RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01370 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FQI7
Minute n° 23/00043
[O]
C/
[H]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Sarreguemines, décision attaquée en date du 09 Mars 2021, enregistrée sous le n° 20/00956
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023
APPELANT :
Monsieur [V] [O], exploitant en qualité d'entrepreneur individuel à l'enseigne CM AUTOMOBILES,
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Madame [L] [H]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 22 Novembre 2022 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 07 Février 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère
Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire, en dernier ressort
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [V] [O] a exercé, en qualité d'entrepreneur individuel, une activité de commerce de détail d'équipement automobile sous l'enseigne CM Automobiles.
Le 6 décembre 2017, Mme [L] [H] a acquis auprès de M. [O] un véhicule de marque Volkswagen, de modèle Golf VI GTD, immatriculée DN RK 55, pour un montant de 13 500 euros.
Dans les jours qui ont suivi, Mme [H] a repris contact avec M. [O] lui faisant part de tremblements du véhicule.
Le 8 décembre 2017, Mme [H] a fait réaliser le contrôle technique du véhicule, lequel faisait état de plusieurs défauts à corriger sans obligation de contre-visite.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 décembre 2017, Mme [H] a sollicité auprès de M. [O] la prise en charge des réparations et, si celles-ci s'avéraient impossibles ou excédaient la durée d'un mois, l'annulation de la vente.
L'assureur protection juridique de Mme [H] a fait réaliser une expertise amiable sur le véhicule.
Par acte d'huissier du 22 novembre 2018, Mme [H] a assigné M. [O] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Sarreguemines aux fins d'obtention d'une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 18 décembre 2018, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise judiciaire de Mme [H] et a désigné M. [C] pour y procéder.
Le rapport définitif de M. [C] a été rendu le 26 décembre 2019.
Par acte d'huissier du 27 juillet 2020, Mme [H] a assigné M. [O] devant le tribunal judiciaire de Sarreguemines afin principalement de faire prononcer la résolution de la vente pour vice caché, obtenir la restitution du prix, l'enlèvement du véhicule sous astreinte et le paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance, des primes d'assurances versées et des frais d'expertise avancés.
Bien que régulièrement assigné en l'étude de l'huissier le 27 juillet 2020, M. [O] n'a pas constitué avocat en première instance et n'a pas comparu.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
prononcé la résiliation de la vente du 6 décembre 2017 portant sur le véhicule Golf n°DN RK 55,
condamné M. [O] à payer à Mme [H] la somme de 25 977,64 euros avec intérêts légaux à compter du 9 décembre 2017 sans capitalisation des intérêts,
ordonné à Mme [H] de restituer le véhicule Golf n° DN RK 55 à M. [O] s'il vient le chercher dans les 30 jours suivant la signification du jugement et a dit que passé ce délai, M. [O] sera réputé avoir renoncé à son droit de récupérer la voiture et Mme [H] en restera propriétaire en plus des sommes allouées à son profit,
condamné M. [O] aux dépens,
condamné M. [O] à payer à Mme [H] la somme de 2 500 euros (frais irrépétibles).
Pour se déterminer ainsi, le tribunal judiciaire a considéré que, en vendant à Mme [H], profane de l'automobile, un véhicule dont il était présumé, en tant que professionnel, connaitre les antécédents et dégâts mécaniques non réparés et non apparents, M. [O] était tenu d'une obligation d'indemnisation en plus de la résiliation de la vente sur le fondement du vice caché.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 28 mai 2021, M. [O] a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, de la décision rendue le 3 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines, en toutes ces dispositions.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 28 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des moyens, M. [O] demande à la cour d'appel, au visa des articles 122 du code de procédure civile, des articles L. 217-9 et L. 217-12 du code de la consommation et de l'article 1648 du code civil, de :
prononcer la nullité du jugement rendu le 9 mars 2021,
ordonner le renvoi du dossier devant le tribunal de Sarreguemines, chambre civile,
Subsidiairement,
infirmer le jugement du 09 mars 2021 en toutes ses dispositions,
déclarer Mme [H] irrecevable comme prescrite en l'ensemble des demandes, fins, conclusions, moyens et prétentions,
En conséquence,
débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes,
Subsidiairement,
débouter Mme [H] de son action en indemnisation des vices cachés ainsi que de ses demandes de restitution du prix, des frais d'entretien, de trouble de jouissance, d'assurance et de frais d'expertise,
donner acte M. [O] qu'il accepte de verser à Mme [H] une somme de 1 600 euros correspondant aux sommes chiffrées par l'expert pour la réparation du véhicule,
En tout état de cause,
dire l'appel de Mme [H] mal fondé,
En conséquence,
la débouter de l'ensemble de ses demandes fin et conclusions,
condamner Mme [H] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel,
condamner Mme [H] à payer M. [O] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [O] prétend que le jugement rendu le 3 mars 2021 ne respecte pas les dispositions imposées par l'article 455 du code de procédure civile en ce qu'il ne précise pas à quelles écritures il se réfère. Il affirme que ce manquement lui a nécessairement causé grief dans la mesure où il lui est impossible d'apprécier sur la base de quels écrits le tribunal a fondé la condamnation prononcée à son encontre.
