Arrêt n°23/00171
28 Février 2023
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N° RG 21/02736 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTZS
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
17 Octobre 2019
17/01426
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
vingt huit février deux mille vingt trois
APPELANTE :
Société GAZEL ENERGIE GENERATION
[Adresse 2]
Représentée par Me Elise SEBBAN, avocat postulant au barreau de METZ et Me Nicolas CHENEVOY, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉS :
M. [S] [Y]
[Adresse 1]
Représenté par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ
Syndicat CGT DE LA CENTRALE [Adresse 3]
[Adresse 3]
Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, Greffier
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [S] [Y] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 janvier 1977 par la société SNET, devenue la société EON France Power puis la société Uniper France Power, à laquelle vient aux droits la SAS Gazel Energie Génération.
La société SNET a conclu un accord d'entreprise le 4 octobre 2005, modifié en 2006 et en 2013, relatif à la réserve spéciale de participation.
M. [Y] a liquidé ses droits à la retraite le 9 janvier 2015.
Les exercices des années 2009, 2010 et 2011 de la SAS Uniper France Power ont fait l'objet d'un redressement fiscal prononcé définitivement en juin 2016.
Le complément de réserve spéciale de participation induit par le redressement fiscal a été distribué à l'ensemble des salariés en activité pendant l'année 2016 auquel M. [Y] ne faisait pas partie compte tenu de son départ à la retraite en 2015.
M. [S] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz par acte enregistré au greffe le 20 décembre 2017, aux fins de condamnation de la SAS Uniper France Power à lui payer 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de prononcé de l'exécution provisoire par application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, et de condamnation de la SAS Uniper France Power aux entiers frais et dépens.
Par jugement avant dire droit du 20 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Metz a ordonné à la SAS Uniper France Power de produire toutes pièces relatives au redressement, notamment l'avis de redressement des services fiscaux, les documents, les éléments permettant de comparer 1e montant de la réserve spéciale de participation des années 2009, 2010 et 2011, avec et sans le montant du redressement fiscal, les éléments permettant de comparer 1e montant de la réserve spéciale de participation de l'exercice 2016, avec et sans le règlement amiable du redressement fiscal, dans un délai fixé au plus tard au 31 janvier 2019, puis ordonné la réouverture des débats à l'audience du 4 avril 2019.
Par jugement en date du 17 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Metz, section industrie, a statué comme suit :
- Rejette la demande de jonction des instances sollicitée par la SAS Uniper France Power';
- Rejette l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SAS Uniper France Power ;
En conséquence,
- Se déclare compétent territorialement pour connaître de l'affaire ;
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat CGT de la Centrale [Adresse 3] :
- Constate que le syndicat CGT de la Centrale [Adresse 3] est valablement constitué ;
- Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SAS Uniper France Power ;
- Dit et juge que l'intervention volontaire du syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] est recevable en la forme ;
Sur la demande principale de M. [S] [Y] :
- Dit et juge la demande de M. [Y] recevable et bien fondée';
- Constate l'existence d'un préjudice';
En conséquence,
- Condamne la SAS Uniper France Power, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [Y] la somme de :
- 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi
- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Dit que ces sommes porteront intérêts de retard au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
- Déboute M. [Y] pour le surplus de sa demande';
Sur le bien fondé de l'intervention volontaire du syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] :
- Dit et juge la demande du syndicat CGT de la centrale [Adresse 3], pris en la personne de son secrétaire général, bien fondée,
En conséquence,
- Condamne la SAS Uniper France Power, prise en la personne de son représentant légal, à payer au syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] la somme de :
- 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la profession
- 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Déboute le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] pour le surplus de sa demande ;
- Dit que ces sommes porteront intérêts de retard au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
- Déboute la SAS Uniper France Power, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la SAS Uniper France Power, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens ;
- Ordonne l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile.
La SAS Gazel Energie Génération, venant aux droits de la SAS Uniper France Power, a régulièrement interjeté appel des dispositions de ce jugement par déclaration électronique en date du 19 novembre 2019.
Par ordonnance d'incident de mise en état en date du 16 février 2021, l'affaire a été radiée du rôle et retirée du rang des affaires en cours.
