Arrêt n°23/00121
07 février 2023
------------------------
N° RG 21/01354 -
N° Portalis DBVS-V-B7F-FQHB
----------------------------
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
11 mai 2021
20/00101
----------------------------
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Sept février deux mille vingt trois
APPELANTE :
S.A.R.L. AUTO FOURRIERE [Localité 1] (AFM) prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Vincent LOQUET, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉ :
M. [R] [B]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Hélène NICOLAS, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
M. [R] [B] a été embauché par la SARL ADR67, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er décembre 2018, en qualité de dépanneur-remorqueur, prévoyant un salaire mensuel net de 2 000 euros pour une durée de travail de 35 heures par semaine, et la possibilité pour le salarié de réaliser des astreintes moyennant le cas échéant le versement d'une prime d'astreinte.
Par courrier remis en main propre à l'employeur le 31 mars 2019, M. [R] [B] a démissionné de son poste au sein de la SARL ADR67.
Le 1er avril 2019, M. [R] [B] signait un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec la SARL Auto Fourrière [Localité 1] (AFM), dirigée par le même gérant que celui de la SARL ADR67, M. [G] [E], relativement à un poste de dépanneur-remorqueur. Un avenant était immédiatement conclu relativement à la durée de la période d'essai et à la rémunération qui était fixée à 2 000 euros net par mois pour 35 heures de travail par semaine, astreintes incluses.
Après avoir adressé à son employeur un courrier de réclamation daté du 1er avril 2019, M. [R] [B] a démissionné par courrier daté du 16 mai 2019 de son emploi au sein de la SARL AFM.
Par requête introductive d'instance enregistrée au greffe le 3 février 2020, M. [R] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :
Juger que la SARL AFM a manqué à ses obligations contractuelles dans l'exécution du contrat de travail de M. [R] [B] ;
Condamner la SARL AFM à verser à M. [R] [B] les sommes suivantes :
. 547 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées ainsi que la somme de 54,70 euros brut au titre des congés payés afférents ;
. 4 667,16 euros brut en compensation des astreintes effectuées ainsi que la somme de 466,71 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
. 12 000 euros net de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé dont il a fait l'objet ;
. 6 000 euros net de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral dont il a été victime ;
. 4 000 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect des conditions sanitaires et d'hygiène;
. 1 500 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée quotidienne du travail ;
. 1 500 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos obligatoire ;
. 500 euros net de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive s'agissant des documents de fin de contrat;
Ordonner l'exécution provisoire ;
Condamner la SOC à verser à M. [R] [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.
Par jugement du 11 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, a :
Condamné la SARL Auto Fourrière [Localité 1] (AFM), prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [R] [B] les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter de la date de saisine :
. 547 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées ainsi que la somme de 54,70 euros brut au titre des congés payés afférents ;
. 4 667,16 euros brut en compensation des astreintes effectuées ainsi que la somme de 466,71 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
Condamné la SARL Auto Fourrière [Localité 1] (AFM), prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [R] [B] les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter de la date de prononcé du jugement :
. 12 000 euros net de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé dont il a fait l'objet ;
. 190 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée quotidienne du travail ;
. 190 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos obligatoire ;
. 500 euros net de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive s'agissant des documents de fin de contrat ;
Condamné la SARL Auto Fourrière [Localité 1] (AFM), prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [R] [B] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
Débouté M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect des conditions sanitaires et d'hygiène ;
Condamné la SARL Auto Fourrière [Localité 1] (AFM) aux entiers frais et dépens de l'instance.
