RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01124 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPUW
Minute n° 23/00073
S.C.I. SCIJOLI
C/
S.A. INTER MUTUELLES ENTREPRISES
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 17 Mars 2021, enregistrée sous le n° 17/02052
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 MARS 2023
APPELANTE :
S.C.I. SCIJOLI représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
S.A. INTER MUTUELLES ENTREPRISES , représentée par son représentant légal.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 13 Décembre 2022 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 28 Mars 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Au cours de l'année 2012, la SCI Scijoli a entrepris la rénovation complète de son immeuble situé [Adresse 1].
Par acte sous seing privé du 22 janvier 2012, elle a confié à la SARL Deco-in « Architecte d'intérieur et décoration » les missions suivantes :
recherche des différents artisans,
propositions d'aménagement et d'agencement,
coordination entre le client et les différents intervenants selon les contraintes techniques et budgétaires,
suivi des travaux.
Le montant total des travaux a été chiffré à la somme de 480 480,38 euros.
Sont aussi intervenus à l'acte de construire l'EURL Keles pour le lot peinture et M. [K] pour le lot plâtrerie/isolation.
Se plaignant de malfaçons en cours de chantier, la SCI Scijoli a fait appel à un expert privé M. [C], lequel a effectué plusieurs visites du chantier, avant de déposer un rapport le 22 avril 2014.
Par actes d'huissier du 14 mars 2014, l'EURL Keles peinture, M. [K] et la SARL Deco-In ont chacun fait délivrer une sommation de payer à la SCI Scijoli.
Par actes d'huissier des 6, 9 et 12 mai 2014, invoquant diverses malfaçons et non-façons, la SCI Scijoli a assigné l'EURL Keles peinture, M. [K] et la SARL Deco-In devant le juge des référés de Metz aux fins d'expertise.
Par ordonnance du 8 juillet 2014, le juge des référés a fait droit à la demande et a désigné M. [S] en qualité d'expert. Il a également enjoint à la SARL Deco-In de régulariser une déclaration de sinistre auprès de la SA Inter Mutuelles Entreprises, son assureur, ce qu'elle a fait par lettre recommandée du 16 juillet 2014.
Par ordonnance du 19 mai 2015, les opérations d'expertises ont été déclarées communes à la SA Inter Mutuelles Entreprises.
M. [S] a déposé son rapport définitif le 6 octobre 2016.
Par courrier officiel du 10 janvier 2017 adressé à la SARL Deco-In et à son assureur la SA Inter Mutuelles Entreprises, la SCI Scijoli a formulé une proposition amiable de règlement du conflit qui n'a pas eu de suite favorable.
Par actes d'huissier remis en l'étude le 23 juin 2017 à la SARL Deco-In et à l'EURL Keles peinture et à personne habilitée le 26 juin 2017 à la SA Inter Mutuelles Entreprises, la SCI Scijoli a assigné les défenderesses devant le tribunal de grande instance de Metz en vue d'être indemnisée des diverses malfaçons et non-façons dénoncées.
Dans ses dernières conclusions du 10 avril 2019, la SCI Scijoli a notamment demandé au tribunal de condamner solidairement et subsidiairement in solidum la SARL Deco-In, son assureur la SA Inter Mutuelles Entreprises et l'EURL Keles Peinture au paiement des sommes de 2 362,41 euros au titre du préjudice matériel qu'elle a subi, 96 000 euros au titre du préjudice immatériel qu'elle a subi pour la période courant de juin 2013 au 30 septembre 2018, l'indemnité qui lui est due au titre du préjudice de jouissance qu'elle a subi pour la période postérieure au 30 septembre 2018 à hauteur de 1 500 euros par mois et ce, jusqu'à complète exécution du jugement à intervenir, 12 000 euros au titre du préjudice de jouissance qu'elle subira pendant la période de réalisation des travaux de reprise et 3 400 euros au titre des frais générés par l'intervention de MM. [P] et [Z].
