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13/02/2023 | FRANCE | N°21/01755

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 13 février 2023, 21/01755


Arrêt n° 23/00060



13 Février 2023

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N° RG 21/01755 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FRJV

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



21 Mai 2021

19/01290

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



treize Février deux mille vingt trois







APPELANT :



L'ETAT représenté pa

r l'Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

service AT/MP [Localité 4]

ayant siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Laure HELLEN...

Arrêt n° 23/00060

13 Février 2023

---------------

N° RG 21/01755 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FRJV

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

21 Mai 2021

19/01290

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

treize Février deux mille vingt trois

APPELANT :

L'ETAT représenté par l'Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

service AT/MP [Localité 4]

ayant siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Mme [U], munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 19.01.2023

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Né le 30 juin 1950, Monsieur [H] [M] a travaillé pour le compte des Houillères du bassin de Lorraine, devenues l'établissement public Charbonnages de France, entre 1975 et 2000, en qualité de mineur de fond.

Le 30 mars 2017, il a déclaré à l'Assurance Maladie des Mines (ci-après la caisse) une maladie professionnelle inscrite au tableau 30A, accompagnée d'un certificat médical initial établi par le Docteur [N] en date du 17 janvier 2017, faisant état d'atteintes interstitielles ' fibrose.

Le 24 novembre 2017, la caisse a reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée.

L'Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (ci-après l'ANGDM) représente l'Etat auquel elle prête son concours, suite à la clôture de la liquidation de Charbonnages de France, dans les procédures qui ne sont pas de la compétence de l'Agent Judiciaire de l'Etat en application de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955, ce qui est le cas dans les contentieux de reconnaissance d'une maladie professionnelle puisque ces contentieux n'ont pas pour objet de faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur.

Contestant cette décision de reconnaissance, l'ANGDM a saisi la commission de recours amiable près l'Assurance Maladie des mines en inopposabilité de la décision de prise en charge.

Par décision du 20 décembre 2018 notifiée le 18 juin 2019, le conseil d'administration de l'Assurance Maladie des mines, statuant sur renvoi de la commission de recours amiable en raison d'un partage des voix, a rejeté le recours.

Par requête reçue au greffe le 13 août 2019, l'Etat, représenté par l'ANGDM, a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Metz pour contester cette décision.

Par jugement du 21 mai 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz (anciennement tribunal de grande instance) a :

- déclaré l'Etat, représenté par l'ANGDM, recevable en son recours ;

- déclaré opposable à l'Etat, représenté par l'ANGDM, la décision de prise en charge rendue le 24 novembre 2017 par l'Assurance Maladie des Mines, portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [H] [M] au titre du tableau 30A ;

- condamné l'Etat, représenté par l'ANGDM, aux entiers frais et dépens de la procédure.

Par acte remis au greffe le 29 juin 2021, l'ANGDM a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 2 juin 2021.

Par conclusions datées du 22 juillet 2022 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, l'ANGDM demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

- déclarer inopposable à l'Etat la décision de prise en charge du 24 novembre 2017, notamment parce que l'exposition au risque n'est pas établie.

- priver l'Assurance maladie des mines de son action récursoire;

- déclarer infondée toute demande présentée par l'Assurance maladie des mines au titre de l'article 700 du CPC et l'en débouter.

Par conclusions datées du 17 novembre 2022 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, l'Assurance maladie des mines demande à la cour de :

- déclarer l'appel de l'Etat représenté par l'ANGDM mal fondé;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris;

- condamner l'Etat représenté par l'ANGDM aux entiers frais et dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE

L'ANGDM fait valoir que les conditions de fond du tableau n°30A ne sont pas remplies, en l'absence de preuve de l'exposition au risque et partant, elle soutient que la décision de prise en charge de la maladie lui est inopposable.

Elle relève que l'existence d'une maladie professionnelle inscrite à un tableau ne vaut pas en soi preuve de l'exposition au risque, que le questionnaire assuré n'est pas suffisamment précis car il ne ne contient aucune mention des activités exercées par l'intéressé durant sa carrière au sein des Charbonnages de France, et que le dossier d'instruction de la caisse ne contient aucun témoignage de nature à démontrer que Monsieur [M] aurait été exposé de façon habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante. Elle reproche ainsi à la Caisse d'être défaillante dans l'instruction des demandes d'anciens mineurs, au mépris des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

Elle fait enfin grief aux premiers juges d'avoir motivé leur décision sur des éléments généraux, en l'absence de données objectives et circonstanciées sur le cas spécifique de Monsieur [M].

La caisse sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu que l'exposition au risque était démontrée. Elle estime que celle-ci est avérée compte tenu de l'environnement de travail et des tâches accomplies telles que décrites dans le questionnaire d'enquête par Monsieur [M] en cohésion avec les postes occupés selon le relevé de carrière, ainsi que le confirme l'avis de la DREAL, le questionnaire employeur n'étant pas de nature à détruire la présomption d'origine professionnelle de la maladie.

*******************

Aux termes de l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau.

En cas de recours de l'employeur, il incombe à l'organisme social qui a décidé d'une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau.

Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Le tableau n°30A désigne l'asbestose comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 35 ans sous réserve d'une exposition au risque de deux ans, et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection dont notamment des travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements ou dans des locaux contenant des matériaux à base d'amiante de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante .

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur [M] répond aux conditions médicales du tableau n°30A. Seule est contestée l'exposition professionnelle de Monsieur [M] au risque d'inhalation de poussière d'amiante.

Il convient de rappeler que l'asbestose est une maladie caractéristique de l'inhalation de poussières d'amiante.

Il est constant que Monsieur [M] a travaillé pour le compte des Charbonnages de France du 9 avril 1975 au 30 septembre 1977, du 11 janvier1978 au 30 juin 1979 et du 6 novembre 1979 au 30 juin 2000, et ce exclusivement au fond (pièce n°3 de l'intimée), notamment aux différents postes suivants : apprenti-mineur, abatteur boiseur, transporteur et aide installateur taille, installateur taille ou traçage voie. Il apparaît ainsi que Monsieur [M] a exercé au fond pendant près de 20 ans avant 1997, date d'interdiction de l'utilisation de l'amiante.

Dans ses réponses au questionnaire que lui a adressé la caisse au cours de l'instruction de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle (pièce n°5 de l'intimée), Monsieur [M] a ainsi précisé avoir contracté sa maladie professionnelle du fait des travaux ,en milieu empoussiéré, d'abattage du charbon, de foration avec munition, et ce avec utilisation de différents outils et machines tels que marteaux piqueur, marteaux perforateur, treuils, perforatrices, machines Neuhaus.

L'ANGDM, quant à elle, dans le questionnaire employeur (ses pièces n°4), détaille les activités variées de Monsieur [M] tout au long de sa carrière dans les chantiers du fond, aux Puits Vouters, Reumaux, Merlebach et de la Houve, à savoir sa participation aux travaux d'abattage du charbon, de dépose et de mise en place des soutènements, de transport du bois et du matériel, d'aide au boutefeu pour le transport des explosifs, d'installation et de démontage de l'ensemble des matériels de la taille ou du traçage et des voies d'accès, du prolongement des blindés ou des convoyeurs à bande.

Ainsi, bien que l'ANGDM conteste l'exposition à l'amiante de Monsieur [M] dans les chantiers au fond, la description qu'il fait des postes occupés par l'intéressé ne contredit pas les tâches et conditions de travail décrites par ce dernier, et l'ANGDM y relate également la diversité des matériels utilisés habituellement par Monsieur [M] (marteau piqueur, marteau perforateur, manipulation soutènement, pelle, perforatrice, matériel de levage et de manutention...).

De même, l'ANGDM ne conteste pas un travail effectué par Monsieur [M] dans une atmosphère confinée, un milieu empoussiéré , empreint de chaleur humide.

Elle admet que de l'amiante était présente au fond à minima dans certains joints, même si elle précise que tous les joints n'étaient pas amiantés, mais également dans le système de freinage des convoyeurs blindés même si elle fait état d'une quantité infinitésimale de fibres libérées, ainsi que dans les freins de certains treuils, lesquels étaient enfermés dans un carter solidaire du châssis (cf conclusions de première instance de l'ANGDM du 10 décembre 2020).

Si l'ANGDM fait ainsi état d'une pollution minime, cette affirmation ne saurait écarter la présomption d'imputabilité qui découle de l'établissement de l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, indépendamment de la question de la nocivité, le tableau 30 ne fixant pas de seuil d'exposition.

Par ailleurs, l'avis des services de la DREAL émis le 1er septembre 2017 (pièce n°6 de la caisse) mentionne que « d'après les états de service décrits dans le dossier, Monsieur [M] [H] a été occupé pendant environ 15 ans dans les travaux du fond, période au cours de laquelle l'intéressé a pu être exposé à l'inhalation de fibres d'amiante contenues, par exemple, dans les pièces de friction des organes de frein des installations et machines utilisées au fond, installations électriques...».

Compte tenu de ce faisceau d'éléments, il y a lieu d'admettre que la nature des postes et les travaux exécutés par Monsieur [M] le faisaient intervenir sur des matériels dont certains contenaient de l'amiante, dans les chantiers du fond dans un contexte de confinement propre au travail accompli au fond de la mine.

A supposer que Monsieur [M] n'ait pas utilisé lui-même des outils ou matériels contenant de l'amiante, il est établi qu'il a travaillé quotidiennement dans des sites dans lesquels il est constant qu'étaient utilisées des installations et machines contenant de l'amiante qui en fonctionnant libéraient des fibres d'amiante.

Les conditions de fond du tableau 30A étant remplies, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer. A défaut pour l'ANGDM d'apporter la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans la survenance de la maladie, il convient de confirmer le jugement entrepris et de déclarer opposable à l'employeur la décision de prise en charge du 24 novembre 2017.

SUR LES DEPENS

Partie succombante en son recours, l'ANGDM sera condamnée aux dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris du 21 mai 2021 du Pôle social du Tribunal judiciaire de Metz.

CONDAMNE l'Etat, représenté par l'ANGDM, aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 21/01755
Date de la décision : 13/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-13;21.01755 ?
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