M. [O] soulève également la nullité du jugement en ce qu'il a statué ultra petita, puisqu'il y est précisé que s'il ne récupère pas le véhicule sous trente jours, Mme [H] en conservera la propriété. Or cette dernière n'avait pas formulé cette demande dans son assignation.
Soutenant la prescription de l'action, M. [O] prétend d'une part que le juge de la mise en état n'est pas compétent pour connaitre des fins de non-recevoir ayant pour effet d'infirmer le jugement. D'autre part, il rappelle que l'action fondée sur les vices cachés est soumise à une prescription biennale à compter de la délivrance du bien et que Mme [H] a constaté le vice allégué trois jours après la vente. Il en déduit que l'action de Mme [H] est prescrite car l'assignation a été délivrée le 27 juillet 2020. M. [O] ajoute que, le rapport d'expertise judiciaire ayant été rendu le 26 décembre 2019, le délai suspendu en vertu de l'article 2239 du code civil expirait le 26 mai 2020, emportant ainsi la même constatation quant à la prescription de l'action.
Subsidiairement, M. [O] affirme qu'il appartient à l'acquéreur de démontrer l'existence d'un vice qu'il ignorait et qui l'aurait conduit à ne pas conclure la vente s'il en avait eu connaissance. En ne sollicitant la résiliation de la vente, par courrier du 11 décembre 2017, qu'à défaut de réparations possibles, M. [O] estime que Mme [H] manifestait son souhait de conserver le véhicule de sorte que le vice allégué n'était pas si important. M. [O] ajoute que le vice caché se caractérise également par le coût nécessaire pour y remédier lequel, en l'espèce, reste relativement raisonnable selon les constatations de l'expert judiciaire, d'autant que le défaut ne rendait pas l'usage du véhicule impossible.
M. [O] soutient également que, en vertu de l'article L. 217-9 du code de la consommation, la réparation du bien doit être privilégiée dès lors que cela est possible, ce qu'il estime être le cas puisque l'expert a conclu que le véhicule était réparable pour un coût raisonnable.
Evoquant les effets de la résolution du contrat et notamment son anéantissement rétroactif et la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement, M. [O] affirme que la décision du juge, en ce qu'elle l'enjoint de récupérer le véhicule dans les trente jours à défaut de quoi il sera réputé renoncer à son droit de restitution, est contraire au principe des restitutions réciproques inhérent à la résolution d'un contrat.
M. [O] estime que les demandes tendant à la restitution du prix et au paiement des frais d'entretien sont injustifiées dans la mesure où il ne peut y avoir résolution de la vente. Relevant que Mme [H] souhaitait conserver le véhicule, M. [O] considère les préjudices tirés des frais d'assurance ou de la privation de jouissance du bien infondés et injustifiés.