Dans ses dernières conclusions du 22 septembre 2017, l'EURL Keles Peinture a principalement contesté les prétentions de la SCI Scijoli et demandé sa condamnation à lui verser la somme de 12 000 euros au titre des prestations réalisées.
Dans ses dernières conclusions du 5 avril 2019, la SA Inter Mutuelles Entreprises a principalement demandé au tribunal de débouter la SCI Scijoli de ses demandes, 'ns et conclusions en tant que dirigées à son encontre.
La SARL Deco-In a constitué avocat mais ce dernier a déposé son mandat avant d'avoir conclu.
Par jugement du 17 mars 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
débouté la SCI Scijoli de ses demandes à l'encontre de la SA Inter Mutuelles Entreprises,
déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande en paiement de facture de l'EURL Keles Peinture,
débouté l'EURL Keles Peinture de sa demande en dommages et intérêts,
condamné in solidum l'EURL Keles Peinture et la SARL Deco-In à payer à la SCI Scijoli la somme de 2 430,78 euros TTC en réparation du préjudice matériel au titre du lot peinture,
condamné la SARL Deco'in à payer à la SCI Scijoli les sommes de 75 831,13 euros TTC en réparation du préjudice matériel, 3 400 euros au titre des frais générés par les interventions de MM. [P] et [Z] avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2016, date du dépôt du rapport de l'expert, en application de l'article 1231-7 du code civil et 51 000 euros en réparation du préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
rejeté les demandes plus amples, au titre du préjudice matériel ou trouble de jouissance,
condamné la SCI Scijoli à payer à la SA Inter Mutuelles Entreprises la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté l'EURL Keles Peinture de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la SARL Deco-In à payer à la SCI Scijoli la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté les demandes plus amples de la SCI Scijoli,
condamné la SARL Deco-In aux dépens de l'instance, en ce compris ceux des procédures de référé I.14/234 et I.15/100 ainsi que les frais d'expertise,
prononcé l'exécution provisoire du jugement.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal a considéré à titre liminaire que l'ancien conseil de la SARL Deco-In n'avait pas valablement déposé son mandat, car il n'a pas été remplacé conformément aux dispositions de l'article 419 du code de procédure civile. Il a en conséquence relevé l'absence de conclusions déposées pour le compte de cette société.
Le tribunal a ensuite relevé que selon le rapport d'expertise, tous les désordres, malfaçons et non-façons provenaient d'une exécution défectueuse, mais que ces derniers seraient réparables une fois le sol repris, de sorte que l'immeuble pourrait ensuite être réceptionné. Il a également relevé qu'il ressortait dudit rapport que certains désordres relevaient de la responsabilité d'entreprises qui n'étaient pas citées dans la procédure.
Sur la responsabilité de la SARL Deco-In, le tribunal, après avoir considéré que la SARL Deco-In réalisait une mission de maîtrise d''uvre, a relevé les défaillances et incompétences de cette dernière dans l'exécution de sa prestation de menuiseries intérieures et de sa mission de suivi et coordination des travaux, de sorte que sa responsabilité contractuelle devait être engagée.
Sur la garantie due par l'assureur, le tribunal a retenu que la SARL Deco-In n'était pas assurée au titre de sa mission de maîtrise d''uvre, que l'attestation d'assurance faisait pourtant mention de l'« activité d'architecte d'intérieur », laquelle activité implique que la maîtrise d''uvre est comprise, que la délivrance d'une attestation inexacte par l'assureur est sanctionnée par l'obligation de fournir la garantie mentionnée, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, qu'ainsi la SA Inter Mutuelles Entreprises doit couvrir l'activité d'architecte d'intérieur.
En revanche, il a noté que la SARL Deco-In n'était pas couverte au titre des activités de menuiseries intérieures et de pose de parquets et sols.
Le tribunal a finalement retenu que la garantie de la SA Inter Mutuelles Entreprises n'était pas acquise, car il s'agissait d'un contrat d'assurance responsabilité civile couvrant uniquement les accidents et excluant la garantie des malfaçons et non-façons relevant des obligations contractuelles de l'assuré.
