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27/06/2023 | FRANCE | N°20/01142

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 27 juin 2023, 20/01142


Arrêt n° 23/00341



27 juin 2023

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N° RG 20/01142 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FJRC

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

09 juin 2020



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt sept juin deux mille vingt trois







APPELANTES :



S.A.S.U.

HAVAS VOYAGES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Valérie DOEBLE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Jacques DE TONQUÉDEC, avocat au barreau de PA...

Arrêt n° 23/00341

27 juin 2023

---------------------

N° RG 20/01142 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FJRC

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

09 juin 2020

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt sept juin deux mille vingt trois

APPELANTES :

S.A.S.U. HAVAS VOYAGES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Valérie DOEBLE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Jacques DE TONQUÉDEC, avocat au barreau de PARIS

SYNDICAT PROFESSIONNEL NATIONAL DES ENTREPRISES DU VOYAGES pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Marie-Laure TARRAGANO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMÉS :

M. [R] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

SYNDICAT PROFESSIONNEL NATIONAL DES ENTREPRISES DU VOYAGES pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Marie-Laure TARRAGANO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A.S.U. HAVAS VOYAGES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Valérie DOEBLE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Jacques DE TONQUÉDEC, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat à durée déterminée du 2 janvier 1981 au 30 juin 1981, renouvelé du 1er juillet 1981 au 31 décembre 1981, la SA Le Républicain lorrain a embauché M. [R] [O], en qualité de guichetier.

A compter du 1er janvier 1982, la relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée.

En dernier lieu, M. [O] exerçait les fonctions de responsable de service au sein de la SAS Havas voyages, venue aux droits des précédents employeurs.

La convention collective nationale du personnel des agences de voyages et de tourisme était applicable au contrat de travail.

Le 1er juillet 2018, le salarié est parti à la retraite sur son initiative.

L'employeur lui a versé une indemnité de départ à la retraite d'un montant de 18 439,17 euros brut.

Estimant que la société Havas voyages restait lui devoir un solde de 19 890,26 euros brut au titre de cette indemnité, M. [O] a saisi, le 17 mai 2019, la juridiction prud'homale.

En cours de procédure, le syndicat professionnel des entreprises du voyage est intervenu volontairement.

Par jugement contradictoire du 9 juin 2020, la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Forbach a :

- dit recevable l'intervention volontaire du syndical professionnel national des entreprises du voyage ;

- dit que les dispositions de l'article 22.5 de la convention collective des agences de voyages et de tourisme s'appliquent à l'indemnité de départ en retraite, que ce départ soit à l'initiative de l'employeur ou du salarié ;

- condamné la société Havas voyages à payer à M. [O] les sommes suivantes :

* 19 890,26 euros brut à titre de solde d'indemnité de départ en retraite augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2018 ;

* 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté pour le surplus ;

- condamné la société Havas voyages aux dépens.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont estimé en substance que, conformément à l'article 22.5 de la convention collective, même en cas de départ à la retraite à la demande du salarié, l'indemnité versée par l'employeur ne devait pas être inférieure à l'indemnité légale de licenciement.

La société Havas voyages et le syndicat professionnel des entreprises du voyage ont interjeté appel par voie électronique le 15 juillet 2020, soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification du jugement qui leur avait été faite respectivement le 18 juin 2020 et le 19 juin 2020.

Les deux procédures d'appel ont été jointes le 27 octobre 2020.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 22 septembre 2022, la société Havas voyages requiert la cour :

à titre principal,

- de constater qu'elle s'est livrée à une parfaite interprétation de l'article 22.5 de la convention collective applicable dont il ressort que seule l'indemnité de mise à la retraite involontaire est à comparer avec l'indemnité légale de licenciement à laquelle elle ne peut être inférieure ;

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il a estimé que l'indemnité de départ volontaire à la retraite devait être comparée à l'indemnité légale de licenciement à laquelle elle ne pouvait pas être inférieure et en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [O] au titre du solde de l'indemnité de départ en retraite la somme de 19 890,26 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2018 ;

- de confirmer le jugement, en ce qu'il a débouté M. [O] du surplus de ses demandes, notamment de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination et exécution déloyale du contrat de travail ;

- statuant à nouveau, de débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes ;

à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement s'agissant de l'interprétation des dispositions conventionnelles litigieuses,

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au 1er juillet 2018 ;

- statuant à nouveau, de fixer ce point de départ au 25 avril 2019 ;

- de confirmer le jugement, en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination et exécution déloyale du contrat de travail ;