Aux termes de ses conclusions déposées le 12 mai 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [H] demande à la cour d'appel, au visa de l'article 1641 du code civil, de :
A titre principal,
débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
condamner M. [O] au paiement d'une somme de 10 euros par jour au titre du préjudice de jouissance depuis le 9 mars 2021, date de la décision querellée, jusqu'au jugement à intervenir,
condamner M. [O] au paiement d'une somme de 3 581,22 euros en lieu et place de la somme de 3 134,63 euros retenue par le tribunal au titre des cotisations d'assurances payées du 7 décembre 2017 au 6 décembre 2020,
réserver les droits de Mme [H] quant aux primes d'assurances allant du 7 décembre 2020 à l'arrêt à intervenir,
A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement,
ordonner la résolution de la vente du véhicule acquis par [G] [H] auprès de M. [O] le 6 décembre 2017,
condamner M. [O] à payer à Mme [H] la somme de 13 500 euros au titre de la restitution du prix de vente, avec les intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2017, date de la première mise en demeure,
condamner M. [O] à récupérer le véhicule, à ses frais, dans un délai de 10 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,
condamner M. [O] à payer à Mme [H] la somme de 190,95 euros au titre des frais d'entretien du véhicule engagés par Mme [H],
condamner M. [O] à payer Mme [H] la somme de 14 310 euros au titre du trouble de jouissance subi du 7 décembre 2017 au 7 novembre 2021,
condamner M. [O] à indemniser le trouble de jouissance subi par Mme [H] à compter du 7 novembre 2021 et jusqu'à la date d'exécution de l'arrêt à intervenir, sur la base d'une somme de 10 euros par jour,
condamner M. [O] à payer Mme [H] la somme de 5 414,07 euros au titre des primes d'assurance versées entre le 7 décembre 2017, date d'immobilisation du véhicule, et le 6 décembre 2022,
réserver les droits de Mme [H] quant aux primes d'assurances pour les années subséquentes,
condamner M. [O] à payer à Mme [H] la somme de 1 152,06 euros en remboursement de l'avance effectuée sur les frais d'expertise,
En tout état de cause,
condamner M. [O] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel ainsi qu'au règlement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Mme [H] affirme que le jugement critiqué a bien procédé à un rappel de ses prétentions, de sorte que M. [O] n'est pas fondé à en solliciter la nullité sur le fondement de l'article 455 du code de procédure civile. Mme [H] ajoute que M. [O] ne peut prétendre que le jugement a indiqué qu'il avait déposé des conclusions alors qu'il est clairement mentionné dans la décision qu'il s'agit d'un jugement réputé contradictoire conformément à l'alinéa 2 de l'article 473 du code de procédure civile.
Sur la demande de nullité du jugement en ce que le juge a statué ultra petita, Mme [H] s'appuie sur les article 463 et 464 du code de procédure civile pour affirmer qu'il n'est ici pas question de nullité mais de requête. Mme [H] soutient en outre que rien n'empêchait le premier juge d'ajouter des précisions quant aux modalités de restitution dans le cas où M. [O] ne procédait pas au retrait du véhicule.
Sur le fondement de l'article 2239 du code civil, Mme [H] relève que le délai de prescription a été suspendu du 2 novembre 2018, date de l'assignation en référé, au 26 décembre 2019, date de dépôt du rapport d'expertise définitif. Mme [H] en déduit que son action n'est pas prescrite puisque, le délai ayant été suspendu plus d'un an entre l'achat du véhicule et le dépôt du rapport définitif, ce délai a nécessairement repris pour près d'une année à compter du dépôt du rapport définitif. Elle ajoute que le délai de six mois évoqué par l'article susvisé concerne les actions qui seraient prescrites dans la foulée de l'événement mettant fin à la suspension de la prescription.
Sur le fond, Mme [H] soutient que l'article L. 217-9 du code de la consommation soulevé par la partie adverse n'est pas applicable en l'espèce puisqu'il concerne le défaut de conformité alors que ce n'est pas le fondement de sa demande, d'autant que les vices en question empêchent, selon les constatations du premier expert, l'usage normal du véhicule. Mme [H] rappelle qu'elle se fonde sur l'article 1644 du code civil pour solliciter la résolution de la vente conclue et l'indemnisation du préjudice subi.
Réaffirmant que les vices cachés rendent le véhicule impropre à sa destination, Mme [H] dément avoir voulu conserver ce dernier et elle rappelle que ce n'est pas à M. [O] de choisir entre la résolution de la vente et l'indemnisation de son préjudice. Mme [H] ajoute que le caractère réparable des défauts constatés n'est pas exclusif de la qualification de vice caché.