Sur la responsabilité de l'EURL Keles Peinture, le tribunal a considéré que selon le rapport d'expertise, le défaut d'exécution était avéré et qu'aucune cause d'exonération de responsabilité n'était établie, de sorte que la responsabilité contractuelle de l'EURL Keles peinture devait être engagée.
Le tribunal a considéré la demande de paiement de la SARL Keles Peinture était irrecevable comme étant prescrite, au motif qu'elle a formulé sa demande par mémoire au fond du 22 septembre 2017 alors que la prescription était acquise au 20 février 2016. Il a également retenu que sa demande en dommages et intérêts était dépourvue de toute motivation, de sorte qu'elle devait être rejetée, et ce d'autant plus qu'il était reconnu une faute d'exécution à sa charge.
Sur la réparation des préjudices, le tribunal a pris en considération le chiffrage proposé par l'expert judiciaire.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 3 mai 2021, la SCI Scijoli, agissant par son représentant légal, a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation du jugement rendu le 17 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à l'encontre de la SA Inter Mutuelles Entreprises tendant à sa condamnation, en sa qualité d'assureur de la SARL Deco'in, au paiement des sommes suivantes : 82 362,41 euros au titre du préjudice matériel, 96 000 euros au titre du préjudice immatériel pour la période courant de juin 2013 au 30 septembre 2018, outre 1 500 euros par mois pour la période postérieure au 30 septembre 2018 et jusqu'à complète exécution des travaux, 12 000 euros au titre du préjudice de jouissance à subir pendant la période de réalisation des travaux de reprises, 3 400 euros au titre des frais générés par l'intervention de MM. [P] et [Z], l'ensemble de ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2016, 12 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, en ce compris ceux des procédures de référé ainsi que les frais d'expertise.
L'appel tend également à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SA Inter Mutuelles Entreprises la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 7 décembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SCI Scijoli demande à la cour de :
la recevoir en son appel et le dire bien fondé,
infirmer le jugement du 17 mars 2021 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à l'encontre de la SA Inter Mutuelles Entreprises et tendant à sa condamnation solidaire et subsidiairement in solidum avec la SARL Deco'in et l'EURL Keles Peinture au paiement des sommes de 75 831,13 euros TTC en réparation du préjudice matériel, 3 400 euros au titre des frais générés par les interventions de MM. [P] et [Z], ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2016, 51 000 euros en réparation du préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris ceux des deux procédures de référé ainsi que les frais d'expertise,
Et statuant à nouveau de ce chef,
condamner la SA Inter Mutuelles Entreprises in solidum avec l'EURL Keles Peinture et la SARL Deco'in à lui payer la somme de 2 430,78 euros TTC en réparation du préjudice matériel au titre du lot peinture et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris,
condamner in solidum la SA Inter Mutuelles Entreprises et la SARL Deco'in à lui payer les sommes de 75 831,13 euros en réparation du préjudice matériel avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2016, 3 400 euros au titre des frais générés par les interventions de MM. [P] et [Z] avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2016, 51 000 euros en réparation du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris, 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance outre les entiers dépens de première instance en ce compris ceux des deux procédures de référé I.14/234 et I.15/100 ainsi que les frais d'expertise,
condamner la SA Inter Mutuelles Entreprises en tous les frais et dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme supplémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.
La SCI Scijoli expose à titre principal que les garanties de la SA Inter Mutuelles Entreprises sont mobilisables pour les dommages qui se sont réalisés durant l'exécution de la mission de maîtrise d''uvre de la SARL Deco-In.
Elle explique que dans les faits, la mission de maîtrise d''uvre exécutée par la SARL Deco-In est identique à l'activité d'architecture d'intérieur garantie par le contrat d'assurance. Plus encore, elle affirme que tant l'assureur que la souscriptrice opèrent cette assimilation, puisque d'une part l'assureur liste dans le contrat d'assurance les missions relevant de la maîtrise d''uvre au titre de l'activité d'architecture d'intérieur, et d'autre part la SARL Deco-In se présente elle-même comme une entreprise d'architecture d'intérieur.
