RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00674 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FOPW
Minute n° 23/00061
[D]
C/
S.E.L.A.R.L. AB HUISSIERS 57
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 09 Février 2021, enregistrée sous le n° 17/00191
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 07 MARS 2023
APPELANT :
Monsieur [R] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Christine SALANAVE, avocat postulant au barreau de METZ et Me Antoine BLANC avocat plaidant au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. AB HUISSIERS 57 Représentée par son gérant.
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat postulant au barreau de METZ et Me Farida AYADI, avocat plaidant au barreau d'EPINAL
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 13 Octobre 2022 tenue par Mme Laurence Fournel et Mme Catherine Devignot, Magistrats rapporteurs, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré, pour l'arrêt être rendu le 07 Mars 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Madame FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Madame FOURNEL,Conseillère
Madame DEVIGNOT, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
M. [R] [B] [D] a exercé durant de nombreuses années les fonctions d'huissier de justice à [Localité 5] (57).
En décembre 2014 il a souhaité démissionner de ses fonctions, et par arrêté du 12 mars 2015 le garde des sceaux a accepté sa démission.
L'étude étant située en Moselle, la succession de M. [D] était régie par les règles du droit local, en vertu desquelles une étude ne peut être cédée, toute vacance de poste donnant lieu à une procédure spécifique de candidature, de choix et de nomination.
Mme [P] [V], huissière de justice à [Localité 4] dans les Vosges a postulé pour être nommée sur l'étude de [Localité 5], et par arrêté du 11 avril 2016, publié au JORF le 21 avril 2016, le Garde des Sceaux a nommé la société d'exercice libérale à responsabilité limitée AB Huissiers 57- [P] [V] comme huissier de justice à la résidence de [Localité 5], Mme [P] [V] étant nommée huissière de justice associée.
Mme [V] a prêté serment devant le tribunal de grande instance de Metz le 4 mai 2016.
Elle a le même jour rencontré M. [D] pour définir les modalités de succession de l'étude.
Par courrier du 06 mai 2016, Mme [V] a informé M. [K] et M. [F], respectivement délégué et président de la Chambre Départementale des Huissiers, de sa décision de changer la domiciliation de l'étude, en faisant état de l'impossibilité d'en prendre possession du fait de la réticence administrative, comptable et informatique de l'ancien titulaire.
Le 06 mai 2016, Mme [V] a procédé au déménagement de l'étude dans un autre local afin d'y exercer son activité.
M. [D] a fait constater par procès-verbal d'huissier de justice le déménagement, en faisant grief à Mme [V] de l'avoir ainsi dépossédé, notamment de tout son matériel informatique, et des données s'y trouvant, y compris des données personnelles. Il a également déposé une main courante auprès du commissariat de [Localité 5] à ce sujet.
Le 09 mai 2016, la chambre départementale des huissiers de justice de Moselle a organisé une réunion dans les locaux de la SELARL AB Huissier 57 avec M. [D] et Mme [V] en présence des représentants de la chambre, M. [F], président, M. [S], syndic et M. [W], trésorier.
À l'issue de cette réunion, un protocole d'accord a été signé entre les parties visant à régler leur différend suite au déménagement de l'étude et à arrêter la somme des créances acquises.
Aux termes de ce protocole divers engagements étaient pris et notamment :
- restitution par Mme [V] à M. [D] du matériel informatique et bureautique lui appartenant, dont disques durs, sauvegardes, classeur des factures, clé USB ADEC, boîtiers de sécurité CDC, matériel informatique à l'exception du matériel en leasing, Mme [V] s'engageant à reprendre le contrat de leasing à son nom.
-paiement par Mme [V], pour le 30 mai 2016, d'une somme de 135.000 € au titre des créances acquises.
Le 30 juin 2016 Mme [V] a déposé une main courante auprès commissariat de police de [Localité 5], avançant que lors de sa rencontre le 4 mai 2016 avec M. [D], celui-ci aurait exigé la somme de 200 000 euros au titre de ses créances acquises dans le cadre de la succession de l'étude, en la menaçant de salir sa réputation si elle ne s'exécutait pas et de venir la harceler à l'étude tous les jours pour avoir son dû.
Par courrier recommandé avec accusé de réception adressé le 31 mai 2016 à M. [D] et ultérieurement signifié le 16 juin 2016, Mme [V] a indiqué à celui-ci qu'elle dénonçait le protocole d'accord, signé sans qu'elle ait été en mesure de vérifier la comptabilité et sans que ne soient listées les créances acquises client par client, en exposant avoir constaté que M. [D] s'était gardé de l'informer de ce que dans les créances acquises se trouvaient 53.000 € de débours impayés et que d'autre part certaines des créances figurant dans la liste étaient prescrites. Elle considérait dès lors que régler le montant initialement prévu reviendrait à payer les débours deux fois.
Par acte d'huissier du 15 juin 2016, M. [D] a assigné la SELARL AB Huissiers 57-[P] [V] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saverne, en exposant que malgré plusieurs mises en demeure Me [V] n'avait pas exécuté les termes du protocole d'accord du 9 mai 2016, et en sollicitant condamnation de Mme [V] à lui restituer son matériel informatique et bureautique ainsi que des fichiers comptables, et des extraits de comptes, et à lui payer la somme de 135.000 € outre intérêts légaux en exécution de ce protocole.
Mme [V] a notamment soutenu en réplique que son consentement avait été vicié lors de la signature du protocole d'accord, le montant des créances acquises étant erroné pour avoir été calculé sur des exercices antérieurs de plus de cinq ans, tandis que ses recherches avaient fait apparaître l'existence de débours non régularisés.
Par ordonnance du 04 juillet 2016, le juge des référés a ordonné à la SELARL AB Huissiers 57 de restituer à M. [D] le matériel informatique et bureautique, à l'exception du matériel faisant l'objet du contrat de crédit-bail, ainsi que les fichiers comptables à la norme FEC pour les exercices de 2013 à 2015 et pour l'exercice comptable jusqu'au 4 mai 2016 sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de huit jours. Il a donné acte à la SELARL AB Huissiers 57 de ce qu'elle s'engageait à restituer sans délai les imprimantes Lexmarx et Canon ainsi qu'un écran plat, et attestait ne pas être en possession des données SCT du second trimestre 2016 ni des extraits de comptes bancaires CDC et BPALC se rapportant à l'exercice 2016.
Il a ordonné à M. [D] de restituer à la SELARL AB Huissiers 57 les contrats de travail des salariés, les archives, les dossiers en cours à l'étude et le switch HP figurant au contrat de crédit-bail.
Il a rejeté le surplus des demandes de restitutions réciproques, et s'est estimé incompétent pour statuer sur la demande de provision au vu des contestations sérieuses invoquées à l'encontre du protocole d'accord du 9 mai 2016.
Par acte du 06 juillet 2016, Mme [V] a fait assigner M. [D] en référé expertise devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, en arguant de ce que les éléments de comptabilité détenus par elle ne permettaient pas d'apprécier la réalité de la comptabilité de l'étude, et aux fins d'apprécier le quantum du montant des créances acquises sur les 5 dernières années, d'évaluer le montant des débours, de rechercher sur quels comptes les fonds clients ont été versés, et de faire en outre diverses recherches afin de relever d'éventuels manquements aux obligations.
Par ordonnance de référé du 10 janvier 2017, la demande de Mme [V] a été rejetée au motif que le protocole d'accord avait été signé entre les parties en présence de représentants de la Chambre des huissiers de la Moselle, que Mme [V] avait pu préalablement consulter la comptabilité fiscale mise à disposition par le Parquet général, et qu'en outre les pièces produites ne justifiaient pas de l'existence de débours impayés pour 53.000 €.
***
Par acte d'huissier du 25 janvier 2017, M. [D] a assigné la SELARL AB Huissiers 57 devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines aux fins d'obtenir l'exécution du protocole d'accord, et donc la condamnation de la SELARL AB Huissiers 57 à lui payer la somme principale de 135.000 €, outre des dommages et intérêts et frais irrépétibles.
La SELARL AB Huissiers 57 a répliqué en soulevant la nullité du protocole à raison des man'uvres déployées par M. [D] pour présenter faussement la situation comptable de l'étude et notamment le montant des créances acquises, et pour occulter un certain nombre de pratiques contestables ayant notamment conduit à facturer des montants indus à des débiteurs.
Reconventionnellement elle a réclamé paiement de diverses sommes au titre des préjudices subis à raison des divers manquements ou fautes imputables à M. [D] à savoir :
-demande au titre des fonds clients détournés
-débours impayés imputables à Me [D]
-perte de chiffre d'affaire
-dédommagement au titre du temps passé pour gérer le sinistre, subir les contrôles,
-demande relative à la mauvaise gestion de l'étude durant la suppléance (augmentation de la masse salariale
-préjudice moral
Le 10 juillet 2018, Mme [V] a déposé plainte contre M. [D] auprès du procureur de la République de Metz.
Alors que la procédure judiciaire était en cours, une inspection du second degré a été diligentée dans les locaux de l'étude entre le 11 et le 13 juin 2019, par la chambre nationale des huissiers de justice. Un rapport a été rédigé, concluant à des manquements de la part de M. [D].
Par jugement du 09 février 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
-annulé le protocole d'accord du 09 mai 2016 conclu à [Localité 5] par M. [D] et Mme [V];
-débouté M. [D] de l'intégralité de ses prétentions ;
-condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 27 800 euros au titre du temps qu'elle a dû consacrer à reprendre le sinistre, à subir l'inspection du mois de juin 2019 et à réaliser les décomptes des ventes aux enchères de M. [D] ;
-condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 65 345 euros au titre de la mauvaise gestion salariale pendant sa suppléance ;
-condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral
-condamné M. [D] aux entiers dépens ;
-condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Sur la validité du protocole d'accord du 9 mai 2016, le tribunal a d'abord observé que les documents communiqués à Mme [V] au cours du mois de mai 2016, s'ils faisaient apparaître un montant de créances facturées ou douteuses de 278.545,11 € et 997,32 €, ne permettaient pas d'apprécier le bien fondé des opérations et notamment l'éventualité d'une facturation de frais indus.
Récapitulant les constatations faites aussi bien par Mme [M], à laquelle un audit privé avait été demandé, que par les inspecteurs de la chambre nationale des commissaires de justice, et se référant également aux nombreux décomptes produits, le tribunal a retenu que M. [D] avait eu des pratiques contraires aux règles applicables en matière de frais d'huissier de justice et que c'est la facturation issue de ces pratiques qui avait permis d'afficher dans les documents comptables des créances acquises pour un montant de 279 542,43 euros.
Le tribunal a estimé que ce montant était erroné puisqu'il comprenait de très nombres frais indus et que Mme [V] ne pouvait les recouvrer sauf à continuer les pratiques de M. [D] qui constituaient une violation des règles relatives à la facturation des actes d'huissiers de justice.
Le tribunal a considéré que l'erreur de la SELARL AB Huissiers 57 sur la substance du protocole était excusable puisqu'il n'est pas prévisible qu'un officier public ministériel procède à la facturation massive d'actes frustratoires en violation des textes applicables. Le tribunal en a conclu que le consentement de Mme [V] avait été donné en raison d'une erreur sur la substance, de sorte qu'il convenait d'annuler le protocole d'accord du 09 mai 2016 conclu entre les parties.
Le tribunal a en outre retenu que le protocole d'accord étant le seul moyen sur lequel M. [D] se fondait pour obtenir le paiement de la somme de 135 000 euros, de sorte que ce protocole ayant été annulé, cette demande devait être rejetée. Le tribunal a également considéré que M. [D] ne justifiait pas de quel ordre serait le préjudice invoqué lié au déménagement de ses biens par Mme [V] puisque ce dernier n'exerçait plus les fonctions d'huissier et qu'il n'a pas été démontré quels éléments étaient manquants.
Sur les demandes de la SELARL AB Huissiers 57, le tribunal a estimé que celle-ci ne démontrait pas quel préjudice elle subirait du fait des fonds clients détournés, puisqu'il n'était pas démontré qu'il appartiendrait à la SELARL de rembourser les clients pour les pratiques de M. [D], seul ce dernier étant responsable de ses actes et susceptible de prendre en charge le solde négatif d'un dossier au moment de sa transmission. Quant à l'impossibilité alléguée par la SELARL AB Huissiers 57 de facturer à raison des actes frustratoires de M. [D], le tribunal a considéré qu'il n'existerait de préjudice que s'il était démontré que la SELARL avait réalisé des actes sans pouvoir les facturer à raison des sommes indûment perçues par M. [D], ce qui n'était pas le cas.
Sur les débours impayés, le tribunal a retenu qu'il n'était pas démontré par Mme [V] que le règlement de ces débours à l'aide des sommes facturées soit impossible et ce alors que la SELARL n'a pas payé les créances, et qu'il appartient à M. [D] de solder personnellement les éventuelles dettes qui seraient les siennes puisque l'acte de cession des créances a été annulé.
Sur la demande au titre de la perte du chiffre d'affaires en 2016, le tribunal a retenu que la SELARL AB HUISSIER 57 invoquait pour fonder cette demande, des manquements faisant l'objet de demandes autonomes qui ne pouvaient être indemnisés deux fois, et que, n'ayant pas acheté son office, elle ne saurait reprocher à M. [D] que celui-ci soit moins rentable en 2016.
Sur la demande au titre de la perte de clients, le tribunal a retenu qu'il n'était pas démontré que M. [D] ait été médire afin que la SELARL AB Huissiers 57 ne reçoive plus de dossiers de ventes judiciaires et qu'il n'était pas justifié de médisances auprès de la société Valorgie.
Sur la demande au titre du temps passé à gérer le sinistre, aux contrôles de chambre et au décompte des ventes aux enchères, le tribunal a retenu que la SELARL, prise en la personne de Mme [V], avait effectivement consacré une partie importante de son temps à reprendre les dossiers afin de vérifier la présence de frais frustratoires imputables à M. [D], ce qui justifiait l'indemnisation du temps ainsi perdu, à hauteur de 25.000 €, outre 800 € au titre du temps passé à contribuer à la mission d'inspection au détriment du travail d'huissier, et 2.000 € au titre du temps passé sur les décomptes relatifs aux ventes aux enchères qui avaient profité à M. [D].
