvention accordée par l'ANAH est définitivement perdue, que la SCI [U] doit procéder au remboursement de cette somme et payer à l'ANAH une majoration liée au remboursement de cette subvention.
Ils ajoutent que le montant global de la subvention ANAH représentait environ le quart de l'enveloppe budgétaire déterminée initialement pour le projet et que la perte de ce financement important constitue un préjudice pour la SCI [U] qui doit y faire face par le recours à un emprunt bancaire supplémentaire, dont le coût est estimé à 71 833 euros.
Concernant le préjudice lié à l'impact de la révision du devis et de la hausse de la TVA, les consorts [U] exposent que les travaux devaient se faire moyennant application d'un taux de TVA à 5,5% pour l'existant et de 19,6 % pour le bâtiment neuf, que ces taux ne sont plus en vigueur puisqu'ils sont désormais de 10 % et 20 % et que le maître d'oeuvre a effectué une révision du devis initial portant le coût total des travaux à la somme de 1 193 453,80 euros TTC.
La SCI [U] demande donc la condamnation de la SARL Moretti Construction à lui payer la somme de 66 962 euros au titre de ce surcoût.
Elle sollicite également le paiement de la somme de 66 551 euros au titre des intérêts de retard et des indemnités forfaitaires de remboursement afférents aux prêts immobiliers souscrits par la SCI [U] et dont les échéances n'ont pas pu être honorées en raison de l'absence de loyers.
La SCI [U] présente en outre une demande au titre des frais annexes : 11 051,54 euros s'agissant des honoraires de M. [V] conseil de la SCI pour la partie technique se rapportant à l'acoustique, 2 765,15 euros TTC au titre du rapport [D] (acoustique), 3588 euros au titre du rapport Enerys, 15 000 euros au titre du rapport de M. [N], 498,16 euros au titre des constats d'huissier et 16 610 euros au titre des honoraires de M. [T] et de M. [H].
M. et Mme [U] font valoir que le litige a également eu des conséquences sur leur situation personnelle, soulignant qu'en leur qualité d'associés de la SCI, ils sont tenus solidairement et indéfiniment responsables des dettes de la SCI, que du fait des difficultés financières de la SCI, les époux [U] ont soutenu financièrement celle-ci et ce au détriment d'autres projets et que cela a eu pour conséquence de les freiner voire de les empêcher de réaliser d'autres projets immobiliers, faute de pouvoir contracter des emprunts. Ils estiment ce préjudice financier à la somme de 39 168 euros.
Ils rappellent qu'ils se sont engagés en qualité de cautions dans le cadre des prêts immobiliers, qu'ils ont été contraints de mettre en vente une partie de leur patrimoine personnel pour soutenir financièrement la SCI et qu'ils ont également perdu du temps à gérer ce litige.
Sur la base du rapport de M. [N] intervenu dans le cadre d'une expertise privée, ils estiment leur préjudice patrimonial à la somme de 257 480 euros.
Ils évaluent leur préjudice moral à 80 000 euros, faisant valoir un préjudice d'angoisse lié au harcèlement judiciaire de la Société Générale, angoisse aggravée par la menace de résiliation de l'assurance décès-invalidité qu'avait souscrit M. [U], un préjudice de notoriété suite à la notification à leurs locataires de la décision de saisie des loyers et un préjudice de santé lié au stress engendré par les pressions subies depuis près de dix ans.
Ils indiquent qu'ils vivent difficilement cette situation d'attente alors même qu'ils ne sont que des victimes de la situation et qu'il est également pour eux insupportable de voir les huissiers sonner à leur porte très régulièrement et parallèlement de voir s'effondrer les efforts financiers de leur vie, dont l'objectif était de pouvoir transmettre à leurs enfants un patrimoine familial.
En réponse aux contestations de la SARL Moretti Construction, la SCI [U] et les consorts [U] font valoir que que l'arrêt des travaux et les préjudices importants en découlant résultent bien de la conjonction de tous les problèmes rencontrés sur le dossier et non pas exclusivement de celle relative à la hauteur altimétrique du bâtiment, qu'aucun accord n'a pu être trouvé s'agissant de la problématique acoustique, le maître d'oeuvre et l'entreprise se renvoyant mutuellement la balle de sorte que les appelants n'ont eu d'autre choix que de poursuivre judiciairement la procédure, d'une part en laissant l'expertise judiciaire se poursuivre et aller à son terme et d'autre part, en engageant les procédures au fond pour tenter d'obtenir l'indemnisation du préjudice et, ce faisant, bénéficier des fonds nécessaires à la reprise des travaux, ce qui n'a jamais pu être le cas alors qu'ils ont multiplié les démarches en ce sens.
Ils soulignent que le rapport de M. [T] n'a, au final, été déposé que le 14 octobre 2014 alors que le chantier était à l'arrêt depuis mars 2010 puis n'a pu reprendre postérieurement, faute d'accord amiable d'indemnisation.
Enfin ils justifient le montant de la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en raison du caractère particulièrement long et complexe de la procédure au cours de laquelle deux expertises judiciaires ont été nécessaires.
Dans ses conclusions déposées le 23 avril 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la SARL Moretti Construction demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, et 1382 et suivants du code civil (ancienne numérotation), de :
rejeter l'appel ;
statuant dans la limite de la cassation,
débouter la SCI [U] et les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes, moyens,fins et conclusions quant aux demandes subsistantes après cassation ;
confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nancy le 13 novembre 2017 en ce qu'il a débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société Moretti ;
condamner in solidum la SCI [U], M. [U] [K] et Mme [U] [W] aux dépens de première instance, d'appel et de renvoi de cassation ainsi qu'à payer à la société Moretti Construction la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
à titre infiniment subsidiaire, si une quelconque responsabilité venait à être retenue à l'encontre de la société Moretti Construction s'agissant des problèmes acoustiques,
dire et juger que les demandes présentées par la SCI [U], M. et Mme [U], seront limitées à l'encontre de la société Moretti à la somme de 32 085 euros au titre des travaux de reprise nécessaires au respect de la réglementation acoustique ;
débouter la SCI [U], M. et Mme [U], de toute demande complémentaire, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Moretti ;
Statuant sur l'appel provoqué et l'assignation en intervention forcée devant la cour de renvoi de Metz à l'encontre de M. [O] [Z] et M. [B] [P],
condamner in solidum M. [O] et M. [B] à garantir la société Moretti Construction de toute condamnation prononcée à son encontre en principal, intérêts et frais dans une proportion de 80% au titre d'une faute de conception ;
en tout état de cause,
condamner in solidum MM. [O] et [B] à payer à la société Moretti la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner in solidum MM. [O] et [B] aux entiers dépens de la présente instance, d'appel et de renvoi de cassation.
La société Moretti Construction expose qu'en ce qui concerne le défaut de conformité acoustique, l'expert judiciaire a proposé de retenir la responsabilité exclusive de la maîtrise d''uvre.
Elle soutient que cette responsabilité de la maîtrise d''uvre est exclusive et ne saurait être partagée avec la société Moretti Construction ou son sous-traitant BET, dont la mission a été de proposer une variante économique, au choix de la maîtrise d'ouvrage, conseillée par la maîtrise d''uvre.
S'agissant de la mise hors de cause de M. [P] et de M. [B] prononcée par la cour de cassation, la société Moretti Construction estime qu'elle n'a pas de rapport avec le recours récursoire exercé par elle-même à l'encontre des deux architectes, fondé sur une responsabilité quasi-délictuelle.
La société Moretti Construction fait valoir qu'elle s'est vue imposer, dans le cadre du marché régularisé avec le maître d'ouvrage, sous le contrôle de la maîtrise d''uvre, la prise en charge des frais d'études techniques béton, confiées à la société Technique et Architecture, intervenant en qualité de sous-traitant de Moretti Construction.
Elle souligne également que l'intervention de ce sous-traitant était connue de M. [T] qui a pourtant considéré que la responsabilité du cabinet de maîtrise d''uvre était pleine et entière, puisque le bureau d'études est intervenu pour la réalisation de choix optionnels, s'agissant de voir réduire l'économie de la construction, ces choix optionnels étant soumis à l'approbation de la maîtrise d''uvre, intervenant en qualité de conseil du maître d'ouvrage.
Elle fait valoir que son action était limitée à la réalisation du lot gros-'uvre, maçonnerie, charpente, couverture et que le travail réalisé par le bureau d'études techniques était directement transmis à la maîtrise d''uvre, pour visa et analyse, le simple maçon qu'était la société Moretti Construction intervenant uniquement en qualité d'intermédiaire et entreprise assumant la charge financière de l'intervention de ce bureau d'études techniques.
La société Moretti Construction précise que c'est d'ailleurs ce constat qui est à l'origine de l'impossibilité, en cours de chantier, pour la société Moretti Construction et la SCI Jaqcuemer d'opérer un rapprochement amiable permettant de transiger sur cette problématique, puisque la société Moretti Construction a estimé nécessaire de faire intervenir le cabinet de maîtrise d''uvre, qui avait fait le choix des différentes options possibles pour les reprises de planchers engendrant les problèmes d'acoustique rencontrés.
Pour demander la garantie de MM. [O] et [B], la SARL Moretti Construction fait valoir que le projet élaboré par la SARL Technique et Architecture n'était qu'une proposition, soumise à l'approbation de la maîtrise d'oeuvre, intervenant en qualité de conseil du maître d'ouvrage.
Elle en déduit que le cabinet d'architecture doit la garantir à hauteur de 80% des condamnations prononcées au titre de la non-conformité acoustique, en raison du défaut de conception initial.
A titre subsidiaire sur l'indemnisation réclamée, la société Moretti Construction indique qu'il est important d'opérer une distinction entre les difficultés ayant occasionné l'arrêt de chantier, s'agissant du refus d'acceptation du projet par la ville de Lay-Sainte-Christophe en raison d'un défaut d'altimétrie, et les problèmes acoustiques qui n'ont pu entraîner un quelconque arrêt de chantier et qui n'ont pu contribuer à l'important préjudice consécutif aujourd'hui subi par la SCI [U], ainsi que M. et Mme [U] à titre personnel.
Elle en déduit que toute demande complémentaire présentée par les consorts [U], sans rapport avec le coût de reprise des non-conformités acoustiques, d'ores et déjà évalué à la somme de 32 085 euros TTC, sera purement et simplement rejetée.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 4 janvier 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, M. [O] et M. [B] demandent à la cour de :
déclarer irrecevables l'appel provoqué, l'assignation en intervention forcée et en garantie et toutes les demandes de la SARL Moretti Construction en tant que dirigées à l'encontre de M. [O] et M. [B] ;
débouter la SARL Moretti Construction de toutes ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l'encontre de M. [O] et M. [B] ;
confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 13 novembre 2017 en ce qui concerne M. [O] et M. [B] ;
Très subsidiairement,
constatant que les problèmes acoustiques des planchers ne relèvent pas de la responsabilité de MM [O] et [B] et ne sont pas à l'origine de la perte de loyers ni de la perte de chance de la SCI [U] et des époux [U] de louer les appartements en cause, ni des autres postes de préjudice invoqués par la SCI [U] et les consorts [U], débouter la SARL Moretti Construction de toutes ses demandes en garantie à ce titre à l'encontre de MM. [O] et [B] ;
si la cour de céans venait à retenir une part de responsabilité à l'encontre de M. [O] et M. [B] au titre des problèmes acoustiques des planchers, fixer la part de responsabilité de M. [O] et M. [B] à 5 % de la somme de 32 085 euros TTC ;
débouter la SARL Moretti Construction de toutes ses demandes plus amples ou contraires y compris au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
eu égard aux circonstances de la cause, condamner la SARL Moretti Construction aux entiers dépens de la présente instance et à verser à M. [O] et M. [B], chacun, la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MM. [O] et [B] font valoir que suite à l'arrêt de cassation, seules restent en litige les demandes de la SCI [U] et des époux [U] à l'encontre de la société Moretti Construction concernant les travaux de reprise relatifs à la réglementation acoustique (travaux de reprise chiffrés à la somme de 32 085 euros TTC).