Ensuite, elle soutient qu'il a été définitivement jugé que la SARL Deco-In n'a pas correctement exécuté sa mission de maîtrise d''uvre, de sorte que son assureur est bien tenu à garantie.
Elle fait valoir que le contrat d'assurance litigieux couvre bien tous les dommages causés par la souscriptrice lors de l'exercice de son activité professionnelle, ce contrat étant distinct du contrat d'assurance « responsabilité exploitation » aux modalités de garanties différentes.
Par ailleurs, la SCI Scijoli affirme que la clause d'exclusion de garantie stipulée dans le contrat d'assurance est inapplicable en l'espèce, celle-ci étant incompatible d'une part avec la substance même de l'assurance responsabilité civile professionnelle et d'autre part avec les missions exécutées par la SARL Deco-In.
Enfin, la SCI Scijoli relève que le moyen adverse relatif à la garantie décennale est inopérant en l'espèce, puisque le chantier n'a pas été réceptionné et que seule la responsabilité contractuelle de droit commun est invoquée.
Sur le préjudice, la SCI Scijoli soutient que la SA Inter Mutuelles Entreprises ne peut contester les montants fixés par le jugement sans intimer la SARL Deco-In, or cette dernière a acquiescé au jugement entrepris. La SCI Scijoli indique qu'elle n'avait pas à intimer la SARL Deco-In dans sa déclaration d'appel puisqu'elle n'avait pas intérêt à relever appel, les demandes de la SCI Scijoli ayant prospéré. Elle rappelle en outre que son préjudice matériel s'évalue tant au regard des missions de menuiserie intérieure que de maîtrise d''uvre confiées à la SARL Deco-In.
A titre subsidiaire, la SCI Scijoli soutient que la clause d'exclusion contrevient aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances. Elle indique en effet que ses stipulations vident le contrat d'assurance de sa substance en ce qu'elles ne garantissent pas les malfaçons et non-façons relevant des obligations contractuelles de l'assuré, alors même que cette assurance est censée garantir les dommages causés à l'occasion de l'activité professionnelle de la souscriptrice.
En tout état de cause, elle expose que cette clause d'exclusion n'a pas été reprise dans l'attestation d'assurance, de sorte qu'elle n'est pas applicable en l'espèce.
A titre infiniment subsidiaire, la SCI Scijoli soutient que la responsabilité délictuelle de la SA Inter Mutuelles Entreprises peut être engagée sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, en ce que l'attestation d'assurance qu'elle a fournie ne permettait pas l'obtention d'informations claires sur les activités garanties au titre du contrat d'assurance de la souscriptrice. Cette attestation affirmait en effet de manière erronée que la SARL Deco-In était assurée au titre de l'activité d'architecte d'intérieur et pour les conséquences de sa responsabilité civile professionnelle. La SCI Scijoli affirme ainsi que l'impossibilité de bénéficier des garanties litigieuses constitue un préjudice causé par sa croyance légitime de bénéficier de l'assurance, lequel est indemnisable sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'assureur.
Par conclusions déposées le 8 décembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SA Inter Mutuelles Entreprises, prise en la personne de son représentant légal, demande à la cour de :
dire et juger l'appel de la SCI Scijoli mal fondé,
le rejeter,
confirmer la décision entreprise,
Y ajoutant,
condamner la SCI Scijoli à lui payer une indemnité de 5 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel.
