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28/03/2023 | FRANCE | N°21/00262

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 28 mars 2023, 21/00262


Arrêt n°23/00241



28 Mars 2023

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N° RG 21/00262 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FNPB

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

12 Janvier 2021

F 19/00691

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



vingt huit mars deux mille vingt trois



APPELANT :



M. [J] [N]
>[Adresse 2]

Représenté par Me Thomas HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ



INTIMÉE :



S.A.S. ARTHUR WELTER FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Armelle B...

Arrêt n°23/00241

28 Mars 2023

------------------------

N° RG 21/00262 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FNPB

----------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

12 Janvier 2021

F 19/00691

----------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt huit mars deux mille vingt trois

APPELANT :

M. [J] [N]

[Adresse 2]

Représenté par Me Thomas HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.S. ARTHUR WELTER FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Frédéric BARBAUT, avocat plaidant au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [J] [N] était le gérant et unique associé de la SARL Transport [N] dont l'activité principale était le transport routier de marchandises et la location de véhicules.

Suivant contrat de cession de parts sociales en date du 31 mars 2015, il a cédé l'intégralité de ses parts à la SAS Arthur Welter France. Aux termes de ce contrat de cession, M. [J] [N] s'est engagé à rester à son poste de gérant, sans indemnité, pendant une durée de 5 ans.

Après signature de ce contrat de cession, M. [J] [N] a été engagé en contrat à durée indéterminée par la SAS Arthur Welter France à compter du 1er juin 2015 en qualité de gestionnaire de transport.

Par courrier du 1er février 2016 prenant effet au 31 mars 2016, M. [J] [N] a démissionné de son poste de gérant de la société.

M. [J] [N] a alors saisi le conseil de prud'hommes de Metz le 7 septembre 2017 afin que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail, emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'en conséquence la SAS Arthur Welter France soit condamnée à lui payer les indemnités résultant de cette rupture, ainsi qu'un rappel de salaire pour la période allant du 31 mars 2016 à la date du jugement à intervenir.

Par jugement prononcé le 12 mars 2019, dont il n'a pas été interjeté appel, le conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, a jugé que « la résiliation judiciaire n'est pas prononcée et que le contrat de travail se poursuit », et l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

Par lettre recommandée du 3 juin 2019, la SAS Arthur Welter France a mis en demeure M. [J] [N] de reprendre son poste de travail et M. [J] [N] retournait travailler le 7 juin 2019.

Par lettre recommandée du 9 août 2019, M. [J] [N] était convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, avec mise à pied conservatoire. Par lettre notifiée le 23 août 2019, M. [J] [N] était licencié pour faute grave.

Par requête enregistrée au greffe le 12 septembre 2019, M. [J] [N] a fait citer la SAS Arthur Welter France devant le conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, aux fins de:

- constater qu'il n'a pas été statué sur sa demande de rappel de salaire formulée dans le cadre de la procédure RG-F-18/00699 ;

- statuer sur sa demande de salaire ;

- condamner la SAS Arthur Welter France, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer la somme de 74 517,40 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril 2016 au 12 mars 2019, ainsi que la somme de 7 451,74 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la SAS Arthur Welter France, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande et exécution provisoire :

. 10 538,50 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 6 114,17 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période postérieure au jugement du 12 mars 2019, outre 611,41 euros brut pour les congés payés afférents ;

. 2 195,52 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

. 4 215,40 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 421,54 euros brut pour les congés payés afférents ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Arthur Welter France soulevait l'irrecevabilité de la demande formée au titre des rappels de salaire pour la période allant du 1er avril 2016 au 1er avril 2019 et s'opposait aux autres prétentions formées par M. [J] [N], sollicitant la condamnation de celui-ci à lui verser 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, a statué ainsi qu'il suit :

- Dit et juge qu'il n'y a pas eu d'omission de statuer et que le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 12 mars 2019 a l'autorité de la chose jugée concernant l'ensemble des demandes de la requête du 12 septembre 2017, y compris le rappel de salaire du 1er avril 2016 au 1er avril 2018 à parfaire au jour de la décision ;

- Dit et juge le chef de demande de rappel de salaire à compter du 1er avril 2016 et jusqu'au jugement irrecevable ;

Concernant les autres chefs de demande :

- Dit et juge que le licenciement pour faute grave de M. [J] [N] est parfaitement fondé ;

En conséquence,

- Déboute M. [J] [N] de sa demande au titre de rappel de salaire ;

- Déboute M. [J] [N] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- Déboute M. [J] [N] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Déboute M. [J] [N] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement ;

- Déboute M. [J] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute la SAS Arthur Welter France de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [J] [N] aux frais et dépens.

