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28/03/2023 | FRANCE | N°21/01301

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 28 mars 2023, 21/01301


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/01301 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FQCX

Minute n° 23/00071





[A] NEE [F]

C/

[R]









Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 10 Mars 2021, enregistrée sous le n° 18/03094





COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 28 MARS 2023









APPELANTE :



Madame [D] [F] épouse [A]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ









INTIMÉE :



Madame [E] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Patrick VANMANSART, avocat au bar...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/01301 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FQCX

Minute n° 23/00071

[A] NEE [F]

C/

[R]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 10 Mars 2021, enregistrée sous le n° 18/03094

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 MARS 2023

APPELANTE :

Madame [D] [F] épouse [A]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Madame [E] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 13 Décembre 2022 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 28 Mars 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère

Mme FOURNEL, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 23 septembre 2016, Mme [E] [R] a vendu à Mme [D] [F] épouse [A] un studio de 22 m2 situé au [Adresse 2] à [Localité 6], pour un prix de 32 500 euros.

Mme [A] a donné le bien à bail selon contrat du 17 octobre 2016 mais les locataires ne sont restés que deux mois. Suite au départ de ces derniers, Mme [A] a fait établir un constat d'huissier le 27 décembre 2016 qui a révélé la présence de traces de moisissure sur les murs et plafonds du studio.

Par courrier du 17 février 2017, Mme [A] a sollicité Mme [R] afin d'envisager une résolution amiable de la vente.

Aucun accord n'a été trouvé.

Par ordonnance du 04 juillet 2017, le président du tribunal de grande instance de Metz statuant en référé et saisi par Mme [A] a ordonné une expertise judiciaire afin de déterminer l'origine des désordres et il a confié cette mission à M. [Z]. Suivant ordonnance de référé du 3 avril 2018, les opérations d'expertise ont été étendues à la SARL Ideal Profil, installateur des fenêtres et à la société MMA Iard Assurances Mutuelles, assureur de cette entreprise.

M. [Z] a déposé son rapport le 11 décembre 2018.

Par acte d'huissier du 20 septembre 2018, Mme [A] a fait assigner Mme [R] devant le tribunal de grande instance de Metz afin d'obtenir la résolution de la vente et la réparation de ses préjudices.

Par jugement du 10 mars 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'action rédhibitoire soulevée par Mme [R];

déclaré en conséquence Mme [F] épouse [A] recevable en son action ;

débouté Mme [F] épouse [A] de l'ensemble de ses demandes ;

rejeté la demande de Mme [F] épouse [A] en indemnisation pour résistance abusive ;

rejeté la demande de Mme [R] en indemnisation pour procédure abusive ;

rejeté la demande formée par Mme [F] épouse [A] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [F] épouse [A] à payer à Mme [R] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [F] épouse [A] aux dépens ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Sur l'exception d'irrecevabilité, le tribunal a relevé que la défenderesse ne développait aucun moyen d'irrecevabilité puisque l'ensemble des moyens développés au soutien de son argumentation relevaient de moyens de défense au fond.

Le tribunal a aussi relevé que Mme [A] sollicitait dans le corps de ses écritures de voir écarter des débats les conclusions de l'expert judiciaire et l'attestation dressée par Mme [N], sans toutefois reprendre ces prétentions dans le dispositif de ses dernières conclusions, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ces demandes, conformément à l'article 768 du code de procédure civile.

Sur l'action en garantie des vices cachés, le tribunal a retenu que l'existence de vices cachés au sens des dispositions de l'article 1641 du code civil n'était pas établie et il a donc rejeté toutes les demandes d'indemnisation de Mme [A].

Sur la demande en indemnisation pour procédure abusive formée par Mme [R], le tribunal a retenu que le seul fait de succomber en ses demandes n'était pas de nature à caractériser un abus du droit d'ester en justice de la part de Mme [A].

Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour le 25 mai 2021, Mme [A] a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Metz aux fins d'annulation et subsidiairement d'infirmation du jugement du 10 mars 2021 en ce qu'il a débouté Mme [A] de ses demandes tendant à voir : - prononcer la résiliation de la vente du 23 septembre 2016; - condamner Mme [R] à rembourser à Mme [A] la somme de 36 060,75 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 07 juillet 2017 et subsidiairement à compter de l'assignation ; - condamner Mme [R] à rembourser à Mme [A] la somme de 1 263,11 euros au titre des frais engagées ; - dire et juger que Mme [R] devra rembourser les frais exposés postérieurement à l'assignation (EDF-assurance,etc') ; - condamner Mme [R] à payer à Mme [A] la somme de 6 450 euros au titre des pertes de loyer pour la période du 15 décembre 2016 au 30 septembre 2018 ; - fixer la perte locative pour la période postérieure au 1er octobre 2018 à la somme de 300 euros par mois et dire que cette somme sera due jusqu'à exécution intégrale de la décision à intervenir ; - condamner Mme [R] aux paiements d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'une autre somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; - ordonner la retranscription du jugement à intervenir au livre foncier après justification de l'exécution intégrale de la décision ; - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - condamner Mme [R] en tous les frais et dépens y compris ceux de la procédure de référé expertise n°17/00200. L'infirmation du jugement est également poursuivie en ce que Mme [F] épouse [A] a été condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 08 novembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [A] demande à la cour de :

recevoir l'appel de Mme [A] et le dire bien fondé ;

infirmer le jugement entrepris en date du 10 mars 2021 en ce qu'il a :

débouté Mme [A] de ses demandes tendant à voir prononcer la résolution de la vente conclue en date du 23 septembre 2016 et condamner Mme [R] à lui rembourser la somme de 36 060,75 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 07 juillet 2017, et subsidiairement à compter de l'assignation, lui rembourser la somme de 1 263,11 euros au titre des frais engagées et la somme de 291 euros correspondant à la taxe foncière et à la taxe d'habitation 2018, lui rembourser tous les frais exposés postérieurement à l'assignation, lui payer la somme de 10 650 euros au titre des pertes de loyers pour la période du 15 décembre 2016 au 31 août 2019 outre 300 euros par mois à compter du 1er septembre 2019, lui payer une somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre les frais et dépens y compris ceux de la procédure de référé expertise n°17/00200 ;

débouté Mme [A] de sa demande tendant à voir ordonner sa retranscription au livre foncier après justification de l'exécution intégrale de la décision ;

condamné Mme [A] à payer à Mme [R] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Et statuant à nouveau de ces chefs,

juger que l'expertise judiciaire [Z] est nulle ;

En conséquence,

ordonner avant-dire droit, une nouvelle expertise judiciaire ;

désigner à cette fin tel expert qu'il plaira à la cour de nommer ;

subsidiairement, ordonner une contre-expertise judiciaire ;

désigner à cette fin tel expert qu'il plaira à la cour de nommer avec les mêmes missions que celles susvisées;

réserver à Mme [A] de conclure plus amplement après dépôt du rapport d'expertise;

En tout état de cause,

juger que les désordres résultent de la non-isolation du mur et de la ventilation non conforme du studio,

juger que ces vices présentent les caractères d'un vice caché au sens des articles 1641 et suivants du code civil ;

Et ce faisant,

prononcer la résolution de la vente reçue par les soins de M. [L], notaire, le 23 septembre 2016 ;

condamner Mme [R] à payer à Mme [A] la somme de 7 039,82 euros au titre des frais engagés et la somme de 22 350 euros au titre des pertes de loyer pour la période du 15 décembre 2016 au 30 novembre 2022 outre 300 euros par mois à compter du 1er décembre 2022 et ce , jusqu'à exécution intégrale de l'arrêt à intervenir;

Subsidiairement,

juger que Mme [R] a commis une réticence dolosive ;

en conséquence, juger que la vente reçue par les soins de M. [L], notaire, le 23 septembre 2016 est nulle;

Et ce faisant,

condamner Mme [R] à payer à Mme [A] la somme de 36 060,75 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande ;

condamner Mme [R] à payer à Mme [A] la somme de 7 039,82 euros au titre des frais engagés et la somme de 22 350 euros au titre des pertes de loyer pour la période du 15 décembre 2016 au 30 novembre 2022 outre 300 euros par mois à compter du 1er décembre 2022 et ce, jusqu'à exécution intégrale de l'arrêt à intervenir;

Plus subsidiairement encore,

juger que Mme [R] a manqué à son devoir de loyauté dans l'exécution du contrat ;

en conséquence, condamner Mme [R] à payer à Mme [A] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts : 10 818,22 euros à défaut de résolution ou d'annulation de la vente, outre la somme de 7 039,82 euros au titre des frais engagés et la somme de 22 350 euros au titre des pertes de loyer pour la période du 15 décembre 2016 au 30 novembre 2022 outre 300 euros par mois à compter du 1er décembre 2022 et ce jusqu'à exécution intégrale de l'arrêt à intervenir ;

À titre infiniment subsidiaire,

à défaut de résolution ou d'annulation de la vente, juger que Mme [A] est fondée à exercer l'action estimatoire et à obtenir restitution partielle du prix de vente correspondant au coût des travaux de réfection et de remise en état ;

réserver à Mme [A] de chiffrer sa demande après dépôt du rapport d'expertise ;

En tout état de cause,

rejeter l'ensemble des demandes de Mme [R] ;

condamner Mme [R] en tous les frais et dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la régularité de l'expertise judiciaire, Mme [A] expose que pour justifier de son inscription au tableau, l'expert doit exercer son activité professionnelle principale dans le ressort de la cour et ce, en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 23 décembre 2004 n° D 2004-1463.

L'appelante estime que cette condition n'était pas remplie au moment de la désignation de l'expert judiciaire M. [Z], que dès lors l'expertise réalisée est nulle.

Subsidiairement sur la nécessité impérieuse d'une contre-expertise, l'appelante fait valoir que le rapport [Z] comporte de nombreuses incohérences. Elle expose avoir fait diligenter deux expertises privées circonstanciées et documentées qui remettent en cause l'analyse de l'expert judiciaire sur l'imputation des désordres aux occupants du logement.

Sur sa demande en résolution de la vente fondée sur les vices cachés, Mme [A] estime que le tribunal s'est trompé puisque son raisonnement n'est fondé que sur le rapport de l'expert [Z] dont les conclusions sont erronées. Elle indique qu'en concluant que les traces de moisissure étaient dues à des problèmes de condensation, l'expert ne pouvait que reconnaître implicitement mais nécessairement la présence d'humidité, or tel n'est pas le cas en l'espèce et la thèse de l'expert [Z] est fermement écartée par les experts privés [I] et [C].

L'appelante fait valoir que M. [I] a réalisé des mesures thermiques avec une caméra et a constaté des écarts de températures sur les différents murs du fait de l'absence d'isolation, alors que les règles de l'art et la documentation technique insistent sur la nécessité de réaliser une isolation, non pas sur un mur d'une pièce mais sur l'ensemble des murs et ce, afin d'éviter les ponts thermiques. Elle ajoute que la ventilation n'est pas conforme aux arrêtés du 22 octobre 1969 et du 3 septembre 2013 et que selon l'expert [C], l'installation de la ventilation de l'appartement n'est pas conforme à la réglementation applicable et est à l'origine des moisissures sur la paroi non isolée de la pièce principale.

Mme [A] souligne que les deux expert [I] et [C] imputent les désordres respectivement à la ventilation non-conforme de l'appartement au regard des règles applicables en la matière et à l'absence d'isolation du mur, de sorte que les désordres constituent un vice caché au sens des articles 1641 et suivants du code civil. Elle ajoute que les vices sont inhérents à la chose vendue puisque relatifs à la non-isolation du mur de l'appartement dont Mme [A] s'est portée acquéreur et qu'il en va de même pour la ventilation du studio, qu'ils sont graves et rendent la chose impropre à son usage et cachés puisqu'ils étaient inconnus de l'acheteur avant les opérations d'expertise [Z] et l'aveu de la venderesse s'agissant de l'absence d'isolation du mur. Elle soutient qu'en tant que profane, elle ne pouvait avoir connaissance des normes applicables s'agissant de la ventilation. Elle en déduit que la résolution de la vente s'impose et qu'elle est fondée à porter en compte les pertes de loyer qu'elle subit pour la période du 15 décembre 2016 au 30 novembre 2022 dont le montant total s'élève à 22 350 euros.

Subsidiairement sur la réticence dolosive, Mme [A] expose avoir fait l'objet d'une tromperie puisque l'acte notarié stipulait expressément en page 12, sur les dispositions relatives à la construction, l'absence d'opérations de construction depuis dix ans. Elle en déduit qu'une rénovation complète du studio lui a été cachée, qui plus est réalisée sans facture la privant de toute garantie décennale ce qu'elle n'a appris que lors des opérations d'expertise réalisées par l'expert [Z].

Elle rappelle que constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie, qu'en l'espèce si Mme [A] avait eu connaissance de ces travaux, elle n'aurait pas acheté ce studio en l'absence de garantie de sorte que la réticence dolosive a bien été déterminante dans son consentement et que l'annulation de la vente est donc encourue de ce chef.

Plus subsidiairement sur le manquement à l'obligation générale de loyauté, l'appelante fait valoir que la venderesse a manifestement manqué à son devoir dans l'exécution de bonne foi du contrat régi par l'alinéa 3 de l'article 1134 du code civil, en commettant une réticence dolosive en violation pure et simple du contrat de vente notarié. Elle soutient que des dommages et intérêts doivent lui être accordés à ce titre, à hauteur de 30 % de ce qu'elle réclame au titre de la résolution de la vente, soit une somme de 10 818,22 euros à laquelle vient s'ajouter la somme de 7 039,82 euros au titre des frais engagés.

Enfin, à titre infiniment subsidiaire sur l'action estimatoire, l'appelante expose qu'à défaut de résolution ou d'annulation de la vente, Mme [A] est à tout le moins fondée à exercer l'action estimatoire des articles 1641 et suivants du code civil et obtenir ainsi la réduction du prix correspondant au coût de travaux nécessaires pour remédier aux désordres et à la remise en état des lieux, ce qui justifie de plus fort l'organisation d'une nouvelle expertise en vue de les chiffrer.

Par conclusions déposées le 9 septembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l'intimée Mme [R] demande à la cour de :

déclarer l'appel mal fondé et le rejeter ;

confirmer le jugement entrepris et débouter Mme [A] de toutes ses demandes ;

la condamner aux entiers dépens outre le paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la nullité de l'expertise judiciaire, Mme [R] expose que l'article 2 du décret du 23 décembre 2004 visé par l'appelante prévoit seulement que les candidats à l'inscription sur la liste des experts doivent exercer leur activité professionnelle principale dans le ressort de la cour sur la liste de laquelle ils veulent être inscrits, mais que le texte précité n'indique nullement qu'au cours de sa vie professionnelle, un expert ne peut plus être désigné s'il ne remplit plus les conditions exigées lors de son inscription sur la liste.

Elle en conclut qu'il n'y a aucun motif justifiant d'annuler le rapport [Z].

Sur l'existence d'un vice caché, l'intimée fait valoir que l'expert judiciaire ne se contredit nullement, puisqu'il précise dans son rapport avoir visité les lieux le 17 novembre 2017, avoir constaté des traces de moisissure qui étaient dues à des problèmes de condensation, mais qu'il a considéré que le phénomène avait disparu puisque le testeur d'humidité est resté négatif. Mme [R] souligne que selon l'expert judiciaire, c'est bien le fait que le studio de 22 m2 a été occupé pendant plusieurs mois par un couple avec un enfant et un chien qui a entraîné les problèmes de condensation, en raison d'un manque d'aération régulière quotidienne ajouté à la sur-occupation des lieux. Elle relève que les désordres n'ont aucunement évolué entre la première réunion d'expertise le 17 novembre 2017 et la seconde le 07 septembre 2018, ce qui confirme selon elle la thèse de l'expert judiciaire.