Au soutien de ses prétentions, sur la confirmation du jugement entrepris, la SA Inter Mutuelles Entreprises expose dans un premier temps que le contrat d'assurance responsabilité civile conclu avec la SARL Deco-In ne garantit pas les malfaçons et non-façons relevant des obligations contractuelles de l'assurée au titre d'un marché de construction. Elle indique d'une part que l'article 32-21 du contrat d'assurance stipule que sont exclus de la garantie les coûts liés aux travaux exécutés par l'assuré ne remplissant pas les fonctions qu'il a promises, de sorte que la mission de maîtrise d''uvre ne fait pas partie des obligations couvertes par l'assurance. Elle explique d'autre part que la SCI Scijoli n'est de toute façon pas un tiers au sens du contrat d'assurance, car elle est la cocontractante de la SARL Deco-In. Elle rappelle par ailleurs qu'elle n'a fourni aucune attestation d'assurance couvrant l'activité de menuiserie intérieure et de pose de parquet et de sols de la SARL Deco-In. Elle soutient en parallèle que les clauses litigieuses sont conformes aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, que leur caractère limitatif fait que le contrat n'est pas vidé de sa substance et que ces clauses sont suffisamment précises pour permettre à l'assurée de comprendre l'étendue des garanties souscrites.
Dans un second temps, la SA Inter Mutuelles Entreprises affirme que la clause d'exclusion de garantie peut être retenue même si elle n'a pas été reprise dans l'attestation d'assurance qu'elle a établie.
Dans un troisième temps, la SA Inter Mutuelles Entreprises relève que l'allégation du manquement de la SARL Deco-In à ses obligations contractuelles soulevée par la SCI Scijoli est un moyen nouveau en cause d'appel. Elle soutient dans tous les cas que ce moyen n'est pas fondé, car l'attestation d'assurance délivrée à la SCI Scijoli ne lui permettait pas de croire légitimement que ses dommages seraient garantis sur le fondement de la responsabilité décennale. Elle rappelle en ce sens que l'attestation ne constitue qu'une présomption simple de garantie, de sorte qu'il convient de se reporter aux clauses d'assurances pour connaître son étendue.
A titre encore plus subsidiaire, la SA Inter Mutuelles Entreprises soutient que sa responsabilité ne peut pas être recherchée sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil au motif qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la faute alléguée, c'est-à-dire l'établissement d'une attestation erronée, et le préjudice, c'est-à-dire le fait d'avoir cru que la SARL Deco-In était assurée au titre de son activité d'architecte d'intérieur. Elle affirme en effet que la SCI Scijoli et la SARL Deco-In ont contracté ensemble antérieurement à l'établissement de l'attestation litigieuse.
Sur sa garantie, la SA Inter Mutuelles Entreprises rappelle que l'attestation d'assurance ne constitue qu'une simple présomption d'assurance ne pouvant engager au-delà des dispositions du contrat et que la SCI Scijoli avait contracté définitivement avec la SARL Deco-In le 22 janvier 2012, soit bien avant l'établissement des deux attestations de l'assureur des 13 et 23 mai 2014, de sorte qu'il appartenait à la SCI Scijoli de vérifier l'adéquation entre l'activité déclarée par la SARL Deco-In sur son papier à en-tête et celle figurant sur les attestations d'assurance mais aussi d'interroger l'assureur ou son co-contractant afin d'avoir des précisions sur l'activité déclarée par la SARL Deco-In. Elle ajoute que le contrat signé par la SCI Scijoli et par la SARL Deco-In ne mentionne aucune activité d'architecte et que, par conséquent, la SCI Scijoli ne peut réclamer le bénéfice d'une attestation d'assurance pour obtenir la garantie de l'assureur.
La SA Inter Mutuelles Entreprises souligne que les conditions générales et les conditions particulières limitent les garanties du contrat à l'activité déclarée et que sont exclus les dommages imputables à une activité distincte de celle déclarée par le souscripteur.
À titre infiniment subsidiaire s'agissant du préjudice matériel, la SA Inter Mutuelles Entreprises rappelle qu'il appartient à la SCI Scijoli de supporter le choix procédural qu'elle a fait en choisissant de ne pas intimer la SARL Deco-In et que les montants ne sont pas définitivement fixés à son encontre.