Par déclaration formée le 29 janvier 2021 et enregistrée au greffe le 1er février 2021, M.[N] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 14 janvier 2021 au vu de l'émargement de l'accusé de réception postal.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er août 2022, M. [J] [N] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Metz en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la SAS Arthur Welter France de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- Constater qu'il n'a pas été statué sur la demande de rappel de salaires formulée par M. [J] [N] dans le cadre de la procédure n° RG-F-18/00699 ;

- Statuer sur la demande de rappel de salaires de M. [J] [N] ;

En conséquence,

- Condamner la SAS Arthur Welter France à payer à M. [J] [N] la somme de 74 517,40 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant du 1er avril 2016 au 12 mars 2019, outre 7 451,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

- Requalifier le licenciement pour faute grave de M. [J] [N] en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la SAS Arthur Welter France à payer à M. [J] [N] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la demande :

. 10 538,50 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 6 114,17 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période postérieure au jugement du 12 mars 2019, outre 611,41 euros brut pour les congés payés afférents ;

. 2 195,52 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

. 4 215,40 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 421,54 euros brut pour les congés payés afférents ;

- Condamner la SAS Arthur Welter France à payer à M. [J] [N] la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SAS Arthur Welter France en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.

M. [J] [N] précise que le jugement prononcé le 12 mars 2019 par le conseil de prud'hommes de Metz a omis de statuer sur la demande en paiement de rappels de salaires et ajoute, s'agissant de son licenciement prononcé pour faute grave, qu'il n'a pas abandonné son poste à compter du 1er avril 2016, qu'il n'avait aucun antécédent disciplinaire, que le licenciement a été précédé par une proposition de rupture conventionnelle émanant de l'employeur, que la SAS Arthur Welter France ne l'a jamais mis en demeure de revenir travailler, qu'il n'a jamais eu de réaction impolie ni agressive à l'égard de ses collègues, et qu'il n'a pas refusé de travailler ni été absent de façon injustifiée.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2022, la SAS Arthur Welter France demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Metz le 12 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

- Débouter M. [J] [N] de l'ensemble de ses moyens, fins, conclusions et demandes ;

Y ajoutant,

- Condamner M. [J] [N] à payer à la SAS Arthur Welter France une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [J] [N] aux dépens d'appel.

La SAS Arthur Welter France soutient que le jugement prononcé le 12 mars 2019 par le conseil de prud'hommes de Metz a débouté M. [J] [N] de ses demandes, dont celle relative aux rappels de salaire, de sorte qu'il n'y a pas eu d'omission de statuer, et que la demande formée à nouveau dans le cadre de cette procédure est irrecevable en application du principe de l'autorité de la chose jugée. Subsidiairement, elle indique que M. [J] [N] était en absence injustifiée à compter du 1er avril 2016 de sorte que le salaire n'était pas du, tout comme le rappel de salaire sollicité pour la période postérieure au jugement du 12 mars 2019. S'agissant du licenciement, elle estime que les griefs sont caractérisés et justifient la faute grave, et subsidiairement que M. [J] [N] n'a pas subi de préjudice.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

SUR LES DEMANDES DE RAPPEL DE SALAIRE

. Sur la recevabilité de la demande formée au titre de la période allant du 1er avril 2016 au 12 mars 2019

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que (') la chose jugée.

Aux termes de l'article 480 du même code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

L'examen du jugement prononcé entre les parties le 12 mars 2019 par le conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, montre que M. [J] [N] avait sollicité, en plus de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, le paiement de la somme de 50584,80 euros à titre de rappels de salaires, correspondant aux rémunérations qu'il n'aurait plus perçu postérieurement au 31 mars 2016.

L'examen de la motivation de cette décision montre que le conseil de prud'hommes relève notamment que « M. [J] [N] ne s'est plus présenté sur son lieu de travail sans aucun courrier de relance à son employeur » et que la SAS Arthur Welter France « n'a pas mis en demeure M. [J] [N] de reprendre son poste de travail », mais qu'il ne fait état à aucun moment et de façon précise du paiement du salaire sur la période litigieuse.

