RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00058 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FM7Z
Minute n° 23/00041
[B]
C/
[J], S.A. GENERALI IARD, Caisse DEUTSCHE RENTENVERSICHERUNG SAARLAND, Caisse AOK RHEINLAND-PFALZ SAARLAND, Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 08 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 20/00820
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023
APPELANT :
Monsieur [K] [B]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représenté par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Monsieur [Y] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Hugues MONCHAMPS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Marc SCHRECKENBERG,avocat plaidant au barreau de STRASBOURG
S.A. GENERALI, Représentée par son représentant légal.
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Hugues MONCHAMPS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Marc SCHRECKENBERG,avocat plaidant au barreau de STRASBOURG
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE, Représentée par son représentant légal
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Non représentée
INTIMÉS ET APPELANTES INCIDENTES:
DEUTSCHE RENTENVERSICHERUNG SAARLAND, Représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ALLEMAGNE)
Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
AOK RHEINLAND-PFALZ SAARLAND, Représentée par son représentant légal
[Adresse 6]
[Adresse 6] (ALLEMAGNE)
Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 27 Octobre 2022 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 07 Février 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère
Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Réputé contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 3 septembre 2011, Monsieur [K] [B] a été victime d'un accident de la circulation à [Localité 7] impliquant le véhicule de Monsieur [Y] [J], assuré auprès de la compagnie d'assurances SA Generali.
Par ordonnance du 30 juillet 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Sarreguemines a ordonné une expertise médicale de M. [B] et commis pour y procéder le docteur [E] [T].
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 04 avril 2014.
Le docteur [T] a déposé un second rapport d'expertise le 23 avril 2015.
Avant son accident, M. [B] occupait un emploi salarié en Allemagne, de sorte que ce sont l'organisme de droit public allemand AOK Rheinland-Pfalz (ci après-dénommé la caisse AOK) et l'organisme social de droit allemand Deutsche Rentenversicherung Saarland (ci après dénommé la caisse DRS) qui lui ont servi des prestations.
Par actes d'huissier des 17 février, 23 février et 2 mars 2015, M. [B] a fait assigner M. [J], la compagnie d'assurances Generali et les caisses AOK et DRS devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines afin notamment d'obtenir l'indemnisation de l'accident de la circulation dont il a été victime le 03 septembre 2011.
Par jugement du 09 avril 2019, le tribunal de grande instance de Sarreguemines a notamment :
déclaré M. [J] responsable de 50 % des conséquences de l'accident de la circulation survenu le 03 septembre 2011 ;
fixé les montants des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. [B] et condamné la SA Generali à verser une somme de 13 892,5 euros au demandeur à ce titre ;
réservé le surplus des demandes de M. [B] ;
condamné la compagnie SA Generali à payer à la Deutsche Rentenversicherung Saarland une somme de 69 878,21 euros au titre des cotisations de retraite ;
réservé le surplus des droits des parties ;
révoqué l'ordonnance de clôture et invité les parties à mettre en cause l'organisme de sécurité sociale français.
Pour motiver la condamnation à paiement au profit de la caisse DRS, le tribunal s'est fondé sur l'article 119 SGB X (code de la sécurité sociale allemand) lequel dispose que la caisse de retraite allemande dispose d'un recours direct contre l'auteur des faits et son assureur pour obtenir le paiement des pertes de cotisation à la retraite.
Ce jugement du 9 avril 2019 n'a fait l'objet d'aucun recours et est désormais définitif.
Par acte d'huissier du 09 mai 2019, M. [B] a assigné la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle en déclaration de jugement commun.
Régulièrement assignée à personne habilitée à recevoir l'acte, la CPAM de la Moselle n'a pas constitué avocat.
Par jugement du 08 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
déclaré irrecevable les demandes de M. [B] relatives à la responsabilité et aux postes de préjudice extra-patrimoniaux à l'exception du déficit fonctionnel permanent ;
fixé à la somme de 237 432,64 euros se décomposant comme suit les préjudices dont est responsable M. [J] au titre de l'accident du 03 septembre 2011 :
frais divers : 10 423,49 euros
pertes de gains professionnels actuels : 20 115,83 euros ;
dépenses de santé actuelles : 26 448,63 euros ;
pertes de gains professionnels futures : 125 924,02 euros ;
dépenses de santé futures : 1 445,67 euros ;
incidence professionnelle : 25 000 euros ;
frais de transport et de consolidation : 75 euros ;
déficit fonctionnel permanent : 28 000 euros ;
condamné la SA Generali à payer à AOK Rheinland-Pfalz Saarland une somme de 53 942,02 euros au titre des indemnités journalières, des frais divers et des dépenses de santé actuelles ;
condamné la SA Generali à payer à la Deutsche Rentenversicherung Saarland une somme de 86 850,73 euros au titre des dépenses de santé futures ainsi que de la rente invalidité versée ;
condamné la SA Generali à payer à M. [B] une somme de 96 639,89 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux et de son déficit fonctionnel permanent, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;
condamné la SA Generali aux entiers dépens lesquels comprennent les frais de procédure de référé de numéro RG 9.13/00122 ;
condamné la SA Generali à payer à M. [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SA Generali à payer à AOK Rheinland-Pfalz Saarland une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SA Generali à payer à Deutsche Rentenversicherung Saarland une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
déclaré le présent jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, à la Deutsche Rentenversicherung Saarland et à AOK Rheinland-Pfalz Saarland ;
ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que les demandes relatives à la responsabilité et aux postes de préjudices extra-patrimoniaux formées par M. [B] devaient être déclarées irrecevables en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 9 avril 2019.
Il a retenu la date de consolidation du dommage proposée par l'expert judiciaire au 30 septembre 2012, avant de déterminer les postes de préjudices patrimoniaux et le déficit fonctionnel permanent.