La SA Inter Mutuelles Entreprises considère que le dommage qualifié de matériel par la SCI Scijoli est en réalité une réclamation portant sur l'exécution même du contrat conclu entre la SCI Scijoli, la SARL Deco-In et les autres entreprises. Elle ajoute que les travaux de parquet réalisés par la SARL Deco-In proviennent d'une exécution défectueuse selon l'expert judiciaire et que ce dernier a estimé que la responsabilité en incombe à la SARL Deco-In en qualité de maître d''uvre pour défaut de coordination des différentes interventions et en qualité d'entreprise ayant fourni et posé le parquet. Elle en déduit que la responsabilité de la SARL Deco-In en qualité d'entreprise titulaire du lot menuiserie est intégrale.
Sur l'évaluation du préjudice matériel, l'intimée souligne qu'il convient de se reporter au chiffrage de l'expert judiciaire et de s'en tenir à ce celui-ci. Elle rappelle qu'il s'agit d'un chiffrage global qui intègre divers postes de travaux pour reprise des malfaçons et exécution et que les garanties de la SA Inter Mutuelles Entreprises ne peuvent excéder la somme de 36 167,04 euros.
S'agissant du préjudice immatériel, la SA Inter Mutuelles Entreprises fait valoir que le contrat de la SARL Deco-In ne couvre que les dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel couvert par le contrat. Elle ajoute que, pour l'étude de ce poste de préjudice, il est nécessaire de se rapporter au rapport d'expertise judiciaire qui retient un total de 10 mois de préjudice de jouissance compte tenu de l'impossibilité d'occuper l'immeuble. Elle estime que le préjudice de jouissance qui pourrait être mis à sa charge doit être considérablement réduit et limité aux seuls préjudices en lien avec les travaux de reprise des malfaçons pouvant être imputés à la SARL Deco-In puisque les malfaçons et non-façons à l'origine de ce préjudice sont imputables à diverses entreprises intervenues au chantier et non seulement à la SARL Deco-In, en sa qualité d'entrepreneur. Elle conclut que, le cas échéant, il conviendra de faire application de la franchise prévue au contrat, équivalente à 45% de l'indice FFB.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la mise en jeu de la garantie due par la SA Inter Mutuelles Entreprises
L'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 1 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
L'article 1382 du code civil, dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 1 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il s'en déduit qu'à l'égard des tiers victimes, en matière d'assurance obligatoire comme en matière d'assurance facultative, il appartient à l'assureur, sauf à engager sa responsabilité, de ne pas fournir une attestation de nature à égarer la clientèle des entrepreneurs assurés quant à l'étendue des garanties offertes (sur ce point voir par exemple Cass. 3e Civ., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-17.293).
L'engagement de cette responsabilité délictuelle de l'assureur suppose, au visa de l'article 1382 du code civil, la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, c'est-à-dire que l'attestation d'assurance équivoque ait pu déterminer, lors de la conclusion du contrat de construction, le choix d'un entrepreneur par ses clients (voir par exemple Cass 3e Civ., 17 décembre 2003, pourvoi n° 01-12.259).
S'agissant de la responsabilité contractuelle de la SA Inter Mutuelles Entreprise, cette dernière verse aux débats les conditions générales et particulières de la police d'assurance n°929 9010 30762 K51, dont il résulte que la SARL Déco-In était couverte au titre de l'activité suivante, selon les déclarations du souscripteur: « décoratrice d'intérieur (conseil en décoration)» (pièce 1).
Or il est constant que la SARL Deco-In est intervenue au profit de la SCI Scijoli en qualité d'exécutant du lot menuiseries intérieures et du lot pose de parquets et de sols, mais aussi pour les missions suivantes : recherche des différents artisans, propositions d'aménagement et d'agencement, coordination entre le client et les différents intervenants selon les contraintes techniques et budgétaires et suivi des travaux.
Il s'agit incontestablement d'une mission de maître d''uvre et le premier juge a retenu que la SARL Déco-In avait failli dans l'exécution de cette mission.
En aucun cas l'activité de maître d''uvre, dont le rôle est de suivre et de coordonner les travaux, ne se confond avec celle de décorateur d'intérieur dont la mission est essentiellement esthétique.