La conclusion de cette motivation, précédant celle relative à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, est rédigée de la façon suivante et ne porte pas davantage sur la demande en paiement du rappel de salaires : « Le Conseil constate l'existence d'un contrat de travail entre les parties, que celui ci n'a pas été rompu ni sur le fond, ni dans la forme. Le Conseil dit qu'il n'y a pas lieu à résiliation du contrat de travail ».

Le dispositif de ce jugement se présente comme suit :

« Dit et juge que la demande est recevable

Dit et juge que la résiliation judiciaire n'est pas prononcée et que le contrat de travail se poursuit

En conséquence :

Déboute M. [N] de l'intégralité de ses demandes

Déboute la SAS Arthur Welter France de ses demandes reconventionnelles

Dit que chaque partie supportera ses dépens ».

Il ne résulte pas de l'examen des motifs du jugement prononcé le 12 mars 2019 que le conseil de prud'hommes a spécifiquement examiné la demande de rappel de salaires formée par M.[N], de sorte que le jugement, qui utilise une formule très générale dans son dispositif pour débouter M. [J] [N] de l'intégralité de ses demandes, n'a pas statué sur le chef de prétention relatif au paiement des rappels de salaire.

Dès lors, l'autorité de la chose jugée le 12 mars 2019 par le conseil de prud'hommes de Metz ne s'étend pas à la demande en paiement de rappels de salaires sur laquelle le jugement n'a pas statué.

La demande formée à ce titre par M. [J] [N], dans le cadre de la présente procédure, doit donc être déclarée recevable, et le jugement prononcé le 12 janvier 2021 doit être infirmé sur ce point.

. Sur le fond des demandes de rappels de salaires couvrant la période allant du 1er avril 2016 au 7 juin 2019 :

M. [J] [N] explique que le contrat de travail s'est poursuivi après sa démission de son poste de gérant, prenant effet à la date du 31 mars 2016, et ce en application de la décision du conseil de prud'hommes de Metz du 12 mars 2019, devenue définitive, qui a constaté la poursuite du contrat de travail liant les parties. Il ajoute qu'il n'a pas commis d'abandon de poste puisqu'il n'a jamais été sollicité par l'employeur pour reprendre le travail avant le mois de juin 2019, mais qu'il n'a plus perçu de salaire jusqu'à sa réintégration à la date du 7 juin 2019.

La SAS Arthur Welter France, conteste devoir les salaires relatifs à la période allant du 1er avril 2016 au 7 juin 2019, expliquant que M. [J] [N] se trouvait en absence injustifiée sur cette période, puisqu'il ne s'est plus présenté sur son lieu de travail jusqu'au 7 juin 2019.

Elle précise qu'elle n'a pas reçu la lettre officielle datée du 21 mai 2019 émanant de l'avocat de M. [J] [N] et produite aux débats par M. [J] [N], et que le salarié ne s'est présenté à nouveau à son poste de travail que suite à la mise en demeure du 3 juin 2019 qu'elle lui a adressée par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il est constant en l'espèce que M. [J] [N] ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à compter du 1er avril 2016 et n'a réintégré son poste que le 7 juin 2019.

Le salaire versé par l'employeur étant la contrepartie à l'exécution d'une prestation de travail par le salarié, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, l'employeur était en droit de ne plus exécuter son obligation de paiement pendant la période du 1er avril 2016 au 7 juin 2019 au cours de laquelle le salarié n'a pas travaillé.

Les demandes en rappels de salaire formées par M. [J] [N] à ce titre ne sont donc pas justifiées, et il convient de débouter celui-ci de ses prétentions concernant aussi bien la période allant du 1er avril 2016 au 12 mars 2019 que celle comprise entre le 12 mars 2019 et le 7 juin 2019.

Le jugement entrepris doit être modifié en ce sens.

SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d'apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, à charge ensuite pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et les motifs invoqués devant être suffisamment précis, objectifs et vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée de la façon suivante :

« ' nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants.

Afin de restituer le contexte, nous vous rappelons que, à compter du 01 avril 2016, vous ne vous êtes plus présenté à votre poste de travail. Vous avez engagé une action prud'homale le 13 septembre 2018 sollicitant la résiliation judiciaire de votre contrat de travail outre le rappel des salaires depuis le 01 avril 2016.

Selon jugement en date du 12 mars 2019, désormais définitif, le Conseil de prud'hommes de Metz vous a débouté de l'intégralité de vos demandes.

Cette juridiction a par ailleurs constaté que, par erreur, notre société n'avait pas mis en 'uvre de procédure de licenciement et que, par conséquent, le contrat de travail était toujours en vigueur.