Le 27 mai 2021, la SARL Auto Fourrière [Localité 1] (AFM) a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 janvier 2022, la SARL AFM demande à la cour de :
Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 11 mai 2021 en ce qu'il a condamné la SARL AFM à payer à M. [R] [B] les sommes suivantes :
. 547 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées ;
. 54,70 euros brut au titre des congés payés afférents ;
. 4 667,16 euros brut en compensation des astreintes effectuées ;
. 466,71 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
. 12 000 euros net de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé dont il a fait l'objet ;
. 190 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée quotidienne du travail ;
. 190 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos obligatoire ;
. 500 euros net de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive s'agissant des documents de fin de contrat ;
. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur ces points,
Débouter M. [R] [B] de l'ensemble de ses demandes ;
Confirmer le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamner M. [R] [B] à payer à la SARL AFM la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 2 000 euros au titre de l'appel ;
Condamner M. [R] [B] aux dépens de l'instance ;
En tout état de cause, débouter M. [R] [B] de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2021 M.[R] [B] demande à la cour de :
SUR L'APPEL PRINCIPAL,
Confirmer le jugement entrepris prononcé par le conseil de prud'hommes le 11 mai 2021 en ce qu'il a :
. Condamné la SARL AFM, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [R] [B] les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter de la date de saisine :
- 547 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées ;
- 54,70 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 4 667,16 euros brut en compensation des astreintes effectuées ;
- 466,71 euros brut au titre des congés payés y afférents ;
. Condamné la SARL AFM, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [R] [B] les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter de la date de prononcé de la décision du conseil de prud'hommes :
- 12 000 euros net de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé dont il a fait l'objet ;
- 500 euros net de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive s'agissant des documents de fin de contrat ;
. Condamné la SARL AFM, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [R] [B] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 11 mai 2021 en ce qu'il a reconnu, sur le principe, le non respect de la durée quotidienne du travail et du repos obligatoire ;
SUR L'APPEL INCIDENT,
Infirmer le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes le 11 mai 2021 en ce qu'il a :
. Condamné la SARL AFM au versement de la somme de 190 euros net seulement de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée quotidienne du travail ;
. Condamné la SARL AFM au versement de la somme de 190 euros net seulement de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos obligatoire ;
. Débouté M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
. Débouté M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect des conditions sanitaires et d'hygiène ;
Et statuant à nouveau,
. Condamner la SARL AFM au versement de la somme de 1 500 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée quotidienne du travail ;
. Condamner la SARL AFM au versement de la somme de 1 500 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos obligatoire ;
. Condamner la SARL AFM au versement de la somme de 6 000 euros net de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
. Condamner la SARL AFM au versement de la somme de 4 000 euros net de dommages et intérêts au titre du non-respect des conditions sanitaires et d'hygiène ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE, condamner la SARL AFM à verser à M. [R] [B] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2022.
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIVATION
SUR LES HEURES SUPPLEMENTAIRES
Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, il est constant que M. [R] [B] a travaillé pour le compte de la SARL AFM du 1er avril au 19 mai 2019, le contrat de travail prévoyant, après modification par avenant, une rémunération mensuelle nette de 2 000 euros pour une durée mensuelle de travail de 151,67 heures (prime mensuelle de motivation, d'assiduité et d'ancienneté incluse).
Dans son article V, non modifié par l'avenant, le contrat de travail du 1er avril 2019 prévoit quant à l'horaire de travail que « l'entreprise AFM exerce une activité de dépannage-remorquage, elle assure des permanences de service : M. [B] [R] effectuera donc des astreintes ».
Ces dispositions du contrat de travail litigieux ne montrent pas que la rémunération mensuelle nette de 2 000 euros inclut la contrepartie pour les astreintes dont il n'est pas fait état dans le contrat.
En outre, le temps d'intervention pendant les astreintes constitue du temps de travail effectif en application de l'alinéa 2 de l'article L 3121-9 du code du travail.
M. [R] [B] sollicite sur la période allant du 1er au 30 avril 2019 le paiement de 22,91 heures supplémentaires, comprenant les heures de travail accomplies au delà de la durée conventionnelle, auxquelles s'ajoutent le temps d'habillage et de déshabillage (10mn par jour travaillé) et le temps d'intervention lors des astreintes.
Il justifie d'un calendrier rempli par ses soins mentionnant ses horaires de travail pour chaque jour, et d'un tableau présentant ses horaires quotidiens de travail, le total pour le mois d'avril, ainsi que les jours et horaires d'astreinte pour ce seul mois.
Ce décompte est précis et circonstancié de sorte que M. [R] [B] présente suffisamment d'éléments quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, l'employeur verse aux débats deux feuilles des heures et astreinte réalisées par M. [R] [B] pour les mois de décembre 2018 à d'avril 2019 inclus, et les bulletins de salaire de celui-ci.
Les feuilles d'heures de travail et d'astreintes contiennent plusieurs feuillets qui ne présentent pas tous le même nombre d'heures de travail et de jours d'astreintes (3 versions existent pour avril 2019), et comportent des différences avec les heures déclarées par M. [R] [B], notamment quant aux jours et aux nombres d'astreintes, et quant à la prise de pause lors des journées travaillées. Le bulletin de salaire d'avril mentionne également un nombre d'heures différent de celui des feuilles d'heures et d'astreintes (154h et 27mn sur le bulletin de salaire ; 160,75 heures de travail « sans les heures d'intervention » sur la feuille).
La société ADR67 ne démontre pas que son salarié était en mesure de prendre une heure de pause par jour.
Par ailleurs s'agissant du temps d'habillage et de déshabillage, la convention collective prévoit que ces temps sont soit assimilés à du temps de travail effectif, soit donnent droit à une prime (article 16). Le contrat de travail ne prévoyant aucune disposition à ce sujet et l'employeur ne justifiant pas non plus que les temps d'habillage et de déshabillage ont été rémunérés comme du temps de travail effectif ou ont fait l'objet d'une contrepartie, il convient de les assimiler à du temps de travail effectif comme demandé par le salarié.
Compte tenu de ces éléments, et des différences existant sur les documents produits par l'employeur, il convient de constater que la société ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par M. [R] [B].
En outre, il résulte de l'examen des relevés de compte bancaire produits pas M. [R] [B] que celui-ci n'a perçu que 2 000 euros net pour le mois d'avril 2019, sans que la SARL AFM ne justifie avoir versé la somme supérieure qu'elle mentionne pourtant dans le bulletin de salaire qu'elle verse aux débats (2218,21 euros).
Au vu des éléments fournis tant par le salarié que par l'employeur, la créance de M. [R] [B] au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires est suffisamment justifiée, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL AFM à payer à M. [R] [B] la somme sollicitée de 547 euros brut, outre 54,70 euros brut titre des congés payés afférents.
SUR LA DEMANDE RELATIVE AUX ASTREINTES
Selon l'article L 3121-9 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Il résulte des développements qui précèdent que le contrat de travail signé le 1er avril 2019 entre les parties prévoit la possibilité d'astreintes effectuées par M. [R] [B], et ne précise pas que la rémunération nette de 2 000 euros par mois comprend cette prime.
Le seul fait que la rémunération nette prévue au contrat de travail soit supérieure à la rémunération minimale prévue par la convention collective est insuffisant pour démontrer que les astreintes sont compensées par la rémunération mensuelle prévue au contrat.
M. [B] verse aux débats un tableau présentant pour le mois d'avril 2019 outre ses horaires de travail, le nombre d'astreinte et leur durée. Il présente ainsi suffisamment d'éléments quant aux astreintes qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L'employeur reconnaît par ailleurs dans sa feuille d'heures et d'astreinte que M. [R] [B] a effectué des astreintes, sans que le nombre indiqué ne corresponde forcément à celui présenté par le salarié (entre 6 et 11 selon la partie du document).
La société ne démontre pas cependant avoir informé ou prévenu M. [R] [B] des astreintes préalablement à leur tenue, de sorte qu'elle ne justifie pas le nombre d'astreintes réellement exécutées ni avoir respecté son obligation de contrôle du nombre d'heures d'astreinte effectuées.
Le décompte des astreintes présenté par M. [R] [B] dans ses tableaux doit dont être retenu et il y a lieu de constater qu'elles ne concernent que le mois d'avril 2019, aucun document n'étant versé aux débats pour le mois de mai 2019. Il y a lieu de relever également que ces astreintes n'ont pas été indemnisées par l'employeur.
Compte tenu de leur nombre (12) et de leur durée (10 de 12 heures et 2 de 24 heures), il convient de fixer à 1 500 euros le montant de l'indemnité qui sera accordée à M. [R] [B] sur ce fondement, outre 150 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.
SUR LE TRAVAIL DISSIMULE
M. [R] [B] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui verser la somme de 12 000 euros à titre d'indemnité pour des faits de travail dissimulé.
Aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur ['] de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
En outre, selon l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, M. [R] [B] estime que l'élément intentionnel de cette infraction résulte du fait que la société était parfaitement informée des heures supplémentaires effectuées par le salarié, que M. [R] [B] le lui avait rappelé, et que la société les mentionnait sur les bulletins de salaire sans les payer.
La société indique quant à elle que le fait de mentionner ces heures sur les bulletins de salaire caractérise son absence d'intention de les dissimuler.
Le bulletin de salaire du mois d'avril 2019, fait état d'heures supplémentaires (6h « d'astreinte »), de sorte que l'intention pour l'employeur de les dissimuler ne résulte pas de ce document.
Le fait pour l'employeur de ne pas justifier avoir payé les sommes dues au titre des heures supplémentaires ou de ne pas les avoir indiquées en totalité n'est pas suffisant pour caractériser son intention de dissimuler les heures effectuées par M. [R] [B], une mauvaise gestion pouvant expliquer ce manquement.
M. [R] [B] ne démontrant pas suffisamment le caractère intentionnel du comportement de l'employeur, il convient de constater que le travail dissimulé n'est pas établi et de débouter M. [R] [B] de sa demande d'indemnité sur ce fondement.
Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce chef de prétention.
SUR LE HARCELEMENT MORAL
L'article L 1152-1 du code du travail stipule qu' « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Le harcèlement moral s'entend en l'occurrence selon sa définition commune d'agissements malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l'humilier.
S'agissant de la preuve du harcèlement, l'article L1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L 1152-1, « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement » et « au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »
Pour étayer sa demande tendant à voir constater qu'il est victime de harcèlement moral, M. [R] [B] invoque :
le fait que l'employeur changeait sans cesse ses horaires de travail et d'astreinte et ne le prévenait qu'au dernier moment ;
le fait que l'employeur s'est comporté avec lui de façon encore plus malveillante une fois qu'il a demandé la modification du contrat et de sa rémunération, ce qui a donné lieu à la signature de l'avenant .
Ces comportements, contestés par l'appelante, ne sont mentionnés que sur le courrier daté du 1er avril 2019 adressé par M. [R] [B] à la SARL AFM. Aucune autre pièce ne permet de confirmer les déclarations du M. [R] [B], de sorte que ces faits ne reposent pas sur des éléments suffisamment objectifs, précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Le harcèlement moral n'est donc pas caractérisé et la demande d'indemnité formée par M. [R] [B] sur ce fondement sera rejetée.
Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
SUR LE MANQUEMENT DE L'EMPLOYEUR AUX CONDITIONS D'HYGIENE
Selon l'article R 4228-1 du code du travail, l 'employeur met à la disposition des travailleurs les moyens d'assurer leur propreté individuelle, notamment des vestiaires, des lavabos, des cabinets d'aisance et, le cas échéant, des douches.
M. [R] [B] reproche à la SARL AFM de ne pas lui avoir donné accès au moindre sanitaire sur son lieu de travail. Il précise que l'employeur lui précisait qu'il devait aller au Bricodépôt en cas de besoin ou rentrer chez lui.
M. [R] [B] ne verse aucun élément aux débats permettant de confirmer ces affirmations, et seul le courrier établi par M. [Z], autre salarié de la SARL ADR67 puis de la SARL Auto Fourrière [Localité 1], fait état de ce problème de sanitaires. Ce-dernier précise que sur le nouveau site situé [Adresse 4] « certaines choses étaient encore en travaux dont l'eau. C'est pour cette raison que M. [E] [G] a mis en place un toilette dit « sèche »ainsi que de l'eau en bouteille pour se laver les mains ou autre. Il nous a aussi autorisé pendant cette période si nous préférions, de rentrer à notre domicile pendant les heures de travail suivant nos besoins ».
Ce courrier, qui n'est contredit par aucun élément, montre que l'employeur a mis à disposition des toilettes sèches pendant une période transitoire, et que les salariés n'étaient pas privés d'accès à ce dispositif.
En l'absence d'autre élément de preuve, il convient de constater que le manquement reproché par M. [R] [B] à la SARL AFM sur ce point n'est pas caractérisé.
La décision des premiers juges qui a débouté M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts sur ce point doit être confirmée.
SUR LE RESPECT DE LA DUREE MAXIMALE DE TRAVAIL QUOTIDIENNE ET SUR LE REPOS OBLIGATOIRE
Aux termes de l'article L 3121-18 du code du travail, La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ;
2° En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
3° Dans les cas prévus à l'article L3121-19.
En outre, selon l'article L 3131-1 du même code, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.
Le salarié sollicite la condamnation de la SARL AFM à lui verser 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale quotidienne du travail, et la même somme pour non respect de la durée du repos obligatoire.
Il précise qu'à plusieurs reprises la durée quotidienne du travail et le temps de repos obligatoire n'ont pas été respectés, ce qui lui a nécessairement causé grief, et qu'il avait signalé ces manquements à son employeur dans son courrier du 1er avril 2019.