Ils rappellent que cet arrêt de cassation les a mis hors de cause et ils en déduisent que l'appel provoqué diligenté par la société Moretti Construction à leur encontre devant la cour de céans est irrecevable.
Ils rappellent que la cassation est intervenue au motif que la cour d'appel de Nancy a rejeté la demande d'indemnisation formée par la SCI [U] et les époux [U] à l'encontre de la société Moretti Construction alors qu'elle avait relevé l'existence d'une erreur de conception des planchers imputable au sous-traitant de la société Moretti Construction, que cette erreur de conception du sous-traitant de la société Moretti Construction ne peut être remise en cause puisqu'elle est le fondement de la cassation intervenue et que la responsabilité de la société Moretti Construction du chef de son sous-traitant est donc acquise.
MM. [O] et [B] estiment qu'en tout état de cause, aucune faute ne peut être retenue à leur encontre, que l'entreprise Moretti a été choisie directement par M. [U] à qui le devis a été adressé personnellement, que le contrat conclu entre le maître de l'ouvrage, la SCI [U], et les maîtres d''uvre, M. [O] et M. [B], le 30 septembre 2007 prévoyait expressément que « Monsieur [U] se réserve le droit d'effectuer certains travaux, afin de réduire le coût de la construction, étant entendu que les maîtres d''uvre ne seront en aucun cas responsables de ces travaux et des désordres que pourraient occasionner ces travaux effectués par le maître d'ouvrage dans le bon déroulement du chantier », que c'est le bureau d'études techniques de la société Moretti Construction qui a fourni les plans d'exécution des fondations et des ouvrages, que la conception des planchers revenait également au bureau d'études techniques de la société Moretti Construction selon contrat du 24 octobre 2008 et que c'est la société Moretti Construction qui a proposé au maître de l'ouvrage une solution technique moins onéreuse, qui s'est révélée non conforme aux normes acoustiques applicables pour les logements loués, sans en informer les architectes.
Ils rappellent que la SCI [U] a mis fin à ses relations contractuelles avec la maîtrise d''uvre le 31 mars 2009 et s'est opposée à ce que la maîtrise d''uvre entreprenne la procédure de consultation des entreprises et en attribution des lots.
Selon M. [O] et M. [B], la mission de la maîtrise d''uvre s'est finalement limitée au permis de construire, les architectes n'ayant réalisé aucun plan d'exécution ni dirigé les travaux et leurs autres missions n'ayant pu être accomplies en raison du refus de M. [U].
Enfin selon eux, il ne ressort d'aucune disposition contractuelle que la maîtrise d''uvre aurait été consultée pour le marché passé par le maître de l'ouvrage avec la société Moretti Construction.
Ils estiment que très subsidiairement, leur part de responsabilité ne peut excéder un montant de 5% et que les autres postes mis en compte par la SCI [U] et les époux [U] ne présentent pas de lien de causalité directe avec la conformité acoustique des planchers.
Suite à l'arrêt avant-dire-droit, ils estiment qu'il n'était pas garanti que les biens en litige trouvent preneurs immédiatement et que les locataires demeurent sans discontinuer dans les lieux et ils font valoir qu'en règle générale, le taux de vacance locative se situe entre 5 et 15%.
Ils proposent donc de retenir une perte de chance à hauteur de 70% sur une période de cinq années.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la portée du renvoi de cassation, la mise hors de cause de M. [P] et de M. [B] et la recevabilité de l'appel en garantie formé par la SARL Moretti Construction
En application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.
Par arrêt du 25 juin 2020, la cour de cassation a :
cassé et annulé, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de paiement de la somme de 292 557 000 euros ou à titre subsidiaire 258 000 euros et de celle de 566 687 euros formées par la SCI [U] et M. et Mme [U] à l'encontre de la société Moretti Construction au titre du coût des travaux de mise en conformité de la hauteur de l'immeuble et du préjudice consécutivement subi du fait de la perte définitive de surface l'arrêt rendu le 28 janvier 2019 ;
remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyé devant la cour d'appel de Metz ;
mis hors de de cause M. [O] et M. [B].
Devant la cour d'appel de Nancy, la SARL Moretti Construction demandait à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse de sa propre condamnation, que MM. [O] et [B] la garantissent de toute condamnation prononcée à son encontre dans une proportion de 80%.
La cour d'appel de Nancy ne s'est pas expressément prononcée sur cette demande subsidiaire qui était devenue sans objet, du fait du rejet des prétentions des consorts [U] à l'égard de la SARL Moretti Construction.
Il est exact que la cour de cassation a mis hors de cause, à leur demande, M. [P] et M. [B], au motif que la présence de ces derniers n'est pas nécessaire à la solution du litige.
Toutefois, la cour de cassation s'est ainsi prononcée en considération du fait que le litige ne porte plus que sur la demande formée par la SCI [U] et les époux [U] à l'encontre de la société Moretti Construction. Cette mise hors de cause ne s'étend pas aux prétentions de la SARL Moretti Construction à l'encontre de MM. [O] et [B], prétentions sur lesquelles la cour d'appel de Nancy ne s'était pas expressément prononcée.
La cassation intervenue sur la question du désordre acoustique ayant remis les consorts [U] et la SARL Moretti Construction dans l'état où ces parties se trouvaient avant la décision cassée, la SARL Moretti Construction est donc recevable à appeler en intervention forcée MM. [P] et M. [B] pour la garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre sur ce fondement.
Par ailleurs, la cour de renvoi n'est pas liée par les motifs de l'arrêt cassé. Dans ces conditions et contrairement à ce que soutiennent MM. [P] et [B], la responsabilité de la SARL Moretti Construction du chef de son sous-traitant n'est pas acquise.
Enfin, la SARL Moretti Construction justifie bien de son droit à agir, dès lors que ses prétentions à l'encontre de MM. [P] et [B] doivent lui permettre de se faire garantir des éventuelles condamnations à son encontre au profit des consorts [U] et que les constructeurs peuvent exercer des actions récursoires entre eux sur le fondement délictuel.
En conséquence, la cour déclare recevables l'appel provoqué, l'assignation en intervention forcée et en garantie et les demandes de la SARL Moretti Construction à l'égard de M. [O] et de M. [B].
II- Sur la responsabilité de la SARL Moretti Construction au titre de la non-conformité acoustique
L'article 1147, dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 01 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il s'en déduit que l'entrepreneur principal répond du fait du sous-traitant comme de son propre fait et que la faute du sous-traitant engage sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage.
Selon l'expert judiciaire qui est intervenu concernant le problème acoustique, M. [T], c'est le procédé mis en oeuvre par la SARL Moretti Construction, à savoir la pose de planchers en poutrelles ainsi que d'hourdis en bois, plutôt que la pose de dalles pleines avec micro-pieux proposée par l'entreprise de gros-'uvre présentée par M. [P] et M. [B], qui a entraîné un défaut de conformité acoustique par rapport à la législation en vigueur (arrêté du 30 juin 1999 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments d'habitation, arrêté du 30 juin 1999 relatif aux modalités d'application de la réglementation acoustique et norme NF-EN 717-1 et 2 relative à l'évaluation de l'isolation acoustique des immeubles et des éléments de construction).
En effet, les aménagements techniques nécessaires n'ont pas été demandés aux autres corps de métier.
Les parties ne contestent pas la nature du désordre tel qu'identifiée par l'expert judiciaire.
Toutefois et contrairement à ce qu'a indiqué M. [T] au terme de son rapport, la conception technique de ce procédé n'est pas le fait du maître d'oeuvre, le cabinet [O] et [B].
En effet, par contrat signé les 24 octobre 2008 et 2 février 2009, la SARL Moretti Construction avait engagé la SARL Technique et Architecture, bureau d'études, pour la réalisation des plans d'exécution des fondations et des ouvrages.
C'est la SARL Technique et Architecture qui a fourni les plans d'exécution des fondations et des ouvrages dans la hauteur du RDC le 27 février 2009 et ceux concernant les niveaux R+1 et R+2 le 6 avril 2009 et qui a donc proposé la solution technique dont la conformité aux normes acoustiques applicables aux logements loués est aujourd'hui critiquée.
Si la SARL Moretti Construction fait valoir que la SARL Technique et Architecture avait uniquement pour mission de proposer un choix optionnel pour les planchers permettant de réduire l'économie de la construction, sans autre considération, il n'en demeure pas moins que le bureau d'études devait proposer une solution technique conforme aux normes de construction en vigueur ou avertir son donneur d'ordre et/ou le maître d'ouvrage des adaptations nécessaires pour satisfaire à ces normes.
Il est constant que la SARL Technique et Architecture n'a pas fait connaître aux différents intervenants une quelconque difficulté concernant les normes acoustiques.
Ainsi la SARL Technique et Architecture a commis une faute de conception à l'origine du défaut de conformité acoustique en litige.
Certes, la SARL Moretti Construction soutient qu'elle s'est vue « imposer » la prise en charge des frais d'études techniques, mais elle ne conteste pas sa qualité de donneur d'ordre à l'égard de la SARL Technique et Architecture, dans le cadre du contrat du 2 février 2009 déjà cité.
En sa qualité de donneur d'ordre, la SARL Moretti Construction engage sa responsabilité contractuelle à l'égard des consorts [U] en raison de la faute commise par son sous-traitant et elle doit répondre des préjudices qu'ils subissent en raison de ce désordre acoustique.
En conséquence, la responsabilité contractuelle de la SARL Moretti Construction sera effectivement retenue au titre du désordre acoustique.
III- Sur les différents préjudices invoqués par les époux [U] et de la SCI [U]
L'article 1151 du code civil dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 01 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention.
Il s'en déduit que pour obtenir réparation, la SCI [U] et M. et Mme [U] doivent établir le lien de causalité entre le défaut de conformité acoustique qui affecte l'immeuble et les préjudices qu'ils invoquent.
Par ailleurs, le fait qu'il existe des chefs de désordre totalement indépendants (défaut d'altimétrie et désordres touchant les poutrelles) qui ne sont pas dans le litige exclut le prononcé d'une condamnation de la SARL Moretti Construction pour le montant total des préjudices invoqués par les consorts [U] (sur ce point voir par exemple Cass 3ème civile 11 octobre 1989, 87-18574).
Enfin le juge du fond apprécie souverainement l'existence et l'étendue des préjudices invoqués.
Sur la demande en paiement de la somme de 32 085 euros TTC au titre des travaux de reprise
L'expert judiciaire, M. [T], a chiffré à 32 085 euros TTC le coût des travaux de mise en conformité de l'acoustique des planchers.
La SARL Moretti Construction ne conteste pas ce poste de préjudice.
La somme de 32 085 euros TTC sera donc retenue au titre du coût des travaux de reprise du désordre acoustique.
Sur la demande en paiement de la somme de 748 324 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers
Faisant notamment valoir les conclusions établies par le sapiteur expert-comptable M. [H] et par un expert privé M. [N], la SCI [U] établit à 748 324 euros le montant des pertes de loyers résultant de l'absence de mise en location de l'immeuble suite à l'interruption des travaux, couvrant la période entre le 1er août 2010 et 2020.
M. [C], expert judiciaire désigné au titre de l'erreur d'altimétrie, a indiqué que les retards résultant de l'arrêt du chantier à la date du 1er août 2010 sont imputables pour moitié aux problèmes acoustiques et pour moitié à l'erreur d'altimétrie signalée quelques semaines auparavant par la municipalité de [Localité 11] (note aux parties du 19 décembre 2013).