La SAS Gazel Energie Génération, venant aux droits de la société Uniper France Power, a demandé la reprise d'instance par acte en date du 15 novembre 2021.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 mars 2022, la SAS Gazel Énergie Génération, venant aux droits de la SAS Uniper France Power, demande à la cour de :
- Réformer l'intégralité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Metz,
En conséquence de quoi
A titre liminaire':
- Relever l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de Metz au profit de celui de Forbach
- Rejeter la demande de la CGT au titre de la défense de l'intérêt collectif de la profession ;
Au fond et à titre principal':
- Constater que l'action vise à remettre en cause le montant du bénéfice net attesté par le commissaire aux comptes
En conséquence de quoi :
- Juger irrecevable l'action en responsabilité et en paiement de dommages et intérêts intentée par M. [S] [Y] et la CGT ;
A titre subsidiaire :
- Constater la bonne foi de l'employeur et l'absence de faute de gestion dans la détermination du bénéfice net ;
- Constater que M. [S] [Y] a bénéficié du paiement de primes exceptionnelles au-delà du montant auquel il aurait pu bénéficier en cas de versement d'une prime de participation,
En conséquence de quoi :
- Juger mal fondée l'action en responsabilité et en paiement de dommages et intérêts intentée par M. [S] [Y] et la CGT ;
En tout état de cause .
- Condamner M. [S] [Y] au paiement de 350 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner le syndicat CGT au paiement de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner solidairement les intimés aux entiers dépens.
La SAS Gazel Énergie Génération, venant aux droits de la société Uniper France Power, fait valoir dans un premier temps que l'intervention volontaire du syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] a été effectuée par pur opportunisme et dans le seul but de contourner les obstacles liés à l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de Metz, et que la partie adverse ne caractérise nullement l'intérêt collectif de la profession justifiant la recevabilité et le bien-fondé d'une telle intervention volontaire.
La société soutient dans un second temps que le conseil de prud'hommes de Forbach est compétent dans la mesure où l'exercice des fonctions de conseiller prud'hommes par Mme [V], salariée non demanderesse en son nom personnel et qui n'a été amenée à intervenir que bien après que la procédure ait été initiée en qualité de représentante du syndicat CGT, ne rentre pas dans les dispositions légales permettant d'écarter la compétence du conseil de prud'hommes de Forbach.
La SAS Gazel Énergie Génération soutient que dans tous les cas cette situation n'était pas de nature à remettre en cause l'impartialité du conseil de prud'hommes de Forbach alors que Mme [V] aurait parfaitement pu ne pas siéger dans le cadre de la dite procédure à laquelle elle n'était pas partie à titre personnel.
Dans un troisième temps, la SAS Gazel Énergie Génération souligne que les montants du bénéfice net et des capitaux propres déclarés au titre des exercices 2009 à 2011 ont été attestés par le commissaire aux comptes et que ces montants ne sont pas susceptibles d'être remis en cause dans le cadre de litiges relatifs à la participation, que ce soit directement ou par le biais d'une action en responsabilité visant à obtenir des dommages et intérêts dans le cadre d'une fraude, d'un abus de droit ou encore d'une faute de gestion.
A titre subsidiaire, la société conteste la faute de gestion invoquée par le salarié et soutient que, bien au contraire, elle a fait preuve de la plus grande diligence dans la détermination du montant du bénéfice net et de la réserve spéciale de participation.
La société précise que l'expert missionné par le comité central d'entreprise a validé l'approche retenue par la Direction dans la détermination du bénéfice net et du montant de la réserve spéciale de participation, et que l'administration fiscale a retenu sa bonne foi et a renoncé à toute pénalité ou majoration pour manquement délibéré à la législation.
A titre infiniment subsidiaire, la SAS Gazel Énergie Génération critique le montant retenu au titre du prétendu préjudice de M. [Y] et affirme que ce dernier a bénéficié chaque année, sur les mois de juin 2010, juin 2011 et juin 2012 du versement de primes exceptionnelles compensant l'absence de versement au titre de la participation.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 novembre 2021, M. [Y] demande à la cour de statuer comme suit :
- Rejeter l'appel de la SAS Gazel Énergie Génération ;
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- Condamner la SAS Gazel Énergie Génération à lui payer une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure cvile ;
- La condamner aux entiers frais et dépens.