Cette décision étant parfaitement motivée sur le plan juridique, nous avons respecté cette décision et vous avons mis en demeure de reprendre votre poste de travail, ce qui fut chose faite début juin 2019.

Il n'en demeure pas moins que vous êtes demeuré en absence totalement injustifiée du 01 avril 2016 à début juin 2019, ayant ni plus ni moins abandonné votre poste durant cette période.

Mais surtout, et il s'agit du motif de votre licenciement, votre comportement depuis votre reprise de poste est intolérable.

Bien que nous vous ayons installé un poste de travail dans notre bureau correspondant aux exigences de votre poste de gestionnaire de transports, l'ensemble de vos collègues n'ont pu que constater votre manque total de coopération.

Ainsi, depuis le premier jour de votre reprise, vous avez quitté votre poste de travail pendant la journée de manière fréquente, quitté le bureau pour téléphoner en privé devant la porte ou dans même dans votre voiture et multiplier les pauses pour vous promener.

M. [U] [Y] nous a même indiqué s'être inquiété puisque vous avez disparu et êtes demeuré introuvable pendant plus qu'une demi-heure, alors que vous n'aviez prévenu personne et que vous n'avez expliqué votre absence que par vos prétendues « pauses café »

En outre, vos collègues de travail vous reprochent de répondre de façon impolie voire agressive.

Monsieur [Y] fait notamment état d'un emportement incontrôlé de votre part alors que celui-ci ne faisait que vous questionner sur l'avancement d'un dossier.

Enfin, vous avez refusé de participer au travail journalier et de travailler activement sur des dossiers de transport.

Au final, votre comportement depuis votre reprise est une succession d'absences injustifiées en pleine journée de travail, de refus de travail et d'attitudes impolies voire agressives avec vos collègues.

Ce comportement, alors que vous repreniez votre poste suite à une absence injustifiée de plus de 3 ans, est rigoureusement inacceptable, et dégrade très fortement l'ambiance de travail au sein de l'entreprise.

Au regard de la gravité et de la réitération des faits qui vous sont reprochés, le maintien de votre présence au sein de l'entreprise est rendu impossible. »

La SAS Arthur Welter France reproche ainsi à M. [J] [N] différents griefs relatifs à son comportement adopté sur son lieu de travail depuis sa réintégration à compter du 7 juin 2019 : des absences injustifiées et conversations téléphoniques personnelles pendant ses heures de travail, un refus de travailler et de s'impliquer, et enfin des attitudes impolies voire agressives à l'égard de certains de ses collègues.

M. [J] [N] conteste ces griefs dans le cadre de la présente procédure, expliquant qu'il a été licencié pour de faux motifs et qu'à la période de travail litigieuse (entre le 7 juin 2019, date de son retour au travail, et le 9 août 2019, date de sa convocation à un entretien préalable) il était déjà en conflit avec la direction de la société (contentieux judiciaire en cours). Il ajoute qu'il a toujours été à disposition de son employeur et n'a jamais été sanctionné disciplinairement, que la SAS Arthur Welter France cherchait à se séparer de lui, que les témoignages produits par l'employeur sont établis par des personnes acquises à celui-ci, que ces témoins ne le connaissent pas, et que les attestations qu'il produit lui-même n'ont pas été prises en compte par les premiers juges et démontrent qu'il n'a jamais adopté de comportement impoli ou agressif envers ses collègues de travail.

La SAS Arthur Welter France produit trois attestations de collègues de travail de M.[N] (M. et Mme [Y] ; M.[I]), respectivement gestionnaire transport, responsable administrative et directeur d'exploitation au sein de la SAS Arthur Welter France.

M. [J] [N] indique que ces témoignages ne sont pas probants faute pour les témoins de le connaître, compte tenu de leur lien avec la société intimée, et n'étant pas entièrement manuscrits.

L'examen de ces pièces (n°13 à 15 de l'intimée) montre que les mentions relatives à l'identité de ces témoins sont rédigées de façon dactylographiée, ce qui n'est pas une cause de nullité de ces témoignages. Par ailleurs, M.[N] ne conteste pas avoir travaillé avec ces personnes et leurs témoignages sont suffisamment précis et circonstanciés sur les faits décrits pour être retenus, sans que leur force probante ne soit remise en cause par d'autres éléments.

M. [Y] indique en effet que M. [N] s'absentait à plusieurs reprises de son poste pour passer des appels personnels, et ce sans autorisation, notamment lors d'une journée de juillet où son absence a été plus longue (20mn) et a obligé M. [Y] à partir à sa recherche. Il ajoute que le 29 juillet 2019, lors d'une discussion avec M. [N] au sujet du litige prud'homal en cours entre M. [J] [N] et la direction, M. [N] « a eu un comportement très virulent et a proclamé des injures envers (l)a direction », M. [Y] précisant avoir peiné à faire descendre la colère de M. [J] [N].

M. [I] confirme les absences régulières de M. [J] [N] pour téléphoner, dont il estime la fréquence à toutes les heures, précise que la semaine du 9 juillet 2019 M.[N] a eu plus d'une heure de retard sans donner aucune explication, et qu'en outre M.[N] prenait des photos sur son lieu de travail. Il ajoute qu'à compter de fin juillet-début août, M. [N] était très distant voire ignorait complètement les autres salariés, indiquant qu' « il n'y avait plus de dialogue possible entre nous, ce qui rendait l'atmosphère lourde ».

Mme [Y] confirme également les absences de M. [N] pour téléphoner, et ajoute que le 24 juillet celui-ci s'est emporté en tenant des propos injurieux envers la direction de Welter, à la suite de quoi il « s'est enfermé dans son mutisme allant même jusqu'à ne plus dire bonjour ou au revoir ».

Si M. [N] conteste avoir eu un comportement impoli voire agressif, les attestations qu'il produit (pièces n°20 à 25 de l'appelant), montrant que M. [J] [N] a toujours eu une attitude polie et respectueuse avec ses anciens collègues, ne peuvent valablement contredire le témoignage de M. et Mme [Y] et de M. [I], dans la mesure où soit elles émanent de collègues de travail n'ayant pas travaillé aux côtés de M.[N] pendant la période litigieuse comprise entre le 7 juin 2019 et le 9 août 2019, soit elles ne précisent pas à quelle époque ils ont côtoyé celui-ci.

Les photos versées aux débats par M. [J] [N] montrent celui-ci dans les bureaux de la SAS Arthur Welter France et certaines vues extérieures des locaux de la société, et sont insuffisantes pour justifier des absences de M. [J] [N], la présence d'un téléphone apparaissant sur certaines d'entre elles de sorte que le défaut de mise à disposition d'un téléphone professionnel invoqué pour justifier de ses sorties pendant les heures de travail n'est pas démontré.

L'argument avancé par M. [J] [N], relatif à la météo (canicule) qui aurait pu justifier son retard ne peut pas non plus être retenu, ce motif n'empêchant pas M. [J] [N] de communiquer avec son responsable au sein de la société sur les raisons d'un éventuel décalage de ses horaires de travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à compter de juillet 2019, M. [J] [N] a adopté un comportement vis à vis de ses collègues perturbant les relations de travail et le fonctionnement de la société (absences imprévues ; colère le 29 juillet et injures envers la direction proférées en présence d'un collègue ; puis refus de tout contact avec ses collaborateurs).

Ces éléments constituent une violation par M.[N] de son obligation d'exécuter loyalement son contrat de travail, violation suffisamment importante pour rendre impossible le maintien du salarié au sein de la SAS Arthur Welter France, au regard de l'impossibilité pour ses collègues de communiquer avec lui et de la remise en cause par M. [N] de la direction, qui portent atteinte au fonctionnement de la société.

Le licenciement de M. [N] pour faute grave prononcé le 23 août 2019 est donc justifié, de sorte qu'il convient de rejeter les demandes formées par celui-ci aux fins de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la SAS Arthur Welter France à lui payer une indemnité de préavis, les congés payés y afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

SUR LES DEPENS ET LES FRAIS IRREPETIBLES :

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] [N] qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande de dire qu'il n'y a pas lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par M. [J] [N] en paiement de rappels de salaires concernant la période allant du 1er avril 2016 au jugement du 12 mars 2019 ;

STATUANT A NOUVEAU ET DANS CETTE LIMITE,

Déclare recevable la demande formée par M. [J] [N] en paiement de rappels de salaires concernant la période allant du 1er avril 2016 au jugement du 12 mars 2019 ;

Déboute M. [J] [N] de cette demande de rappels de salaires concernant la période allant du 1er avril 2016 au jugement du 12 mars 2019 ;

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [J] [N] aux dépens d'appel.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 21/00262
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;21.00262 ?
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