Aussi, Mme [H] affirme que M. [O], exploitant l'enseigne CM Automobiles, doit être considéré comme un professionnel de la vente et, à ce titre, être présumé avoir eu connaissance des vices. Mme [H] soutient ne pas avoir été informée de ces vices par M. [O] et qu'elle n'aurait pas acheté le véhicule en connaissance de cause. Se fondant sur l'article 1645 du code civil, Mme [H] considère que, compte tenu de sa qualité de professionnel, M. [O] devra supporter, en plus de la restitution du prix de vente, la réparation de l'intégralité de son préjudice.
Au titre de ses préjudices, Mme [H] réclame en premier lieu l'indemnisation des frais de réparation rendus nécessaires dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire, estimant que le silence de M. [O] sur ce point vaut reconnaissance du bien-fondé de cette demande. Mme [H] soutient par ailleurs subir un trouble de jouissance, le véhicule étant immobilisé depuis le 7 décembre 2017 et selon l'expert, non utilisable en l'absence de réparation. Aussi, outre les frais d'expertise, Mme [H] allègue avoir exposé des frais d'assurance obligatoire alors que le véhicule était immobilisé.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la nullité du jugement
L'article 455 alinéa 1er du code de procédure civile énonce que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il est admis que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.
Selon l'article 458 alinéa 1er du même code, les prescriptions de l'article 455 précités doivent être observées à peine de nullité.
En l'espèce, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Sarreguemines comporte la mention « Conformément à l'article 455 du code de procédure civile il est fait renvoi aux dernières conclusions des parties en l'état de la clôture de l'instruction ».
Aucun exposé des prétentions respectives des parties n'a été effectué, ni même une référence quelconque à celles-ci.
Les citations tirées de ce jugement et mentionnées dans les dernières conclusions d'appel de Mme [H] ne constituent pas un exposé des prétentions comme elle le prétend mais la reprise d'éléments de fait.
De plus, s'il est effectivement indiqué que le jugement est réputé contradictoire et fait référence à la défaillance de M. [O] devant le tribunal, il reste qu'aucune mention n'est inscrite quant aux écritures déposées par Mme [H], ni sur leur date, ni sur leur contenu (assignation).
En conséquence, il ne peut qu'être constaté que les prescriptions édictées par l'article 455 du code de procédure civile n'ont pas été respectées.
Le prononcé de la nullité dans une telle hypothèse n'est pas subordonné à la démonstration d'un grief.
Dès lors et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens invoqués à l'appui de cette prétention, il y a lieu de prononcer la nullité du jugement.
L'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Ainsi, par application de l'effet dévolutif de l'appel, il sera statué sur les prétentions des parties, sans qu'un renvoi devant le tribunal judiciaire de Sarreguemines ne soit nécessaire.
II- Sur la prescription de l'action de Mme [H]
En l'espèce, il est constant et non contesté que Mme [H] fonde son argumentaire sur la garantie des vices cachés. La prescription applicable est donc celle édictée par l'article 1648 du code civil, soit deux ans.
L'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il résulte par ailleurs de l'article 2242 du code civil que si une citation en référé interrompt la prescription, l'effet interruptif cesse dès que l'ordonnance est rendue.
En l'espèce, la vente a eu lieu le 6 décembre 2017.
Mme [H] a assigné M. [O] devant le juge des référés le 22 novembre 2018 aux fins d'obtention d'une expertise judiciaire sur le véhicule objet de cette vente, interrompant ainsi le délai de prescription.
Un nouveau délai a commencé à courir à compter de l'ordonnance du 18 décembre 2018 mais l'assignation au fond est intervenue moins de deux ans plus tard, le 27 juillet 2020.
Par conséquent, l'action de Mme [H] introduite le 27 juillet 2020 n'est pas prescrite.
En conséquence, la cour rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription et opposée par M. [O].
III- Sur la garantie légale des vices cachés
A- Sur les conditions de la garantie
L'article 1641 du code civil énonce que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Un défaut inhérent à la chose
En l'espèce, il est constant que Mme [H] a acquis auprès de M. [O] un véhicule de marque Volkswagen, modèle Golf VI GTD immatriculé DN RK 55 le 6 décembre 2017 pour la somme de 13 500 euros.
L'expert judiciaire constate dans son rapport d'expertise, après avoir relevé un tremblement du véhicule au-delà de 130 km/h, que des réparations, notamment au niveau du bras de suspension avant droit et de la rotule de bras de suspension, n'ont pas été réalisées conformément aux règles de l'art ni aux préconisations constructeur. M. [C] en déduit que le véhicule a précédemment été accidenté.
Ni l'historique du véhicule ni l'existence de ses défauts, caractérisés par des malfaçons, ne sont contestés par M. [O].
L'existence d'un vice inhérent à la chose est ainsi établie.
Un défaut suffisamment grave
M. [C] déduit de ses constations que le véhicule n'est pas conforme à son homologation d'origine. Aussi, s'il indique dans son rapport que le véhicule est roulant, M. [C] déconseille néanmoins son usage en l'état. Le vice constaté affecte donc l'usage de la chose.
De plus, M. [A], expert mandaté par l'assurance protection juridique de Mme [H], avait conclu, dans son rapport déposé le 8 février 2018 et produit aux débats, que le véhicule n'était pas fonctionnel en l'état.
Il s'en déduit que le véhicule est impropre à sa destination, peu important le fait que Mme [H] ait dans un premier temps et avant les expertises amiable et judiciaire, seulement demandé la prise en charge des réparations et le fait que le coût de ces réparations soit bien moindre que le prix d'acquisition.
Dès lors, le caractère et la gravité du vice sont démontrés.
Un vice non apparent
Selon l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
En l'espèce, M. [C] et M. [A] concluent tous deux au caractère non apparent des vices constatés.
Par ailleurs, M. [O] ne justifie pas avoir informé Mme [H], préalablement à la vente, de ce que le véhicule avait été précédemment accidenté.
Le caractère non apparent du vice est donc démontré.
Un vice antérieur à la vente
Enfin, M. [C] comme M. [A] concluent tous deux en l'antériorité du vice constaté, ce notamment en raison de la faible différence kilométrique entre la date d'achat du véhicule et les dates d'expertise. De plus, M. [O] ne conteste ni le fait que le véhicule ait été précédemment accidenté, ni le fait que les réparations ne sont pas conformes aux préconisations constructeur, ni l'origine des désordres.
La condition d'antériorité du vice à l'acquisition est donc acquise.
Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour que la garantie légale de vices cachés s'applique.
M. [O] est donc tenu par la garantie des vices cachés.
B- Sur la résolution de la vente
L'article 1644 du code civil énonce que, notamment dans le cas de l'article 1641 du même code, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
L'article L. 217-9 du code de la consommation énonce que le consommateur est en droit d'exiger la mise en conformité du bien aux critères énoncés aux articles L. 217-3 et suivants du même code régissant la garantie légale de conformité. Le consommateur sollicite auprès du vendeur la mise en conformité du bien, en choisissant entre la réparation et le remplacement. A cette fin, le consommateur met le bien à la disposition du vendeur.
En l'espèce, Mme [H] engage son action exclusivement sur la garantie légale des vices cachés et ne se fonde aucunement sur la garantie légale de conformité édictée par les articles L. 217-3 et suivants du code de la consommation.
Le fait que Mme [H] ait pu soulever l'application de ces articles lors d'une tentative de règlement amiable du conflit, tel qu'il ressort des lettres produites aux débats lors de la découverte des vices, ne permet pas de considérer qu'il s'agit du fondement de son action judiciaire.
Par conséquent, l'argument de M. [O] tiré de l'article L. 217-9 du code de la consommation n'est pas opérant.
Il est relevé que M. [O] accepte désormais, à titre subsidiaire, de prendre en charge le coût des réparations du véhicule pour la somme de 1 600 euros.
Il y a lieu de rappeler que cette solution avait été proposée par Mme [H] dans un cadre amiable, en amont de toute procédure, et que, en l'état des pièces apportées aux débats, M. [O] n'y avait pas répondu. Cependant, Mme [H] ne sollicitant pas en justice la réparation du véhicule mais la résolution de la vente et étant bien fondée en sa demande, cette acceptation tardive de M. [O] est aujourd'hui inefficace.
Mme [H] faisant le choix, comme l'article 1644 précité lui en laisse la possibilité, de demander la résolution de la vente et les conditions d'application de la garantie légale de vices cachés étant réunies, il sera fait droit à cette prétention.
