Arrêt n° 23/00337
20 juin 2023
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N° RG 21/00330 -
N° Portalis DBVS-V-B7F-FNUV
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH
11 janvier 2021
19/00276
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Vingt juin deux mille vingt trois
APPELANTE :
Mme [G] [Y]
[Adresse 1]
Représentée par Me Florent KAHN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
ASSOCIATION DES OEUVRES EN FAVEUR DES PERSONNES AGEES OU HANDICAPEES DU SECTEUR DE FREYMING-MERLEBACH (A.O.F.P.A.H.) prise en son établissement Maison de Retraite [5] [Adresse 2] [Localité 4] et en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
Représentée par Me Luc STROHL, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Mme Anne FABERT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [G] [Y] a été embauchée par l'Association des oeuvres en faveur des personnes âgées ou handicapées (AOFPAH) du secteur de [Localité 4] à compter du 1er septembre 2011 en contrat à durée déterminée, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2013, en qualité d'aide-soignante, promue au poste de responsable logistique niveau 1.
A la suite d'un incident survenu le 28 septembre 2017, la salariée a été en arrêt de travail pour 'syndrome dépressif réactionnel'.
Le 5 novembre 2018, lors d'une visite à la demande, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude et conclu 'L'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise'.
Par lettre du 26 novembre 2018, Mme [Y] a été licenciée pour inaptitude et dispense de reclassement.
Estimant notamment avoir été victime de harcèlement moral et d'un manquement de l'employeur tant à l'obligation de sécurité qu'à celle de reclassement, Mme [Y] a saisi, par courrier posté le 4 septembre 2019, la juridiction prud'homale.
Par jugement contradictoire du 11 janvier 2021 assorti de l'exécution provisoire, la formation paritaire de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Forbach a :
- débouté Mme [Y] de sa demande de remise par l'association du rapport et des conclusions de l'audit réalisé, au cours de l'année 2018, au sein de l'AOFPAH du secteur de [Localité 4] sur le thème 'Réalisation d'un diagnostic de l'organisation au sein de l'EHPAD Ste-Elisabeth';
- débouté Mme [Y] de sa demande de remise par l'association des procès-verbaux du CHSCT des 15 mai 2018 et 02 août 2018 ;
- débouté Mme [Y] de sa demande d'astreinte définitive de 500 euros par jour de retard dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision, en se réservant le droit de liquider l'astreinte ;
- déclaré les demandes de Mme [Y] recevables et partiellement fondées ;
- débouté Mme [Y] de sa demande de constat d'absence de recherches sérieuses et loyales de reclassement ;
- dit que Mme [Y] a été victime de man'uvres de harcèlement moral ;
- dit que l'AOFPAH du secteur de [Localité 4] a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [Y] ;
- dit que la maladie et l'inaptitude de Mme [Y] ont une origine professionnelle ;
- condamné l'association des 'uvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] à payer à Mme [Y] la somme de 4 007,50 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement ;
- condamné l'association des 'uvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] à payer à Mme [Y] la somme de 152,47 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement ;
- condamné l'association des 'uvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] à payer à Mme [Y] la somme de 4 434,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- débouté Mme [Y] de sa demande de paiement de 26 605,80 euros de dommages-intérêts en raison du licenciement nul (à titre principal) ou sans cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire);
- condamné l'association des 'uvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] à payer à Mme [Y] la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, en raison du harcèlement et du manquement à l'obligation de sécurité ;
- condamné l'association des 'uvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] à payer à Mme [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Mme [Y] de sa demande de condamnation à une astreinte, ainsi que de la réserve du droit à liquider cette dernière ;
- condamné l'association des 'uvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] à délivrer les documents modifiés suivants à Mme [Y] : le solde de tout compte, l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail, la fiche de paie du mois de novembre 2018 et ce dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement ;
- dit que l'ensemble des sommes produiraient intérêts au taux légal depuis la date d'introduction de la procédure, soit le 5 septembre 2019 ;
- débouté l'association des oeuvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur [Localité 4] de sa demande de paiement de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'association des 'uvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] aux frais et dépens de l'instance et d'exécution.
Le 8 février 2021, Mme [Y] a interjeté appel du jugement par voie électronique.
Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 20 octobre 2021, Mme [Y] requiert la cour :
Avant dire droit, à titre d'instruction,
- d'ordonner la remise par l'association du rapport et des conclusions de l'audit réalisé au cours de l'année 2018 au sein de l'association des oeuvres en faveur des personnes
âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] sur le thème
'Réalisation d'un diagnostic de l'organisation au sein de l'EHPAD [5];
- d'ordonner la remise par l'association des PV de CHSCT des 15 mai 2018 et 2 août 2018 ;
- d'assortir cette obligation d'une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard dans un délai de 8 jours à condamner de la notification de la décision l'ordonnant et de se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte ;
Au fond,
- de déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;
- de constater l'absence de recherches sérieuses et loyales de reclassement ;
- de dire qu'elle a été victime de man'uvres de harcèlement moral ;
- de dire que l'association des oeuvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] a manqué à son obligation de sécurité à son égard;
- de dire que sa maladie et son inaptitude ont une origine professionnelle ;
- de condamner l'association des oeuvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] à lui payer les sommes suivantes :
* 4.007,50 euros d'indemnité spéciale de licenciement ;
* 152,47 euros de solde d'indemnité de licenciement ;
* 4.434,30 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;
* 26 605,80 euros de dommages-intérêts en raison du licenciement nul (à titre principal) ou sans cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire) ;
* 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral en raison du harcèlement et du manquement à l'obligation de sécurité ;
* 3.111,14 euros net de rappel de salaire pour la période du 29 mai 2018 au 26 novembre 2018 ;
* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- de condamner la 'société' à la délivrance, sous astreinte définitive de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de 5 jours courant à partir de la notification de la décision à intervenir des documents suivants, établis conformément 'au jugement à intervenir' : solde de tout compte, attestation Pôle emploi, certificat de travail et fiche de paye du mois de novembre 2018,
- de se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte ;
- de dire que l'ensemble des sommes produiront intérêts au taux légal depuis la date d'introduction de la demande.
Elle expose, en substance :
- que l'employeur n'a effectué aucune recherche de reclassement et a estimé à tort se trouver dans le cas de dispense prévu par la loi, de sorte que la recherche de reclassement a été nécessairement déloyale, ce qui emporte requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- qu'elle a été victime de manoeuvres de harcèlement moral de la part de la direction, ce qui a mené à sa dépression et à son inaptitude ;
- qu'à tout le moins, sa direction n'ayant pas pris toutes les mesures pour préserver sa santé et sa sécurité, son inaptitude est d'origine professionnelle ;
- que l'employeur, qui prétend ne pas être resté inerte, ne produit aucune des conclusions des enquêtes, audits, auditions,... ;
- que son inaptitude a été causée, au moins partiellement, par une entrevue au mois de septembre 2017 avec sa directrice ;
- que la maladie ayant mené à son inaptitude -et qu'elle avait déclaré comme accident du travail- n'a pas été reconnue d'origine professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie, les conditions administratives n'étant pas remplies, étant ajouté qu'un recours a été introduit devant le pôle social du tribunal judiciaire ;
- que cette situation n'empêche nullement l'application de la législation spécifique aux maladies/accidents ayant une origine professionnelle ;
- qu'elle est en droit de réclamer l'indemnité de perte de salaire, en raison de son placement en arrêt maladie.
Par ordonnance du 15 février 2022 statuant sur incident, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions établies le 22 juillet 2021 par l'association des oeuvres en faveur des personnes âgées ou handicapées du secteur de [Localité 4] et réservé les dépens.
Le 7 juin 2022, ce même magistrat a ordonné la clôture de l'instruction.
MOTIVATION
L'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par la juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Il ressort des alinéas 1,2,3 et 5 de l'article 954 du même code que :
- les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ;
- les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens, ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions ;
- la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;
- la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
Les avocats des parties sont ainsi tenus, dans le dispositif de leurs conclusions, de demander d'abord l'infirmation ou la réformation du jugement, ou encore son annulation, puis d'exposer leurs prétentions au fond.
A défaut de conclusions sollicitant d'abord l'infirmation de la décision dont appel, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement qui lui est déféré.
L'application de cette solution doit être différée, au regard des exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, aux instances d'appel introduites postérieurement au 17 septembre 2020 (jurisprudence : Cour de cassation, 2è civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626).
En l'espèce, Mme [Y] a interjeté appel le 8 février 2021, donc postérieurement au 17 septembre 2020.
Ses premières conclusions d'appel transmises le 8 mai 2021 demandaient à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement et, à titre subsidiaire, l'infirmation du jugement, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de l'association à lui régler des dommages-intérêts en raison de son licenciement nul (subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse) et en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts pour harcèlement moral à 7 500 euros.
Mme [Y] ne sollicitant plus, dans le dispositif de ses dernières conclusions au fond transmises par voie électronique le 20 octobre 2021, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour soulève d'office le moyen tiré du caractère non soutenu de l'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats dans cette seule limite et d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Soulève d'office le moyen tiré du caractère non soutenu de l'appel, en ce que Mme [G] [Y] ne demande, dans le dispositif de ses dernières conclusions d'appel, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement ;
Ordonne la réouverture des débats dans cette seule limite ;
Invite les parties à faire valoir leurs observations avant le 31 octobre 2023 sur le moyen soulevé d'office ;
Rappelle l'affaire à l'audience au fond tenue en formation de conseiller rapporteur le mardi 21 novembre 2023 à 14h00, le présent arrêt valant convocation;
Réserve la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
La Greffière, La Présidente de chambre,