- de débouter M. [O] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ;

en tout état de cause,

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il l'a condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

- statuant à nouveau, de condamner M. [O] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter M. [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de son appel, elle expose :

- que le code du travail opère une distinction entre la mise à la retraite sur l'initiative de l'employeur et le départ à la retraite sur l'initiative du salarié ;

- qu'en application des articles L. 1237-7 et L. 1237-9 du code du travail, la mise à la retraite d'un salarié lui ouvre droit à une indemnité au moins égale à l'indemnité légale de licenciement, alors qu'en cas de départ à la retraite, le salarié perçoit une indemnité spécifique dont le montant est déterminé par les articles D. 1237-1 et D. 1237-2 du même code.

Elle précise :

- qu'antérieurement à sa réécriture au cours de l'année 2013, l'article 22 de la convention collective stipulait que les indemnités ne pourraient pas être inférieures à celles prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la législation en vigueur, sans distinguer les cas de départ à la retraite des cas de mise à la retraite ;

- qu'après sa réécriture au cours de l'année 2013, l'article 22 a opéré une distinction entre les deux cas ;

- que l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite de l'article 22.3, à hauteur de 15 % de mois de salaire par année d'ancienneté, est beaucoup plus favorable que l'indemnité prévue par le code du travail ;

- que l'indemnité conventionnelle de mise à la retraite de l'article 22.4 est calculée à raison de 20 % de mois de salaire par année d'ancienneté et de 35 % au-delà de 10 ans ;

- que l'article 22.5 de la convention collective qui stipule que 'En tout état de cause, ces indemnités ne pourront être inférieures à celles prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la législation en vigueur et ne pourront donc pas être inférieures à l'indemnité légale de licenciement' ne fait référence à l'indemnité légale de licenciement que pour les cas de mise à la retraite sur l'initiative de l'employeur - et non pour les cas de départ volontaire à la retraite ;

- qu'instaurer un plancher correspondant à l'indemnité légale de licenciement aux cas de départ volontaire à la retraite n'aurait aucun sens, dès lors que l'indemnité conventionnelle de l'article 22.3 est largement supérieure à celle prévue par la loi, mais systématiquement inférieure à l'indemnité légale de licenciement ;

- que le texte de l'article 22.5 de la convention collective se contente de renvoyer vers les minima légaux applicables respectivement en cas de départ à la retraite et en cas de mise à la retraite ;

- que son interprétation est partagée par les autres entreprises du secteur ;

- qu'à l'article 22.5, ni la présence de l'expression 'en tout état de cause'' ni l'emploi du pluriel s'agissant des indemnités ne permettent de conclure que les rédacteurs de l'article ont expressément voulu viser et l'indemnité de départ volontaire à la retraite et l'indemnité de mise à la retraite ;

- que, lors d'une récente réécriture de la convention collective signée le 19 avril 2022, les partenaires sociaux ont corrigé ce qui n'était qu'une maladresse de plume confirmant ainsi son interprétation.

Elle fait valoir :

- que la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation s'est réunie le 27 mars 2019 donnant lieu à un procès-verbal de non-conciliation ;

- que, si les rédacteurs de l'article 22.5 de la convention avaient souhaité appliquer le plancher de l'indemnité légale de licenciement, ils n'auraient pas conservé la référence aux indemnités 'prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la législation en vigueur' ;

- que, lorsqu'une convention collective n'est pas claire, elle doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte ;

- que le code du travail réserve l'application d'un montant plancher constitué par l'indemnité légale de licenciement aux cas de mise à la retraite par l'employeur ;

- que la réécriture de la convention collective au cours de l'année 2013 avait pour objectif de mettre en conformité les dispositions conventionnelles avec les dispositions légales.

Elle ajoute :

- que, si son ancien directeur paie et administration du personnel a fait référence dans un message électronique au calcul applicable en cas de mise à la retraite, il s'agissait d'une simple estimation qui n'avait pas valeur d'engagement, étant observé qu'une erreur n'est pas créatrice de droit ;

- que c'est à juste titre que l'indemnité de départ de M. [O] a été calculée à hauteur de 15 % de sa rémunération par année d'ancienneté, conformément aux dispositions conventionnelles applicables ;

- qu'aucun usage n'est établi par le salarié dont les allégations sont erronées ;

- que M. [O] n'apporte strictement aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination et plus largement d'une différence de traitement entre d'autres salariés placés dans une situation comparable et lui ;