M. [Y] soutient à l'appui de ses prétentions que si les salariés ne peuvent pas en principe solliciter de complément de participation, ils peuvent néanmoins engager la responsabilité de leur employeur dans la gestion fautive de la société qui a entraîné un bénéfice minoré au moment du calcul de la réserve de participation.
Il affirme à cet égard que l'employeur a minoré en toute connaissance de cause le bénéfice net de 2009 à 2011 et a ainsi privé les salariés d'un droit à une participation complémentaire de sorte que cette privation a pour origine une faute de l'employeur qui doit alors réparation.
M. [Y] souligne que son préjudice est avéré puisqu'il a été privé d'un substantiel complément de ressources et, bien qu'il évalue son préjudice à 6 000 euros, demande confirmation du jugement en ce qu'il a fixé à 3 000 euros le montant des dommages et intérêts lui revenant.
Le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] n'a pas conclu en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2022.
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour constate qu'aucune des parties n'a fait appel s'agissant des dispositions relatives à la jonction des dossiers de sorte que le jugement entrepris est devenu définitif sur ce point.
La cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement querellé.
En l'absence de conclusions du syndicat CGT, il appartient à la cour de se prononcer sur le bien-fondé de l'appel au regard de la motivation des premiers juges et des moyens de la partie appelante.
Sur la compétence territoriale
L'article R. 1412-1 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2008-244 du 7 mars 2008, dispose :
« L'employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud'hommes territorialement compétent.
Ce conseil est :
1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ;
2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.
Le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi. »
Aux termes de l'article 47 du code de procédure civile « Lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.
Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions. A peine d'irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi. En cas de renvoi, il est procédé comme il est dit à l'article 82 »
En l'espèce, la cour relève que M. [Y] accomplissait son travail au sein de la centrale [Adresse 3] située sur la commune de Saint-Avold, soit dans le ressort du conseil de prud'hommes de Forbach.
Il est constant que Mme [D] [V], déléguée syndicale au sein de la société Uniper France Power, à laquelle vient aux droits la société Gazel Énergie Génération, exerce les fonctions de conseiller prud'homal depuis le 31 janvier 2018 au sein du collège des salariés de la section industrie du conseil de prud'hommes de Forbach en application de l'article D. 1442-14 du code du travail.
L'application de l'article 47'du code de procédure civile exige que le magistrat soit partie au procès, soit en son nom personnel soit comme représentant légal d'une partie.
En l'occurrence, le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] est intervenu volontairement dans le cadre de la procédure engagée par M. [Y] et a mandaté Mme [D] [V], secrétaire générale et représentante légale du syndicat d'après la liste des dirigeants annexée aux statuts évoquée par les premiers juges, pour ester en justice et le représenter dans le cadre de la présente affaire lors de la réunion du 16 janvier 2018.
Le conseil de prud'hommes relève que l'article 13 des statuts du syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] prévoit en effet que le secrétaire général, soit Mme [V], «'aura le pouvoir d'ester en justice pour le compte du syndicat sur mandat du bureau ».
Dans ces conditions, le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3], partie au litige, est légalement représenté par Mme [D] [V] qui a elle-même la qualité de juge élue exerçant au sein du conseil de prud'hommes de Forbach de sorte qu'il convient d'appliquer à la cause les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile permettant la saisine du conseil de prud'hommes de Metz, limitrophe à celui de Forbach.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Metz en ce qu'il s'est déclaré compétent.
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire
Aux termes des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail, «'Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif'de la profession qu'ils représentent'».
En l'espèce, l'action visant à constater la gestion fautive de la société Uniper France Power, à laquelle vient aux droits la société Gazel Énergie Génération, lors de la détermination du bénéfice net pour les années de 2009 à 2011 sur lequel est basé le calcul de la réserve spéciale de participation puis à indemniser l'ensemble des salariés qui n'ont pas perçu le complément de prime de participation au titre de ces années tend à la défense d'intérêts de nature collective.