Elle souligne que ses derniers locataires n'ont jamais constaté de traces de moisissure alors même que le dernier occupant avant la vente a habité le studio pendant un an et que les travaux de rafraichissement avaient déjà été réalisés.

Sur les expertises privées organisées par Mme [A], l'intimée relève que ces deux experts privés n'indiquent aucunement avoir constaté une humidité excessive à l'intérieur du logement lorsqu'ils l'ont visité et l'expert [C] reconnaît lui-même dans son rapport que l'absence d'isolation d'un des murs extérieurs de la pièce principale ne correspond pas à une non-conformité réglementaire, puisque le studio fait partie d'un immeuble datant des année 70. Or la réglementation thermique de l'époque n'imposait pas l'isolation des murs extérieurs, comme l'a rappelé M. [Z] dans son rapport d'expertise.

Elle conteste donc l'existence d'un vice caché ou même d'une réticence dolosive ou d'un manquement au devoir de loyauté, puisque rien n'a été caché à Mme [A] qui avait connaissance des travaux de rafraîchissement réalisés dans le studio une année avant la vente, celle-ci ayant sollicité un huissier aux fins d'établissement d'un constat des lieux après le départ de ses locataires en lui précisant que lors de l'acquisition l'intérieur du studio était dans un état neuf. Mme [R] ajoute que la stipulation en page 12 de l'acte notarié ne vise que des travaux entrant dans le cadre de la garantie décennale, or elle assure n'avoir jamais réalisé de travaux relevant de cette catégorie.

Enfin, l'intimée rappelle que même s'il était considéré qu'un vice caché affecte le studio vendu, aucune action ne pourrait néanmoins être dirigée contre elle dès lors qu'elle n'est pas professionnelle de la vente immobilière et qu'à la page 9 de l'acte notarié de vente figure une clause d'éviction de la garantie des vices cachés.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la nullité de l'expertise judiciaire

L'article 114 du code de procédure civile dispose que : « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ».

L'article 2 du décret du 23 décembre 2004 n°D2004-1463 invoqué par Mme [A] dispose que pour les candidats à l'inscription en qualité d'expert sur une liste dressée par une cour d'appel, dans une rubrique autre que la traduction, il est nécessaire d'exercer son activité professionnelle principale dans le ressort de cette cour ou, pour ceux qui n'exercent plus d'activité professionnelle, y avoir sa résidence.

Néanmoins, ce texte ne s'applique qu'au moment de l'inscription ou de la réinscription sur la liste des experts de la cour et non au moment de la désignation.

En tout état de cause, Mme [A] ne démontre pas que M. [Z] aurait sa résidence ailleurs que dans le ressort de la cour d'appel de Metz et elle n'invoque aucun grief résultant de l'irrégularité alléguée.

L'expertise judiciaire réalisée par M. [Z] apparaît régulière.

Y ajoutant, la cour rejette donc la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire.

II- Sur la demande de contre-expertise

L'article 263 du code de procédure civile dispose que l'expertise n'a lieu d'être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge.

En l'espèce, une mesure de contre-expertise ne permettrait pas à la cour de statuer sur le présent dossier dans un délai raisonnable.

En tout état de cause, les pièces versées aux débats, et notamment le rapport d'expertise judiciaire et ses annexes complètes, ainsi que les rapports d'expertise privés de M. [I] et de M. [C], apparaissent suffisantes pour permettre à la cour d'apprécier la réalité et la qualification des désordres.

Y ajoutant, la cour rejette donc la demande de contre-expertise.

III- Sur l'action en garantie des vices cachés

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le vice devait exister antérieurement à la vente ou au moins à l'état de germe pour entrer dans la garantie de l'article 1641 du code civil.

L'article 1643 du même code précise que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Enfin l'article 1644 du même code indique que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Les désordres constatés dans le studio vendu par Mme [R] à Mme [A] consistent en des traces importantes de moisissures sur les murs et les plafonds de la pièce principale du studio.