S'agissant de la liquidation des préjudices, le tribunal a indiqué que les organismes allemands et la CPAM française bénéficient d'un recours subrogatoire pour les prestations versées, recours qui s'exerce poste par poste conformément aux dispositions des articles 116 SGB X et 30 de la loi du 5 juillet 1985. Il a observé qu'en cas de partage de responsabilités, l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que la victime bénéficie d'un droit de préférence sur l'organisme français lorsqu'elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle de son préjudice tandis que la législation allemande n'accorde pas un tel droit de préférence à la victime.
Il a également retenu que les rentes et pensions d'invalidité indemnisent d'une part, les pertes de gains professionnelles et les incidences professionnelles de l'incapacité et d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.
Pour déterminer le montant des indemnisations dues à M. [B] et aux deux organismes allemands, le juge a pris en considération le partage de responsabilités à hauteur de 50% déterminé par le premier jugement.
Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour le 07 janvier 2021, M. [B] a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Sarreguemines aux fins d'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 237 432,64 euros se décomposant comme suit les préjudices dont est responsable M. [J] au titre de l'accident du 03 septembre 2011 : frais divers 10 423,49 euros, pertes de gains professionnels actuels 20 115,83 euros, dépenses de santé actuelles 26 448,63 euros, pertes de gains professionnels futures 125 924,02 euros, dépenses de santé futures 1 445,67 euros, incidence professionnelle 25 000 euros, frais de transport et de consolidation 75 euros, déficit fonctionnel permanent 28 000 euros ; en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à AOK Rheinland-Pfalz Saarland une somme de 53 942,02 euros au titre des indemnités journalières, des frais divers et des dépenses de santé actuelles ; en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à la Deutsche Rentenversicherung Saarland une somme de 86 850,73 euros au titre des dépenses de santé futures ainsi que de la rente invalidité versée ; en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à M. [B] une somme de 96 639,89 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux et de son déficit fonctionnel permanent, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ; en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à M. [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; en ce qu'il a débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par conclusions déposées le 07 septembre 2021, les caisses Deutsche Rentenversicherung Saarland et AOK Rheinland-Pfalz Saarland ont formé un appel incident.
Bien que régulièrement assignée le 12 avril 2021 à personne habilitée à recevoir l'acte, la CPAM de la Moselle n'a pas constitué avocat.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 07 avril 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [B] demande à la cour, au visa de l'article 3 de la convention de la Haye du 04 mai 1971, de l'article 93 du règlement européen 1408/71, des articles 116 SGB X et 119 SGB X du code de la sécurité sociale allemand, de la loi du 05 juillet 1985 et du nouveau barème de 2018, de :
recevoir l'appel en la forme et le déclarer bien fondé ;
y faisant droit en infirmant le jugement frappé d'appel du 8 décembre 2020 ;
À titre principal,
condamner la SA Generali à payer à M. [B], après application du partage de responsabilité par moitié, la somme de 456 147,58 euros en réparation de son préjudice résultant de l'accident en date du 03 septembre 2011 non pris en charge par les tiers payeurs et se décomposant comme suit : perte de gains professionnels actuels 12 814,74 euros, aide humanitaire temporaire 300 euros, frais de déplacements 195,04 euros, perte de gains professionnels futurs 312 149,78 euros, incidence professionnelle 102 688,02 euros et déficit fonctionnel permanent 28 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement entrepris sur la somme de 96 639,89 euros, et à compter du jour de l'arrêt à intervenir pour le surplus ;
dire et juger que la caisse Deutsch Rentenversicherung Saarland et la caisse AOK Rheinland-Pfalz Saarland disposent d'une action directe, et donc d'un droit propre, à l'égard de l'auteur du dommage et de son assureur, sauf pour les cotisations devant être payées sur les prestations sociales et s'exerçant poste par poste ;
débouter en conséquence la caisse Deutsche Rentenversicherung Saarland et la caisse AOK Rheinland-Pfalz Saarland de toute demande plus ample ou contraire tendant à un recours subrogatoire sur l'indemnisation de M. [B] ;
statuer ce que de droit sur les demandes de la caisse Rentenversicherung Saarland et la caisse AOK Rheinland-Pfalz Saarland à l'encontre de la SA Générali ;
À titre subsidiaire,
Si par impossible la cour accueillait le recours subrogatoire de la caisse Deutsche Rentenversicherung Saarland et de la caisse AOK Rheinland-Pfalz Saarland sur la dette d'indemnisation,
dire et juger y avoir lieu à faire application du droit de préférence de la victime par application de l'article 31 de la loi du 05 juillet 1985 ;
condamner la SA Generali à payer à M. [B], après application du partage de responsabilité par moitié et du droit de préférence de la victime, la somme de 411 455,53 euros en réparation de son préjudice résultant de l'accident en date du 03 septembre 2011 se décomposant comme suit : perte de gains professionnels actuels 12 814,74 euros, aide humanitaire temporaire 300 euros, frais de déplacements 195,04 euros, perte de gains professionnels futurs 312 149,78 euros, incidence professionnelle 57 995,75 euros, déficit fonctionnel permanent 28 000 euros, le tout avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement entrepris sur la somme de 96 639,89 euros, et à compter du jour de l'arrêt à intervenir pour le surplus ;
déclarer l'arrêt commun à la CPAM de la Moselle ;
condamner la SA Generali à payer à M. [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance, et la somme de 5 000 euros sur le même fondement au titre de la procédure d'appel.
S'agissant des postes dépenses de santé actuelles et perte de gains professionnels actuels, l'appelant fait siennes les motivations du jugement de première instance.