Le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] justifie donc, au vu de ces éléments du droit et d'un intérêt à agir aux côtés des anciens salariés de la société Uniper France Power, en l'espèce aux côtés de M. [Y], étant précisé qu'il n'est pas démontré que l'intervention volontaire du syndicat CGT a été décidée par pur opportunisme, dans le seul but de détourner les règles de compétence territoriale du conseil de prud'hommes, ce d'autant plus qu'il a décidé de former une intervention volontaire le 16 janvier 2018 avant même que la représentante légale accède au mandat de conseiller prud'homal le 31 janvier 2018.
Il convient en conséquence de rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé par la SAS Gazel Énergie Génération venant aux droits de la SAS Uniper France Power et de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur la prime de participation et la demande de dommages et intérêts
Selon l'article L. 3322-2 du code du travail dans sa rédaction en vigueur, les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise.
L'article L.3322-1 du code du travail dispose que « la participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise. Elle prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve spéciale de participation ».
En l'espèce, la société Uniper Power France, à laquelle vient aux droit la société Gazel Énergie Génération, a conclu un accord d'entreprise le 04 octobre 2005, modifié en 2006 et en 2013, prévoyant la mise en place d'une réserve spéciale de participation au profit des salariés présents.
La réserve spéciale de participation versée à l'ensemble des salariés est calculée chaque année, d'après une formule prédéfinie, en fonction des capitaux propres, des salaires, de la valeur ajoutée et du bénéfice fiscal de la société. Le bénéfice fiscal correspond au bénéfice fiscal de référence déduction faite de l'impôt de droit commun et après déductions et réintégrations fiscales.
Les résultats fiscaux imposables initialement déclarés par la SAS Uniper Power France s'élevaient à - 22 936 064 euros au titre de l'exercice 2009, à - 83 223 824 euros au titre de l'exercice 2010 et à + 34 117 793 euros au titre de l'exercice 2011.
Les montants des bénéfices nets et des capitaux propres retenus pour ces exercices ont régulièrement été certifiés par le commissaire aux comptes d'après les attestations produites.
La société Uniper Power France a toutefois fait l'objet d'un redressement fiscal en 2016 portant sur les exercices 2009, 2010 et 2011.
Il résulte des pièces versées aux débats et notamment des courriers du 17 et 27 juin 2016 de la direction générale des finances publiques que les sommes suivantes ont été réintégrées aux résultats imposables à l'issue du contrôle de l'administration fiscale, à savoir :
Au titre de l'exercice 2009,
3 701 250 euros (transfert de bénéfices à l'étranger ' clause de sauvegarde) puisqu'une partie de l'indemnité versée à EDF lors de la rupture des relations contractuelles n'était pas déductible,
Au titre de l'exercice 2010,
53 058 829 euros (exercice de rattachement erroné ' prime investisseur) puisque la prime investisseur pour la désulfuration de la centrale Provence n'aurait pas dû être étalée mais entièrement taxée en 2010,
136 124 580 euros (provision pour dépréciation des actifs) puisqu'il s'agissait uniquement de prévisions non réalisées à l'époque,
2 316 732 euros (insuffisance d'actif ' amortissement non déductible),
Au titre de l'exercice 2011,
35 197 202 euros (exercice de rattachement erroné ' produits constatés d'avance) puisque le produit de cession des contrats à terme devait être rattaché en totalité en 2011,
- 24 346 681 euros (provision pour dépréciation des actifs),
- 3 537 252 euros (exercice de rattachement erroné ' prime investisseur).
Suite à ce redressement, les résultats fiscaux imposables de la société sont donc passés de - 22 936 064 euros à - 19 234 814 euros pour l'exercice de l'année 2009, de - 83 223 824 euros à
38 459 728 euros pour l'exercice de l'année 2010 et de 34 117 793 euros à 93 607 922 euros pour l'exercice de l'année 2011.
Les résultats nets de l'entreprise à partir desquels est déterminée la réserve spéciale de participation ont alors été modifiés. Le résultat fiscal de l'année 2009 restant négatif et celui de l'année 2010 inférieur à 5% des capitaux propres, seul l'exercice 2011 a conduit un complément de réserve de participation, ce qui a donné lieu àune attestation rectificative du commissaire aux comptes le 24 janvier 2017.
Le rapport relatif à l'accord de participation - information sur la réserve spéciale de participation 2016 suite à l'augmentation du résultat fiscal de l'entreprise au titre de l'exercice 2011 - en date du 27 mars 2017 énonce que « Les conséquences fiscales du contrôle ayant été notifiées à la société le 17 juin 2016, la RSP est légalement affectée au titre de l'exercice au cours duquel les redressements sont devenus définitifs, soit à l'exercice 2016.
La réserve de participation (augmentée d'intérêts de retard) issue de l'augmentation du résultat fiscal de l'exercice 2011 est répartie selon les règles légales, au bénéfice des salariés présents en 2016.
La réserve de participation et les intérêts liés au contrôle fiscal devenu définitif en 2016 sont affectés à la RSP 2016.
Ce sont donc les salariés présents au cours de l'exercice 2016 qui bénéficieront du paiement de la RSP rectifiée et non pas les salariés présents lors des exercices contrôles. ».
Ce rapport est conforme aux précisions données dans un ''point de situation personnelle sur le montant de la CSP 2016'' présenté lors de la réunion du comité d'entreprise du 25 octobre 2016.
La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 3326-1 du code du travail, le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes et ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges relatifs à la participation aux résultats de l'entreprise.
En application de l'article D. 3325-4 du même code la modification d'assiette du bénéfice net intervenue après la délivrance d'une attestation donne lieu à l'établissement d'une attestation rectificative établie dans les mêmes conditions que l'attestation initiale.
Selon l'article D. 3324-40 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, le complément à la réserve spéciale de participation résultant d'un redressement fiscal doit être affecté au montant de la réserve spéciale de participation de l'exercice au cours duquel les rectifications opérées par l'Administration ou par le juge de l'impôt sont devenues définitives ou ont été formellement acceptées par l'entreprise.
Il s'ensuit que le nouveau montant de bénéfice net résultant du redressement fiscal vient affecter la participation due sur les résultats de l'exercice au cours duquel le redressement fiscal est devenu définitif, et que seuls les salariés présents lors de cet exercice peuvent prétendre à une répartition de cette réserve.
C'est donc à juste titre que le complément de participation au titre des exercices 2009, 2010 et 2011 s'est ajouté à la réserve spéciale de participation de l'exercice au cours duquel le redressement fiscal est devenu définitif, soit l'exercice de 2016, et que M. [Y], qui a liquidé ses droits à la retraite en 2015 et qui n'était pas présent au cours de l'année 2016, n'a pas perçu de complément de participation.
Par ailleurs, il résulte de la combinaison des dispositions précitées, qui sont d'ordre public, que même les actions en responsabilité tant contractuelle que délictuelle des salariés qui ne sont plus présents dans l'entreprise lors de l'exercice au cours duquel le redressement fiscal est devenu définitif sont irrecevables (Cass. Soc 18 février 2016 Pourvois n° A 14-12.614 à W 14-12.656).
En effet, la recherche de la responsabilité contractuelle ou délictuelle de l'employeur ne saurait permettre à M. [Y] de contourner les dispositions d'ordre public susmentionnées et d'obtenir ainsi un avantage que son départ de l'entreprise ne lui permet plus de réclamer, quand bien même son action est fondée sur la gestion fautive ou anormale de la société.
En tout état de cause, M. [Y] ne démontre aucune faute de gestion de l'employeur alors que les courriers de la direction générale des finances publiques du 17 et 27 juin 2016 mentionnent expressément que la bonne foi de la société a été retenue in fine pour l'ensemble des redressements et qu'aucune pénalité n'a été appliquée.
Il convient donc de débouter de M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts du syndicat CGT de la centrale [Adresse 3]
M. [Y] étant débouté de sa demande, le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] sera également débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'existence d'uu préjudice subi par la profession.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [S] [Y] et le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] qui succombent doivent être condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Eu égard à la situation économique des parties, il n'y a pas lieu d'ordonner une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce que le conseil de prud'hommes de Metz s'est déclaré territorialement compétent et en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute M. [S] [Y] et le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] de l'ensemble de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [S] [Y] et le syndicat CGT de la centrale [Adresse 3] aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, La Présidente,