Ces moisissures ont été constatées par un huissier de justice dès le 27 décembre 2016, après deux mois d'occupation du logement, étant toutefois précisé que, selon l'attestation complétée par Mme [N], les locataires ont quitté rapidement les lieux car il s'agissait d'un logement temporaire dans l'attente de la construction de leur maison.

L'expert judiciaire indique que ce sont les conditions d'occupation du logement avec trois personnes et un chien pour 22m2, avec un défaut d'aération quotidienne du logement, qui sont à l'origine principale des condensations.

Sur ce point, il relève que les désordres n'ont pas évolué entre le 17 novembre 2017 et le 7 septembre 2018, ce qui confirme selon lui que les désordres constatés ont bien pour origine les conditions d'occupation par les locataires de Mme [A].

Néanmoins, au vu des photographies versées aux débats, il n'apparaît pas vraisemblable que la brève occupation du logement par un couple, un enfant et un animal de compagnie ait pu occasionner de telles moisissures, même dans l'hypothèse où les locataires se seraient abstenus d'aérer, point qui ne peut d'ailleurs faire l'objet d'aucune démonstration.

Par ailleurs, l'expert judiciaire admet lui-même dans son rapport que l'absence de grille d'aération sur les fenêtres, d'isolation sur un mur et la présence d'un extracteur commandé par l'interrupteur d'éclairage qui ne peut tourner en continu dans la salle d'eau ont contribué à accentuer les traces de condensation.

Au surplus, deux rapports d'expertise privée sont versés aux débats.

Si le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur des rapports établis de manière non contradictoire, il ne peut pour autant refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire.

Or M. [I], expert privé mandaté par Mme [A], a confirmé qu'en l'absence de dispositif d'aération permanente, l'aération de la salle de bains n'est pas conforme à l'arrêté du 22 octobre 1969 et à celui du 3 septembre 2013.

M. [C], autre expert privé mandaté par Mme [A], a confirmé que l'installation de ventilation de l'appartement n'est pas conforme à la réglementation applicable, notamment le règlement sanitaire départemental de la Moselle, en précisant que pour la pièce principale, l'absence d'amenée d'air au niveau de la fenêtre et la section de l'extraction naturelle ne permettent pas au logement de répondre aux obligations réglementaires.

Selon M. [C], c'est cette installation de ventilation défectueuse qui est à l'origine de l'apparition des moisissures sur la paroi non isolée de la pièce principale, étant toutefois précisé que l'absence d'isolation de ce mur ne correspond pas elle-même à une non-conformité réglementaire, compte tenu de la date de construction de l'immeuble.

Mme [R] ne conteste d'ailleurs pas cette non-conformité du système de ventilation énoncée par les différents rapports d'expertise judiciaire et privés.

Un logement qui souffre d'importants problèmes de condensation et de moisissures n'est pas conforme à sa destination et ne sera pas retenu par les candidats à la location.

Il résulte donc du rapport d'expertise judiciaire, du constat d'huissier et des rapports d'expertise privés versés aux débats que les moisissures apparues sur les murs du logement après son achat par Mme [A] constituent bien un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil.

Néanmoins, l'acte authentique de vente comprend, en page 9, la clause d'éviction des vices cachés suivante :

« l'acquéreur prend les biens dans l'état où ils se trouveront au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents, des vices cachés. S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction ou qu'il est réputé comme tel, s'il est prouvé par l'acquéreur dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur ».

Or Mme [A] ne rapporte pas la preuve de ce que Mme [R] aurait eu connaissance du problème de condensation qui affectait le logement, ou même de la non-conformité du système de ventilation.

Mme [A] produit certes la copie papier d'échanges via whatsapp avec un occupant de l'immeuble. Mais d'une part, aucune attestation conforme à l'article 202 du code de procédure civile n'a été établie et d'autre part, ce voisin indique seulement que « il y a eu par le passé des problèmes d'humidité et de moisissure dans les quatre appartements », appréciation trop vague et imprécise pour être probante.