S'agissant des frais divers, l'appelant estime que l'importance des frais de transport avant consolidation est justifiée par l'importance des séquelles de l'accident et que ses demandes à ce titre ne se confondent pas avec les frais de transport pris en charge par la caisse AOK. M. [B] détaille le nombre de kilomètres entre son domicile et celui de son médecin et de son kinésithérapeute ainsi que le nombre de trajets à prendre en compte afin d'évaluer son préjudice. Concernant l'assistance par une personne tierce, l'appelant estime que le tribunal a sous-évalué le coût d'une telle assistance en retenant un coût horaire à 20 euros et il propose de prendre en compte une indemnisation horaire de 30 euros.
S'agissant des dépenses de santé futures, l'appelant fait siennes les motivations du jugement de première instance et il relève que le compte-rendu d'hospitalisation de fin de cure produit aux débats par la caisse DRS démontre que de tels frais ont bien été engagés. Il s'en réfère également à la motivation du jugement de première instance concernant le déficit fonctionnel permanent.
S'agissant de la perte de gains professionnels futurs en revanche, l'appelant conteste la motivation du jugement selon laquelle M. [B] ne rapporterait pas la preuve de son incapacité à exercer une autre profession.
M. [B] souligne que si le rapport d'expertise du Dr [T] évoque « une possible reconversion à un poste adapté », la preuve de son incapacité à exercer une autre profession est rapportée grâce aux pièces produites aux débats par la caisse DRS, à savoir le compte-rendu médical faisant suite à la cure de réadaptation du 21 novembre 2012 au 11 décembre 2012 et dans lequel il est indiqué qu'il n'est pas possible de prévoir si M. [B] pourra un jour régulièrement reprendre une activité professionnelle. L'appelant estime que l'expression « reconversion possible à un poste adapté » utilisée par l'expert judiciaire n'a aucune portée concrète, qu'il n'a jamais pu retravailler depuis l'accident, qu'il a aujourd'hui 56 ans, qu'il est exclu qu'il trouve un emploi « adapté » à son déficit fonctionnel permanent évalué à 25 % et que la décision de la CPAM de le classer en invalidité de 1ère catégorie n'a pas été motivée.
Il en déduit que c'est à tort que le tribunal a considéré que M. [B] pourrait retrouver un emploi lui procurant un revenu équivalent au SMIC et qu'il est nécessaire de réévaluer le poste de perte de gains professionnels futurs.
S'agissant de l'incidence professionnelle, l'appelant estime avoir subi un impact conséquent sur sa vie professionnelle indépendamment de la perte de ses revenus, puisqu'il n'a plus d'activité salariée depuis dix ans, aucune chance de trouver un emploi à son âge compte tenu de sa situation d'incapacité physique, qu'il a perdu une partie de son identité sociale, qu'il vit avec une rente d'invalidité dont le montant modeste est proche du RSA et qu'il en sera de même à sa retraite, de sorte qu'il subit une dévalorisation irréversible de soi. L'appelant estime que son incidence professionnelle peut être évaluée à 205 376,03 euros.
Sur la liquidation des préjudices, l'appelant estime qu'il n'y a pas lieu d'imputer les créances des deux organismes sociaux allemands sur sa propre indemnisation, ceux-ci disposant d'un droit direct à l'encontre de l'auteur du dommage et de son assureur, sauf à tenir compte des cotisations devant être payées sur les prestations sociales et qui s'exercent poste par poste sur les seules indemnités prises en charge.
Subsidiairement, l'appelant expose que si par impossible la cour jugeait que les organismes sociaux allemands disposent de la qualité de tiers payeurs et peuvent exercer un recours sur certaines des indemnités allouées à M. [B], doit s'appliquer la règle du droit de préférence telle qu'il résulte de la loi du 05 juillet 1985 modifiée par la loi du 21 décembre 2006.
Par conclusions déposées le 07 janvier 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, les caisses AOK et DRS demandent à la cour, au visa de l'article 12 du code de procédure civile, des articles 808 et 809 alinéa 2 du code de procédure civile, de la loi du 5 juillet 1985, des dispositions de l'article L.124-3 du code des assurances, des articles 116 et 119 SGB X code allemand de la sécurité sociale, de l'article 85 du régiment CE n°883/2004, de :
rejeter l'appel de M. [B] envers les caisses DRS et AOK Rheinland Pfalz Saarland, le dire irrecevable, subsidiairement mal fondé ;
confirmer le jugement, au besoin par substitution de motifs en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à Deutsche Rentenversicherung Saarland la somme de 86 850,73 euros, un montant de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'instance et à AOK Rheniland-Pfalz Saarland la somme de 53 942,02 euros, un montant de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'instance ;
au besoin, dire et juger que la SA Generali doit régler les mêmes sommes à DRS et AOK Rheinland-Pfalz Saarland au titre d'une action directe des caisses allemandes ;
déclarer irrecevables, subsidiairement mal fondées les demandes de M. [B] au titre d'un droit de préférence ;
à titre infiniment subsidiaire, condamner la SA Generali à payer à la Deutsche Rentenversicherung Saarland et à l'AOK Rheinland-Pfalz Saarland les sommes leur revenant après application de ce droit de préférence ;
recevoir l'appel incident de DRS et AOK Rheinland-Pfalz Saarland, le dire bien fondé ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Deutsche Rentenversicherung Saarland et l'AOK Rheinland-Pfalz Saarland au titre des frais de traduction ;
condamner la SA Generali à payer 547,40 euros à DRS pour les frais de traduction et 134,47 euros à AOK Rheinland-Pfalz Saarland pour les frais de traduction ;
rejeter l'appel incident de la SA Generali et de M. [J] et le dire mal fondé ;
déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM de la Moselle ;
condamner M. [B], subsidiairement la SA Generali, aux entiers frais et dépens d'appel ainsi qu'à payer à DRS et à AOK Rheinland-Pfalz Saarland chacune une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En réponse à la SA Generali, les caisses AOK et DRS soulignent en premier lieu que l'article 116 SGB X (code allemand de la Sécurité sociale) autorise les caisses allemandes à recouvrer l'intégralité des frais exposés par elle à l'encontre de l'auteur du préjudice et que l'article 85 du règlement CE n°883 prévoit expressément la reconnaissance automatique par chaque Etat membre de la subrogation de l'institution débitrice dans les droits de son assuré en vertu de sa propre législation.