La SARL ADR67 reconnaît l'existence de rares manquements concernant le repos obligatoire, expliqués par le faible effectif de la SARL AFM, souligne que la durée du travail quotidienne a été respectée, et ajoute que M. [R] [B] ne justifie pas de son préjudice.
Le décompte fourni par M. [B] relatif au mois d'avril 2019 montre que la durée quotidienne de travail a dépassé à 5 reprises la durée de 10 heures.
Toutefois, il n'existe pas de préjudice automatique, et M. [R] [B] n'invoquant et ne justifiant pas d'un préjudice particulier résultant de ces manquements de l'employeur, il convient de le débouter de sa demande de dommages et intérêts sur ces points.
Le jugement sera infirmé sur ces chefs de prétention.
SUR LA RESISTANCE ABUSIVE DANS LA COMMUNICATION DES DOCUMENTS DE FIN DE CONTRAT ET DES BULLETINS DE SALAIRE
M. [R] [B] demande 500 euros de dommages et intérêts au titre de du préjudice qu'il a subi du fait de la résistance abusive opposée par la SARL AFM, celle-ci ne lui ayant délivré ses documents de fin de contrat et bulletins de salaire que le 15 juin 2019, soit un mois après la rupture du contrat de travail.
La SARL AFM s'oppose à la demande de M. [R] [B], expliquant que les documents de fin de contrat sont quérables et non portables, qu'elle les a mis à disposition de M.[B] et que devant son insistance elle les lui a adressés le 15 juin 2019 alors qu'elle n'y était pas obligée.
Elle ajoute que M. [R] [B] n'invoque ni ne justifie d'aucun préjudice.
En application de l'article L 3243-2 du code du travail l'employeur a l'obligation de délivrer le bulletin de salaire lors du paiement du salaire. En outre, lorsque la délivrance du bulletin de paie ne s'est pas faite simultanément au paiement du salaire, l'employeur a l'obligation de le remettre au salarié.
Il résulte des courriers adressés par M. [R] [B] à la SARL ADR67 et il n'est pas contesté par l'employeur que celui-ci n'a adressé les bulletins de paie d'avril et mai 2019 que postérieurement à la démission de M. [R] [B] de la SARL Auto Fourrière [Localité 1] datée du 16 mai 2019.
Aucun élément ne permet de déterminer à quelle date précise ils ont été envoyés, si ce n'est que le salarié reconnaît les avoir reçus le 15 juin 2019.
En tardant plus d'un mois pour délivrer le bulletin de salaire du mois d'avril 2019, l'employeur a manqué à son obligation légale.
En revanche, les documents de fin de contrat étant quérables, il appartenait à M. [R] [B] d'aller les récupérer chez l'employeur, de sorte qu'en les adressant à M. [R] [B] le 15 juin 2019 la SARL AFM n'a pas manqué à ses obligations.
M. [R] [B] n'invoque cependant aucun préjudice résultant du retard dans la communication des bulletins de salaire, et n'en justifie pas davantage.
A défaut de pouvoir retenir tout préjudice automatique, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par M. [R] [B] qui ne justifie d'aucun préjudice directement causés par ce manquement.
La décision des premiers juges sera infirmée sur ce point.
SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET LES DEPENS
La décision de première instance sera confirmée tant sur les dépens que sur l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL ADR67, partie perdante à la procédure, supportera les dépens de l'appel, et sera condamné à verser à M. [R] [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement prononcé le 11 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Metz (minute n°21/483) en ce qu'il a :
Condamné la SARL AFM, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [R] [B] la somme de 547 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées, ainsi que la somme de 54,70 euros brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts de droit à compter de la saisine ;
Débouté M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
Débouté M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect des conditions sanitaires et d'hygiène ;
Condamné la SARL AFM, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [R] [B] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SARL AFM aux entiers frais et dépens de l'instance ;
INFIRME le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau :
Condamne la SARL AFM, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [R] [B] la somme de 1 500 euros brut à titre de compensation pour les astreintes, outre 150 euros brut pour les congés payés afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020 date de la réception de la demande ;
Déboute M. [R] [B] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ;
Déboute M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la durée quotidienne du travail ;
Déboute M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du repos obligatoire ;
Déboute M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive s'agissant des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire ;
CONDAMNE la SARL AFM à payer à M. [R] [B] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE la SARL AFM aux dépens d'appel.
La Greffière La Présidente