Sur la demande relative au maintien du site internet et au référencement internet, le tribunal retenu qu'il n'était pas justifié d'obligation pour M. [D] de se déréférencer dès lors que l'office n'a pas été acheté et qu'en tout état de cause M. [D] n'était plus huissier de justice et ne pouvait donc plus concurrencer la SELARL AB Huissiers 57.
Sur la demande relative à la mauvaise gestion de l'office pendant la suppléance, le tribunal a retenu que M. [D] n'aurait pas dû augmenter le salaire M. [X] durant le temps de sa suppléance puisqu'il devait se limiter, au cours de cette période, à accomplir les dépenses nécessaires et aurait du prendre une telle initiative durant une période où l'office lui appartenait encore. Il a donc retenu une faute de M. [D], qui a provoqué une augmentation importante de la masse salariale, justifiant l'allocation de la somme de 65.345 € réclamée.
Sur les demandes relatives à la production de comptes bancaires, à la restitution des fonds clients et à supprimer tout référencement internet, le tribunal a retenu qu'il n'était pas justifié d'une interdiction pour M. [D] de ne plus être référencé et ce alors qu'il n'était plus huissier de justice. Le tribunal a également retenu que les comptes bancaires dont la production est réclamée n'étaient pas détaillés par la SELARL AB Huissiers 57 et qu'il ne disposait pas des éléments nécessaires pour lui permettre éventuellement d'ordonner une telle production de pièces. Enfin, s'agissant de la restitution des fonds clients perçus par M. [D], le tribunal a retenu que celui-ci ne disposait d'aucun droit sur les sommes payées au titre d'actes postérieurs à l'entrée en fonction de Mme [V] exerçant pour le compte de la SELARL AB Huissiers 57, mais que cependant en l'absence d'information sur les actes dont le paiement était intervenu après la prise de fonction de Mme [V], la demande de la SELARL ne pouvait qu'être rejetée.
Sur la demande au titre du préjudice moral, le tribunal a retenu que le comportement de M. [D] qui a augmenté de façon massive la charge salariale de l'office après sa demande de mise en retraite, qui a reconnu avoir été destinataire de documents adressés à l'office concernant des dossiers en cours et ne pas les avoir remis à Mme [V], et avoir reçu des fonds qui ne lui étaient pas destinés, avait causé à la SELARL un préjudice moral justifiant l'allocation de 15.000 € à titre de dommages et intérêts.
Enfin le tribunal n'a pas ordonné l'exécution provisoire de la décision, ne l'estimant pas nécessaire.
Par déclaration effectuée par voie électronique le 11 mars 2021, M. [D] a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Sarreguemines aux fins d'infirmation du jugement en ce qu'il a annulé le protocole d'accord du 09 mai 2016 conclu à Sarrebourg par M. [D] et Mme [V] ; en ce qu'il a débouté M. [D] de l'intégralité de ses prétentions ; en ce qu'il a condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 27 800 euros au titre du temps qu'elle a dû consacrer à reprendre le sinistre, à subir l'inspection du mois de juin 2019 et à réaliser les décomptes des ventes aux enchères de M. [D] ; en ce qu'il a condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 65 345 euros au titre de la mauvaise gestion salariale pendant sa suppléance ; en ce qu'il a condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral ; en ce qu'il a condamné M. [D] aux entiers dépens ; en ce qu'il a condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Par conclusions déposées le 10 septembre 2021, M. [V] a formé un appel incident sur les demandes qui ont été rejetées par les premiers juges.
En marge de la présente procédure, le 06 septembre 2021, la SELARL AB Huissiers 57 a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de M. [D]. Le 02 novembre 2021 celui-ci a saisi le juge de l'exécution aux fins d'obtenir mainlevée de cette saisie.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions déposées le 09 décembre 2021, M. [D] demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien, 1383, 2044, 2052 et suivants du code civil, et du protocole d'accord du 09 mai 2016, de :
« Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Sarreguemines le 09 février 2021 en ce qu'il a :
-annulé le protocole d'accord du 09 mai 2016 conclu à [Localité 5] par M. [D] et Mme [V] ;
-débouté M. [D] de l'intégralité de ses prétentions ;
-condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 27 800 euros au titre du temps qu'elle a dû consacrer à reprendre le sinistre, à subir l'inspection du mois de juin 2019 et à réaliser les décomptes des ventes aux enchères de M. [D] ;
-condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 65 345 euros au titre de la mauvaise gestion salariale pendant sa suppléance ;
-condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral ;
-condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné M. [D] aux entiers dépens ;
-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Sarreguemines le 09 février en ce qu'il a :
-débouté la SELARL AB HUISSIERS de ses demandes suivantes :
-demande de condamnation à hauteur de 140 191,46 euros au titre des « fonds clients détournés »,
-demande de condamnation à hauteur de 29 997,30 euros au titre des « fonds clients détournés dans le dossier « fourre-tout » » ;
-demande de condamnation à hauteur de 2 880,19 euros au titre des « débours impayés » ;
-demande de condamnation à hauteur de 76 888 euros au titre de la « perte de chiffre d'affaires 2016 » ;
-demande de condamnation à hauteur de 50 000 euros au titre de la « perte de clients »;
-demande de condamnation à hauteur de 10 000 euros « pour le maintien de son site et son référencement internet » ;
-demande de condamnation de M. [D] à produire, sous astreinte de 150 euros par jours de retard les extraits bancaires détaillés des comptes bancaires détenues par lui ou son ancienne étude ;
Statuant à nouveau :
- condamner la SELARL AB Huissiers 57 à payer M. [D] la somme de 135 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 03 juin 2016 ;
- condamner la SELARL AB Huissiers 57 à payer M. [D] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- condamner la SELARL AB Huissiers 57 à payer à M. [D] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- condamner la SELARL AB Huissiers 57 à payer M. [D] la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la SELARL AB Huissiers 57 de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la SELARL AB Huissiers 57 aux entiers dépens ».
M. [D] fait valoir au soutien de sa demande en exécution du protocole, que Mme [V] a postulé en parfaite connaissance de la comptabilité de l'étude comme l'a retenu le juge des référés du tribunal de grande instance de Sarreguemines, dès lors qu'il avait lui-même remis au Parquet Général les documents fiscaux et comptables afférents aux exercices 2010 à 2014. Il soutient de même avoir remis à Mme [V], lors de la réunion du 04 mai 2016, tous les documents comptables arrêtés au 4 mai 2016 et notamment la balance générale des dossiers comportant 543 pages et faisant apparaître le montant des créances acquises. Il en veut pour preuve le fait que Mme [V] a signé les documents, n'a ultérieurement sollicité de sa part aucun document, et a au contraire établi elle même un document intitulé « arrêté du compte affecté fonds clients Art. 64 ».
Il expose en outre que Mme [V] ne s'est pas présentée au rendez vous du 06 mai 2016 ayant pour objet d'arrêter le montant des créances acquises, et a profité de l'absence de M. [D] pour déménager intégralement l'étude, emportant les 2.400 dossiers vivants de l'étude, le matériel informatique avec ses logiciels, les éléments de bureautique qui contenaient toutes les données professionnelles et personnelles de M. [D]. Celui-ci estime qu'une telle initiative constitue un véritable vol et rend incontestable que dès l'origine, Mme [V] n'entendait pas procéder au règlement des créances acquises.
M. [D] conclut qu'à l'issue de la réunion du 09 mai 2016 Mme [V] a signé le protocole en parfaite connaissance de cause et après avoir pu étudier les documents qu'il affirme lui avoir remis dans leur intégralité le 04 mai 2016 ainsi qu'il résulte notamment de l' « arrêté de compte » précité, mais également des conclusions prises par Mme [V] devant le juge des référés, lesquelles valent aveu judiciaire au sens de l'article 1383 du code civil. Il souligne que Mme [V] a apposé sa signature sur les documents et a reconnu que le montant des créances acquises s'élevait à 279.542,43 €. De même il fait valoir que les documents remis mentionnaient expressément que le montant des débours s'élevait à la somme de 45.709,15 €, que Mme [V] en avait connaissance et a convenu avec lui, et en présence de représentants de la chambre départementale, de forfaitiser les créances acquises à la somme de 135.000 € compte tenu des éventuels débours à recouvrer auprès des mandants puis à payer aux correspondants.
M. [D] fait valoir qu'en application de l'article 2052 du code civil une transaction a autorité de choses jugée entre les parties, et que Mme [V] n'invoque, dans son courrier de dénonciation du 31 mai 2016, aucun des motifs prévus à l'article 2053 pour justifier la remise en cause de cette transaction, les allégations contenues dans ce courrier étant mensongères et démenties par les documents communiqués à Mme [V]. Il en conclut que le protocole n'a pas été régulièrement dénoncé et ne peut pas l'être juridiquement.
Quant aux critiques relatives à la tenue de la comptabilité de son étude, M. [D] fait valoir qu'il a fait l'objet de contrôles réguliers qui n'ont jamais relevé la moindre anomalie, et qu'il en a été ainsi du contrôle effectué le 13 février 2018 postérieurement aux contestations de Mme [V]. Il considère que si les malversations qui lui sont reprochées étaient réelles, elles auraient été relevées soit par ces contrôles, soit par l'expert comptable auquel il avait confié sa comptabilité, le cabinet KPMG. Il dénie en outre toute valeur probante à l'audit effectué par Mme [M] à la demande de Mme [V], observant que cet audit n'a pas été réalisé de façon contradictoire, et qu'en outre Mme [M] s'est bornée à analyser quelques pièces, en l'occurrence des documents établis par Mme [V] elle-même, sans effectuer elle-même la moindre constatation ni le moindre contrôle.Il relève également des contradictions dans les propos de Mme [M].
Quant au nouveau contrôle de second degré effectué sur la période du 11 au 13 juin 2019, M. [D] lui oppose tout d'abord le fait que le contradictoire n'a pas été respecté au cours de ce contrôle, puisqu'il en a été averti tardivement, que le contrôle avait débuté avant que lui-même ne soit sur place dans les locaux de la SELARL AB Huissiers 57, et qu'il n'a pas obtenu les justificatifs de certaines sommes, comme les débours dont se prévaut Mme [V] ou le montant des créances acquises qu'elle aurait déjà perçu. Il souligne par ailleurs que des carences manifestes ont également été relevées dans la tenue de la comptabilité de Mme [V], sans qu'ultérieurement les inspecteurs n'en tiennent compte.
Il relève par ailleurs que Mme [V] soutient sans aucune preuve qu'un montant important des créances acquises serait irrecouvrable, et qu'en outre dans le paragraphe « cession de créance » les contrôleurs se sont bornés à reprendre les affirmations de Mme [V] et à tenir pour exact le tableau élaboré et présenté par elle-même. Il soutient en outre que Mme [V] se fonde notamment sur des dossiers archivés qu'elle a manipulés, alors qu'ils n'ont pas servi à l'évaluation du montant des créances acquises. Il fait grief aux contrôleurs d'avoir repris sans vérification les chiffres annoncés par Mme [V], qui fait ainsi état de 225.191,46 € de « frais indus » et d'un encaissement de 82.930,72 € de créances, compensé avec ces frais. Il relève cependant qu'outre cette somme Mme [V] a indiqué pouvoir encore recouvrer environ 90.000 €, ce dont il résulte que le montant des créances recouvrables était à minima de 172.930,72 €. Il s'insurge cependant contre le fait que Mme [V] se soit arrogé le droit de juger arbitrairement du bien fondé des frais mis en compte par son prédécesseur.
Au sujet de ces frais qualifiés de indus, il expose que la pratique de facturation de décomptes envoyés aux parties était antérieurement admise, que le coût de cette prestation était affiché dans son étude, et que ses clients en étaient parfaitement informés et étaient d'accord avec cette facturation, comme avec celle des honoraires exceptionnels pour des procédures longues, ainsi qu'il résulte des attestations produites. S'agissant de même des procès-verbaux de réception de deniers parfois facturés à plusieurs reprises dans les dossiers, il affirme qu'il s'agissait là d'une pratique courante antérieurement, et acceptée des mandants. Il observe qu'il n'est justifié d'aucune réclamation émanant des débiteurs ou des clients.
Il considère que les documents produits par Mme [V], tant devant les contrôleurs que devant la cour, sont dépourvus de toute valeur probante, dès lors que les tableaux ont été établis unilatéralement par cette dernière, qu'elle a également eu la possibilité de manipuler les dossiers dont les décomptes sont produits, et que certains contrôles ou manipulations ont porté sur des dossiers archivés non pris en compte pour l'évaluation du montant des créances acquises.
Il conteste en outre les suppressions arbitraires de frais auxquelles a procédé Mme [V], qu'il estime totalement injustifiés, et cite en exemple les frais supprimés et pourtant légitimes figurant dans certains dossiers.
S'agissant des critiques relatives au défaut de transmission aux mandataires du produit de certaines ventes, M. [D] soutient qu'à l'occasion de ces transmissions, Mme [V] n'a pas hésité à facturer des honoraires à son profit alors qu'elle n'est jamais intervenue dans ces dossiers.
Il rappelle que Mme [V] était informée par le biais du compte n° 4011200 de l'existence de débours à régler dont il a été tenu compte dans la décote appliquée, mais fait valoir que les contrôleurs ont demandé à Mme [V] de lui transmettre la copie de l'ensemble des factures réceptionnées concernant des frais inhérents à son exercice, et que celle-ci n'en a rien fait. Il conteste le montant avancé par Mme [V] de 52.880 €, qui ne résulte que d'un listing établi par elle-même.
S'agissant du grief formulé par les contrôleurs, à propos des fonds correspondant à des disponibles jamais encaissés par les bénéficiaires, et reversés sur son propre compte, M. [D] conteste la conclusion qu'en tirent les contrôleurs et observe qu'en tout état de cause ceci est sans incidence sur le montant des créances acquises.
Quant au reproche fait par les contrôleurs selon lequel il n'aurait pas informé Mme [V] de l'encaissement de certains fonds en provenance des débiteurs postérieurement à sa cessation de fonctions, M. [D] soutient qu'il est infondé et qu'il apporte la preuve de ce qu'il a informé Mme [V].
S'agissant de l'analyse de « dossiers fictifs » effectuée par les contrôleurs, il explique qu'il s'agissait de dossiers ouverts pour conserver la trace d'écritures privées, et fait valoir que ceci est également sans aucune incidence sur le montant des créances acquises tel qu'indiqué à Mme [V].
M. [D] conteste dès lors l'ensemble des affirmations de Mme [V] sur les prétendues malversations qu'il aurait commises, qu'il s'agisse des allégations non fondées concernant les frais frustratoires, des débours impayés dont Me [V] avait connaissance, ou des prétendues perceptions de fonds devant revenir à des mandataires judiciaires. Sur ce dernier point il produit le courrier de l'étude Noël Nodée et Lanzetta duquel il résulte que cette étude était satisfaite de ses prestations.
De même il expose que les prétendus non reversements dans des dossiers de saisies des rémunérations ne sont nullement prouvés et que le seul exemple donné par Mme [V] est inexact.
Il expose également que les critiques relatives au « dossier 1860 » sont totalement infondées, qu'il s'agissait d'un compte permettant de comptabiliser au jour le jour les opérations qui ne pouvaient pas être immédiatement imputées, qu'il n'en résulte aucun détournement et que Mme [V] ne s'appuie que sur un historique qu'elle a elle même établi. De même il conteste l'existence de « dossiers fourre-tout » qui auraient servi à des opérations « douteuses » et indique qu'il s'en est expliqué devant les contrôleurs.
Enfin il conteste l'affirmation de Mme [V] selon laquelle les frais frustratoires s'élèveraient à la somme de 225.191,46 €, montant qui n'est justifié par aucun élément de preuve à l'exception du tableau Excel établi arbitrairement par Mme [V] elle-même.
M. [D] s'oppose dès lors à l'ensemble des demandes reconventionnelles de Mme [V].
Sur le remboursement des prétendus fonds clients détournés, il observe qu'il n'est pas justifié des montants réclamés ni de ce que la somme prétendument recouvrée au titre des créances acquises aurait servi à rembourser les clients spoliés, outre le fait que Mme [V] n'indique pas à quel titre elle devrait rembourser elle-même ces clients. Il ajoute que compte tenu de l'ancienneté de certains dossiers archivés, toute demande à ce titre se heurterait à la prescription.
De même il considère que Mme [V] ne justifie pas de ce qu'il lui incomberait de rembourser les débours impayés, celle-ci ne justifiant ni de réclamations ni de ce qu'elle aurait elle-même réglé ces sommes.
Il considère que la demande de production d'extraits de comptes sous astreinte est imprécise, et infondée alors que Mme [V] a repris l'étude depuis plus de cinq ans.
De même il estime que la prétendue perte de chiffre d'affaire alléguée ne repose sur aucun raisonnement sérieux et n'est justifiée par aucun document, et que la prétendue perte de clients fait double emploi avec la précédente demande mais n'est pas davantage établie.
Il s'oppose également à la demande d'indemnisation au titre du « temps passé » à reprendre les dossiers, faisant valoir que le tribunal sur ce point a procédé par une pure supposition, et qu'en outre Mme [V] a, de sa seule initiative, décidé de retraiter 921 dossiers archivés pour lesquels elle ne justifie d'aucune réclamation. Il conteste de même la réclamation portant sur le temps passé à « subir » les contrôles, ou à établir les décomptes de vente aux enchères.
M. [D] conteste également la prétendue augmentation de la masse salariale que lui impute Mme [V], en exposant que celle-ci, avant de reprendre l'étude, a eu entièrement connaissance des contrats de travail et salaires versés aux collaborateurs de l'étude, et que l'augmentation de salaire de M. [X], justifiée selon lui, est intervenue avant qu'il ait connaissance de ce que Mme [V] allait reprendre l'étude de sorte qu'il n'avait aucune intention de lui nuire. Il considère que les documents produits ne justifient pas du montant réclamé, et qu'en réalité cette augmentation de masse salariale résulte de l'embauche par Mme [V] de son conjoint comme collaborateur.
Il conclut à la confirmation du jugement pour ce qui concerne le rejet des dommages et intérêts relatifs au maintien de son référencement sur internet, dès lors qu'il n'est plus huissier et ne peut plus faire concurrence à Mme [V].
Enfin il considère la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral entièrement infondée, et faisant double emploi, compte tenu de ses motifs, avec la demande au titre du temps passé.
Outre sa demande initiale en paiement de la somme de 135.000 € au titre du protocole, M. [D] met en compte des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des agissements de Mme [V], qui lui a dérobé son matériel informatique contenant de nombreuses données personnelles, a cherché à se dérober au paiement des créances acquises, fruit du travail de M. [D], et a jeté l'opprobre sur sa gestion de l'étude.
Il réclame également des dommages et intérêts pour résistance abusive, dès lors que Mme [V] a tout fait pour échapper à l'exécution du protocole qu'elle a signé.
Par conclusions déposées le 10 septembre 2021, la SELARL AB huissiers 57 demande à la cour, au visa de l'article 488 du code de procédure civile, des articles 1101, 1109, 1110 et suivants anciens du code civil, des articles 1130, 1137, 2052, 2055, 2044 du code civil, de l'article 1382 ancien du code civil, actuellement codifié 1240 du code civil, du décret du 12 décembre 1996, relatif aux huissiers de justice, de l'arrêté du 26 février 2016 fixant la rémunération des huissiers de justice, de la loi du 05 mars 2007 et des pièces produites, de :
- rejeter l'appel de M. [D] ;
- faire droit à l'appel incident de la SELARL AB Huissiers 57 ;
- confirmer le jugement entrepris à l'exception des chefs de demandes sur lesquelles laSELARL AB Huissiers 57 forme appel incident, sur lesquels l'infirmation est sollicitée ;
- dire et juger que M. [D] a commis un dol lors de la rédaction de l'acte du protocole du 09 mai 2016 ;
- prononcer la nullité du protocole du 09 mai 2016 pour dol imputé à M. [D] et dire qu'en conséquence, le protocole d'accord du 09 mai 2016 est nul et nul effet avec toutes conséquences de droit ;
Subsidiairement,
- dire et juger que le consentement de Mme [V] et de la SELARL AB Huissiers 57 a été donné en raison d'une erreur sur la substance du contrat et sur ce fondement, à titre subsidiaire, confirmer le jugement quant à la nullité du protocole du 09 mai 2016 ;
Statuant sur les demandes et l'appel incident de la SELARL AB Huissiers 57 :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57 la somme de 27 800 euros et 65 345 euros
- le réformer pour le surplus
Statuant sur l'appel incident et l'augmentation de demande relatifs au quantum des condamnations,
- condamner M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57, les sommes de :
-140 191,46 euros représentant le préjudice subi au titre des fonds clients détournés et - donner acte à la SELARL AB Huissiers 57 qu'elle s'engage à restituer les fonds aux clients victimes de ces détournements ;
-28 997,30 euros au titre des fonds clients détournés dans le dossier FOURRE TOUT 1860 et donner acte à la SELARL AB Huissiers 57 qu'elle restituera les fonds aux clients concernés ;
-52 880,17 euros au titre des débours impayés aux confrères et donner acte à la SELARL AB Huissiers 57 qu'elle s'engage à restituer les fonds impayés aux prestataires et confrères concernés ;
-150 000 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires ;
-50 000 euros pour perte de clients ;
-10 000 euros pour le maintien du site internet et du référencement internet de M. [D];
-25 000 euros en réparation du préjudice moral ;
- condamner M. [D] à produire les extraits bancaires complets et détaillés des comptes bancaires, détenus par lui ou son ancienne étude, à savoir :
-le compte intitulé SCP [D] et HUSSER, ouvert dans les livres de la CDC n° de compte 172479B28 ;
-le compte intitulé [R] [B] [D], ouvert dans les livres de la BPALC sous le n°94811725 ;
-le compte intitulé GBW ancien, ouvert dans les livres de la BPALC sous le n°10220225 ;
-le compte intitulé CCP GBW, ouvert dans les livres de la Banque Postale sous le n°22354H ;
- ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard un mois après la signification de l'arrêt à intervenir
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses moyens, fins, conclusions et demandes
- condamner M. [D] à payer à la SELARL AB Huissiers 57, la somme de 25 000 euros par
application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [D] aux entiers dépens d'appel ;
- dire et juger irrecevable la demande formée par M. [D] tendant à voir condamner la SELARL AB Huissiers 57 aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de M. Belhamici, avocat ».
A l'appui de ses demandes Mme [V] pour la SELARL AB huissiers 57 expose, sur le déroulement des faits, que contrairement aux usages elle n'a pas été mise en possession, le 04 mai 2016 lors de son entrevue avec M. [D], des documents actuellement produits par M. [D] destinés à arrêter les comptes de l'étude. Elle soutient que lors de leur entrevue du 04 mai 2016 M. [D] ne lui a remis aucun document, mais a par contre exigé d'elle le paiement d'une somme globale de 200.000 € au titre de la reprise des créances acquises et du mobilier de l'étude, outre la reprise du bail commercial qu'il venait de signer avec sa propre SCI, menaçant Mme [V] de la dénigrer auprès de la clientèle et de venir régulièrement réclamer son dû à l'étude si elle n'acceptait pas ses conditions.
Mme [V] fait valoir qu'il résulte de l'horaire même d'édition des documents litigieux (18 h 28 le 04 mai 2016 pour la balance des dossiers), qu'ils n'ont pu lui être remis le 04 mai puisqu'elle a quitté l'étude avant 18 h ainsi qu'il résulte des attestations qu'elle produit.
Elle expose que c'est dans ces conditions et eu égard à l'impossibilité de prendre possession de l'étude, qu'elle a décidé du déménagement réalisé le 06 mai 2016, dont elle a pris soin d'avertir la chambre départementale des huissiers. Elle affirme n'avoir emmené que le matériel et les documents se rapportant à l'activité de l'étude, et soutient avoir immédiatement rapporté le matériel informatique qui ne faisait pas l'objet du contrat de leasing qu'elle avait repris.
Quant au protocole signé le 09 mai 2016 Mme [V] expose que ce n'est qu'à cette date que lui ont été remis les documents édités le 04 mai et dont se prévaut M. [D]. Elle soutient cependant qu'il ne lui a jamais remis les 543 pages de la balance des dossiers mais seulement les deux premières et la dernière page, et fait valoir qu'en tout état de cause le temps extrêmement court dont elle a bénéficié ne lui permettait nullement d'appréhender la réalité de la situation de l'étude et la véracité des sommes portées sur la balance des dossiers.
Elle expose avoir néanmoins signé le protocole en croyant en la bonne foi et en l'honnêteté de son prédécesseur, et indique n'avoir découvert les malversations dénoncées que fin mai 2016 lorsqu'elle a été en mesure d'accéder au logiciel informatique Fiducial, dont l'accès avait été bloqué par la société de maintenance à la demande de M. [D].
Quant aux diverses procédures ayant ensuite opposé les parties, Mme [V] affirme qu'elle a immédiatement exécuté les termes de l'ordonnance de référé, en remettant à Me [O], huissier, et à l'expert comptable KPMG les éléments visés.
Elle précise en outre avoir déposé une première plainte auprès du procureur de la république le 10 juillet 2018, après avoir dénoncé les faits auprès de la chambre départementale des huissiers et constaté qu'aucune enquête ne serait diligentée.
La SELARL AB huissiers 57 considère, au visa des articles 1116, 2053 et 2055 anciens du code civil, que les man'uvres déployées par M. [D] à l'occasion de la signature du protocole sont constitutives d'un dol justifiant la nullité de cette transaction.
Elle rappelle que M. [D] a fait le choix délibéré de lui remettre des pièces incomplètes puisque la balance générale des dossiers ne comportait que la première et la dernière page, de sorte qu'il lui était radicalement impossible de déterminer si les différentes opérations mentionnées représentaient des créances réelles, et encore moins de savoir si ces écritures étaient sincères.
Mme [V] soutient également que l'examen des dossiers révèle différentes man'uvres dolosives imputables à son prédécesseur :
Elle relève tout d'abord des détournements des fonds de clients, en exposant que contrairement à ses obligations M. [D] n'avait pas déposé sur le compte affecté certains fonds revenant aux clients. Il en est ainsi de la non restitution du produit de certaines ventes à des mandataires, l'écriture correspondante ayant été annulée, ou du fait que de nombreux fonds provenant de saisies des rémunérations n'apparaissent pas dans le dossier de l'étude alors pourtant que le Greffe du tribunal les avait transmis. Elle affirme encore que dans un dossier « 1860 » M. [D] est le client et le destinataire du disponible du dossier, ce qui représente un détournement à hauteur de 28.997,30 €. De même elle expose que lors du contrôle réalisé, les inspecteurs ont constaté qu'une multitude de chèques émis par des débiteurs étaient arrivés sur un compte sans en être ultérieurement débitées au profit des créanciers destinataires. Ces différents chèques avaient ensuite été remplacés par deux chèques tirés au profit de M. [D], lequel selon les inspecteurs avait prélevé des fonds à des fins personnelles au détriment des tiers intéressés.
Elle affirme encore que postérieurement au 06 mai 2016 M. [D] a continué à recevoir, sur les comptes affectés qu'il avait créé, des fonds en provenance des débiteurs qu'il n'a pas reversés à l'étude.
Mme [V] précise que ses affirmations sont étayées, notamment par le rapport réalisé par les inspecteurs de la chambre nationale des commissaires de justice, dont elle reprend les conclusions.