De même M. [T], expert judiciaire désigné au titre de la fissuration des poutrelles puis du désordre acoustique, adopte un raisonnement similaire, attribuant la moitié des pertes de loyers depuis le 1er août 2010 au désordre acoustique.
Néanmoins, ces rapports d'expertise, qu'elles soient judiciaires ou privées, reposent sur une analyse erronée de l'ensemble de la chronologie du chantier et des opérations d'expertise.
En effet, le désordre acoustique n'a pas été découvert en août 2010, mais en octobre 2010 seulement, à l'occasion du rapport d'expertise privé de M. [V] et de la visite de chantier du 5 octobre 2010, suite aux mesures réalisées sur place par un technicien de la société [D]. L'expert judiciaire a évoqué cette difficulté seulement dans sa note n°3 du 4 janvier 2011 et la mission d'expertise judiciaire a été étendue à ce désordre par ordonnance du 19 juillet 2011.
Par ailleurs, si la date initiale de livraison de l'immeuble était prévue début juillet 2010 pour une mise en location le 1er septembre 2010, il résulte des éléments versés aux débats qu'avant mêmela découverte du défaut de conformité acoustique, le chantier avait subi un retard conséquent, en raison du défaut d'altimétrie et de la dégradation des poutrelles.
En effet, l'erreur d'altimétrie avait motivé une première décision d'interruption des travaux notifiée à la SCI [U] par arrêté municipal du 2 juin 2009 et le chantier n'avait pas pu reprendre avant un arrêté du 8 juillet 2009, autorisant sous condition la reprise des travaux.
Cette erreur d'altimétrie a ensuite donné lieu à une injonction de la mairie, par courrier du 1er juin 2010, de réduire de quarante-six centimètres la hauteur du faîtage.
A cette date et selon les indications de M. [C], le chantier était de nouveau interrompu depuis le 31 mars 2010, en raison de la dégradation des poutrelles.
Ainsi, à la date de découverte du défaut de conformité acoustique le 5 octobre 2010, le chantier accumulait au moins sept mois de retard en raison de désordres distincts de celui objet du litige.
Par ailleurs, M. [T] et M. [C] ont cantonné le retard de chantier dû aux désordres des poutrelles à quatre mois, soit de fin mars à début juillet 2010, sans expliquer cette brève période, alors même qu'à cette date, l'expertise de M. [T] concernant les malfaçons touchant ces poutrelles et ces hourdis bois venait tout juste de débuter.
S'agissant du désordre acoustique et des défauts affectant les poutrelles et les hourdis, M. [T] a déposé son rapport le 14 octobre 2014. La SARL Moretti Construction a procédé à des travaux de reprise des poutrelles à une date indéterminée, au cours des opérations d'expertise judiciaire et un accord financier est intervenu entre les parties sur la prise en charge des réparations concernant cet élément de construction dès le mois de novembre 2014.
De l'analyse du rapport d'expertise de M. [T], il s'en déduit qu'un an supplémentaire de travaux après le dépôt de ce rapport était nécessaire pour remédier au désordre acoustique et pour achever l'immeuble, de sorte que la mise en location des logements pouvait être envisagée à partir du 1er janvier 2016.
Néanmoins concernant le désordre le plus conséquent à savoir le défaut d'altimétrie, le rapport d'expertise judiciaire n'a pas été déposé avant le mois de juin 2015.
Ainsi sur la période allant du mois d'octobre 2010 au 31 décembre 2015 soit pendant 63 mois, le retard pris par le chantier de construction de la SCI [U] est partiellement imputable au désordre acoustique dont la SARL Moretti Construction a été reconnue comme étant responsable.
C'est le défaut d'altimétrie qui a joué un rôle prépondérant dans ce retard, qui était déjà conséquent lorsque le désordre acoustique a été découvert et ce ne sont pas les travaux de reprise des poutrelles et du désordre acoustique qui expliquent que le chantier soit toujours à l'arrêt à ce jour, selon la SCI [U], mais le litige avec la municipalité concernant le défaut d'altimétrie, M. [C] ayant confirmé que les travaux sont « bloqués » par l'autorité municipale pour infraction avec les dispositions du permis de construire.
Dans ces conditions, la contribution de chacun de ces désordres, distincts les uns des autres, au retard dans la livraison de l'immeuble sur la période allant du mois d'octobre 2010 au 31 décembre 2015 sera évaluée de la manière suivante : désordre acoustique à hauteur de 15%, désordre touchant les poutrelles à hauteur de 15% et défaut d'altimétrie à hauteur de 70%.
La faute contractuelle de la SARL Moretti Construction se traduit par une perte de chance pour la SCI [U] de percevoir des loyers sur une période de 63 mois.
Selon la SCI [U], la perte de chance s'élèverait à la somme de 740 840,76 euros soit 99% du montant total des loyers perdus mais il convient de tenir compte de l'inévitable vacance locative.
Ainsi, la perte de chance s'établit à 90% du montant des loyers espérés par le propriétaire soit 336 301,20 euros (90% de 373 668 euros soit les loyers susceptibles d'être perçus entre octobre 2010 et décembre 2015).
La SARL Moretti Construction a contribué à hauteur de 15% à cette perte de chance.
En définitive, la perte de chance de percevoir des loyers directement imputable au défaut de conformité acoustique s'élève à la somme de 50 445,18 euros.
Sur la demande en paiement de la somme de 315 633 euros au titre de la perte de subvention ANAH (perte de la subvention 234 348 euros+ 9 452 euros de majoration +coût d'un financement de la même valeur 71 833 euros)
La SCI [U] expose que les subventions accordées par l'ANAH en raison de la rénovation de logements à loyer « social » sont conditionnées au respect des délais d'exécution du chantier et que du fait de la suspension des travaux, la subvention de 234 348 euros est définitivement perduee, la SCI [U] devant procéder au remboursement de cette somme.