Mme [N], qui a été locataire dudit studio entre 2001 et 2012, atteste n'y avoir jamais connu de problèmes de moisissures ou de champignons.

M. [P], qui a occupé le logement entre le 16 décembre 2015 et le 30 septembre 2016, c'est-à-dire après les travaux de rénovation ou de rafraichissement menés par Mme [R], indique n'y avoir constaté aucune trace d'humidité ou moisissure.

Enfin Mme [R], qui exerce selon les termes de l'acte notarié la profession de médiatrice sociale, n'est pas un professionnel de la construction ou de l'immobilier, de sorte qu'elle n'était pas à même de s'apercevoir que les travaux de rénovation du studio n'étaient pas conformes à la réglementation en matière de ventilation.

En conséquence, elle est bien fondée à se prévaloir de la clause d'éviction de la garantie des vices cachés insérée dans l'acte authentique de vente.

La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [A] de ses demandes tendant à la résolution de la vente et fondées sur l'article 1641 du code civil et y ajoutant, rejette les prétentions de Mme [A] au titre de l'action estimatoire de l'article 1644 du code civil.

IV- Sur la nullité de la vente pour dol

L'article 1116 du code civil dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Mme [A] relève que Mme [R] a déclaré dans l'acte authentique qu'aucune construction ou rénovation n'avait été réalisée dans les dix années précédentes, à l'exception des changements de fenêtres, alors que les opérations d'expertise judiciaire ont établi qu'en réalité, un mur avait été isolé, du carrelage posé au sol et de la faience au mur, un extracteur d'air avait été installé dans la salle de bains et le système électrique avait été rénové.

Elle soutient que si elle avait eu connaissance de travaux de rénovation sans factures et donc sans garantie décennale, elle n'aurait pas acheté ce studio.

Néanmoins, Mme [A] a indiqué à l'huissier de justice qui est venu procéder au constat le 27 décembre 2016 que lors de l'acquisition, l'appartement était « dans un état neuf », ce qui est confirmé par les photographies qu'elle verse elle-même aux débats.

Par ailleurs, l'expert judiciaire reprend en page 6 de son rapport l'exposé du litige de l'ordonnance du référé du 4 juillet 2017 selon lequel « lors de la vente du studio, il a été précisé à Mme [A] que celui-ci venait d'être refait à neuf ».

Ainsi et contrairement à ce que soutient l'appelante, elle avait connaissance du fait que le studio avait fait l'objet de travaux de rénovation peu de temps avant sa mise en vente.

Dans ces conditions, Mme [A] ne démontre pas les réticences dolosives qu'elle impute à Mme [R].

Y ajoutant, la cour rejette donc les prétentions de Mme [A] au titre du dol.

V- Sur le défaut de loyauté

L'article 1134 du code civil dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 1 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Pas davantage que les man'uvres dolosives, Mme [A] ne rapporte la preuve d'un comportement déloyal de la part de sa co-contractante.

Y ajoutant, la cour rejette donc les demandes de Mme [A] fondées sur les man'uvres déloyales imputées à Mme [R].

VI- Sur les dépens et les frais irrépétibles

La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande formée par Mme [F] épouse [A] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a condamné Mme [F] épouse [A] à payer Mme [R] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné Mme [F] épouse [A] aux dépens.

Mme [A] qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel.

Pour des considérations d'équité, elle devra aussi payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire de M. [Z] ;

Rejette la demande de contre-expertise ;

Confirme le jugement du 10 mars 2021 du tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions déférées à la cour;

Y ajoutant,

Rejette les prétentions de Mme [D] [F] épouse [A] au titre de l'action estimatoire de l'article 1644 du code civil ;

Rejette les prétentions de Mme [D] [F] épouse [A] au titre du dol ;

Rejette les prétentions de Mme [D] [F] épouse [A] fondées sur les man'uvres déloyales imputées à Mme [R] ;

Condamne Mme [D] [F] épouse [A] aux dépens de l'appel ;

Condamne Mme [D] [F] épouse [A] à payer à Mme [E] [R] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01301
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;21.01301 ?
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