Elle se prévaut également du fait que M. [D] avait depuis plusieurs années délibérément cessé de payer les débours dus à des tiers et notamment à ses confrères, alors même qu'il avait encaissé en provenance des débiteurs les fonds dus à ces professionnels. Elle produite ainsi un décompte duquel il résulte que ces débours non reversés représentent une somme de 52.880 € et affirme que M. [D] lui a délibérément masqué cette situation, ce qui est également constitutif d'un dol. Elle fait valoir que le non paiement d'une pareille somme a nécessairement une incidence sur le montant des créances acquises fixé à 135.000 €, et souligne que le protocole d'accord litigieux n'aborde aucunement ce problème malgré le caractère conséquent de la somme impayée.
Mme [V] se prévaut sur ce point des conclusions des inspecteurs à l'issue du contrôle réalisé en juin 2019.
Elle fait encore valoir que M. [D] a, en violation des dispositions des articles L.444-1 et suivants du code de commerce, facturé à des débiteurs ou des clients des frais non prévus par le tarif des huissiers de justice, comme des honoraires pour procédure longue, ou relatifs à des actes inexistants dans la nomenclature des huissiers, non utiles à la procédure, ou encore se rapportant à ces actes jamais réalisés.
Elle fait valoir que ces faits ont été expressément constatés par les inspecteurs chargés du contrôle de l'étude et qu'elle a elle-même vérifié de très nombreux dossiers desquels ont été extraits les actes frustratoires, par exemple la présence de nombreux procès-verbaux de réception de deniers facturés en dehors de toute hypothèse légale d'établissement d'un tel acte. Elle souligne qu'une telle pratique, outre qu'elle lèse les intérêts des débiteurs et des clients, a pour conséquence de gonfler artificiellement le montant des créances acquises, et ajoute que M. [D] a tenté d'archiver de nombreux dossiers au début de l'année 2016, ce qui renforce encore l'existence de man'uvres frauduleuses. Mme [V] expose que, reprenant les dossiers en cours, elle est dans l'obligation d'en soustraire tous les montants indus, faute de quoi elle se rendrait complice de la pratique de son prédécesseur, ainsi que l'a indiqué Mme [M]. Elle affirme ainsi qu'elle n'a actuellement récupéré que 79.074 € au titre des créances acquises, et que cette somme a servi à désintéresser les créanciers spoliés par M. [D].
Mme [V] se prévaut ensuite d'opérations fictives réalisées par son prédécesseur par l'intermédiaire de « comptes fourre-tout » qualifiés de fictifs par les inspecteurs, dans lesquels des sommes étaient versées puis étaient rétrocédées à M. [D] ou à l'un des membres de sa famille. Elle fait valoir qu'aux dires mêmes de M. [D] ces comptes auraient servi à effectuer des donations, mais soutient qu'aux dires des inspecteurs il s'agit d'opérations douteuses dans la mesure où certaines opérations ont été passées depuis le compte affecté, et donc le compte recevant les fonds versés par les clients. Elle fait valoir que ce type de pratique a été passé sous silence et que cette dissimulation est également constitutive d'un dol.
Mme [V] considère avoir en conséquence régulièrement dénoncé le protocole liant les parties, peu important que M. [D] n'ait pas retiré le courrier recommandé du 31 mai 2016 qui lui était envoyé et lui a ensuite été signifié par acte d'huissier.
Sur les contestations émises par Me [D], elle réplique que la preuve de l'existence d'un dol est libre et que l'audit de Mme [M], qui a été soumis à la contradiction, est un élément de preuve parfaitement recevable, de même que le rapport des inspecteurs de la chambre nationale, qui a été rédigé à l'issue d'opérations contradictoires et dont M. [D] met en cause l'impartialité sans la moindre preuve.
Elle conteste de même les attestations produites par M. [D], qu'elle considère de pure complaisance ou sans incidence quant à la réalité des frais indus mis en compte par ce dernier. Compte tenu de l'annulation du protocole d'accord, elle conclut au débouté de la demande principale de M. [D] en paiement de la somme de 135.000 €, et conclut également au rejet des demandes en dommages et intérêts, dès lors qu'elle n'a manifesté aucune résistance abusive en s'opposant de manière parfaitement fondée au paiement de la somme réclamée, et qu'il est en outre faux de dire qu'elle n'aurait pas restitué à M. [D] le matériel informatique alors qu'elle démontre le contraire.
Reconventionnellement elle soutient avoir subi un préjudice à raison des détournements de fonds clients effectués par M. [D].
Elle critique la motivation du tribunal qui a considéré que seul M. [D] devait répondre des actes qu'il a commis, et qui a rejeté sa demande en dédommagement en considérant qu'il appartenait à la SELARL de justifier de la réalisation d'actes qu'elle n'aurait pas été en mesure de facturer en raison des sommes indûment facturées par M. [D]. Elle considère que sur ce dernier point le tribunal a ajouté une condition non prévue à l'article 1382 ancien du code civil.
Elle affirme que l'intégralité des montants aujourd'hui perçus au titre des créances acquises a été affecté au remboursement des frais indûment facturés par M. [D], et fait valoir qu'il résulte du rapport d'inspection que les frais frustratoires peuvent à présent être évalués à 225.191,46 €, et que, après déduction de la somme de 85.000 €, son préjudice s'élève à 140.191,46 €.
Elle s'estime également fondée à mettre en compte les sommes détournées du dossier 1860, en affirmant que M. [D] a imputé sur ce compte des montants provenant de saisies des rémunérations, générant un disponible qu'il s'est ensuite adressé à lui-même, et soutient que ce disponible s'élevait à 28.997,30 € ainsi qu'il résulte de l'historique figurant en pièce n°23.
S'agissant des débours laissés impayés par M. [D], elle critique le raisonnement du tribunal selon lequel il appartiendrait à ce dernier de les prendre en charge et soutient que la SELARL AB Huissiers 57 a dû assumer ces débours puisqu'elle reprenait l'étude et répondait à l'égard des créanciers des actes litigieux de M. [D]. Elle produit à ce titre l'ensemble des relances émanant de différents confrères ainsi que les mandats de vérification retournés à la SELARL par l'ensemble des créanciers.
Mme [V] maintient par ailleurs sa demande en restitution des extraits bancaires de l'Etude, en exposant que cette demande porte sur tous les comptes bancaires dont était titulaire M. [D] et sur lesquels les débiteurs et les créanciers ont continué à verser des sommes pour les dossiers gérés par l'étude. Elle indique fournir suffisamment de précisions pour qu'il puisse être fait droit à cette demande.
Elle estime également avoir subi une perte de chiffre d'affaire imputable à M. [D] et en lien avec l'omission de transmission des dossiers, et se fonde notamment sur la différence existant entre le chiffre d'affaire de mai à décembre 2016 et le chiffre d'affaire de la même période pour 2017. Elle considère qu'il y a lieu également de tenir compte d'une perte de dossiers et d'actes à réaliser de l'ordre de 132 dossiers et de 141 actes pour une année, de sorte qu'elle est fondée à mettre en compte une somme de 150.000 €. Elle affirme que cette perte de chiffre d'affaire est une cause directe des man'uvres dolosives de M. [D].
De même elle affirme que les man'uvres et médisances de celui-ci auprès de certains clients sont responsables de la perte de ces clients ce qui justifie des dommages et intérêts.
S'agissant de l'indemnisation du temps passé par elle à gérer l'ensemble du sinistre, Mme [V] indique ne pas remettre en cause l'estimation du tribunal et conclut à la confirmation sur ce point.
S'agissant du maintien par M. [D] de son référencement internet et de sa ligne téléphonique, Mme [V] expose que cette initiative n'a été prise que pour lui nuire, et que cette situation a nécessairement eu une répercussion sur les dossiers qu'elle aurait dû recevoir. Elle indique que M. [D] a ainsi nécessairement reçu de nouveaux dossiers et de nouvelles demandes d'actes, qu'il s'est sciemment abstenu de lui répercuter.
Quant à la mauvaise gestion de l'office durant la période de suppléance assumée par M. [D], Mme [V] conclut à la confirmation du jugement sur ce point, dès lors qu'il est établi que M. [D] a augmenté le salaire d'un de ses collaborateurs durant la période de suppléance, ce qu'il n'était pas autorisé à faire.
Elle maintient enfin sa demande au titre d'un préjudice moral, rappelant les conditions « apocalyptiques » dans lesquelles s'est effectuée la reprise, la désorganisation de l'étude, les contrôles subis et le travail acharné nécessaire pour étudier chaque dossier.
Enfin sur la demande de M. [D] relative aux dépens, elle souligne que le droit local applicable en Alsace ' Moselle s'oppose à la distraction des dépens sollicitée.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il est indiqué à titre liminaire que, si la seule partie intimée et appelante incidente est la SELARL AB huissiers 57, celle-ci sera également désignée dans les motifs à venir sous le nom de sa représentante Mme [V].
I ' Sur la nullité alléguée du protocole d'accord pour dol :
Aux termes de l'article 1116 ancien du code civil applicable jusqu'au 30 septembre 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces man'uvres l'autre partie n'aurait pas contracté.
Le dol peut résulter de la réticence du cocontractant à communiquer une information essentielle, il peut également résulter de la communication de documents commerciaux ou comptables trompeurs.
Par ailleurs, et à supposer que le protocole par lequel il est convenu que Mme [V] verse 135.000 € au titre des créances acquise puisse être qualifié de transaction, il n'en demeure pas moins que l'article 2053 du code civil réserve la possibilité d'une annulation pour dol, et quoi qu'il en soit de la pertinence des motifs invoqués par Mme [V] dans son courrier de dénonciation du 31 mai 2016, celle-ci demeure recevable à opposer à M. [D], dans le cadre de l'action intentée par celui-ci, la nullité du protocole sur lequel il fonde ses demandes.
Il appartient à la SELARL AB Huissiers 57 d'apporter la preuve des man'uvres dolosives qu'elle impute à M. [D] pour l'amener à contracter.
Mme [V] fait état dans un premier temps des man'uvres déployées selon elle par M. [D] à l'occasion des journées des 4 et 9 mai 2016, et de la remise incomplète de documents ce que conteste M. [D].
Sur le déroulement des rencontres des 4 et 9 mai 2016, il est admis que Mme [V] a rencontré M. [D] au cours de l'après-midi du 4 mai. Cependant, et contrairement à ce qu'avance M. [D], il n'apparaît pas que celui-ci ait pu lui remettre à cette date, ainsi qu'il l'affirme, la balance générale au 04 mai 2016, le tableau de bord provisoire au 04 mai 2016, non plus que la balance générale des dossiers au 4 mai 2016, sensée comporter 543 pages.
En effet il apparaît que ces trois documents, produits par M. [D], ont été édités le 04 mai 2016 respectivement à 18 h 28, 18 h 30 et 18 h 33.
Or il résulte de l'attestation de M. [C], clerc d'huissier, que le rendez-vous entre Mme [V] et M. [D], dans les locaux de l'étude, s'est achevé avant 18h, Mme [V] ayant selon le témoin « quitté l'étude avant 18 h après avoir été présentée au personnel ».
Cet horaire est également confirmé par l'attestation de M. [H] [G], lequel relate le déroulement global de l'entrevue, les exigences de M. [D] et notamment le paiement d'une somme de 200.000 € pour les créances acquises ainsi que la reprise d'un contrat de bail commercial, et indique qu'en définitive ils sont repartis de l'étude sans le moindre document comptable. Si celui-ci est effectivement le compagnon de Mme [V], il n'en a pas moins rédigé une attestation en toute connaissance des sanctions encourues en cas de fausse déclaration et rien ne permet en l'état de remettre en cause son témoignage.
Il y a donc lieu d'en conclure que les documents litigieux précités n'ont été remis à Mme [V] que le 09 mai 2016 lors de la réunion organisée en présence de représentants de la chambre départementale.
Il en résulte que Mme [V] n'a disposé que d'un temps limité pour prendre connaissance de ces documents.
Quant à la remise de la totalité des 345 pages de la balance générale des dossiers, la cour observe que selon les indications données par Mme [M], expert comptable, « classiquement, seules la première et la dernière page sont éditées pour établir la concordance entre la balance dossiers, la balance générale et le tableau de bord ».
Il est exact cependant que Mme [V], dans des conclusions prises devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Sarreguemines le 08 janvier 2018, a indiqué que « dans le cadre de la réunion du 9 mai 2016 M. [D] a remis un tableau de bord et une balance dossiers de 543 pages », ce qu'elle conteste aujourd'hui.
Cependant, la phrase précitée qui n'évoque qu'une remise, ne peut être interprétée comme l'aveu de ce que Mme [V] aurait pu, au cours de la réunion du 9 mai 2016 ayant précédé la signature du protocole, prendre effectivement connaissance des 543 pages de la balance générale des dossiers. Si les deux autres documents communiqués, à savoir le tableau de bord provisoire et la balance générale au 04 mai 2016, restaient des documents de quelques pages pouvant faire l'objet d'un examen rapide, notamment afin de vérifier la concordance entre eux de ces divers documents, il n'en va pas de même de l'examen d'une liasse de 543 pages récapitulant un nombre considérable de dossiers.
La discussion quant à la communication, le 09 mai 2016, de l'intégralité de ces 543 pages, est donc sans incidence sur le fait que Mme [V] ne pouvait matériellement sur un temps aussi court prendre réellement connaissance de leur contenu.
En outre il résulte aussi bien des explications de Mme [V] que des termes de l'audit puis du contrôle effectués, que l'examen de la balance générale des dossiers ne peut renseigner sur le contenu détaillé de chaque dossier, et notamment sur les éventuels frais indus ou frustratoires qui pourraient y figurer. Seul un examen des dossiers sur l'ordinateur de l'étude ou dans une version imprimée faisant ressortir la totalité des actes effectués, permet de se rendre compte du bien fondé des actes facturés.
M. [D] ne peut donc prétendre qu'en communiquant à Mme [V] la balance générale des dossiers, il la mettait en mesure d'appréhender l'ensemble des griefs et problèmes qui seront soulevés ultérieurement.
Il ne peut de même soutenir que la communication des documents qui lui étaient réclamés par le parquet général de la cour d'appel de Metz, aurait permis de renseigner utilement Mme [V], alors que seuls ont été remis des déclarations fiscales et des tableaux financiers ce qui ne permet nullement d'appréhender la régularité des actes mis en compte par un huissier, ou l'existence de détournements tels qu'ils sont aujourd'hui allégués.
La cour observe également que la remise de ces documents, outre qu'elle est intervenue tardivement, s'est faite dans un contexte manifestement très contentieux, au regard des suites de l'entrevue du 4 mai 2016. L'attestation précitée de M. [G] faisant état de l'attitude d'obstruction manifestée le 04 mai 2016 par M. [D], est à mettre en relation avec les courriers envoyés par M. [D], le 09 avril 2016 à M. [T], député, mais surtout à M. [F] président des chambres départementale et régionale des huissiers de justice, dans lesquels M. [D] défend la désignation de M. [X], huissier de justice salarié de son étude, pour la reprise de celle-ci, et s'emploie dans son courrier à M. [F], à critiquer la candidature de Mme [V].
Il résulte de ces observations que M. [D] soutient de façon inexacte avoir remis à Mme [V] les documents précités dès le 4 mai 2016, et n'a manifestement pas tout mis en 'uvre pour les communiquer en temps utile à celle-ci.
Mme [V] n'a pu s'appuyer, pour donner son consentement au protocole critiqué, que sur les chiffres issus des documents remis et notamment sur le chiffre indiqué au titre des frais non réglés, à savoir 279.542,43 €. Ainsi qu'elle l'indique, elle était en droit de compter sur l'exactitude de documents remis par un officier public.
Quoi qu'il en soit par conséquent de la nature exacte du document remis au titre de la balance générale des dossiers, le dol allégué à l'encontre de M. [D], s'il peut avoir été facilité par l'attitude de celui-ci au moment de la prise de fonctions de Mme [V], telle que précédemment relevée, nécessite la preuve de la fausseté des chiffres figurant sur les documents remis et en particulier sur la balance des dossiers.
Il appartient à Mme [V], qui s'en prévaut, d'apporter la preuve de ces inexactitudes.
Pour preuve de ses dires Mme [V] verse principalement aux débats l'audit réalisé à sa demande le 30 novembre 2017 par Mme [M], expert-comptable, le rapport d'inspection approfondie de la chambre nationale des commissaires aux comptes en date du 13 juin 2019, les décomptes individuels de 818 dossiers examinés par ses soins avec mention des frais considérés comme injustifiés, et un tableau récapitulatif de l'ensemble des dossiers examinés, réalisé par ses soins, portant notamment mention du montant total des frais indus et du montant total « compensé » par le biais de la perception d'une partie des créances acquises.
M. [D] oppose à ces documents, d'une part l'absence de contradictoire, d'autre part le fait que certains documents émanent de Mme [V] elle-même ce qui leur enlève toute force probante.
La cour observe tout d'abord que M. [D], ayant été assigné en référé par Mme [V] aux fins d'organisation d'une expertise judiciaire ayant notamment pour objet d'évaluer le montant réel des créances acquises, s'y est opposé, de sorte qu'il ne peut faire grief à son adversaire de s'être ménagé d'autres moyens de preuve et de verser aux débats une expertise de nature privée.
En outre s'agissant de l'audit réalisé par Mme [M], celui-ci a été versé aux débats et donc soumis au contradictoire, M. [D] l'ayant d'ailleurs critiqué, de sorte que l'absence de respect du contradictoire ne peut lui être opposé.
S'agissant enfin de l'inspection réalisée par les contrôleurs de la chambre nationale des commissaires de justice, il résulte de la lecture de ce document que le contradictoire a été respecté au cours de cette investigation. Ainsi M. [D] a bien été convoqué aux opérations prévues du 11 au 13 juin 2019, par courrier à ses deux adresses et par mail, et avait initialement fait savoir qu'il ne pourrait être présent, avant de se raviser et de faire savoir par mail le 11 juin au soir qu'il serait présent le 12 juin à 9 h 15.
Il ne peut dans ces conditions critiquer le fait que les opérations de contrôle aient débuté dès le 11 juin à 17 h. Ainsi que le relèvent les contrôleurs dans leur rapport, le fait que M. [D] n'ait pu pénétrer dans l'étude de la SELARL AB Huissier 57 le 12 juin dès 8 h 15, ne tient qu'au fait qu'il ne s'est pas présenté à l'heure annoncée mais plus tôt, et que les contrôleurs ne l'ont laissé entrer que lorsque Mme [V] a elle-même été présente.
Par ailleurs il résulte des termes du rapport que M. [D] a été interrogé sur les découvertes faites la veille par les inspecteurs, à savoir l' existence de frais imputés sur la quasi-totalité des dossiers alors qu'ils ne sont pas tarifés, en l'occurrence des « frais de gestion » ou des « frais de décompte », et qu'il a apporté aux inspecteurs une réponse qu'il maintiendra par la suite, à savoir le fait qu'une telle pratique existait dans le « tarif des huissiers en droit local » et qu'il l'avait maintenue.
Le même rapport établit que M. [D] était présent lors du déroulé des opérations de contrôle, qu'il a ainsi été également interrogé sur la facturation de procès-verbaux de réception de deniers, ainsi que sur l'existence de nombreux comptes présentés comme « fictifs » par les contrôleurs, à propos desquels il a également donné des explications.
Il résulte de même du rapport que les contrôleurs ont visualisé les dossiers sur l'ordinateur de l'étude et que M. [D] a pu assister à ces opérations, puisque, à l'occasion d'un dossier dans lequel étaient facturés des honoraires non conformes, il est indiqué au rapport que « lorsque nous avons visualisé ce dossier, Me [D] a répliqué spontanément « oui c'était un dossier important » et a également considéré que « le client n'avait pas contesté la facture ».
Enfin, si Mme [V] ne semble pas avoir donné suite à la demande de M. [D] de lui communiquer l'ensemble des justificatifs relatifs aux relances émanant de ses confrères, et établissant le montant des débours impayés, ceci n'enlève pas au contrôle son caractère contradictoire.
La mission d'inspection s'est enfin achevée par une restitution orale des conclusions des inspecteurs, faite à M. [D] le 13 juin 2019 à 14 heures 30. Outre les réponses orales que M. [D] a pu apporter au cours de l'inspection, il apparaît que celui-ci a également fait parvenir aux inspecteurs une réponse écrite, annexée, et a ultérieurement amplement critiqué le rapport et sa méthodologie.
Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause les deux documents précités au motif d'un défaut de respect du contradictoire.
Ces documents émanent par ailleurs l'un comme l'autre de professionnels qualifiés pour étudier et apprécier la comptabilité et la régularité des actes réalisés au sein d'une étude d'huissier. Rien ne permet de remettre en cause leur impartialité. Ils doivent donc être admis comme moyen de preuve.
Quant aux décomptes des 818 dossiers versés aux débats ainsi qu'au tableau Excel réalisé par Mme [V] à partir de ces dossiers, il est observé que la présentation des décomptes est caractéristique de documents extraits d'un ordinateur, et que des décomptes similaires ont été annexés par Mme [M] à son rapport après qu'elle a procédé à un examen par sondage dans l'ordinateur.
De même les contrôleurs de la chambre nationale des commissaires de justice ont accédé aux dossiers de l'étude sur l'ordinateur, et ont visualisé les décomptes litigieux.
Ni Mme [M] ni les contrôleurs de la chambre nationale n'ont relevé le moindre indice pouvant laisser supposer que les décomptes auxquels ils ont eu accès dans l'ordinateur, auraient pu faire l'objet d'une manipulation et notamment, au vu des critiques de M. [D], d'un ajout, après 2016, de frais indus antidatés.
S'agissant du tableau Excel, il est constant qu'il s'agit d'un document réalisé par Mme [V] elle-même ce qui peut davantage prêter à critique. Il s'avère cependant que Mme [V] a soumis ce tableau à Mme [M] et aux contrôleurs précités qui ont eu la possibilité de le confronter aux constatations faites par ailleurs.
Par conséquent il n'y a pas lieu d'écarter comme non probants ces documents, mais d'apprécier le valeur probante au regard du surplus des constatations figurant dans les rapports versés aux débats.
Sur l'existence de frais frustratoires dans les décomptes des dossiers constituant la balance générale des dossiers :
Il est rappelé que, compte tenu de la date à laquelle M. [D] a cessé son activité, l'ensemble de celle-ci était soumise aux dispositions du décret du 12 décembre 1996 et notamment à son article 24 interdisant aux huissiers de justice de demander ou de percevoir une rémunération autre que celle définie par le présent décret.
Il résulte de l'audit réalisé par Mme [E] [M], que celle-ci a pu examiner les documents fournis à Mme [V] à l'occasion de l'arrêté de compte du 9 mai 2016, mais également a accédé à l'ordinateur de l'étude et à l'ensemble des décomptes figurant en informatique.
Elle expose avoir procédé par sondage et par recherche de mots clés pour mettre en évidence l'existence de pratiques non réglementaires, et avoir ainsi constaté, qu'il avait été facturé des procès-verbaux de réception de deniers alors qu'aucun acte n'était intervenu dans le dossier, que des frais de relevés de compte article 15 étaient prélevés trimestriellement sans fondement, ou que certains frais étaient opposés au demandeur sans être encadrés par des conventions d'honoraires.
Elle déclare avoir également examiné le document fourni par la SELARL AB Huissiers 57 qui reprend l'ensemble des dossiers transmis et les retraitement du montant des actes frustratoires et des dépassements d'honoraires constatés, et avoir également procédé par sondage pour s'assurer de sa représentativité, de sorte qu'elle conclut que « à la date de nos contrôles le niveau des actes frustratoires incorporé dans les dossiers analysés (environ un tiers des dossiers actifs) relevant des créances acquises représentait 191.987,44 € ».
Si effectivement Mme [M] a bien pris connaissance du tableau réalisé par Mme [V] elle-même, elle ne s'est nullement bornée à tenir pour acquis le contenu de ce document et a au contraire effectué des investigations devant lui permettre de vérifier la véracité des informations y figurant. Elle a indiqué, en connaissance de cause, que les actes frustratoires à la date de son audit, représentaient une somme de 191.987,44 €, et a sur ce point repris à son compte et validé les investigations préalables de Mme [V]. Il n'existe en l'état aucune raison de remettre en cause sa démarche contrairement à ce que soutient M. [D].
Mme [M] rappelle également que, dès lors qu'un huissier reprend un dossier en cours d'exécution, celui-ci engage sa responsabilité en maintenant des pratiques antérieures à sa prise de fonction qui seraient contraires au tarif des huissiers de justice, de sorte que le cessionnaire est dans l'obligation de supprimer des décomptes tous les actes non conformes ou frustratoires.
Elle en conclut que Mme [V] est confrontée, d'une part au fait que la matérialité des créances acquises visées par le protocole signé le 9 mai 2016 n'est pas démontrée, et d'autre part au fait que les conséquences de ces pratiques anciennes pourraient excéder la valeur des créances acquises et conduire Mme [V] à effectuer une déclaration de sinistre.
De leur côté les contrôleurs mandatés par la chambre nationale des commissaires de justice confirment l'existence dans les décomptes des dossiers repris par Mme [V], de nombreux frais indus et frustratoires.
Il est ainsi relevé que des actes ne correspondent pas à la réalité de la procédure, comme les « procès-verbaux de réception de deniers » mis en compte alors que le dossier poursuit son cours et que ce type d'acte a pu être comptabilisé plusieurs fois dans le même dossier. Les inspecteurs ont même été « interpellés par la multiplicité des « PV de réception de deniers » sur une même journée sur des communes différentes éloignées les unes des autres, comme 16 PV de réception dans la journée du 23 février 2015 ou 9 PV de réception de deniers sur 7 communes différentes le 24 novembre 2014. Sur ce point les inspecteurs ont mentionné la réponse de M. [D], à savoir que celui-ci « a déclaré avoir institutionnalisé le principe du PV de réception de deniers » à raison de au moins un par an et par dossier « long » en contrepartie de passages répétés au domicile et selon le caractère difficultueux du dossier ».
Les contrôleurs ont de même relevé des honoraires non conformes au tarif et pour lesquels aucune convention d'honoraires n'était justifiée, observant par exemple que dans un dossier 16013 M. [D] avait facturé 5.744,21 € d'article 10 plus 2400 € d'honoraires libres. De même des honoraires spécifiques, non tarifés, ont été « inventés » par M. [D], comme les « honoraires procédure longue ».
D'une manière générale, les contrôleurs ont constaté que « des frais indus et frustratoires ont été constatés dans la quasi-totalité des dossiers examinés ».
Quant à l'ampleur prise par cette pratique, les inspecteurs indiquent avoir eu en main le document réalisé par la SELARL AB Huissiers 57, nommé « balance dossiers » et composé de 25 pages recto-verso, comportant, outre une rubrique « frais non réglés », une rubrique « frais indus » représentant les honoraires, frais et actes indus facturés par M. [D], à concurrence de 225.191,46 €, figurant dans les dossiers cédés à Mme [V].
Ainsi que précédemment observé ce tableau et les résultats y figurant n'ont suscité aucune réserve de la part des contrôleurs, lesquels avaient eu les moyens de se rendre compte de l'ampleur des pratiques dénoncées, en lien avec les chiffres du tableau.
D'autre part le chiffre mentionné n'est pas en contradiction avec celui relevé par Mme [M], dans la mesure où le contrôle de la chambre nationale a été réalisé en juin 2019 soit un an et demi après l'audit de Mme [M], et que dans l'intervalle Mme [V] a poursuivi son initiative de contrôle des dossiers de l'étude, qui en comprend plus de 4.000. Le chiffre de 225.191,46 est donc repris à leur compte par les inspecteurs chargés du contrôle.
Dans le cadre de la présente procédure Mme [V] ne produit pas le document remis aux contrôleurs, dans la mesure où le tableau récapitulatif Excel qu'elle verse aux débats n'aboutit pas à un total de frais indus de 225.191,46, mais à une somme de 207.698,58 €, ce qui peut cependant s'expliquer par le fait que ce tableau a été édité antérieurement au contrôle de juin 2019.
L'examen de ce document permet de vérifier qu'il reprend un à un tous les dossiers traités par Mme [V], et fait apparaître l'état du dossier (archivé ou en cours), le montant des frais frustratoires relevé, et le montant d'ores et déjà « compensé ». Il apparaît effectivement que des dossiers archivés figurent dans ce tableau.
Cependant, il s'agit exclusivement de dossiers archivés très peu de temps avant la transmission de l'étude (de janvier à avril 2016) , et la mention de frais frustratoires dans ces dossiers reste rare, la grande majorité des frais frustratoires étant relevée dans des dossiers en cours.
Compte tenu de la date d'archivage particulièrement récente, ce qui correspond à l'une des critiques de Mme [V], M. [D] ne peut soutenir que celle-ci se serait attachée à des dossiers particulièrement anciens et depuis longtemps archivés, pour justifier ses affirmations. De même il affirme sans aucune preuve que les dossiers étudiés par Mme [V] n'auraient pas été compris dans la liste des créances acquises, alors même que cette liste comprenait 543 pages ce qui représente un nombre de dossiers particulièrement considérable.
A l'inverse ce tableau ne corrobore pas l'un des griefs initiaux de Mme [V], qui serait que la balance des dossiers constituant les créances acquises aurait concerné majoritairement des dossiers archivés ou des créances prescrites.
Par ailleurs les indications de ce tableau sont corroborées par la production des décomptes de chacun des dossiers repris, qui font notamment apparaître de façon quasi systématique la mise en compte de frais de décompte ou de relevés, à de très nombreuses reprises pour chaque dossier. Y apparaissent également de nombreux honoraires pour « procédure longue » et des procès-verbaux de réception de deniers, facturés à plusieurs reprises au sein de certains dossiers.
Au surplus, et quoi qu'il en soit des décomptes produits par Mme [V], M. [D] ne conteste pas avoir régulièrement facturé aux débiteurs ou aux créanciers des frais au titre de « décomptes » ou « relevés de compte » émis dans « la quasi-totalité » des dossiers. Il ne conteste pas de même la pratique des procès-verbaux de réception des deniers multiples, ou des honoraires pour procédure longue. L'argument principal qu'il oppose est de soutenir, soit qu'il n'aurait fait que continuer à mettre en 'uvre une pratique de tarification issue du droit local alsacien-mosellan, permettant de facturer notamment des décomptes ou relevés de compte, soit qu'il aurait passé une convention avec le débiteur ou le créancier pour de telles facturations.
M. [D] n'indique pas cependant quels textes lui auraient permis légitimement de facturer de tels décomptes ou relevés, et au surplus admet qu'en tout état de cause cette pratique était illégitime depuis de nombreuses années.
Quant à l'accord qu'ont pu lui donner certains débiteurs ou certains créanciers, tels M. [N], M. [Y] ou Mme [J], il n'autorisait pas celui-ci à passer outre les dispositions de l'article 24 du décret du 12 décembre 1996, applicable durant la période de son exercice, aux termes duquel il est interdit aux huissiers de justice de demander ou de percevoir une rémunération autre que celle définie par le présent tarif, lequel, notamment, ne prévoit pas de frais de « relevé de compte » ou de «décompte », et n'autorise la perception d'honoraires que dans les cas strictement encadrés par l'article 16 du même décret.
Quant au fait que les tarifs et honoraires de M. [D] étaient affichés dans son étude, il n'enlève rien au caractère indu de la perception de certains frais, étant en outre observé que le document versé aux débats par M. [D] vise expressément le décret du 26 février 2016 ainsi qu'un « décret du 9 mars 1978 Alsace-Moselle », donnant ainsi à ces tarifs et honoraires un aspect de légitimité qu'ils n'avaient pas.
Il résulte des constatations faites tant par Mme [M] que par les contrôleurs missionnés par la chambre nationale des huissiers, que la facturation de frais indus et frustratoires était généralisée dans l'étude de M. [D], expliquant qu'aient été retenus les chiffres de 191.987,44 € en novembre 2017 et 225.191,46 en juin 2019, ce qui a inévitablement conduit à majorer dans des proportions importantes le montant des créances acquises.
A supposer même que ces chiffres soient de manière résiduelle sujets à discussion, M. [D] contestant le bien fondé de certaines déductions opérées par Mme [V] dans six dossiers, il n'en demeure pas moins qu'ils sont considérables au regard du montant total annoncé comme étant celui des créances acquises.
Par ailleurs, M. [D] ne peut se prévaloir du fait que Mme [V] aurait payé l'ensemble de ces créances pour une somme de 135.000 €, bien moindre par conséquent que la valeur annoncée, dès lors que la décote opérée sur le montant des créances acquises avait pour vocation de tenir compte de taxes, d'éventuels débours dus à des confrères et inclus dans ces créances, ou de l'éventualité de créances irrecouvrables, mais nullement de se prémunir contre la facturation en masse de frais frustratoires.
Il ne peut non plus se prévaloir de l'absence de toute critique dans les contrôles antérieurement effectués auprès de son étude : De tels contrôles, dont les compte-rendu sont produits, ne portaient que sur un nombre restreint de dossiers et n'impliquaient pas des investigations telles que celles entreprises par la chambre nationale. Ainsi le fait qu'aucune irrégularité n'ait jusqu'à présent été détectée illustre uniquement la différence de méthodologie et d'importance des contrôles, mais ne permet en rien de remettre en cause les conclusions des inspecteurs de la chambre nationale des commissaires de justice.
Enfin les observations qui ont pu être faites par les contrôleurs à Mme [V] personnellement n'enlèvent rien à la réalité des irrégularités constatées dans la gestion de ses dossiers par M. [D], outre le fait que les irrégularités relevées relevaient uniquement de la présentation comptable, mais que la gestion par Mme [V] de ses dossiers n'a appelé aucune observation de la part des inspecteurs.
Il est dès lors établi que la balance générale des dossiers communiquée à Mme [V], principal document sur la base duquel elle s'est engagée dans les termes du protocole du 09 mai 2016, faisait mention d'un chiffre totalement inexact, et ce sans qu'il soit possible à Mme [V] de s'en rendre compte. L'attitude de M. [D], qui a délibérément communiqué à Mme [V] un document comptable inexact, doit donc être qualifiée de dolosive.
Sur les détournements de fonds clients :
Il résulte du rapport des contrôleurs de la chambre nationale des commissaires de justice, que ceux-ci, analysant le compte 542000, ont constaté que de nombreux chèques, émis initialement au profit de divers bénéficiaires au titre de règlement de disponibles, n'avaient pas été encaissés par ceux-ci. Alors que dans une telle hypothèse selon les inspecteurs, « après rappel infructueux ces chèques auraient dû être déposés en consignation auprès de la caisse des dépôts et consignation », il apparaît que tel n'a pas été le cas, et que deux chèques ont finalement été émis depuis ce compte au bénéfice de M. [D] les 14 octobre 2015 et 20 octobre 2015 pour des montants de 6.475,27 € et 23.394,96 €.
Si une telle initiative ne préjudicie pas nécessairement financièrement à Mme [V], elle n'en est pas moins révélatrice d'un fonctionnement illégitime, et caché, les documents comptables ne permettant évidemment pas de constater à première vue les opérations relevées par les inspecteurs. M. [D] ne peut s'en dédouaner en alléguant de ce que les sommes précitées n'étaient pas réclamées, alors qu'il lui appartenait de respecter la procédure prévue et non de s'attribuer ces sommes.
Cet état de fait est également de nature à rendre inexacte la comptabilité de l'étude, outre le fait que Mme [V] était en droit de considérer qu'elle reprenait une étude exempte de toute irrégularité. Il a donc également contribué au dol que Mme [V] dénonce.
S'agissant en revanche des allégations relatives aux fonds provenant de saisies des rémunérations qui n'apparaîtraient pas dans le dossier de l'étude, Mme [V] ne produit à l'appui de ses dires qu'un décompte et un historique financier émanant du greffe du tribunal d'instance de Sarrebourg concernant un débiteur, ce qui ne permet, ni de prouver un détournement quelconque dans ce dossier, ni d'accréditer les affirmations de Mme [V] quant au caractère répété d'une telle pratique.
Il en est de même des affirmations de Mme [V] concernant le fonctionnement du compte 1860 et des détournements qu'aurait commis M. [D] par le biais de ce compte. La cour relève que, si les contrôleurs de la chambre nationale se sont effectivement intéressés à ce compte, de même qu'à d'autres comptes qualifiés par eux de fictifs, pour autant ils n'en ont pas tiré les conclusions qu'en tire Mme [V]. Ayant recueilli les explications de M. [D], selon lequel ce compte 1860 recevait des sommes en attente d'affectation, et a également servi au règlement d'actes et honoraires en supprimant les virements inter-dossiers, les contrôleurs indiquent que « il est impossible de reconstituer le détail de ces écritures » que « il est impossible de savoir à quels dossiers ces écritures se rapportaient » et que les opérations « n'ont aucune justification à priori ». Pour autant ils ne concluent pas que l'examen de ce compte établit l'existence de détournements réalisés par M. [D], et l'unique document produit par Mme [V] en pièce n° 25 est insuffisant pour établir que les disponibles adressés à M. [D] l'auraient été au détriment de ses clients.
Quant aux produits de ventes non reversés aux mandataires judiciaires, il est effectivement établi par les pièces n° 23 et 44 que Mme [V] a été destinataire de plusieurs relances de la part de l'étude Noël Nodée et Lanzetta, et qu'elle a établi les décomptes de plusieurs ventes précédemment réalisés par M. [D], alors qu'il incombait à celui-ci de les effectuer.
A cet égard il n'est pas anormal que ces décomptes qui récapitulent l'ensemble des opérations effectuées, mentionnent des « honoraires vendeur » correspondant aux honoraires que M. [D] avait facturés. Si les correspondances produites illustrent un manquement de M. [D] sur ce point, en revanche rien ne permet de relier ces constatations à un quelconque dol préalable, et il n'est pas davantage soutenu par Mme [V] que les fonds correspondants n'auraient pas été en la possession de l'étude. Ce point n'a donc pas à être retenu au soutien de l'argumentation de Mme [V].
En revanche la carence de M. [D] dans l'aboutissement des ventes qui lui étaient confiées et la rétrocession des sommes perçues, constitue une faute distincte pouvant le cas échéant ouvrir droit à dédommagement en fonction du temps passé par Mme [V] à mener à terme ces missions.
Sur les débours non payés :
A ce titre, Mme [V] se prévaut du fait que les créances acquises qui lui ont été cédées intégreraient des débours non payés par M. [D], principalement à ses confrères.
Elle indique dans ses conclusions que le quantum de ces débours, initialement fixé à 45.709,15 €, a été depuis « réactualisé à hauteur de 52.880 € ».
Cependant il résulte tant de l'analyse faite par Mme [M], que des observations faites par les contrôleurs de la chambre nationale des commissaires de justice, et de la balance générale fournie à Mme [V] le 09 mai 2016, que les débours impayés à hauteur de 45.709,15 € figuraient au crédit du compte 4011220 « fournisseurs liés aux comptes clients », signifiant que cette somme était due à des tiers.
Aussi bien Mme [M] que les contrôleurs de la chambre nationale évoquent le mécanisme particulier des débours, Mme [M] exposant ainsi que « lorsqu'un débours est engagé il est enregistré dans le dossier du débiteur comme une créance sur lui et parallèlement par le mécanisme du compte 467000 il est constaté en dette vis à vis du correspondant » mais que « lorsque les fonds versés par le débiteur permettent d'encaisser les débours, un virement du compte affecté vers le compte de gestion est aussitôt proposé par le mécanisme de la compensation journalière, ce qui permet à l'étude de rembourser son correspondant.
Dès lors, si l'étude n'a pas utilisé les fonds ainsi dégagés pour régler ses dettes de débours, il n'existe plus de fonds dans le dossier pour y faire face ». Elle précise de même que « Mme [V] ayant repris uniquement les créances acquises, ne devrait pas être concernée par le remboursement des débours ».
De leur côté les contrôleurs indiquent avoir constaté l'existence d'une somme de 45.709,15 € au crédit du compte 4011220, et ont indiqué que les règlements avaient été effectués par les débiteurs, générant une opération de compensation vers le compte de gestion, mais que M. [D] ne s'était jamais acquitté par la suite des factures vis à vis de ses correspondants. Ils relèvent également que M. [D] « ne pouvait ignorer qu'il en restait redevable », et il résulte d'ailleurs de la correspondance envoyée par le conseil de M. [D] au conseil de Mme [V], que sur le principe M. [D] ne contestait pas devoir s'acquitter d'éventuels débours, tout en se prévalant d'une compensation avec les 135.000 € dont il s'estimait créancier.
Mme [V] ne peut donc soutenir que la somme de 52.880 €, qui ne constitue selon elle qu'une actualisation du montant initial de 45.709,15 €, serait incluse dans les créances acquises, ce dont elle n'aurait pu se rendre compte le jour de la signature du protocole.
D'autre part elle ne soutient pas qu'il s'agirait d'une somme distincte, non encore payée par les débiteurs, et apparaissant par conséquent comme une créance sur eux dans le décompte des dossiers.
La balance générale fournie à Mme [V], qui ne comporte que quelques pages, faisait clairement apparaître sur sa première page la somme de 45.709,15 € au titre du compte n° 4011220 de sorte que Mme [V] ne peut prétendre que cette somme lui aurait été cachée, et en tout état de cause elle ne vient pas minorer le montant des créances acquises, et constitue selon les contrôleurs une dette de M. [D].
Dès lors il n'apparaît pas que les critiques énoncées par Mme [V] sur ce point fassent preuve de man'uvres dolosive imputables à M. [D] et ce grief ne sera pas retenu à son encontre.
Sur les dossiers dits « fictifs » :
Le rapport des contrôleurs de la chambre nationale des commissaires de justice a mis en exergue l'existence au sein de l'étude d'un certain nombre de « dossiers fourre-tout » considérés par les contrôleurs comme des dossiers fictifs, parmi lesquels figure le dossier 1860 déjà cité.
Ils ont constaté que ces comptes, dont les intitulés renvoient à des activités personnelles de M. [D], comportent des écritures au crédit pour des montants importants et des rétrocessions faites pour la totalité des sommes enregistrées.
Sur le dossier Néo 15885 « SARL Holborn c/ Dintinger » ils ont constaté l'existence d'un prélèvement fictif dont ils « ignorent ce qu'il pourrait masquer ».
M. [D] a expliqué que les fonds concernés étaient des fonds personnels et que les comptes avaient servi à réaliser des donations.
Les inspecteurs ont relevé que certaines des opérations avaient été passées depuis le compte affecté ce qui ne correspondrait pas à ces explications mais renverrait à des fonds provenant de débiteurs.
En tout état de cause il est constant que M. [D] ne souhaitait manifestement pas porter à la connaissance de Mme [V] l'existence de ces dossiers, qui sont de nature à jeter le doute sur la gestion des dossiers et des fonds de l'étude.
L'absence de toute information délivrée à Mme [V], et la dissimulation de ces dossiers problématiques, relèvent donc également d'une attitude dolosive tendant à masquer des errements antérieurs dans la gestion des dossiers de l'étude.
En définitive, le dol allégué par Mme [V] apparaît démontré, d'une part eu égard aux très nombreux actes indus ou frustratoires, non décelables à l'examen de la balance des dossiers, ayant contribué à majorer de façon injustifiée le montant des créances acquises, et d'autre part au regard des détournements de fonds clients dissimulés et révélés par le contrôle de la gestion de M. [D] ainsi qu'au regard de la dissimulation relative à des dossiers fictifs sans rapport avec la bonne gestion d'une étude.
Ces man'uvres dolosives, en ce qu'elles faisaient obstacle à ce que Mme [V] ait une information exacte sur la valeur des créances acquises et sur l'état de la comptabilité et du bon fonctionnement de l'étude, justifient l'annulation du protocole signé entre les parties le 09 mai 2016.
Il en résulte que M. [D] est mal fondé à solliciter l'exécution de ce protocole et doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 135.000 €.
La cour confirme donc la décision du premier juge en ce qu'il a annulé le protocole du 09 mai 2016 et débouté M. [D] de sa demande en paiement.
II-Sur les demandes reconventionnelles de la SELARL AB huissiers 57:
A titre liminaire, il est rappelé que seul un préjudice certain, né et actuel, en relation de causalité avec le fait dommageable ou la faute alléguée, peut donner lieu à indemnisation.
Sur la demande en paiement au titre des fonds client détournés :
Au titre de cette demande, la SELARL AB huissiers 57 sollicite en réalité uniquement, au vu du calcul qu'elle expose, l'indemnisation du préjudice qu'elle subit à raison des frais frustratoires mis en compte par son prédécesseur, et qu'elle est dans l'obligation d'annuler et de recréditer ou rembourser aux débiteurs et créanciers. Elle ne demande aucune somme au titre des fonds clients que M. [D] aurait perçus directement.
S'agissant des frais frustratoires, elle affirme que les sommes qu'elle a pu jusqu'à présent recouvrer au titre des créances actives, ont été intégralement affectées au remboursement des débiteurs ou des créanciers floués par M. [D], qu'elle ne pourra recouvrer en réalité qu'une somme de l'ordre de 85.000 €, de sorte que son préjudice est égal à la différence entre le montant total des actes indus ou frustratoires et les fonds récupérés au titre des créances actives.
Il convient d'observer que, le protocole du 09 mai 2016 étant annulé, la SELARL récupère les créances actives, sous réserve de leur montant réel, sans avoir à les payer.
Son préjudice ne pourra dès lors exister que si le montant perçu au titre de ces créances, et qui résulte des actes accomplis par son prédécesseur et non par elle-même, s'avère insuffisant pour rembourser aux débiteurs et aux créanciers le montant des actes indûment facturés par M. [D].
Il est indiqué au rapport de la chambre nationale des commissaires de justice, que Mme [V] a soumis aux contrôleurs un tableau faisant apparaître une somme totale de 225.191,46 € au titre des frais frustratoires, montant qu'ils ont considéré comme exact.
Mme [V] indique dans ses conclusions n'avoir pu récupérer au titre des créances acquises qu'une somme de 79.074 € dont elle justifie uniquement par le tableau établi par ses soins.
Le rapport de la chambre nationale mentionne cependant que le tableau récapitulatif Excel déjà cité, présenté par Mme [V] aux contrôleurs, comporte une rubrique « montant compensé » pour une valeur de 82.930,72 € à jour début juin 2019, « représentant les encaissements réels de « clients facturés » compris dans la cession de créances établie entre les parties ». « le terme compensé signifie aux dires de Me [V] une compensation avec les actes, frais et honoraires facturés à tort par Me [D], régularisés ou annulés par Me [V] en fonction de la situation de chaque dossier ». Les encaissements apparaissent dès lors supérieurs aux 79.074 € aujourd'hui annoncés.
Dans le tableau produit par Mme [V] en pièce 47 le « montant compensé » est égal à 82.916,71 €.
Les contrôleurs de la chambre nationale indiquent encore que l'état des dossiers régularisé au 27/10/2016 totalise une somme de « plus de 85.000 € » de frais et actes contrepassés, et a évolué au fur et à mesure des encaissements réalisés de sorte que « à ce jour la somme totale que Mme [V] a dû créditer sur les dossiers de son prédécesseur afin de présenter un compte définitif conforme est bien supérieure au montant de 85.000 € résultant de son compte de 2016 ».
Mme [V] a encore indiqué aux contrôleurs « pouvoir encaisser la somme de 90.000 € environ sur un total de 135.000 € de créances cédées ».
La régularisation et la contrepassation de frais indument mis en compte par M. [D], n'impliquent pas nécessairement que Mme [V] affecte au remboursement d'un débiteur ou d'un créancier tout ou partie d'une somme perçue au titre des créances acquises.
En effet tant que le compte d'un « défendeur » reste débiteur, vis à vis de l'étude ou vis à vis de son créancier, il est possible d'annuler la mise en compte des frais litigieux et le cas échéant d'affecter la somme versée à tort par le débiteur, au remboursement de sa dette principale. Si une telle opération diminue nécessairement la valeur des créances acquises, elle n'implique pas d'effectuer un remboursement en utilisant des fonds provenant d'une autre source, de sorte que la connaissance du montant total des frais indus ne renseigne pas sur le montant que Mme [V] devra prélever sur les sommes perçues au titre des créances actives pour les affecter à des remboursements.
Il n'est donc pas établi que la somme que Mme [V] percevra au titre des créances actives, ne sera pas suffisante pour rembourser aux créanciers, voire aux débiteurs, les sommes leur revenant à raison des frais indûment facturés, et il n'est pas non plus établi que Mme [V] devra affecter des fonds provenant de sa propre activité pour parvenir à effectuer les remboursements nécessaires.
A cet égard le calcul auquel procède Mme [V] ne peut être admis puisqu'il semble être fondé sur une prévision selon laquelle elle ne percevrait que 85.000 € en tout et pour tout, et qu'il ne prend pas non plus en compte l'hypothèse d'une simple annulation des actes indus dans certains dossiers.
La demande de la SELARL AB huissiers 57 ne peut donc être admise faute de preuve, et il convient de confirmer sur ce point la décision du premier juge.
Sur la demande en paiement au titre des fonds détournés dans le dossier « fourre-tout »1860 :
Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, le rapport de la chambre nationale des commissaires de justice ne conclut pas à l'existence de détournements à hauteur de 28.997,30 € imputables à M. [D], et le décompte produit par la SELARL en pièce n° 25 ne fait pas preuve de tels détournements. En particulier il est affirmé qu'auraient été créditées sur ce compte des sommes provenant de saisies des rémunérations, ultérieurement reversées à M. [D] lui-même, mais la provenance des sommes adressées à M. [D] n'est pas établie par ce seul décompte.
De même rien ne permet en l'état des documents produits d'identifier d'éventuelles victimes auxquelles Mme [V] aurait restitué des fonds.
En l'absence de preuve des détournements allégués et du préjudice en résultant pour la SELARL AB huissiers 57 , il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande et le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Sur la demande au titre des débours impayés :
Ainsi que précédemment relevé, il résulte aussi bien de l'audit réalisé par Mme [M] que du rapport de la chambre nationale, que les débours impayés dont fait état Mme [V], chiffrés à 45.709,15 € dans la balance générale au 04 mai 2016, et réévalués par Mme [V] à 52.880, 17 €, doivent être pris en charge par M. [D]. Il a été mentionné par les contrôleurs que celui-ci ne le contestait d'ailleurs pas.
Ainsi les contrôleurs ont demandé à Mme [V] « qu'elle transmette à Me [D] la copie de l'ensemble des factures réceptionnées concernant les frais inhérents à l'exercice de Me [D] ». Ce dernier soutient que tel n'a pas été le cas, mais il est observé que la communication des pièces produites lors de cette instance permet à M.[D] d'être renseigné sur ce point.
En tout état de cause et dès lors qu'il n'incombe pas à Mme [V] de supporter ces frais, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande, étant également observé que Mme [V] ne soutient pas à l'heure actuelle, plus de trois ans après le contrôle réalisé, qu'elle aurait elle-même payé les frais dus à ses confrères.
Son préjudice n'est donc pas établi et la décision du premier juge rejetant sa demande sera confirmée.
Sur les demandes relatives à la perte de chiffre d'affaire, à la perte de clients et aux conséquences du maintien du référencement de M. [D] sur les pages jaunes et différents sites internet:
La cour observe que ces trois chefs de demande visent des faits postérieurs à la signature du protocole du 09 mai 2016, de sorte qu'il appartient à Mme [V], qui sollicite des dommages et intérêts, de faire la preuve d'une ou plusieurs fautes, distinctes du dol, et imputables à M. [D].
D'autre part, ces trois demandes se recoupent et font double emploi les unes avec les autres. Ainsi, la perte de clients alléguée a nécessairement généré une perte de chiffre d'affaire, et Mme [V] inclut d'ailleurs dans cette perte de chiffre d'affaire une « perte de chance de rémunération » correspondant à un certain nombre de dossiers qu'elle n'a pas eus et d'actes qu'elle n'a pu réaliser.
De même Mme [V] justifie la perte de son chiffre d'affaire par le fait que M. [D] aurait omis de lui transmettre certains clients, grief qu'elle énonce également pour justifier le préjudice que lui aurait causé le maintien du référencement de M. [D] sur internet et sur les pages jaunes de l'annuaire.
Mme [V] ne peut faire indemniser plusieurs fois le même préjudice, qui peut en réalité se résumer à une perte de chance de rémunération, en lien avec une baisse de chiffre d'affaire, causées par la perte de certains clients, de certains dossiers ou de certains actes, à raison de l'attitude fautive de M. [D], à savoir une « concurrence passive mais frauduleuse » illustrée par le maintien de son référencement et l'absence alléguée de transmission de certains dossiers.
A cet égard, elle ne peut ainsi qu'elle le fait, majorer la perte alléguée de son chiffre d'affaire, de la perte d'un certain nombre de dossiers ou d'actes qu'elle n'a pu accomplir, ce qui aboutirait à indemniser deux fois le même préjudice.
Pour preuve de l'attitude imputée à M. [D], Mme [V] produit deux constats d'huissier réalisés les 25 juillet 2016 et 10 juillet 2018.
Il en résulte que le 25 juillet 2016 le nom et les références de M. [D] apparaissaient sur trois sites internet, et également à trois reprises sur le site des pages jaunes.
Le 10 juillet 2018 le nom de M. [D] apparaissait encore sur un site internet trouvé sur Google, sans qu'il soit déterminé si ces références permettaient effectivement de prendre contact avec lui, et on nom ainsi qu'un numéro de fax ou de téléphone mobile apparaissait encore à deux reprises dans les pages jaunes à cette date. Au vu du constat d'huissier réalisé le 1er octobre 2018, M. [D] n'a finalement cessé d'être référencé qu'à cette date.
Dès lors que M. [D] n'exerçait plus la profession d'huissier, rien ne justifiait qu'il apparaisse encore à ce titre, notamment dans les pages jaunes. S'il n'est pas fait état d'une obligation réglementaire précise imposant à un huissier quittant son étude de faire cesser son référencement sur internet ou sur les pages jaunes de l'annuaire, il n'en demeure pas moins que l'huissier est d'une manière générale tenu d'une obligation de loyauté vis à vis du confrère reprenant son étude. Une telle obligation n'est pas respectée si M. [D] figure toujours parmi les huissiers potentiellement en activité à [Localité 5], et ce jusqu'en juillet 2018.
Mme [V] produit également l'attestation de Mme [U], collaboratrice, qui relate qu'à de multiples reprises l'étude AB Huissiers 57 a été contactée par des avocats ne comprenant pas que leurs actes ne soient pas encore signifiés. Ces avocats confirmaient avoir envoyé leurs actes au [Adresse 2], soit à l'adresse de l'ancienne étude de M. [D], lequel n'a jamais retransmis ces actes à Mme [V]. De même certains avocats ont indiqué à Mme [U] au téléphone qu'ils ne comprenaient pas pourquoi M. [D] continuait à répondre au téléphone, et que le greffe de certains parquets lui avait également indiqué avoir envoyé des citations et des significations à cette ancienne adresse.
Il en résulte que le maintien du référencement de M. [D] était manifestement volontaire et de nature à induire en erreur différents clients, qui n'étaient ainsi pas orientés vers Mme [V], ce qui constitue une man'uvre déloyale privant potentiellement Mme [V] de certains actes.
Il résulte par ailleurs des courriers envoyés par M. [D] à certains de ses clients, que celui-ci leur a indiqué, en suite de son départ à la retraite, qu'ils seraient à l'avenir directement en contact avec le greffe des saisie arrêt des rémunérations.
Ainsi il a adressé à M. [L] et à la CCM de la région de [Localité 3] le solde leur revenant, en les informant de ce que le recouvrement de leur créance se poursuivrait par voie de saisie des rémunérations et que les fonds saisis leur seront directement extournés pour l'avenir par le greffe des saisies des rémunérations. Il a de même adressé au greffe un courrier demandant à ce que les fonds revenant à M. [L] lui soient reversés directement.
Ce faisant, il écartait de la procédure la SELARL AB Huissier 57 alors que celle-ci aurait pu continuer à gérer ces dossiers, ce qui peut être considéré comme déloyal vis à vis de la SELARL.
S'agissant de la perte spécifique de certains clients, elle concerne au vu des conclusions de la SELARL AB huissiers 57, l'étude de mandataires judiciaires Noël, Nodée et Lanzetta, pour laquelle Mme [V] soutient qu'elle n'aurait plus reçu aucun dossier de vente judiciaire, ainsi que la clientèle de la société Valorgie.
Cependant, il n'existe aucune preuve d'initiatives ou de médisances de la part de M. [D] en direction de ces clients. Le simple fait que des relances aient été adressées, pour quelques dossiers, à Mme [V] à propos de ventes effectuées par son prédécesseur, ne permet pas d'établir un quelconque lien de causalité avec le fait que les mandataires n'aient plus par la suite adressé de dossiers à Mme [V].
S'agissant de la société Valorgie, il résulte de l'attestation de M. [A] [Z], chargé de mission de la société Valorgie, que au départ de M. [D] « la qualité de (leurs) échanges n'était plus satisfaisante » , que des dysfonctionnements ont été signalés à Mme [V], et que celle-ci « en réponse (leur) a fait savoir qu'elle souhaitait aussi revoir à la hausse les conditions financières de collaboration déjà signées avec son prédécesseur », en suite de quoi la société a préféré confier ses nouveaux impayés à une autre étude.
Il n'est donc pas établi que le retrait de la société Valorgie soit dû à l'action nocive de M. [D].
Il reste avéré que M. [D], en maintenant sur une longue période son référencement notamment sur les pages jaunes, en recevant des courriers d'avocats ou en leur répondant sans les orienter vers Mme [V], ou en orientant certains de ses clients directement vers le greffe des saisies des rémunérations au lieu de laisser le dossier à la SELARL AB Huissiers 57, a eu des comportements déloyaux vis à vis de l'étude, l'ayant privée d'un certain nombre de clients et de la réalisation de divers actes.
Les preuves fournies ne font cependant apparaître de tels comportements qu'en nombre limité, et s'ils ont pu provoquer la perte de certains clients, ou l'absence de réalisation de certains actes, il appartient à Mme [V] de faire la preuve de l'importance du préjudice en résultant.
Mme [V] met notamment en avant la différence entre son chiffre d'affaire de mai à décembre 2016, soit 215.056 €, et son chiffre d'affaire de 2017 pour la même période qu'elle évalue à 291.944 €, soit une « perte » de 76.888 €.
Cependant il ne peut être admis que les quelques manquements prouvés auraient à eux seuls généré une perte de chiffre d'affaire aussi conséquente. Il n'est pas anormal que le chiffre d'affaire d'une étude, ou de toute autre activité professionnelle, connaisse une progression entre l'année d'installation et l'année suivante. Par conséquent cette seule observation d'une progression dans le chiffre d'affaire entre deux périodes équivalentes en 2016 et 2017, n'est pas de nature à faire la preuve d'un préjudice de 76.888 € entièrement imputable à M. [D].
Ainsi au vu de ces éléments, la perte de chance rémunération, doit être évaluée à 10 % de la différence entre les chiffres d'affaire de 2016 et 2017, soit la somme de 7.688 €.
Il convient donc d'infirmer sur ces différents points le jugement dont appel, et d'allouer à Mme [V], en réparation du préjudice résultant des divers manquements dont elle se prévaut, une somme de 7.688 €.
Sur le dédommagement au titre du temps passé à reprendre le sinistre
Il résulte des termes du rapport de la chambre nationale des commissaires de justice, que Mme [V] a effectué un travail qualifié de « colossal » et qui lui a pris un temps considérable, pour redresser les comptes des dossiers de son étude. Ces vérifications sont qualifiées de « chronophages » par les inspecteurs au regard du nombre de dossiers sur lesquels elles portent.
Il est légitime par conséquent que Mme [V] soit indemnisée du temps passé à ces vérifications au détriment de sa véritable activité professionnelle.
Il ne peut non plus être contesté au vu des courriers produits que Mme [V] a été amenée à consacrer du temps à des ventes immobilières confiées à son prédécesseur. De même elle a également été mobilisée par les inspections menées au sein de l'étude, tant par la chambre régionale en 2018 que par la chambre nationale des commissaires de justice en juin 2019.
L'évaluation du temps perdu telle que retenue par le premier juge, à raison de 25.000 € au titre de la vérification des dossiers de l'étude et de 800 € au titre du temps passé à l'inspection, doit donc être retenue.
D'autre part, s'il n'est pas retenu d'attitude dolosive de M. [D] pour ce qui concerne le défaut de reversement du montant de ventes immobilières, les reversements et décomptes ayant été effectués par Mme [V], il n'en demeure pas moins que M. [D] a commis une faute en n'effectuant pas lui même ces reversements et en obligeant Mme [V] à y consacrer du temps.
Sa responsabilité est également engagée sur ce point et justifie l'allocation d'une somme de 2.000 € en dédommagement du temps passé, ainsi que l'a évalué le premier juge.
Il convient dès lors de confirmer sur ce point la décision entreprise.
Sur la demande au titre de lla mauvaise gestion de l'office pendant la suppléance
La suppléance des huissiers en Alsace-Moselle en suite de leur démission, est réglementée par les dispositions du décret n° 29 février 1956 relatives à la suppléance des officiers publics ou ministériels en général, ceci en application de l'article 12 de ce décret.
Aux termes de son article 3, dès qu'il est désigné « le suppléant assure la gestion de l'office ; il accomplit lui-même tous les actes professionnels dans les mêmes conditions qu'aurait pu le faire le suppléé ».
S'il n'est pas apporté de limite particulière quant aux actes à accomplir, la gestion d'un suppléant ne doit pas avoir pour conséquence de faire supporter au successeur des engagements particuliers ou excessifs pouvant générer des difficultés, ou ayant un fort impact sur son fonctionnement, ses ressources ou ses dépenses.
Une augmentation de salaire n'est donc pas nécessairement un acte interdit à un suppléant mais elle doit intervenir dans le cadre d'une gestion prudente et ne pas se situer au delà d'une norme moyenne, le cas échéant par référence à la grille de salaires de la profession.
En l'occurrence, si l'avenant du 31 mars 2015 versé aux débats ne permet pas de voir quel était le nouveau salaire prévu pour M. [X], il ressort cependant du bulletin de salaire du mois d'avril 2016 que le salaire brut mensuel de celui-ci s'est élevé à 5.430 €.
Selon l'avenant du 14 avril 2016 relatif à la grille des salaires, le salaire brut minimum d'un huissier salarié s'élevait à 3.815,78 €.
Le salaire de M. [X] était donc supérieur de 1.614 € au minimum imposé par la grille des salaires de la profession ce qui constitue une différence particulièrement importante. S'il ne pouvait être exigé de M. [D] qu'il ne rémunère M. [X] qu'au minimum légalement prévu, l'augmentation pratiquée apparaît néanmoins excessive, et hors de la mission limitée de M. [D] à cette date.
La gestion sur ce point de M. [D] est donc fautive et il doit répondre du préjudice en résultant.
Pour justifier son préjudice, Mme [V] produit uniquement un document intitulé « Dossier statistique 2015 - répartition recettes » émanant de l'Anacef, faisant apparaître que la charge salariale de l'étude était de 140.154 € en 2014 et de 205.500 € en 2015, Mme [V] entendant fixer son préjudice à la différence entre les deux sommes.
Un tel calcul n'est nullement justifié. Outre qu'il ne concerne ni l'année 2016 ni l'année 2017 au cours desquelles Mme [V] a eu à rémunérer M. [X], il est fondé sur une augmentation de la masse salariale imputable à l'évolution de l'ensemble des salaires versés aux salariés de l'étude, et ne tient pas compte des augmentations de salaires qui pouvaient normalement intervenir d'une année sur l'autre.
La rémunération mensuelle décidée étant néanmoins excessive, la cour retiendra, au vu de la grille produite, qu'elle a généré un préjudice mensuel, en termes de salaires et charges, de 1.000 € par mois. M. [X] ayant lui-même indiqué dans son attestation qu'il avait démissionné de son poste en avril 2017, le préjudice de la SELARL AB huissiers 57 sera évalué à 12.000 €.
Le jugement dont appel sera donc infirmé sur ce point, et M. [D] sera condamné au versement de cette somme à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande au titre du préjudice moral :
Il résulte de l'ensemble des observations qui précèdent et des pièces versées aux débats, que M. [D], qui avait fait savoir qu'il ne souhaitait pas que Mme [V] reprenne son étude, lui a communiqué des documents comptables non conformes à la réalité en particulier quant au montant des créances acquises, a retardé la communication des documents, lui a globalement caché la réalité de la situation de l'étude notamment quant à des produits de vente non reversés ou quant à l'existence de compte fictifs ou douteux.
Ses carences passées et l'absence d'information vis à vis de sa successeure ont exposé celle-ci à diverses réclamations, émanant ainsi d'une étude de mandataires judiciaires ou de divers confrères. Si Mme [V] n'a pas à supporter financièrement la charge des sommes dues à ces derniers, il n'en demeure pas moins qu'elle a été confrontée à leurs réclamations. Plus spécialement, la découverte d'une quantité considérable d'actes frustratoires, ou de mouvements de compte inexplicables, a placé Mme [V] dans une situation particulièrement inconfortable en ce qu'il lui était impossible de se fier aux documents produits et d'avoir une vision objective de l'état de son étude.
Ces carences fautives imputables à M. [D] sont donc bien génératrices d'un préjudice.
A ce titre le montant retenu par le premier juge apparaît fondé et sa décision sera confirmée sur ce point .
Il sera précisé qu'en application de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts légaux courant sur les sommes allouées courront, pour ce qui concerne les montants déjà alloués par le premier juge, à compter du jugement du 09 février 2021, et pour ce qui concerne le montant alloué par la cour, à compter du présent arrêt.
Sur la demande de production sous astreinte des extraits de compte :
Les demandes actuelles de Mme [V] visent à obtenir indemnisation de ses différents chefs de préjudice. Dans ce but, il appartenait le cas échéant à Mme [V], si elle considérait la production de ces relevés de compte comme nécessaire à une bonne administration de la justice et à la preuve de ce préjudice, de saisir le juge de la mise en état ou le conseiller de la mise en état, afin que ces éléments de preuve puissent être en temps utile produits aux débats et soumis à la juridiction de jugement.
En l'état actuel d'avancement de la procédure et alors qu'un arrêt sur le fond sera rendu entre les parties, la demande de production des relevés de compte ne présente plus d'intérêt et n'a pas été formée en temps utile.
Il n'y a donc pas lieu d'y faire droit et le jugement sera confirmé sur ce point par substitution de motif.
III-Sur le surplus des demandes de M. [D] :
Sur la demande de dommages et intérêts à raison des agissements de Mme [V] :
La cour observe sur ce point que, si les circonstances du « déménagement » de l'étude par celle-ci apparaissent effectivement précipitées, Mme [V] verse aux débats des éléments de preuve justifiant la décision qu'elle a prise au regard de l'obstruction dont faisait preuve M. [D]. Il résulte notamment de l'attestation de M. [I], bailleur, qu'elle a le même jour trouvé des locaux et effectué son déménagement, ce qui établit qu'il ne s'agissait nullement là d'une action préméditée, mais bien d'une réaction face à l'attitude de son prédécesseur, ainsi qu'elle l'annonçait aux représentants de la chambre départementale des huissiers.
Au vu de l'ensemble des éléments produits, il apparaît que M. [D] porte une part importante de responsabilité dans le contentieux opposant les parties et dans les décisions prises par Mme [V], laquelle est fondée à lui opposer sa faute en l'espèce.
Il n'y a pas lieu dès lors de faire droit à la demande de dommages et intérêts à raison de l'attitude imputée à Mme [V] et le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Dès lors qu'il est fait droit à l'argumentaire de Mme [V] pour la SELARL AB huissiers 57, concernant le dol dont elle a été victime, et que M. [D] est débouté de ses demandes, la résistance de la SELARL apparaissait fondée.
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté également cette demande.
IV- Sur les demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens
Le jugement dont appel étant en majeure partie confirmé, notamment en ce qui concerne l'annulation du protocole du 9 mai 2016 et ses conséquences, il convient de le confirmer en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [D] succombe principalement dans son appel, il supportera les dépens d'appel.
La distraction des dépens n'est pas prévue par les dispositions spécifiques de droit local relatives aux dépens et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande sur ce point.
Il est équitable d'allouer à la SELARL AB Huissiers 57, en remboursement des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la présente instance, une indemnité de 8.000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement dont appel en ce qu'il a :
-débouté la SELARL AB huissiers 57 de ses demandes au titre de la perte de chiffre d'affaire, de la perte de clients et de sa demande relative au maintien du référencement de M [D] sur internet
-condamné M. [D] à verser à la SELARL AB huissiers 57 la somme de 65.345 € au titre de la mauvaise gestion de la charge salariale pendant sa suppléance,
Statuant à nouveau sur ces points :
Condamne M. [R] [B] [D] à payer à la SELARL AB huissiers 57 une somme de 7.688 € au titre de la perte de chance de rémunération, recouvrant la perte de chiffre d'affaire, la perte de clients et les conséquences du maintien du référencement de M. [D], outre intérêts légaux à compter du présent arrêt ;
Condamne M. [R] [B] [D] à payer à la SELARL AB huissiers 57 une somme de 12.000 € en réparation du préjudice né de la mauvaise gestion de la masse salariale, outre intérêts légaux à compter du 09 février 2021 ;
Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Condamne M. [R] [B] [D] aux dépens d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à distraction des dépens ;
Condamne M. [R] [B] [D] à verser à la SELARL AB huissiers 57 la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente de Chambre