La SCI [U] verse aux débats une expertise comptable privée (M. [N]) ainsi qu'un courrier du 24 juin 2012 de l'ANAH qui démontre que c'est l'absence de justificatifs de fin de travaux à la date du 4 juin 2012 qui justifie la demande de remboursement.
Elle verse également aux débats la signification du titre exécutoire qui lui a été adressée le 11 janvier 2016 à la demande de l'ANAH, pour la somme en principal de 150 611 euros.
La cour renvoie à ses explications du paragraphe précédent pour considérer que le défaut de conformité acoustique a contribué, avec le défaut d'altimétrie et le désordre sur les poutrelles, au retard du chantier, ledit retard ayant eu pour conséquence le non-respect des délais de construction imposés par l'ANAH et la nécessité de rembourser la subvention.
Cette demande en paiement de la SCI [U] apparaît donc bien fondée à hauteur de 22 711,06 euros (15% de 151 407,08 euros), soit 15% du montant du titre exécutoire, l'appelante ne rapportant pas la preuve que l'ANAH lui réclame toujours le surplus de la subvention accordée.
Sur la nécessité dans laquelle se serait retrouvée la SCI [U] d'avoir recours à un nouvel emprunt se substituant à la subvention ANAH, le rapport du cabinet comptable Enerys évoque certes « une demande de prêt », mais sans rapporter la preuve de la souscription effective de cet emprunt. M. [N] annexe à son rapport des tableaux d'amortissement mais ces derniers portent sur des emprunts accordés entre le 25 janvier 2010 et le 12 mars 2010, manifestement sans lien avec la difficulté liée au remplacement de la subvention ANAH.
La SCI [U] ne rapporte donc pas la preuve de la souscription d'un nouvel emprunt et la demande en paiement de la somme de 71 833 euros correspondant au « coût d'un financement similaire » sera donc écartée.
En conséquence, ce poste de préjudice en relation avec le défaut de conformité acoustique sera fixé à la somme de 22 711,06 euros.
Sur la demande en paiement de la somme de 66 962 euros au titre du préjudice lié à l'impact de la révision du devis et de la hausse de TVA
A l'appui de cette demande en paiement, la SCI [U] met en avant le rapport privé de M. [N], expert-comptable, selon lequel le cabinet d'architecture [O] et [B] a présenté une révision du devis initial entraînant un surcoût de 66 962 euros TTC, en raison d'un changement de TVA par rapport au budget initial du chantier élaboré en 2007.
Mais d'une part, dans le cadre de son rapport, pour évaluer le coût des travaux de reprise, l'expert judiciaire M. [T] a bien pris en considération les taux de TVA applicables au moment des opérations d'expertise (page 28 sur 36 du rapport).
D'autre part, il n'y a pas de lien de causalité entre la non-conformité acoustique objet du présent litige et cette révision de devis, qui est manifestement intervenue avant le 31 mars 2009, date de la résiliation du contrat d'architecte, c'est-à-dire bien avant la constatation du désordre acoustique.
En conséquence, ce poste de préjudice ne sera pas retenu.
Sur la demande en paiement de la somme de 66 551 euros au titre du préjudice correspondant aux intérêts de retard sur les échéances d'emprunt impayées et indemnités forfaitaires
Le 3 février 2015, la Société Générale a prononcé la déchéance du terme des trois crédits accordés pour financer la construction de l'immeuble objet du litige.
La SCI [U] expose que ces impayés sont consécutifs à l'absence de loyers et il est exact que l'achèvement de la construction a été retardé notamment en raison du défaut de conformité acoustique, de sorte que l'immeuble n'a pas pu être mis en location selon le calendrier prévu, ce qui a nécessairement obéré les capacités de la SCI [U] à faire face aux échéances des emprunts.
Ainsi le lien de causalité entre le défaut de conformité acoustique et l'incapacité de la SCI [U] à faire face aux échéances des prêts contractés est établi.
La SARL Moretti Construction ne conteste pas le montant des intérêts de retard et indemnités forfaitaires indiqués par la SCI [U].
Néanmoins il convient de tenir compte, comme pour les autres postes de préjudices, de l'existence de deux autres désordres qui ne font pas l'objet du présent litige et qui ont contribué à ce préjudice à hauteur de 85%.
Ce poste de préjudice sera donc fixé à hauteur de 9 982,65 euros.
Sur la demande en paiement de la somme de 56 338, 41 euros au titre des frais engagés durant l'expertise judiciaire
La SCI [U] chiffre ses demandes en paiement au titre des frais annexes de la manière suivante : 11 051,04 € TTC s'agissant des honoraires de M. [V] (architecte consultant), 2 765,15 € TTC s'agissant du rapport [D] (bureau d'études acoustiques), 3 588 euros s'agissant du rapport Enerys (expert-comptable), 15 000 euros s'agissant du rapport de M. [N] (expert-comptable) et 498,16 euros au titre des frais de constats d'huissier.
Néanmoins, les factures de M. [V] qui sont produites ne se rapportent pas toutes au désordre acoustique, mais sont également relatives au défaut d'altimétrie.
Ainsi, les factures de M. [V] en rapport avec le seul défaut acoustique s'élèvent à la somme de 10 854,48 euros TTC.
Le rapport [D] concerne le problème acoustique et il sera donc retenu à hauteur de 2765,15 euros TTC.
Le rapport Enerys et le rapport [N] portent sur les préjudices financiers consécutifs à l'ensemble des désordres, alors que la SARL Moretti Construction est concernée seulement par le désordre acoustique. La somme de 2 788,20 euros sera donc retenue à ce titre (18588 x 15%).
Les frais de constats d'huissier ne concernaient pas le désordre acoustique et ils seront donc écartés.
Enfin les frais d'expertise judiciaire ne relèvent pas des frais divers car ils sont inclus dans les dépens.
Ainsi les frais techniques divers engagés dans le cadre de l'expertise judiciaire et relatifs au désordre acoustique s'élèvent à 16 407,83 euros.
Sur la demande en paiement de la somme de 39 168 euros au titre de la perte de chance d'obtenir des financements nécessaires à d'autres projets immobiliers
Selon les époux [U], du fait des difficultés du chantier de [Localité 11], ils n'ont pas pu réaliser d'autres projets qu'ils détaillent ainsi : un projet de sept appartements sur la commune de [Localité 12] et dont les revenus mensuels attendus étaient estimés à 3 500 euros, un projet de dix appartements sur la commune de [Localité 8] et dont les revenus mensuels attendus étaient estimés à 6 000 euros, un projet de maison sur la commune de [Localité 9] et dont les revenus mensuels attendus étaient estimés à 700 euros.
Mais les époux [U] ne produisent aucun élément susceptible d'établir la réalité et le caractère avancé de ces projets, l'expert comptable mandaté par M. et Mme [U], M. [N], s'étant manifestement basé sur les seules déclarations de ses clients pour établir à 39 168 euros la perte de rentabilité subie par ces derniers.
De plus, Mme et M. [U] ne démontrent pas avoir présenté des demandes de financement qui auraient été rejetées en raison des conséquences économiques du présent litige, la cour relevant par ailleurs que l'ordonnance du juge de l'exécution du 22 juin 2015 fait état d'un patrimoine immobilier personnel important, distinct de celui de la SCI [U] et susceptible de constituer une garantie sérieuse dans le cadre d'une demande de prêt.
Ainsi la perte de chance invoquée n'apparaît ni réelle ni sérieuse.
Toute demande à ce titre sera écartée.
Sur la demande en paiement de la somme de 337 480 euros au titre du préjudice patrimonial et moral des époux [U]
Les époux [U] détaillent leur préjudice patrimonial et moral de la manière suivante : 257 480 euros au titre du temps personnel qu'ils ont passé à gérer le litige et 80 000 euros au titre de leur préjudice moral, exposant qu'ils souffrent de voir s'effondrer les efforts financiers de toute une vie.
Mais d'une part, concernant le temps personnel passé à gérer le litige, il relève des fonctions des associés d'une SCI de consacrer du temps à la gestion et au développement de la société, y compris lorsque celle-ci fait face à des litiges.
D'autre part, les époux [U], comme la SCI [U], se sont entourés de professionnels du bâtiment et du droit pour les assister et/ou les représenter dans le cadre des diverses procédures concernant l'immeuble de [Localité 11].
En toute hypothèse, le mode de calcul retenu par M. [N], expert privé, selon lequel le temps perdu par les époux [U] du fait du litige en cours devrait être compensé par une somme équivalente à 33% de leur revenu annuel ne repose sur aucune méthodologie probante.
Cette demande sera donc écartée.
Concernant leur préjudice moral, les époux [U] qui se prévalent de l'avis établi sur ce point par Me Renard, avocat au barreau de Paris, invoquent le « harcèlement judiciaire » dont ils auraient été victimes.
Il sera relevé qu'eux-mêmes imputent ce « harcèlement judiciaire », non à la SARL Moretti Construction mais à la Société Générale.
Il est exact qu'ils ont été actionnés et condamnés en leur qualité de cautions de la SCI [U].
Pour autant le juge de l'exécution détaillait ainsi dans son ordonnance du 22 juin 2015 le patrimoine immobilier des époux [U] : une maison scindée en deux appartements, une maison et deux garages, deux terrains, trois appartements, une maison avec quatre locaux commerciaux à [Localité 11], un bâtiment agricole à [Localité 7], une maison à [Localité 13], un bâtiment agricole à [Localité 10], quatre appartements et dix-neuf places de parking à [Localité 8].
Ce patrimoine immobilier conséquent ne permet pas de considérer que leur situation financière est durablement compromise en raison du présent litige.
Enfin, il sera rappelé que c'est la SCI [U] qui est au moins partiellement à l'origine des préjudices invoqués, le défaut d'altimétrie étant consécutif à la décision du maître d'ouvrage de modifier les altitudes des planchers.
En conséquence, les demandes au titre du préjudice moral et patrimonial des époux [U] seront écartées.
En définitive, la cour :
infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la SCI [U] et de M. et Mme [U] à l'encontre de la SARL Moretti Construction au titre du défaut de conformité acoustique ;
statuant à nouveau,
condamne la SARL Moretti Construction à payer à la SCI [U] la somme de 32 085 euros TTC au titre des travaux de reprise, la somme de 50 445,18 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers, la somme de 22 711,06 euros au titre du financement ANAH, la somme de 9 982,65 euros au titre des intérêts de retard et indemnités de recouvrement du prêt, la somme de 16 407,83 euros au titre des frais annexes aux opérations d'expertise judiciaire ;
rejette le surplus des demandes de la SCI [U] au titre de la perte de chance de percevoir des loyers, au titre du financement ANAH, au titre des intérêts de retard et indemnités de recouvrement du prêt et au titre des frais annexes aux opérations d'expertise judiciaire ;
rejette la demande en paiement de la SCI [U] de la somme de 66 962 euros au titre du préjudice lié à l'impact de la révision du devis et de la hausse de TVA ;
rejette les demandes en paiement des époux [U] au titre de la perte de chance d'obtenir des financements nécessaires à d'autres projets immobiliers et au titre du préjudice patrimonial et moral.
IV- Sur l'appel en garantie de la SARL Moretti Construction à l'encontre de la maîtrise d'oeuvre
L'article 1382 du code civil dans sa version en vigueur du 19 février 1804 au 01 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les actions récursoires entre constructeurs qui ne sont pas liés entre eux par un contrat sont recevables sur ce fondement.
D'une part, le contrat conclu entre le maître de l'ouvrage, la SCI [U], et les maîtres d''uvre, M. [O] et M. [B], le 30 septembre 2007 stipulait expressément que « Monsieur [U] se réserve le droit d'effectuer certains travaux, afin de réduire le coût de la construction, étant entendu que les maîtres d''uvre ne seront en aucun cas responsables de ces travaux et des désordres que pourraient occasionner ces travaux effectués par le maître d'ouvrage dans le bon déroulement du chantier ».