- qu'elle a appliqué de bonne foi les dispositions légales et conventionnelles.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 1er septembre 2022, M. [R] [O] sollicite que la cour :

- dise que les dispositions de l'article 22.5 de la convention s'appliquent à l'indemnité de départ en retraite, que ce soit sur l'initiative de l'employeur ou du salarié ;

- confirme le jugement, en ce qu'il a condamné la société Havas voyages à lui payer la somme de 19 890,26 euros brut à titre d'indemnité de départ en retraite augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2018 et la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirme le jugement, en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts ;

- statuant à nouveau, condamne la société Havas voyages à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour traitement discriminatoire et manquement à l'obligation de loyauté issue du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;

- condamne la société Havas voyages à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il réplique :

- que la convention collective est dénuée de toute ambiguïté et que l'article 22.5 s'applique à la fois à l'indemnité de mise en retraite par l'employeur et à celle de départ en retraite sur l'initiative du salarié ;

- que ceci lui a été confirmé, le 13 avril 2018, par le directeur de la paie et administratif du personnel ;

- que l'article 22.5 dispose 'En tout état de cause', c'est-à-dire en cas de départ à la retraite comme de mise à la retraite, 'ces indemnités', c'est-à-dire les indemnités dans les deux cas ;

- que, jusqu'au mois de juin 2018, les salariés qui entendaient bénéficier d'un départ à la retraite obtenaient un montant d'indemnité correspondant à celui de l'indemnité de licenciement ;

- qu'il y avait usage au regard des critères de constance, de généralité et de fixité ;

- que la position du nouvel employeur consistant à supprimer arbitrairement un droit acquis aux salariés, de surcroît sans aucune justification légale, constitue un acte discriminatoire ;

- que la discrimination opérée constitue également un manquement à l'obligation de loyauté de l'employeur.

Il conteste que l'article 22.5 litigieux de la convention collective nécessite une interprétation et soutient que, si tel était le cas, il conviendrait alors d'interpréter pour que la phrase ait un sens et en faveur de celui qui contracte.

Il affirme :

- que l'attestation de M. [I] ne respecte pas le formalisme de l'article 202 du code de procédure civile et que les entreprises qui ont attesté en faveur de l'appelante ne sont pas indépendantes de celle-ci ;

- que les termes de la nouvelle convention collective et la position des autres employeurs importent peu ;

- que la section syndicale FO rejoint sa position.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 17 août 2022, le syndicat professionnel des entreprises du voyage sollicite que la cour :

- confirme le jugement, en ce que son intervention volontaire a été déclarée recevable;

- infirme le jugement, en ce qu'il a jugé que les dispositions de l'article 22.5 de la convention collective des agences de voyages et de tourisme s'appliquent à l'indemnité départ en retraite, que ce soit sur l'initiative de l'employeur ou du salarié ;

statuant à nouveau,

- juge que la sous-clause 22.5 de l'article 22 de la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyages et de tourisme ne s'applique que si la mise à la retraite est sur l'initiative de l'employeur - et non en cas de départ à la retraite sur l'initiative du salarié ;

- rejette les autres demandes de M. [O] ;

- condamne M. [O] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

- que le contentieux de l'interprétation des conventions et accords collectifs du travail touche à l'intérêt collectif de la profession ;

- qu'il intervient pour démontrer que la sous-clause 22.5 ne s'applique qu'à la sous-clause 22.4 qui évoque le montant des indemnités uniquement lorsque la retraite du salarié est intervenue sur l'initiative de l'employeur ;

- que le salarié appuie sa demande sur l'usage pour en tirer une interprétation nationale, alors que cet usage n'a jamais existé chez aucune autre entreprise appliquant la même convention collective.

Il souligne :

- que la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation s'est mise en 'partage des voix de non-conciliation' ;

- que les rédacteurs de l'article 22.3 de la convention, après avoir indiqué que l'indemnité de départ à la retraite sur l'initiative du salarié était fixée à 15 % par année d'ancienneté, ne peuvent pas avoir prévu à l'article 22.5 qu'elle ne serait jamais inférieure à 20% par référence à l'indemnité légale de licenciement ;

- qu'une erreur commise par un 'RDH' de chez Havas ne doit pas se transformer en interprétation nationale d'une disposition conventionnelle ;

- que l'erreur n'est jamais créatrice de droit en matière d'interprétation d'une convention collective ;

- que l'employeur a ensuite écrit à l'appelant pour l'avertir de l'erreur commise ;

- que M. [O] est dans l'incapacité d'établir l'existence d'un usage.