Ils considèrent que le chiffrage proposé par la société Générali est inexploitable dès lors qu'elle retient pour fixer les préjudices patrimoniaux la date du 28 janvier 2013 et non celle du 30 septembre 2012 et que la partie adverse a commis des erreurs de calcul, notamment en ce qui concerne les indemnités journalières.
Ils demandent aussi le remboursement des frais de traduction rendus nécessaires par la procédure judiciaire et ils considèrent que c'est à tort que le tribunal a rejeté la demande de remboursement des frais de traduction puisque c'est le tribunal et la cour qui exigent des traductions, ce qui engendre des coûts.
Sur le poste pertes de gains professionnels futurs, les caisses AOK et DRS soutiennent que la SA Generali diminue artificiellement la perte de salaire mensuelle de M. [B] en la divisant par deux, sans apporter d'éléments justifiant cette diminution et qu'elle utilise un facteur de capitalisation erronée.
Enfin, les caisses AOK et DRS font valoir que conformément à l'article 93 du règlement CE n°1408/71 du 14 juin 1971 mis à jour par le règlement CE n°2001/83 du 2 juin 1983, il convient de distinguer d'une part, l'assiette du recours autrement dit la dette du responsable pour laquelle il faut faire application du droit national du lieu où est survenu l'accident et d'autre part, l'exercice du recours, que ce soit la détermination de la créance du tiers payeur ou son imputation, pour lequel il convient de faire application de la législation de l'Etat dont relève le tiers payeur.
Elles en déduisent que pour le règlement des sommes dues par l'auteur du dommage et son assureur, c'est le droit allemand qui s'applique, or il ne prévoit pas de droit de préférence pour la victime.
Par conclusions déposées le 02 décembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un pas ample exposé des prétentions et des moyens, M. [J] et la SA Generali demandent à la cour de :
Sur l'appel principal,
déclarer M. [B] mal fondé en son appel et l'en débouter,
Sur l'appel incident de M. [J] et de la société Generali,
infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Sarreguemines du 08 décembre 2020 en ce qu'il a condamné la société Generali à payer à M. [B] une somme de 96.639,89 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux et de son déficit fonctionnel permanent ;
Statuant à nouveau :
limiter la condamnation de la société Generali à payer à M. [B] la somme de 85 297,07 euros ;
condamner M. [B] à restituer à la SA Générali la somme de 11 342,82 euros correspondant au trop-perçu en exécution du jugement du tribunal judiciaire de Sarreguemines du 08 décembre 2020 ;
condamner M. [B] à payer à M. [J] et à la société Generali une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [B] aux frais et dépens de l'appel ;
À titre subsidiaire,
fixer comme précité les montants revenant à M. [B] et aux organismes sociaux après application du droit de préférence ;
Sur appel incident des organismes sociaux allemands,
les en débouter.
M. [J] et la société Generali indiquent que conformément aux dispositions de la loi du 05 juillet 1985, le recours des organismes sociaux est fixé dans les limites du recours en droit commun de la victime et que c'est à tort que M. [B] entend remettre en cause la décision de première instance en se refusant de tenir compte de la créance des organismes sociaux.
Les intimés estiment que c'est également à tort que M. [B] entend remettre en cause les termes du rapport d'expertise du Dr [T] qui a considéré qu'il était en mesure de reprendre une activité professionnelle.
Sur la liquidation des préjudices, M. [J] et la société Generali estiment que le tribunal a à juste titre opéré une distinction entre d'une part le recours subrogatoire des organismes sociaux pour les cotisations devant être payées sur les prestations sociales et s'exerçant poste par poste sur les seules indemnités prises en charges et d'autre part le mécanisme de cession légale de créances offrant un droit à recours direct à l'organisme social contre l'auteur de l'accident.
M. [J] et la SA Générali détaillent ensuite les différents postes de préjudices à retenir.
Sur leur appel incident, ils indiquent que le tribunal judiciaire n'a pas tenu compte de la pension d'invalidité versée par la CPAM pour un total de 11 342,82 euros, laquelle vient nécessairement en concours sur les pertes de gains professionnels futurs, de sorte que le solde indemnitaire de l'appelant s'élève à 85 297,07 euros.
Enfin, sur l'appel incident des organismes sociaux allemands, les intimés exposent que les frais de traduction font partie des frais irrépétibles de sorte qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [J] et de la société Generali les frais irrépétibles de conseil engagés dans la procédure.
MOTIFS DE LA DECISION
I- La recevabilité de l'appel de M. [B]
L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les caisses AOK et DRS demandent à la cour de déclarer l'appel de M. [B] irrecevable, mais elles ne développent aucun moyen au soutien de cette irrecevabilité alléguée.
La cour ne répondra donc pas sur ce point.
II- La demande de M. [B] de faire « dire et juger n'y avoir lieu à faire application du droit de préférence de la victime »
L'article 31 alinéa 2 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dispose que : « Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle ».
Les caisses AOK et DRS demandent à la cour de déclarer irrecevables les prétentions de M. [B] au titre de son droit de préférence s'agissant des prestations soumises à recours.
Toutefois, le droit de préférence invoqué par M. [B] ne constitue pas une prétention en tant que telle, mais plutôt un moyen au soutien de ses demandes en paiement à l'encontre de la SA Generali. Dans le dispositif de ses écritures, il fait d'ailleurs utilisation de la formule « dire et juger », laquelle ne constitue pas une prétention en tant que telle.
En outre sur ce point, les caisses AOK et DRS ne font pas valoir de moyens d'irrecevabilité mais soulèvent seulement l'application du droit allemand qui exclut le droit de préférence de la victime.