S'agissant des planchers, le devis Moretti Construction du 6 janvier 2009 prévoyait la pose de planchers en poutrelles béton et hourdis polystyrène, procédé différent de celui préconisé à l'origine par l'entreprise Adami présentée par MM. [O] et [B] le 16 janvier 2008, qui consistait en la pose de dalles pleines avec micro pieux.
Les opérations d'expertise judiciaire ont démontré que c'est ce choix technique de pose de hourdis en polystyrène, sans considération des adaptations nécessaires, qui explique la non-conformité des planchers aux normes acoustiques (arrêté du 30 juin 1999 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments d'habitation, arrêté du 30 juin 1999 relatif aux modalités d'application de la réglementation acoustique et norme NF-EN 717-1 et 2 relative à l'évaluation de l'isolation acoustique des immeubles et des éléments de construction).
Or il est constant que c'est la SCI [U] qui a pris la décision de confier le lot « gros-oeuvre » à la SARL Moretti Construction plutôt qu'à l'entreprise Adami présentée par les maîtres d''uvre.
D'autre part, il résulte des énonciations du rapport d'expertise de M. [T] (page 12) que la SARL Technique et Architecture n'a fourni les plans d'exécution que les 27 février 2009 et 6 avril 2009, alors que dès le 26 février 2009, le maître d'ouvrage avait fait savoir qu'il entendait ne pas poursuivre l'opération avec le cabinet [O] et [B], le contrat d'architecte étant d'ailleurs résilié quelques semaines plus tard à la date du 31 mars 2009.
Messieurs [O] et [B] soutiennent qu'ils n'étaient pas informés de l'existence de la proposition élaborée par la SARL Technique et Architecture et la SARL Moretti Construction ne fait pas la démonstration de ce que le maître d'oeuvre aurait pris connaissance, avant la résiliation du contrat d'architecte, des plans qui auraient justifié des adaptations techniques pour satisfaire aux normes acoustiques en vigueur.
Ainsi la SARL Moretti Construction n'établit pas la commission d'une faute par MM. [O] et [B] susceptible de justifier qu'ils la garantissent des condamnations prononcées à son encontre.
La cour rejette donc la demande d'appel en garantie formée par la SARL Moretti Construction à l'encontre de MM. [O] et [B].
V- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI [U] et M. et Mme [U] aux dépens de l'instance y compris ceux de la procédure de référé.
La SARL Moretti Construction, la SCI [U] et M. et Mme [U] succombent tous partiellement.
Dans ces conditions et statuant à nouveau, la cour condamne la SARL Moretti Construction à payer 25% des dépens et la SCI [U] et M. et Mme [U] à en payer 75%.
De même et puisque la SARL Moretti Construction et les consorts [U] succombent au moins partiellement à hauteur de cour, la cour condamne la SARL Moretti Construction à payer 25% des dépens de l'appel et de ceux engagés devant la cour d'appel de Nancy et la SCI [U] et M. et Mme [U] à en payer 75%.
Aucune considération d'équité ne justifie de faire droit aux prétentions de la SARL Moretti Construction, de la SCI [U] et de M. et Mme [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour des considérations d'équité, la SARL Moretti Construction devra payer à M. [O] et à M. [B] la somme de 3 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables l'appel provoqué, l'assignation en intervention forcée et en garantie et les demandes de la SARL Moretti Construction à l'égard de M. [Z] [O] et de M. [P] [B] ;
Infirme le jugement rendu le 13 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nancy en ce qu'il a débouté la SCI [U], M. et Mme [U] de leurs demandes au titre de la non-conformité acoustique et en ce qu'il les a condamnés aux dépens y compris ceux de la procédure de référé ;
Statuant à nouveau,
Condamne la SARL Moretti Construction à payer à la SCI [U] la somme de 32 085 euros TTC au titre des travaux de reprise, la somme de 50 445,18 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers, la somme de 22 711,06 euros au titre du financement ANAH, la somme de 9 982,65 euros au titre des intérêts de retard et indemnités de recouvrement du prêt et la somme de 16 407,83 euros au titre des frais annexes aux opérations d'expertise judiciaire ;
Rejette le surplus des demandes de la SCI [U] au titre de la perte de chance de percevoir des loyers, au titre du financement ANAH, au titre des intérêts de retard et indemnités de recouvrement du prêt et au titre des frais annexes aux opérations d'expertise judiciaire ;
Rejette la demande en paiement de la SCI [U] de la somme de 66 962 euros au titre du préjudice lié à l'impact de la révision du devis et de la hausse de TVA ;
Rejette les demandes en paiement de M. [K] [U] et de Mme [W] [J] son épouse au titre de la perte de chance d'obtenir des financements nécessaires à d'autres projets immobiliers et au titre du préjudice patrimonial et moral ;
Rejette la demande d'appel en garantie de la SARL Moretti Construction à l'encontre de MM. [Z] [O] et [P] [B] ;
Condamne la SARL Moretti Construction à payer 25% des dépens de première instance;
Condamne la SCI [U], M. [K] [U] et Mme [W] [J] épouse [U] à payer 75% des dépens de première instance ;
Y ajoutant ;
Condamne la SARL Moretti Construction à payer 25% des dépens de l'appel et de ceux engagés devant la cour d'appel de Nancy;
Condamne la SCI [U], M. [K] [U] et Mme [W] [J] épouse [U] à payer 75 % des dépens de l'appel et de ceux engagés devant la cour d'appel de Nancy;
Rejette les demandes de la SARL Moretti Construction, de la SCI [U], de M. [K] [U] et de Mme [W] [J] épouse [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Moretti Construction à payer à M. [Z] [O] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Moretti Construction à payer à M. [P] [B] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
La Greffière La Présidente de chambre
Le Greffier La Présidente de Chambre