Il affirme :

- qu'à supposer que la disposition litigieuse manque de clarté, il y aurait lieu à interprétation selon la méthodologie posée par la Cour de cassation dans son arrêt du 25 mars 2020 (et non selon le principe de faveur, le doute ne devant pas profiter au salarié) ;

- que, si une disposition conventionnelle manque de clarté, elle doit être interprétée comme la loi;

- que le nouvel article 22 de 2013 s'est substitué à l'ancien article 21 en prévoyant deux indemnités différentes pour se conformer à la loi et n'a réservé la comparaison avec l'indemnité de licenciement qu'à l'indemnité de mise à la retraite par l'employeur ;

- que la volonté des négociateurs lors de la réécriture de la convention collective nationale du personnel des agences de voyages et de tourisme au cours de l'année 2013 a été de mettre en conformité cette convention avec les dispositions législatives, comme cela a été clairement écrit en son temps entre le syndicat professionnel et les organisations syndicales ;

- que l'objectif social était de modifier l'ancien texte et d'instaurer une différence entre les deux indemnités ;

- qu'en cas de départ volontaire à la retraite, les négociateurs ont conféré une indemnité conventionnelle plus favorable au salarié que l'article D. 1237-1 du code du travail.

Il ajoute :

- que, depuis l'année 2013, il n'y a jamais eu de problème d'interprétation de la disposition, tous les acteurs du tourisme et les agences de voyages ayant toujours appliqué 15 % par année d'ancienneté, en cas de départ à la retraite sur l'initiative du salarié ;

- que l'absence de doute est confirmée par la nouvelle convention collective du 19 avril 2022.

Par ordonnance du 8 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.

MOTIVATION

A titre liminaire, aucune des parties ne sollicitant l'infirmation du jugement, en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat patronal professionnel des entreprises du voyage, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point en cause d'appel.

Sur le solde de l'indemnité de départ à la retraite

L'article L. 1237-7 du code du travail dispose que la mise à la retraite d'un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

L'article L. 1237-9 du même code ajoute que tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite et que le taux de cette indemnité varie en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, les modalités de calcul étant fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement.

L'article D. 1237-1 précise le taux et les modalités de calcul de cette indemnité.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que la convention collective nationale du travail du personnel des agences de voyages et de tourisme du 12 mars 1993, dans sa version réécrite par avenant du 10 décembre 2013, est applicable.

L'article 22 relatif aux indemnités de départ à la retraite précise que :

'22.1. Au moment de son départ à la retraite, dans les conditions fixées à l'article précédent, le salarié recevra une indemnité de départ à la retraite en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, telle que définie à l'article 31 de la présente convention collective.

22. 2. L'indemnité de départ en retraite se calcule sur la base de 1/12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le départ en retraite ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, 1/3 des 3 derniers mois, étant entendu que, dans tous les cas, tous les éléments de rémunération confondus sont pris en compte, qu'ils soient réguliers ou non, obligatoires ou non.

22.3. En cas de départ à la retraite à la demande du salarié, le montant de cette indemnité est égal, par année d'ancienneté, à 15 % de sa rémunération telle que définie ci-dessus.

22.4. En cas de départ à la retraite à la demande de l'employeur, le montant de cette indemnité est égal, par année d'ancienneté, à 20% de sa rémunération telle que définie ci-dessus pour les 10 premières années d'ancienneté et à 35 % pour les années suivantes.

22.5. En tout état de cause, ces indemnités ne pourront être inférieures à celles prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la législation en vigueur et ne pourront donc pas être inférieures à l'indemnité légale de licenciement'.

M. [O] est parti volontairement à la retraite, de sorte que l'article 22.3 lui est applicable, le débat portant sur l'articulation entre cet article et l'article 22.5, plus précisément sur le point de savoir si l'indemnité de départ volontaire à la retraite doit, comme c'est le cas pour l'indemnité de mise à la retraite à la demande de l'employeur, être au moins équivalente au montant de l'indemnité légale de licenciement de l'article L. 1234-9 du code du travail.

Dans un message électronique du 13 avril 2018 (pièce n° 15 de l'intimé), M. [B] [I], directeur de la paie et de l'administration du personnel, informait M. [O] du montant de l'indemnité de départ volontaire à la retraite, à savoir un quart de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans, ce qui correspondait aux modalités de calcul de l'indemnité de licenciement conformément aux articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail. Puis, Mme [F] [N], responsable de la paie, concluait dans un message électronique à une erreur (pièce n° 15 de l'appelante). Dans un courrier du 1er octobre 2018, la direction des ressources humaines confirmait sa position 'visant à faire application de l'article 22.3 de notre convention collective, prévoyant une indemnité relative à 15 % de votre salaire moyen multiplié par votre nombre d'années d'ancienneté'.