Il sera donc fait droit à la demande de résolution de la vente soutenue par Mme [H].
Les parties devront procéder aux restitutions réciproques, sans que le prononcé d'une astreinte n'apparaisse toutefois nécessaire.
Conformément à l'article 1231-6 du code civil, les intérêts au taux légal sur la somme correspondant au prix de vente sont dus depuis le 11 décembre 2017, date de la sommation de payer.
Ainsi la cour :
Prononce la résolution de la vente intervenue le 6 décembre 2017 entre Mme [H] et M. [O] et portant sur un véhicule de marque Volkswagen, de modèle Golf VI GTD, immatriculée DN RK 55 ;
Condamne M. [O] à restituer le prix de vente à Mme [H], soit 13 500 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017;
Autorise M. [O], après remboursement du prix de vente et de ses intérêts, à reprendre le véhicule susvisé, et ce à ses frais.
C- Sur les dommages et intérêts
Selon les articles 1645 et 1646 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
Il est admis que le vendeur professionnel est présumé connaitre les vices affectant le bien vendu.
Il n'est pas contesté que M. [O] est un professionnel du secteur de l'automobile et que Mme [H] est profane en la matière. En cette qualité, M. [O] est donc présumé avoir eu connaissance du vice affectant le véhicule au moment de sa vente à Mme [H], ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas.
De ce fait, en application des articles 1641 et 1646 du code civil, Mme [H] est en droit de demander non seulement la résolution de la vente mais aussi le paiement de dommages et intérêts.
Sur le préjudice de jouissance
Il est d'abord rappelé que chacun des experts a déconseillé l'usage du véhicule en l'état.
Selon certificat de cession et rapport d'expertise, il est établi que le véhicule comptabilisait 99 500 kilomètres lors de son acquisition par Mme [H] en décembre 2017 et 99 918 kilomètres lors de l'expertise de M. [C]. La facture du garage Autobacs, datée du 7 septembre 2019, relève 100 001 kilomètres sur le compteur.
Le véhicule acquis par Mme [H] a donc roulé 501 kilomètres en près de deux ans établissant sur cette période un usage extrêmement limité voire quasi inexistant.
Néanmoins Mme [H] ne justifie pas de ce que le véhicule serait toujours à l'arrêt, les justificatifs concernant l'assurance du véhicule ne faisant d'ailleurs pas état de ce qu'il s'agirait d'un véhicule non roulant.
Par ailleurs, elle ne fait connaître aucun autre élément permettant de caractériser l'importance de son préjudice de jouissance (besoins professionnels, impossibilité d'acquérir un autre véhicule, impossibilité d'utiliser les transports en commun en substitution').
Ainsi le préjudice de jouissance de Mme [H] après le 26 décembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, n'apparaît pas suffisamment caractérisé.
Il y a donc lieu d'allouer à Mme [H] la somme de 5 euros par jour au titre du préjudice de jouissance sur la période courant du 6 décembre 2017 au 26 décembre 2019, soit 3 760 euros (752 jours x 5 euros) et de rejeter sa demande au titre du préjudice de jouissance pour la période postérieure au 26 décembre 2019.
Sur les frais d'entretien du véhicule
Mme [H] demande le remboursement de la somme de 109,95 euros déboursée pour l'achat d'une batterie, selon facture du 7 septembre 2019, en vue de l'essai routier de M. [C], ainsi que 80,90 euros pour la réalisation de la géométrie du véhicule, selon facture du 7 septembre 2019.
Elle produit les justificatifs des frais engagés et M. [O] n'oppose aucun moyen sérieux à cette demande.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de Mme [H] à hauteur de 190,85 euros au titre des frais d'entretien du véhicule.
Sur les frais d'assurance
S'agissant des frais d'assurance, Mme [H] produit également la réimpression datée du 26 novembre 2019 d'une confirmation d'adhésion à un contrat d'assurance auprès de la société Pacifica attestant d'un montant de cotisation de 1 611,20 euros annuel sur la période du 7 décembre 2017 au 6 décembre 2018. Les avis de renouvellement des 30 octobre 2018, du 29 octobre 2019, du 4 novembre 2021 annoncent respectivement des montants de cotisation à compter du 7 décembre de l'année concernée de 1 000,19 euros, 969,83 euros, 902, 17 euros. Aussi, Une réimpression datée du 15 décembre 2021 d'un avis de renouvellement annonce un montant de cotisations de 930,68 euros à compter du 7 décembre 2020. Le montant des cotisations d'assurance, sur la période du 7 décembre 2017 au 6 décembre 2022 s'élève donc à 5 414,07 euros.