L'examen de l'éventuel droit de préférence de M. [B] constitue donc plutôt une question de fond.
Par voie de conséquence, la cour ne répondra pas sur la demande de M. [B] de faire « dire et juger n'y avoir lieu à faire application du droit de préférence de la victime ».
En outre, la cour rejette la demande d'irrecevabilité présentée par les caisses AOK et DRS concernant le droit de préférence invoqué par M. [B].
III- Les différents préjudices de M. [B] restant à examiner
Dans son rapport, le Docteur [T] a proposé de fixer au 30 septembre 2012 la date de consolidation de M. [B].
Aucune des parties ne contestant cette proposition, il y a effectivement lieu de retenir la date du 30 septembre 2012 comme étant la date de consolidation qui permet de distinguer la période au titre des préjudices temporaires et celle au titre des préjudices permanents.
A- Les préjudices patrimoniaux temporaires
Dépenses de santé actuelles
Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime. Ce poste inclut les frais d'orthèse, de prothèses, paramédicaux, d'optique, etc.
Faisant suite au décompte définitif produit par l'organisme AOK indiquant avoir engagé la somme de 43 550 euros au titre du traitement hospitalier et la somme de 9 347,26 euros au titre des frais médicaux ambulatoires, le tribunal a fixé ce poste à la somme totale de 52 897,26 euros.
Ce point n'est pas discuté par l'une ou l'autre des parties à hauteur de cour.
En conséquence, ce poste de préjudice sera retenu à la somme de 52 897,26 euros.
Pertes de gains professionnels actuels (PGPA)
La perte de gains professionnels actuels (ci-après PGPA) concerne le préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité temporaire étant rappelé que celle-ci peut être totale ou partielle ou les deux selon les périodes.
M. [J] et la SA Générali indiquent ne pas contester le poste PGPA fixé par le tribunal à 40 231,67 euros soit une perte de gains professionnels actuels de 12 814,73 euros à la charge de M. [B] et de 27 416,94 euros à la charge de la caisse AOK.
En conséquence, ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 40 231,67 euros.
Frais divers engagés avant la consolidation
Il résulte du décompte définitif produit par la caisse AOK que cette dernière a engagé la somme de 19 946,98 euros au titre des frais de transport avant la consolidation, montant qui n'est pas contesté par M. [J] et la SA Générali.
Concernant la demande de M. [B] au titre de ses propres frais de transport, il sera observé qu'il ne produit aucun justificatif de la fréquence de ses déplacements chez le médecin traitant ni du fait que toutes ces consultations seraient imputables à l'accident.
Certes dans son rapport, le Dr [T] évoque des séances de kinésithérapie à l'épaule droite jusqu'au 30 septembre 2012. En l'absence d'éléments plus précis concernant la fréquence de ces soins de kinésithérapie, il sera considéré qu'il y a eu une séance par semaine entre le 15 septembre 2011, date de sortie de l'hôpital et le 30 septembre 2012, soit 54 séances au total. M. [B] évoquant un trajet de deux kilomètres entre son domicile et le cabinet de son kiné, il pourrait prétendre à 108 kilomètres indemnisables soit la somme totale de 56,48 euros compte tenu d'un barème kilométrique à 0,523 euros.
En l'absence de justificatifs produits par M. [B] concernant ses déplacements pour se rendre chez le médecin ou le kinésithérapeute et conformément à la proposition de la SA Générali qui offrait la somme totale de 500 euros avant et après la consolidation, le tribunal a retenu la somme de 350 euros pour les frais de transport avant consolidation.
Ce montant qui n'est pas contesté par les autres parties sera également retenu par la cour.
Concernant les frais de tierce personne, le Dr [T] indique dans son rapport que M. [B] a été hébergé par ses parents pendant un mois environ et aidé pour le déshabillage, la toilette et couper les aliments. L'expert a évalué ce besoin à 5 heures par semaine.
M. [B] présente une demande portant sur vingt d'heures d'assistance. En l'absence de tout justificatif des frais engagés à ce titre, sa proposition de retenir une indemnisation horaire de 30 euros est manifestement surévaluée et la cour retiendra le taux horaire de 20 euros adopté par le tribunal soit la somme totale de 400 euros.
Enfin, les frais de déplacement en lien avec l'expertise judiciaire relèvent de l'article 700 du code de procédure civile et non de ce poste « divers ».
Ainsi le poste de préjudice « frais divers » s'élève à la somme totale de 20 696,98 euros.
B- Les préjudices patrimoniaux permanents
Dépenses de santé futures
Elles correspondent aux dépenses de santé exposées après la date de consolidation.
Le tribunal a fixé ce poste à la somme de 2 891,34 euros (correspondant à un séjour en centre de rééducation pris en charge par la caisse RDS).
Ce point ne fait plus l'objet de contestations.
Ainsi le poste de préjudice « dépenses de santé futures » s'élève à la somme de 2 891,34 euros.
Pertes de gains professionnels futurs (PGPF)
Les pertes de gains professionnels futurs (ci-après PGPF) correspondent à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation. Cette perte de gains professionnels futurs se compose des arrérages échus, à savoir les salaires perdus de la consolidation du dommage à la décision, qui seront payés sous forme de capital et des arrérages à échoir qui peuvent être capitalisés.
Alors que le tribunal a considéré que M. [B] pouvait se reconvertir à un poste adapté, même s'il ne peut plus travailler dans les travaux publics, l'intéressé soutient qu'il est désormais inapte à toute activité professionnelle.
Avant son accident, M. [B] travaillait comme ouvrier non qualifié dans les travaux publics. Le Dr [T] indique dans son rapport que l'intéressé est inapte à son ancien métier et que sa reconversion est possible sur un poste adapté, sans autre précision.
De même, la CPAM de la Moselle aurait reconnu l'invalidité première catégorie de l'intéressé à compter du 28 janvier 2013, ce dont il se déduit que l'organisme social ne le considère pas inapte à toute activité professionnelle.
Néanmoins, le Dr [T] a reconnu un déficit fonctionnel permanent conséquent, de l'ordre de 25% et ni son appréciation de l'aptitude de l'intéressé à reprendre un emploi, ni la décision de la CPAM sur le taux d'invalidité ne sont motivées.
A hauteur de cour, la caisse DRS produit le rapport établi par un praticien suite au passage de M. [B] en centre de réhabilitation entre le 21 novembre 2012 et le 11 décembre 2012. Le tribunal n'avait pas pu prendre en considération ce document car il n'était pas traduit.
Le Dr [I] y indique : « en considération de la description de son poste de travail, nous ne croyons pas que le patient puisse reprendre sa dernière activité. ['] Sur le marché du travail/marché de l'emploi général nous voyons encore la possibilité de travaux légers, de préférence en position variable, poste de jour mais uniquement moins de trois heures. Les réserves suivantes sont à prendre en considération : sont à éviter des positions forcées, des travaux en hauteur de longue durée, tenir et saisir avec la main droite, ainsi que des tenues unilatérales, des travaux effectués en position baissée, assise et agenouillée, soulever et porter des charges/poids, le travail à des températures froides, en courant d'air, être trempé, de monter des échelles et des échafaudages, des travaux sur un terrain inégal et accidenté, ainsi que des vibrations totales ».
Il est constant que M. [B] occupait avec son accident un emploi sans qualification, qu'il n'a pas retravaillé depuis l'accident du 3 septembre 2011, qu'il est désormais âgé de 57 ans et qu'il ne dispose d'aucun diplôme qui lui permettrait d'exercer une profession autre que manuelle.
Les restrictions évoquées par le Dr [I] à une éventuelle reprise d'activité professionnelle sont telles qu'il est illusoire de supposer que l'intéressé ne puisse jamais retrouver un emploi salarié.
Ainsi, M. [B] justifie de ce que depuis la consolidation du dommage, il est dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité professionnelle et l'évaluation de sa perte de gains professionnels doit en tenir compte.
Avant l'accident son salaire net mensuel s'élevait à la somme de 2 224,62 euros net.
Contrairement à ce que soutient M. [B], il n'y a pas lieu de considérer qu'il touchera une rente d'invalidité à vie, dès lors qu'une rente vieillesse s'y substituera lorsque les conditions prévues par la règlementation allemande seront réunies.
Les caisses AOK et DSR évoquent l'âge de 67 ans sans pour autant confirmer que la carrière de l'intéressé est complète ni qu'il ait toujours travaillé en Allemagne.
Comme le premier juge et en l'absence d'éléments plus précis sur ce point, il sera donc considéré que M. [B] pourrait prendre sa retraite à 68 ans.
Le tribunal avait retenu un euro de rente à 11,183 (homme de 55 ans).
La cour retiendra un euro de rente temporaire de 10,356 (homme de 57 ans jusqu'à l'âge de 68 ans, barème de la Gazette du Palais 2020).
Dans ces conditions, la perte de gains professionnels futurs de M. [B] peut être évaluée comme suit :
Arrérages échus entre le 1er octobre 2012 et le 31 janvier 2023 : 275 852,88 euros (124 mois x 2224,62 euros)
Arrérages à échoir : 276 457,98 euros (2224,62 euros x 12 mois x 10,356)
La caisse AOK justifie en pièce 10 de ce que les indemnités journalières qu'elle a versées à l'intéressé après la consolidation ont représenté un coût de cotisations de 1 251,67 euros.
Ainsi le poste « perte de gains professionnels futurs s'élève à la somme totale de 553 562,53 euros.
Incidence professionnelle
Elle correspond aux séquelles qui limitent les possibilités ou rendent l'activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible.
Même dans l'hypothèse de l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle, la victime peut prétendre à l'indemnisation du préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail, préjudice qui sera indemnisé au titre du poste incidence professionnelle.
M. [B] expose avoir perdu une partie de son identité sociale, dès lors qu'il ne peut plus retravailler et qu'il doit subsister avec une rente d'invalidité, alors même qu'il était reconnu et apprécié dans son travail, puisqu'il avait bénéficié d'une augmentation de salaire au printemps 2010.
M. [J] et la SA Generali ne contestent d'ailleurs pas la somme allouée à ce titre par le premier juge.
L'incidence professionnelle de M. [B] est donc fixée à 50 000 euros.
Poste Divers après consolidation
Le tribunal avait alloué à M. [B] la somme de 350 euros au titre des frais de transport avant consolidation et la somme de 150 euros au titre des frais de transport après consolidation.
A hauteur de cour, ce point ne fait pas l'objet d'une quelconque contestation.
Il convient d'évaluer le préjudice subi par M. [B] au titre des frais divers engagés après la consolidation à la somme de 150 euros.
C- Le déficit fonctionnel permanent
Toutes les parties admettent l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de 25% reconnu à M. [B] à hauteur de 56 000 euros.
Le poste « déficit fonctionnel permanent » sera donc fixé à 56 000 euros.
Il y a lieu de rappeler qu'un partage de responsabilités entre M. [B] et M. [J] a été opéré à hauteur de 50% par le jugement du 9 avril 2019.
En conséquence, la cour :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il fixé les préjudices dont est responsable M. [J] au titre de l'accident du 03 septembre 2011 dans les conditions suivantes :
frais divers 10 423,49 euros,
pertes de gains professionnels actuels 20 115,83 euros,
dépenses de santé actuelles 26 448,63 euros,
dépenses de santé futures 1 445,67 euros,
incidence professionnelle 25 000 euros,
frais de transport après consolidation 75 euros
déficit fonctionnel permanent 28 000 euros ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il fixé les pertes de gains professionnels futurs dont est responsable M. [J] au titre de l'accident du 03 septembre 2011 à la somme de 125 924,02 euros;
En statuant à nouveau,
fixe les pertes de gains professionnels futurs dont est responsable M. [J] au titre de l'accident du 03 septembre 2011 à la somme de 276 781,26 euros.
IV- La liquidation des préjudices et l'action des caisses
A- Le recours exercé par les organismes sociaux allemands
S'agissant du recours des organismes sociaux allemands dans le cadre d'un accident survenu en France, il convient de rappeler les règles qui ressortent de l'article 93 du règlement CEE n° 1408/71 du 14 juin 1971 mis à jour par le règlement CEE n°2001/83 du Conseil du 2 juin 1983 et qui ont été précisées comme suit par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Kordel (CJUE, Cour, 21 sept. 1999, Kordel e.a., C-397/96) :
- concernant la détermination de l'assiette du recours, c'est-à-dire la détermination de la dette du responsable, il convient de faire application du droit national du lieu où est survenu l'accident.
- concernant l'exercice du recours, qu'il s'agisse de la détermination de la créance du tiers payeur ou de son imputation, il convient de faire application de la législation de l'Etat dont relève le tiers payeur.
La subrogation des caisses AOK et DRS et l'étendue des droits dans lesquels ces organismes sont subrogés sont donc déterminés selon le droit allemand.
Est donc applicable en l'espèce l'article 116 SGB X du code allemand de la sécurité sociale, lequel, selon la traduction qui en est produite par les caisses AOK et DVS, prévoit notamment:
« (1) Un droit à réparation d'un dommage basant sur d'autres prescriptions légales passe à l'organisme d'assurance ou à l'organisme de l'aide sociale dans la mesure où il a à fournir des prestations sociales en vertu du sinistre, servant à la réparation d'un dommage de la même nature et qui se réfèrent à la même période que la réparation du dommage à fournir par l'auteur du dommage.
(3) Si le droit à réparation d'un dommage est limité par une faute concomitante ou une responsabilité concomitante de la victime, la quote-part du droit à réparation passant selon l'alinéa 1 en cas de responsabilité illimitée, passe à l'organisme d'assurances ou à l'organisme d'aide sociale correspondant au taux pour cent que l'auteur du dommage est tenu à réparer. (...) Le transfert de droit est exclu dans la mesure où la victime ou ses ayants droit survivants deviennent, de ce fait, nécessiteux au sens des dispositions du douzième livre en matière d'aide sociale ».
De ces dispositions, il se déduit, d'une part que le recours s'exerce, comme en droit français, pour chaque prestation versée par l'organisme social, sur le poste de préjudice indemnisé par cette prestation, d'autre part qu'en cas de partage de responsabilités, si les prestations de l'organisme social n'ont pas indemnisé intégralement la victime, celle-ci ne dispose pas, sauf état de nécessité, d'un droit de préférence sur l'indemnité à la charge du tiers responsable, à la différence de ce qu'énonce l'article 31 de la loi française du 5 juillet 1985, inapplicable en l'espèce.
Il s'en déduit également que l'organisme social est en droit de réclamer la quote-part du droit à réparation correspondant au pourcentage de responsabilité mis à la charge de l'auteur soit en l'espèce, 50% des prestations versées.
Enfin, si M. [B] soutient que les créances des deux organismes sociaux allemands ne doivent pas s'imputer sur les postes de préjudices précédemment détaillés, le droit direct de ces derniers contre l'auteur du dommage et son assureur, qui résulte effectivement de l'article 119 SGB X du droit allemand, concerne uniquement les cotisations retraites, dont le sort a été définitivement réglé dans le jugement du 9 avril 2019.
Cet argument est donc inopérant et les prestations versées par les caisses AOK et DSR doivent bien s'imputer sur les postes de préjudices correspondants ci-dessus détaillés.
B- La mise en 'uvre du recours des caisses et les sommes devant revenir à M. [B]
La caisse DRS
La Caisse DRS justifie du paiement des prestations suivantes : prestation cure de réadaptation pour 2 891,34 euros et rentes échues et à échoir pour 170 810,13 euros.
Sa demande en paiement porte sur la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a accordé à la caisse DRS la somme de 1 445,67 euros au titre des frais de cure et de réadaptation (2891,34/2) et la somme de 85 405,06 euros au titre des rentes échues et capitalisées (170 810,13 euros/2).
Conformément à l'article 116 alinéa 3 SGB précité, les frais de cure s'imputent sur le poste dépenses de santé futures et les rentes échues et capitalisées s'imputent sur le poste PGPF à hauteur de 85 405,06 euros.
Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qui concerne les sommes accordées à la caisse DRS.
La caisse AOK
La caisse AOK justifie du paiement des prestations suivantes : 52 897,26 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 19 946,98 euros au titre des frais de transport avant consolidation, 27 416,94 euros au titre des indemnités journalières avant consolidation et 7 622,86 euros au titre des indemnités journalières après consolidation, soit un total de 107 884,04 euros.
Sa demande en paiement porte sur la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a accordé la somme de 53 942,02 euros soit la moitié des prestations engagées compte tenu du partage de responsabilités.
Conformément à l'article 116 alinéa 3 SGB précité, les frais médicaux s'imputent sur le poste dépenses de santé actuelles, les frais de transport avant consolidation sur le poste divers, les indemnités journalières avant consolidation sur le poste PGPA et les indemnités journalières après consolidation sur le poste PGPF.
Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qui concerne les sommes accordées à la caisse AOK.
M. [B]
Compte tenu de l'assiette du recours poste par poste et des sommes allouées aux caisses AOK et DRS, M. [B] est fondé à réclamer :
La somme de 6 407,36 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;
La somme de 375 euros au titre du poste frais divers avant consolidation ;
La somme de 187 564,77 euros au titre du poste pertes de gains professionnels futurs ;
La somme de 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
La somme de 75 euros au titre des frais divers après consolidation;
La somme de 28 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
Soit la somme totale de 247 422,13 euros.
Il sera observé que contrairement à ce que soutiennent M. [J] et son assureur, le tribunal a bien pris en considération la pension d'invalidité versée par la CPAM de la Moselle mais qu'il a justement considéré que M. [B] était fondé à faire valoir, face à un organisme social de droit français, le droit de préférence de la victime.
Les sommes allouées aux caisses AOK, DR et à M. [B] par le tribunal et par la présente juridiction peuvent donc être synthétisées de la manière suivante :
Poste de préjudice
Assiette du recours
Pour M. [B]
Pour AOK
Pour DRS
Dépenses de santé actuelles
26 448,63 €
XXXXX
26 448,63 €
XXXXX
PGPA
20 115,83 €
6 407,36 €
13 708,47 €
XXXXX
Divers avant consolidation
10 348,49 €
375 €
9 973,49 €
XXXXX
Dépenses de santé futures
1 445,67 €
XXXXXX
XXXXX
1 445,67 €
PGPF
276 781,26 €
187 564,77 €
3 811,43 €
85 405,06 €
Incidence professionnelle
25 000 €
25 000 €
XXXXX
XXXXX
DFP
28 000 €
28 000 €
XXXXX
XXXXX
Divers après consolidation
75 €
75 €
XXXXX
XXXXX
TOTAL
388 214,88 €
247 422,13 €
53 942,02 €
86 850,73 €
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à AOK Rheinland-Pfalz Saarland une somme de 53 942,02 euros au titre des dépenses de santé actuelles, des frais divers avant consolidation, des PGPA et des PGPF et en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à la Deutsche Rentenversicherung Saarland une somme de 86 850,73 euros au titre des dépenses de santé futures et des PGPF.
La cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à M. [B] une somme de 96 639,89 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux et de son déficit fonctionnel permanent et statuant à nouveau, condamne la SA Generali à payer à M. [B] la somme totale de 247 422,13 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 96 639,89 euros à compter du 8 décembre 2020, date du jugement de première instance.
V- Les dépens et les frais irrépétibles
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA Generali aux entiers dépens lesquels comprennent les frais de procédure de référé de numéro RG 9.13/00122, en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à M. [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à AOK Rheinland-Pfalz Saarland une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à Deutsche Rentenversicherung Saarland une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a déclaré le présent jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, à la Deutsche Rentenversicherung Saarland et à AOK Rheinland-Pfalz Saarland.
La SA Generali qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel.
Pour des considérations d'équité, elle devra aussi payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros à M. [B], ainsi que la somme de 3 000 euros à chacune des deux caisses AOK et DRS.
Il sera précisé que les sommes allouées au titre des frais irrépétibles comprennent les sommes avancées par les caisses au titre des frais de traduction et par M. [B] au titre de ses déplacements lors des opérations d'expertise judiciaire. La demande distincte au titre des frais de traduction est donc rejetée.
La présente décision sera déclarée commune à la CPAM de la Moselle.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande d'irrecevabilité des demandes de M. [K] [B] au titre du droit de préférence ;
Confirme le jugement rendu le 8 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines en ce qu'il a :
fixé les préjudices dont est responsable M. [Y] [J] au titre de l'accident du 03 septembre 2011 dans les conditions suivantes : frais divers 10 423,49 euros, pertes de gains professionnels actuels 20 115,83 euros, dépenses de santé actuelles 26 448,63 euros, dépenses de santé futures 1 445,67 euros, incidence professionnelle 25 000 euros, frais de transport et de consolidation 75 euros et déficit fonctionnel permanent 28 000 euros ;
condamné la SA Generali à payer à AOK Rheinland-Pfalz Saarland une somme de 53 942,02 euros au titre des indemnités journalières, des frais divers et des dépenses de santé actuelles et en ce qu'il a condamné la SA Generali à payer à la Deutsche Rentenversicherung Saarland une somme de 86 850,73 euros au titre des dépenses de santé futures ainsi que de la rente invalidité versée ;
condamné la SA Generali aux entiers dépens lesquels comprennent les frais de procédure de référé de numéro RG 9.13/00122, condamné la SA Generali à payer à M. [K] [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la SA Generali à payer à AOK Rheinland-Pfalz Saarland une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la SA Generali à payer à Deutsche Rentenversicherung Saarland une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déclaré le présent jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, à la Deutsche Rentenversicherung Saarland et à AOK Rheinland-Pfalz Saarland ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
fixé les pertes de gains professionnels futurs dont est responsable M. [Y] [J] au titre de l'accident du 03 septembre 2011 à la somme de 125 924,02 euros;
condamné la SA Generali à payer à M. [K] [B] une somme de 96 639,89 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux et de son déficit fonctionnel permanent, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;
En statuant à nouveau,
Fixe les pertes de gains professionnels futurs dont est responsable M. [Y] [J] au titre de l'accident du 03 septembre 2011 à la somme de 276 781,26 euros ;
Condamne la SA Generali à payer à M. [K] [B] la somme totale de 247 422,13 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et de son déficit fonctionnel permanent, avec intérêts au taux légal sur la somme de 96 639,89 euros à compter du 8 décembre 2020 ;
Y ajoutant,
Condamne la SA Generali aux dépens de l'appel ;
Condamne la SA Generali à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros à M. [K] [B] ;
Condamne la SA Generali à payer à l'organisme de droit public allemand AOK Rheinland-Pfalz Saarland la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA Generali à payer à l'organisme de droit social allemand Deutsche Rentenversicherung Saarland la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déclare la présente décision commune à la Caisse Primaire d'assurance maladie de la Moselle.
La Greffière La Présidente de chambre