Interrogée par le syndicat FO notamment sur l'interprétation à donner à l'article 22.5 de la convention collective concernant les indemnités minimales de départ à la retraite, la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation a établi le 27 mai 2019 un procès-verbal de non-conciliation.

Les parties au présent litige ont versé aux débats plusieurs décisions prud'homales qui ont abouti, s'agissant d'autres salariés que M. [O], à des interprétations divergentes, certaines estimant que l'indemnité de départ volontaire à la retraite devait être calculée selon les modalités de l'article 22.3 de la convention collective, d'autres que ladite indemnité ne pouvait être inférieure au montant de l'indemnité légale de licenciement.

Il ressort de ces éléments que les dispositions litigieuses de la convention collective manquent de clarté et doivent être interprétées.

Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte (jurisprudence: Cour de cassation, chambre sociale, 25 mars 2020, 18-12.467).

En l'espèce, l'article 22.5 de la convention collective, dans sa version issue de la réécriture opérée par avenant du 10 décembre 2013, est placé après les articles 22.3 et 22.4 relatifs respectivement au calcul de l'indemnité de départ volontaire à la retraite et au calcul de l'indemnité de mise à la retraite sur l'initiative de l'employeur. La formulation de l'article 22.5, notamment son début 'En tout état de cause, ces indemnités', va dans le sens de l'interprétation de M. [O], selon laquelle l'indemnité de départ volontaire à la retraite ne peut pas être inférieure à l'indemnité légale de licenciement.

Toutefois, une telle interprétation ferait perdre toute effectivité à l'article 22.3, dans la mesure où les modalités de calcul qui y sont détaillées aboutissent à un montant nécessairement plus faible que celui de l'indemnité légale de licenciement.

Par ailleurs, l'article 22.5 contient une contradiction interne, en ce qu'il ne peut pas découler de 'ces indemnités ne pourront être inférieures à celles prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la législation en vigueur' qu'elles 'ne pourront donc pas être inférieures à l'indemnité légale de licenciement'. En effet, s'agissant de l'indemnité volontaire de départ à la retraite, le minimum prévu par la législation en vigueur n'est pas le montant de l'indemnité légale de licenciement, mais celui découlant de l'article D. 1237-1 du code du travail :

'Le taux de l'indemnité de départ en retraite prévue à l'article L. 1237-9 est au moins égal à :

1° Un demi-mois de salaire après dix ans d'ancienneté ;

2° Un mois de salaire après quinze ans d'ancienneté ;

3° Un mois et demi de salaire après vingt ans d'ancienneté ;

4° Deux mois de salaire après trente ans d'ancienneté.'

Aucune interprétation satisfaisante n'étant possible à l'examen de la lettre de l'article 22 litigieux de la convention collective, il convient de se reporter au texte législatif ayant le même objet.

Le code du travail prévoit deux régimes :

- le départ volontaire à la retraite qui est défini à l'article L. 1237-9 et qui ouvre droit à une indemnité dont les modalités de calcul sont détaillées à l'article D. 1237-1 rappelé ci-dessus ;

- la mise à la retraite sur l'initiative de l'employeur dont l'article L. 1237-7 précise qu'elle donne lieu à une indemnité 'au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9".

Cette distinction est conforme à l'interprétation des dispositions litigieuses de la convention collective par la société Havas voyages et le syndicat professionnel.

Au demeurant, la recherche de l'objet social de la convention collective conforte elle aussi la position de l'employeur.

En effet, il n'est pas contesté que, dans sa version antérieure à la réécriture opérée par l'avenant du 10 décembre 2013, l'article 22 ne distinguait pas clairement le calcul de chacun des deux cas d'indemnité de départ à la retraite (sur l'initiative de l'employeur et à la demande du salarié).

Il ressort d'un courrier du 30 juillet 2012 adressé par l'organisation nationale des professionnels du voyage aux organisations syndicales que les travaux de réécriture auraient pour objectif 'de mettre le texte conventionnel en conformité avec les dispositions légales d'aujourd'hui, de revoir certaines dispositions et d'en introduire de nouvelles'.

L'avenant du 10 décembre 2013 a donc, à l'instar du code du travail, opéré une distinction entre les deux indemnités. Mais aucun élément concret ne montre que les partenaires sociaux entendaient augmenter significativement le montant de l'indemnité en cas de départ volontaire à la retraite, en prévoyant qu'elle ne pourrait pas être inférieure à l'indemnité légale de licenciement.

La convention collective, dans sa version du 19 avril 2022, a finalement levé toute ambiguïté en stipulant que :

'En cas de départ en retraite à la demande du salarié, le montant de cette indemnité est égal, par année d'ancienneté, à 15% de sa rémunération telle que définie ci-dessus.

En cas de départ à la retraite à la demande de l'employeur, le montant de cette indemnité est égal, par année d'ancienneté, à 25 % de sa rémunération telle que définie ci-dessus pour les 10 premières années d'ancienneté et à 35% pour les années suivantes. Cette indemnité ne pourra être inférieure à celle prescrite en cas de rupture du contrat de travail par la législation en vigueur et ne pourra donc pas être inférieure à l'indemnité légale de licenciement'.

En définitive, après application de la méthode d'interprétation aux articles 22.3 à 22.5 de la convention collective de travail du personnel des agences de voyages et du tourisme du 12 mars 1993 (réécrite par avenant du 10 décembre 2013), il y a lieu de dire que l'indemnité de départ volontaire à la retraite de M. [O] devait être calculée, comme l'a fait l'employeur, conformément aux modalités de l'article 22.3, sans référence à l'indemnité légale de licenciement.

Par ailleurs, M. [O] n'établit pas l'existence d'un usage d'entreprise, faute de démontrer que les conditions de généralité et de constance étaient remplies, c'est-à-dire que toute personne de l'entreprise partant volontairement en retraite percevait à l'époque, à titre d'indemnité, un montant au moins équivalent à l'indemnité légale de licenciement.

Il précise le nom de six salariés sur une zone géographique étendue et verse aux débats un courrier du 31 août 2018 (sa pièce n° 17) de la section syndicale SNEPAT-FO à l'employeur précisant que :

' (...) Nous nous étonnons de la non application de l'article 22-5 de la Convention collective des agences de voyages dans le cas de ces deux salariés alors que celui-ci a toujours été appliqué dans l'entreprise avant le 1/07/2018. Le calcul des indemnités de départ à la retraite le plus favorable entre l'article 22.3 et l'article 22.5 étant pris d'autant plus que c'est cette méthode qui avait été communiquée aux salariés. (...)'

M. [O] ne produit toutefois aucun élément ni sur l'identité des salariés concernés par la lettre de FO ni sur la situation exacte de ceux-ci et des six collègues qu'il nomme.

L'attestation Pôle emploi versée aux débats (pièce n° 22) est à cet égard indifférente, ne concernant qu'une seule personne, Mme [K] [X].

Au surplus, la société Havas voyages rappelle, à juste titre, que l'erreur ne permet pas la création d'un usage.

Elle produit, à ce sujet, l'attestation de M. [I] -directeur paie entre les mois de janvier 2015 et avril 2018- qui n'est pas écrite, mais dactylographiée, contrairement au formalisme de l'article 202 du code de procédure civile.

Pour autant, rien ne permet de douter de la sincérité de ce document signé par son auteur qui indique que : ' (...) Les salariés partis pour motif de départ à la retraite volontaire ont bénéficié de l'indemnité de rupture représentant 15 % par année d'ancienneté. Cette indemnité de rupture a été soumise à cotisations fiscales et sociales. S'il devait s'avérer qu'un de ces salariés auraient pu bénéficier d'une indemnité de départ différente de 15 % par année, cela ne pourrait être que le fruit d'une erreur du service paie'.

En conséquence, la demande de M. [O] de rappel d'indemnité de départ volontaire à la retraite est rejetée, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les dommages-intérêts

M. [O] ne précise pas le motif discriminatoire dont il aurait été victime, au regard de la liste de l'article L. 1132-1 du code du travail.

Au demeurant, il ne présente pas, comme l'exige l'article L. 1134-1 du même code, des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Par ailleurs, en l'absence de faute commise par la société Havas voyages et de préjudice subi, M. [O] est débouté de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

En conséquence, le jugement est confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement est infirmé, en ce qu'il a condamné la société Havas voyages aux dépens de première instance, ainsi qu'à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties sont déboutées de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat patronal professionnel national des entreprises du voyage et rejeté la demande de dommages-intérêts de M. [R] [O] ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande de M. [R] [O] de solde d'indemnité de départ volontaire à la retraite ;

Rejette les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01142
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;20.01142 ?
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