L'assurance étant obligatoire pour tout véhicule terrestre à moteur, Mme [H] est bien fondée en sa demande de remboursement des frais d'assurance.
Le bien étant restitué, les frais y attachés doivent faire l'objet de réparation. La solution aurait été différente si un accord était intervenu sur la remise en état du bien.
En conséquence, il y a lieu d'allouer à Mme [H] la somme de 5 414,07 euros au titre de ses frais d'assurance.
Compte tenu de l'incertitude quant au maintien de l'assurance après le 6 décembre 2022, il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de réserve des droits quant aux dépenses d'assurance à intervenir à compter de cette date.
Sur les frais d'expertise
Enfin, Mme [H] demande le remboursement de ses frais d'expertise, mis à sa charge par le juge des référés par ordonnance du 18 décembre 2018, et justifie d'une note d'honoraire de M. [C] de 1 156,02 euros.
Toutefois il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation distincte à ce titre, les frais d'expertise judiciaire suivant le sort des dépens.
En définitive, la cour condamne M. [O] à payer à Mme [H] les sommes de:
13 500 euros en restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017 ;
190,85 euros au titre des frais d'entretien du véhicule ;
5 414,07 euros au titre des frais d'assurance ;
3 760 euros au titre du préjudice de jouissance entre le 6 décembre 2017 et le 26 décembre 2019.
En outre, la cour rejette les demandes de Mme [H] au titre du préjudice de jouissance postérieur au 26 décembre 2019 et de réserve des droits au titre des cotisations d'assurance dues après le 6 décembre 2022.
IV- Sur les dépens et frais irrépétibles
La cour condamne M. [O] qui succombe aux dépens de première instance y compris les frais de la procédure de référé et les frais de l'expertise judiciaire.
M. [O], qui succombe, sera également condamné aux dépens d'appel.
Pour des considérations d'équité, il sera aussi condamné à payer à Mme [H] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Annule le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Sarreguemines le 9 mars 2021,
Vu l'article 562 du code de procédure civile, statuant sur le tout,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription et opposée par M. [V] [O] ;
Déclare recevable et non prescrite l'action de Mme [L] [H] fondée sur la garantie légale des vices cachés,
Prononce la résolution du contrat de vente conclu entre M. [V] [O] et Mme [L] [H] le 6 décembre 2017 portant sur un véhicule de marque Volkswagen immatriculé DN RK 55 pour un prix de 13 500 euros,
Condamne M. [V] [O] à restituer à Mme [L] [H] la somme de 13 500 euros correspondant au prix de vente du véhicule immatriculé DN RK 55, et ce avec intérêts au taux légal depuis le 11 décembre 2017,
Autorise M. [V] [O] à récupérer, après remboursement du prix de vente et de ses intérêts et à ses frais, le véhicule Volkswagen immatriculé DN RK 55,
Rejette la demande d'astreinte présentée par Mme [L] [H],
Condamne M. [V] [O] à payer à Mme [L] [H] la somme de 3 760 euros au titre du préjudice de jouissance entre le 6 décembre 2017 et le 26 décembre 2019 ;
Rejette la demande de Mme [L] [H] au titre du préjudice de jouissance pour la période postérieure au 26 décembre 2019 ;
Condamne M. [V] [O] à payer à Mme [L] [H] la somme de 190,85 euros de dommages et intérêts au titre des frais d'entretien du véhicule,
Condamne M. [V] [O] à payer à Mme [L] [H] la somme de 5 414,07 euros de dommages et intérêts au titre des frais d'assurance,
Rejette la demande de réserve des droits de Mme [L] [H] quant aux cotisations d'assurances versées pour le véhicule Volkswagen immatriculé DN RK 55 à compter du 7 décembre 2022,
Condamne M. [V] [O] aux dépens de première instance, y compris les frais de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
Condamne M. [V] [O] aux dépens de l'appel,
Condamne M. [V] [O] à payer à Mme [L] [H] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre