Arrêt n° 23/00213
07 mars 2023
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N° RG 20/02205 -
N° Portalis DBVS-V-B7E-FMJR
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH
21 octobre 2020
19/00343
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Sept mars deux mille vingt trois
APPELANT :
M. [U] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jean-Daniel CAUVIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ :
Etablissement Public AGENCE NATIONALE POUR LA GARANTIE DES DROITS DES M INEURS (ANGDM) représenté par son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Frédéric CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [V] a été salarié des charbonnages de France HBL et a bénéficié à ce titre du statut du mineur issu du décret du 14 juin 1946 modifié.
Les articles 22 et 23 de ce statut prévoient que les membres du personnel des exploitations minières ou assimilées perçoivent des prestations de chauffage (art. 22) et de logement (art. 23). La prestation de logement peut être servie en nature ou en espèces sous la forme d'une indemnité mensuelle. La prestation de chauffage donne droit à une prime versée par l'exploitant.
En raison de la cessation d'activité des houillières, un Centre national de gestion des retraités (CNGR), agissant pour ordre et pour compte de Charbonnages de France et des Houillières de bassin, a été progressivement créé.
Le 17 février 1989, cet organisme a fait place à l'Association nationale pour la gestion des retraites des Charbonnages de France (ANGR), chargée de gérer sous forme d'association la politique sociale de Charbonnages de France.
Dans le courant de l'année 1997, l'ANGR et M. [V] ont conclu :
- un contrat intitulé 'contrat 'viager chauffage' de prêt remboursable par versements trimestriels', qui prévoyait en substance que M. [V] percevrait un capital de 282 640 francs français et, au titre de l'amortissement, autorisait l'ANGR à procéder à la retenue totale de l'indemnité de chauffage ;
- un contrat intitulé 'contrat 'viager logement' de prêt remboursable par versements trimestriels sur une tête', qui prévoyait en substance que M. [V] percevrait un capital de 630 219 francs français et, au titre de l'amortissement, autorisait l'ANGR à procéder à la retenue totale de l'indemnité de logement.
M. [V] est parti en retraite le 1er septembre 1997.
A la suite de la loi du 3 février 2004, l'ANGR a été remplacée par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).
Estimant que l'ANGDM aurait dû reprendre le versement des indemnités liées aux avantages en nature à compter de l'amortissement du 'prêt', soit au mois de décembre 2019, M. [V] a saisi, le 20 novembre 2019, la juridiction prud'homale du litige l'opposant à l'ANGDM.
Par jugement contradictoire du 21 octobre 2020, la formation paritaire de la section industrie du conseil de prud'hommes de Forbach a :
- déclaré irrecevable la demande de M. [V] de reprise du versement des indemnités de logement et de chauffage à compter du mois de décembre 2019, en raison de la prescription quinquennale ;
- condamné M. [V] aux dépens de l'instance ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [V], représenté par un avocat d'un barreau extérieur au ressort de la cour d'appel de Metz, a interjeté appel par courrier posté le 2 décembre 2020, soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification du jugement réceptionnée le 13 novembre 2020.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par courrier posté le 15 décembre 2021, M. [V] requiert la cour d'infirmer le jugement et :
- de constater et, en tant que de besoin, juger nulle, la convention ou, à tout le moins, la prétendue clause de renonciation et inopposable à lui ;
- d'ordonner le paiement des indemnités liées aux avantages en nature de chauffage et de logement, sous réserve de leur revalorisation, à compter du 1er août 2019, date de l'amortissement de la somme avancée par l'ANGDM, et ce toute sa vie durant ;
- d'évaluer provisoirement aux sommes suivantes :
* 399,75 euros de prestations de logement par mois du 1er août 2019 jusqu'au jour de l'arrêt de la cour ;
* 179,27 euros de prestations de chauffage par mois, du 1er août 2019 jusqu'au jour de l'arrêt de la cour ;
* 14 925 euros au titre du préjudice matériel du 1er septembre 1997 au 31 juillet 2019 ;
* 90 euros par mois d'écart de loyer du 1er août 2019 jusqu'au jour de l'arrêt de la cour d'appel ;
* 15 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral subi ;
* 2 050 euros de frais de présentation par avocat au conseil de prud'hommes de Forbach;
* 1 233,60 euros de frais d'expertise en écriture ;
* 97,04 euros de frais de signification par huissier ;
* 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de rejeter le moyen tiré de la prescription et de dire non prescrite son action ;
- de rejeter comme nulle et inopposable la clause litigieuse ;
- d'annuler la clause de renonciation aux avantages en nature comme ayant été signée par lui à une époque où il était toujours sous le lien de subordination de son employeur;
- de condamner l'ANGDM, même en cas d'irrecevabilité de la nullité de la clause à titre principal, à payer les échéances non prescrites à la date à laquelle il a demandé la reprise du paiement de ces indemnités et, à défaut, à la date de sa requête au conseil de prud'hommes ;
- de condamner l'ANGDM à lui payer, depuis le 1er août 2019, les indemnités liées aux avantages en nature de logement et de chauffage auxquelles il avait droit, sous réserve de leur revalorisation ;
- de condamner l'ANGDM à lui payer sa vie durant, puis ensuite à ses ayants droit, lesdites indemnités ;
- de condamner, en définitive, l'ANGDM à payer les sommes suivantes, telles que provisoirement évaluées :
* 96 076 euros de prestations de logement du 1er septembre 1997 au 31 juillet 2019 ;
* 43 088 euros de prestations de chauffage du 1er septembre 1997 au 31 juillet 2019 ;
soit une somme actualisée de 139 164 euros au 31 juillet 2019 et désormais la somme totale au mois de février 2021 de 150 165,38 euros ;
- de condamner l'ANGDM à payer la somme de 14 925 euros au titre du préjudice matériel ;
- de condamner l'ANGDM à payer la somme de 90 euros par mois d'écart de loyer du 1er août 2019 jusqu'au jour de l'arrêt de la cour ;
- de condamner l'ANGDM à payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, ainsi que la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner l'ANGDM à payer la somme de 2 050 euros de frais de représentation d'avocat au conseil de prud'hommes de Forbach ;
- de condamner l'ANGDM à payer la somme de 1 233,60 euros de frais d'expertise d'écriture et la somme de 97,04 euros de frais de signification par huissier ;
- de dire que la décision sera assortie des intérêts au taux légal et de l'anatocisme à compter de l'acte introductif d'instance.
A l'appui de son appel, M. [V] expose :
- que, sur le contrat, c'est bien sa signature qui figure, mais que la date a été 'corrigée' par son employeur, comme le montre un rapport d'expertise ;
- qu'il avait signé le 25 août 1997, mais que l'acte a été modifié par l'ANGR au 1er septembre 1997, soit postérieurement à son départ en retraite ;
- que les contrats ont été volontairement modifiés pour qu'il n'ait pas de possibilité d'invoquer la nullité ;
- qu'il est bien fondé à solliciter la nullité du contrat et, en conséquence, la nullité ou l'inopposabilité de la clause qu'on entend lui opposer.
Il soutient :
- qu'un salarié ne peut pas renoncer valablement à l'avance aux avantages qu'il tire d'un accord collectif ;
- que la somme qui lui a été donnée a été amortie, c'est-à-dire remboursée au mois de juillet 2019;
- qu'à compter de cette date, il fallait lui rétablir le paiement des indemnités de logement et de chauffage.
Il affirme :
- que le délai de prescription commence à courir à la date où la personne connaît ou doit connaître la cause de la nullité ;
- qu'en l'espèce, il a fallu attendre une jurisprudence de l'année 2016 pour savoir qu'il y avait lieu à interprétation des règles ;
- qu'en tout état de cause, le délai n'a démarré qu'au moment auquel les sommes ont été remboursées ;
- que la nullité de la prétendue clause qu'il aurait signée peut être opposée, dans le cadre de sa demande, pour chaque mensualité concernée ;
- que la nullité invoquée de la clause n'étant que le soutien de sa demande d'indemnités de logement et de chauffage, il n'y a pas prescription de l'action en nullité, les indemnités n'étant elles-mêmes pas prescrites ;
- qu'un délai de prescription, s'il porte in concreto une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, n'est pas opposable au justiciable ;
- qu'au demeurant, le délai de prescription, s'il commençait à courir depuis la conclusion du contrat, empêcherait également les conjoints et ayants droit d'agir en justice.
Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 11 janvier 2022, l'ANGDM sollicite que la cour rejette l'appel et :
- à titre principal, confirme le jugement et déclare irrecevable du fait de la prescription quinquennale la demande présentée par M. [V] de nullité du contrat de capitalisation ;
- à titre subsidiaire, dise régulière la convention de capitalisation signée par M. [V];
- déboute M. [V] de ses demandes ;
- condamne M. [V] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant de la prescription, elle soutient :
- que l'action tendant à l'annulation d'une convention pour méconnaissance d'une règle d'ordre public de protection se prescrit par cinq ans à compter de sa conclusion ;
- que les articles 22 à 24 du décret du 14 juin 1946, en ce qu'ils prévoient des prestations en nature ou équivalent au bénéfice du mineur, relèvent de l'ordre public de protection et sont donc sanctionnés par une nullité relative ;
- que l'action en annulation était prescrite au jour même où M. [V] l'a intentée, de sorte que le contrat ne peut plus être contesté ;
- que la convention ne peut pas être assimilée à un contrat de prêt ;
- que la convention litigieuse ne comporte que six articles et que la théorie de la nullité partielle soutenue par l'appelant n'est pas défendable, la renonciation définitive par le retraité au service de la prestation apparaissant comme un élément déterminant de l'engagement de l'ANGR et constituant l'économie même du contrat.
Elle affirme :
- qu'il n'est pas sérieux de prétendre qu'elle aurait modifié la date du contrat pour échapper aux conséquences d'une jurisprudence apparue vingt années plus tard ;
- que l'interprétation à donner aux contrats de capitalisation a été clarifiée à compter de l'année 2008 ;
- que le fait que les mineurs se heurtent à la prescription ne constitue pas une violation du droit au respect des biens, mais la conséquence d'une réglementation procédurale qu'il est loisible à un Etat d'instituer.
Subsidiairement, elle réplique :
- que le mécanisme de rachat des prestations litigieuses a donné lieu au versement d'un capital résultant de la valeur de l'indemnité annuelle due à l'agent et d'un coefficient de capitalisation déterminé à partir de l'âge soit du retraité soit de son conjoint ;
- que M. [V] a retenu l'option 'contrat capital viager' avec versement du capital sans aucune déduction des précomptes sociaux, le montant du capital étant remboursé au moyen d'une retenue équivalente à la valeur de l'indemnité trimestrielle de logement et/ou chauffage ;
- que, s'agissant d'un contrat viager, les retenues effectuées ne prennent fin qu'au décès de l'ayant droit ou de sa veuve en cas de rachat sur deux têtes ;
- que seules les indemnités servies au titre de l'année en cours sont fiscalisées.
Elle indique :
- que le contrat signé rappelle, dans son préambule, qu'il est 'viager' et qu'en conséquence, le retraité devra, en échange du capital versé par les Charbonnages, payer, 'sa vie durant', une somme déterminée, de sorte qu'il est parfaitement clair que le demandeur s'engageait à verser au CNGR, jusqu'à son décès, une somme trimestrielle ;
- que c'est en toute connaissance de cause que M. [V] a choisi de signer le contrat afin de pouvoir bénéficier immédiatement d'un capital défiscalisé ;
- que la convention ne peut pas être qualifiée de contrat de prêt, l'ANGDM ayant perdu tout droit sur le capital dès la conclusion du contrat et le souscripteur ne s'étant nullement engagé à rembourser le capital versé ;
- que le contrat, depuis la loi de finances pour 2009, ne peut plus être qualifié de viager et n'a plus de dénomination propre ;
- que le retraité qui a opté pour la capitalisation n'a renoncé à aucun droit, mais a, au contraire, bénéficié d'un avantage en percevant un capital défiscalisé qui lui permettait d'acheter un logement, de sorte qu'il n'y a pas d'atteinte au principe de faveur ;
- que la loi de finances pour l'année 2009 a rendu encore plus favorable aux retraités le mécanisme du rachat en corrigeant la fiscalité de celui-ci à compter de la date de l'âge retenu pour le calcul du capital et a indirectement confirmé la régularité du rachat des indemnités ;
- que l'article 3 de ladite loi rappelle l'interdiction de la reprise du versement des prestations viagères, en indiquant que les 'contrats de capitalisation se substituent, à titre définitif, aux prestations viagères visées au statut du mineur', ce dont il résulte que le droit d'option reconnu aux mineurs retraités est irrévocable.
Elle ajoute :
- que M. [V] a signé les conventions, alors qu'il n'était plus lié par un contrat de travail à son employeur ;
- que, dans une telle hypothèse, les contrats ont déjà été reconnus réguliers, la reprise du versement des indemnités logement et/ou chauffage une fois le capital amorti étant impossible.
Le 10 mai 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.
MOTIVATION
Dans le premier contrat litigieux qui porte la date -discutée- du 1er septembre 1997 et qui est intitulé 'contrat 'viager logement' de prêt remboursable par versements trimestriels sur une tête', l'Association nationale de gestion des retraites agissant pour le compte des Houillères du Bassin HBL et M. [V] ont stipulé que :
'APRES QU'IL AIT ETE EXPOSE QUE :
- les houillères offrent sous certaines conditions, à leur personnel retraité la possibilité de conclure un contrat viager comportant :
- d'une part, le versement par l'A.N.G.R. d'un capital,
- d'autre part, le remboursement dudit capital par le retraité, sa vie durant, au moyen de l'indemnité de logement dont il peut bénéficier de par les dispositions prévues au statut du mineur.
- au décès du souscripteur de ce contrat, s'il existe une veuve ouvrant droit du chef de son mari, à une prestation de logement, l'A.N.G.R. reprend au bénéfice de cette dernière, le versement de l'indemnité de logement, compte tenu des règles et barèmes en vigueur au moment du décès ainsi que des règles fixant la prestation à servir lorsque la veuve peut bénéficier de droits personnels.
IL EST CONVENU QUE :
ARTICLE I
Après signature du présent contrat rédigé en deux exemplaires et réception de la fiche individuelle d'Etat civil portant la mention marginale 'non décédé' établie postérieurement à la cessation d'activité, l'A.N.G.R. versera à Monsieur [V] [U] le capital de
F. 630219,00
ARTICLE II
L'A.N.G.R. s'engage à verser trimestriellement à compter du 01/09/1997 à Monsieur [V] [U] l'indemnité de logement à laquelle il peut effectivement prétendre du fait de sa situation de retraité et compte tenu des règles en vigueur au moment de la souscription du présent contrat.
ARTICLE III
Aux fins d'amortir le capital déterminé dans l'article I, Monsieur [V] [U] autorise l'A.N.G.R. à procéder à la retenue totale de l'indemnité de logement définie dans l'article II.
La première échéance de remboursement se situe au 3è Trimestre 1997.
ARTICLE IV
Monsieur [V] [U] et tout ayant droit de son chef renoncent expressément et définitivement à la prestation de logement en nature.
ARTICLE V
Le présent contrat prend fin au décès du souscripteur
ARTICLE VI
A défaut de présentation de la fiche individuelle d'Etat Civil mentionnée à l'Article I, le présent contrat, même signé par les deux parties, sera réputé nul et non avenu'.
Le second contrat porte aussi la date -discutée- du 1er septembre 1997 et s'intitule 'contrat 'viager chauffage' de prêt remboursable par versements trimestriels'.
Il contient les mêmes dispositions que l'autre contrat, sous réserve de la désignation de la prestation concernée (prestation de chauffage) et du montant du capital (282640 francs français).
Sur la nullité
La nullité d'une convention résultant de la violation de l'interdiction pour un salarié de renoncer, tant que son contrat est en cours, aux avantages qu'il tire d'une convention collective ou de dispositions statutaires d'ordre public, est une nullité relative soumise au délai de prescription de cinq années de l'article 2224 du code civil.
En application du même article, la prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, étant rappelé que M. [V] demande l'annulation de la clause de renonciation aux avantages en nature comme ayant été signée à une époque où il était toujours sous un lien de subordination, la prescription quinquennale a couru à la date de signature des deux contrats qui précisaient clairement à ce sujet, à leur article IV, que 'Monsieur [V] [U] et tout ayant droit de son chef renoncent expressément et définitivement à la prestation de chauffage/logement en nature'.
La situation de M. [V] n'est pas comparable à celle d'un salarié qui, pour solliciter un rappel au titre des heures supplémentaires, contesterait la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail, au motif que celle-ci se fonde sur une convention collective qui n'assure pas des garanties suffisantes.
Il doit être observé que les règles applicables en l'espèce répondent à un objectif légitime de sécurité juridique et n'ont pas eu pour effet d'entraver le droit d'accès à la justice de M. [V], au regard de la durée quinquennale de la prescription et de son point de départ, à savoir un acte dont le demandeur a eu parfaite connaissance comme sa signature l'établit. Il n'y a donc pas d'atteinte à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui consacre le 'droit à un tribunal'.
En définitive, l'action en nullité est largement prescrite -depuis l'année 2002- peu important que le délai de cinq ans ait commencé à courir à compter du 1er septembre 1997, date figurant sur les deux conventions, ou à compter du 25 août 1997, date réelle de signature selon l'affirmation de M. [V] qui s'appuie en cela sur un rapport d'expertise privée en graphologie.
Le jugement est infirmé, en ce qu'il a opposé la prescription de cinq ans à l'encontre d'une nullité qui n'était pas demandée en première instance - et, en conséquence, à l'encontre de la reprise du versement des indemnités de logement et de chauffage.
Sur la reprise du versement de l'indemnité de logement et de celle de chauffage
A la lecture des deux contrats litigieux, le mineur a opté au titre des avantages logement et chauffage, pour le versement immédiat d'un capital dont le montant a été déterminé en fonction de sa situation, notamment de son âge, et amorti par imputation du montant des indemnités tant logement que chauffage.
Cette formule a donné lieu à l'application de règles particulières en matières fiscale et sociale : le versement du capital n'étant pas assujetti à l'impôt, c'est sur le montant des indemnités logement et chauffage que le retraité a été appelé à s'acquitter, le cas échéant, du montant de l'impôt sur le revenu, ainsi que du montant de la CSG et de la CRDS.
Les deux contrats litigieux s'intitulent 'prêt remboursable par versements trimestriels' et mentionnent, à l'article III, l'amortissement du capital et la date de la première échéance de remboursement.
Toutefois, ils avaient initialement un caractère viager, comme le montrent les éléments suivants :
- les deux contrats sont intitulés respectivement 'contrat 'viager logement' et 'contrat 'viager chauffage' ;
- leur préambule indique que les houillères offrent, sous certaines conditions, à leur personnel retraité, la possibilité de souscrire un contrat viager comportant le remboursement du capital par le retraité 'sa vie durant' ;
- les parties ont stipulé à l'article IV la renonciation par M. [V] et tout ayant droit de son chef 'expressément et définitivement' à la prestation de logement/chauffage en nature.
Il s'ensuit que l'indemnité de logement ou de chauffage était versée fictivement par l'ANGR en réalité pour les seuls besoins de la taxation par l'administration et que les contrats comportaient un aléa pour chacune des deux parties.
Le caractère viager des deux conventions excluait la possibilité de retenir une qualification de contrats de prêt.
Puis, les dispositions de l'article 3 de la loi de finances du 27 décembre 2008 pour l'année 2009 ont pour objet principal de préciser le régime des prélèvements fiscaux et sociaux auxquels sont assujetties les indemnités de logement comme de chauffage dont le montant est retenu par l'ANGDM en amortissement du capital versé au mineur qui a opté pour le versement d'un capital représentatif desdites indemnités.
Ces mêmes dispositions ont également pour effet :
- de confirmer l'interprétation et la portée qu'il convient d'attribuer à ces contrats de capitalisation en énonçant que ceux-ci 'se substituent, à titre définitif, aux prestations viagères visées au statut du mineur', qui sont considérées comme ayant été mises à la disposition du bénéficiaire pour les besoins de l'application des dispositions législatives et sociales ;
- de fixer le terme du droit au bénéfice de ces prestations et des prélèvements les assujettissant à la date à laquelle le bénéficiaire a atteint l'âge de référence ayant servi de base de calcul du capital qui lui a été versé.
Il résulte ainsi du préambule des deux contrats, de leur article IV, de l'esprit du dispositif en cause et des termes de la loi de finances pour l'année 2009 que, si le mineur a fait le choix de racheter les prestations d'avantages logement et chauffage que lui confère le statut de mineur, ce choix emporte abandon définitif et irrévocable du droit au versement des prestations en cause une fois le capital versé définitivement amorti, le droit au bénéfice des prestations cessant automatiquement à partir du moment où le bénéficiaire a atteint l'âge de référence retenu pour le calcul du capital qui lui était versé.
M. [V] -qui a choisi le rachat de ses avantages statutaires logement et chauffage moyennant la conclusion de deux contrats de capitalisation se substituant définitivement aux prestations viagères auxquelles il pouvait prétendre par application du statut des mineurs- doit être débouté de ses demandes en paiement.
Sur les dommages-intérêts
L'ANGDM n'ayant commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations découlant des deux contrats litigieux, les demandes de dommages-intérêts présentées à son encontre sont rejetées.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
L'équité commande de condamner M. [V] à payer à l'ANGDM la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
M. [V] est condamné aux dépens d'appel, comme il l'a été à ceux de première instance, et doit supporter la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [U] [V] aux dépens de première instance ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevable car prescrite l'action en nullité ;
Rejette les demandes en paiement présentées par M. [U] [V], y compris celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [U] [V] à payer à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel ;
Condamne M. [U] [V] aux dépens d'appel.
La Greffière La Présidente