Le simple fait que la partie des conditions particulières de la police d'assurance intitulée « conditions spéciales » fasse référence à l'exclusion de certaines activités telles les travaux de reprise en sous-'uvre ne signifie pas, à contrario, que l'activité de maîtrise d''uvre est couverte. En effet, il s'agit de clauses-type qui concernent tous les professionnels du bâtiment.
Compte tenu de ce que la police d'assurance ne couvrait pas l'activité de maître d''uvre, le grief de la SCI Scijoli selon lequel la SARL Déco-In aurait manqué à son obligation de conseil est également inopérant.
Dans ces conditions, la SA Inter Mutuelles Entreprise était fondée à opposer un refus à la demande de garantie déposée par la SARL Déco-In, peu important par ailleurs la teneur des garanties offertes et la portée des clauses d'exclusion.
S'agissant de la responsabilité délictuelle de cet assureur, les deux attestations d'assurance datées des 13 mai 2014 et 23 mai 2014, remises par la SARL Déco-In au maître d'ouvrage et valables respectivement du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 stipulent de manière identique que la police d'assurance « couvre, dans les limites fixées aux conditions particulières et générales, l'activité de architecte d'intérieur exercée par le souscripteur ainsi que les locaux situés au [Adresse 6] ».
Il est exact que le terme « architecte d'intérieur » utilisé dans ces attestations d'assurance était susceptible d'entraîner une confusion avec l'activité de maître d''uvre, activité relativement proche et qu'il pouvait donc égarer la clientèle de la SARL Déco-In quant à l'étendue des activités couvertes.
La SA Inter Mutuelles Entreprise a donc commis une faute délictuelle en établissant des attestations d'assurance équivoques.
Néanmoins, la SCI Scijoli indique elle-même avoir engagé la SARL Déco-In selon contrat du 22 janvier 2012. La date de début des travaux n'est pas connue mais le chantier s'est interrompu en juillet 2013, compte tenu des désaccords entre le maître d'ouvrage et le maître d''uvre. Par actes d'huissier des 6, 9 et 12 mai 2014, la SCI Scijoli a assigné la SARL Deco-In devant le juge des référés aux fins d'expertise.
Ainsi, en aucun cas les attestations délivrées le 13 mai 2014 et 23 mai 2014 par la SA Inter Mutuelles Entreprise n'ont pu égarer la SCI Scijoli quant à l'étendue des activités de la SARL Déco-In couvertes par la police et n'ont pu l'influer d'une quelconque manière dans le choix de ce constructeur.
En définitive, la SCI Scijoli n'est pas fondée à engager la responsabilité contractuelle de la SA Inter Mutuelles Entreprises, puisque l'activité de maître d''uvre n'est pas couverte par la police d'assurance dont il sera par ailleurs observé qu'elle ne couvre que la responsabilité civile professionnelle de la SARL Déco-In, et non les malfaçons et non-façons relevant de la garantie contractuelle de l'assuré.
Elle n'est pas fondée non plus à engager la responsabilité délictuelle de cet assureur, en l'absence de lien de causalité entre la faute délictuelle commise par la SA Inter Mutuelles Entreprises, à savoir l'établissement d'attestations imprécises et le préjudice subi par la SCI Scijoli, à savoir le fait d'avoir engagé la SARL Déco-In dont les prestations contractuelles se sont révélées défectueuses.
La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les prétentions de la SARL Déco-In à l'encontre de la SA Inter Mutuelles Entreprises.
II- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Scijoli à payer à la SA Inter Mutuelles Entreprises la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le chef de la décision ayant condamné la SARL Deco-In aux dépens de l'instance, en ce compris ceux des procédures de référé I.14/234 et I.15/100 ainsi que les frais d'expertise, n'est pas contesté par les parties.
La SCI Scijoli qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel.
Pour des considérations d'équité, elle devra aussi payer à SA Inter Mutuelles Entreprises la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du 17 mars 2021 du tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions déférées à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI Scijoli aux dépens de l'appel ;
Condamne la SCI Scijoli à payer à SA Inter Mutuelles Entreprises la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre