RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/01411 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FKGH
Minute n° 23/00039
[Y] NEE [L]
C/
S.A. ALLIANZ VIE
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 03 Mars 2020, enregistrée sous le n° 20/00301
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023
APPELANTE :
Madame [O] [L] épouse [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Gaëlle DOPPLER, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG
INTIMÉE :
S.A. ALLIANZ VIE Représentée par son représentant légal,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Marc TEMINE, avocat plaidant au barreau de Paris
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 16 Juin 2022 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 07 Février 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DUSSAUD,Conseillère
Mme DEVIGNOT, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [O] [L], épouse [Y], exerce la profession d'infirmière libérale.
Elle a adhéré en avril 2007, par l'intermédiaire de l'Union nationale pour les intérêts de la médecine (UNIM) au contrat d'assurance groupe n° 84.553/5014.830 souscrit auprès de la société Allianz Vie, garantissant les risques de décès, d'invalidité absolue et définitive et d'incapacité de travail.
Le 10 août 2010 Mme [Y] est victime d'un accident de la circulation, puis le10 janvier 2011, elle est victime d'un accident domestique. Le 22 février 2011, elle a déclaré un arrêt de travail jusqu'au 25 mars 2011, qui sera prolongé par la suite selon certificats médicaux du Dr [K].
Mme [Y] a été examinée le 8 août 2011 par le Dr [S], expert mandaté par la société Allianz Vie. Il a conclu à une incapacité totale de travail du 22 février 2011 au 25 août 2011, considérant qu'une reprise à temps partiel était possible à compter de cette dernière date.
La société Allianz Vie a procédé au versement d'indemnités en vertu du contrat souscrit, initialement du 22 février 2011 au 25 août 2011.
Par courrier du 6 septembre 2011, Mme [Y] a été informée par la société d'assurance de l'arrêt des règlements à compter du 25 août 2011.
Mme [Y] contestant le rapport du Dr [S], a sollicité une nouvelle expertise médicale. Un protocole d'arbitrage a été conclu le 7 février 2012 prévoyant la réalisation d'une nouvelle expertise par le Dr [H].
Entre temps, le 21 février 2012, Mme [Y] a subi une intervention chirurgicale du canal carpien droit. Du 10 mai 2012 au 10 septembre 2012, elle a présenté un arrêt de travail pour état dépressif. La société Allianz Vie a versé à Mme [Y] les indemnités correspondantes à ces deux dernières périodes d'arrêts.
Dans son rapport d'expertise rendu le 3 avril 2013, le Dr [H] a conclu, relativement à l'arrêt de travail présenté le 22 février 2011 et prolongé par la suite, à une incapacité totale de travail jusqu'au 29 août 2011.
Par courrier du 13 mai 2013, Mme [Y] a été informée par la société Allianz Vie que les indemnités seraient versées sur la période du 22 février 2011 au 29 août 2011.
Contestant l'absence d'indemnisation entre le 30 août 2011 et le 20 février 2012, Mme [Y] a saisi le tribunal de grande instance de Metz en référé afin d'obtenir une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 21 janvier 2014 rendue par le président du tribunal de grande instance de Metz, une expertise médicale a été ordonnée et confiée au Dr [Z].
Par acte d'huissier signifié à personne le 30 août 2016, Mme [Y] a assigné la société Allianz Vie SA devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines aux fins de le voir :
dire la demande recevable et bien fondée,
condamner la société Allianz Vie à payer à Mme [Y] la somme de 17 521 euros correspondant aux indemnités dues pour la période allant du 30 août 2011 au 20 février 2012 conformément au contrat de prévoyance,
condamner la société Allianz Vie à payer à Mme [Y] la somme de 1 904,40 euros correspondant aux frais de médecins experts,
déclarer la société Allianz Vie entièrement responsable du préjudice moral subi par Mme [Y],
condamner la société Allianz Vie à payer la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral subi par Mme [Y],
condamner la société Allianz Vie à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
dire et juger le jugement à intervenir exécutoire par provision,
condamner la société Allianz Vie aux frais et dépens ainsi qu'à ceux de la procédure de référé expertise portant n°I 538/13.
Dans le dispositif du jugement du 17 décembre 2019 n° RG 16/1673 il est mentionné que le tribunal de grande instance de Sarreguemines :
condamne Mme [L], épouse [Y], à payer à la SA Allianz Vie avec exécution provisoire la somme de 2 253,76 euros au titre des indemnités journalières et des frais, et 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
condamne Mme [L], épouse [Y], aux dépens.
Pour se déterminer ainsi le tribunal a relevé que, d'après le contrat, l'arrêt d'activité professionnelle est la condition première pour le versement d'indemnités journalières par l'assureur. Le tribunal a retenu que l'arrêt d'activité doit être totale puisque le contrat ne prévoit pas d'indemnité en cas de perte partielle de revenue. Considérant ensuite que Mme [Y] avait repris partiellement son activité à la date du 12 septembre 2011, selon le rapport du Dr [Z], le tribunal en a conclu que les indemnités journalières devaient être versées jusqu'à cette date. Ainsi, il a notamment déterminé que la société Allianz Vie devait être condamnée à payer à Mme [Y] le montant correspondant aux indemnités journalières non versées entre le 30 août 2011 et le 12 septembre 2011.
Par requête datée du 31 janvier 2020, reçue le 7 février 2020, Mme [Y] a saisi le tribunal judiciaire de Sarreguemines en rectification d'erreur matérielle du jugement rendu le 17 décembre 2019.
Par jugement rectificatif du 9 mars 2020, n° RG 20/301, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
ordonné la rectification d'erreur matérielle affectant le jugement du 17 décembre 2019 en ce que les mentions dans le dispositif :
« le tribunal condamne Mm [Y] à payer à la société Allianz Vie avec exécution provisoire la somme de 2 253,76 euros (indemnités journalières et frais » outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. Le tribunal condamne Mme [Y] aux dépens »
Sont remplacées par les mentions :
« Le tribunal condamne la société Allianz Vie à payer à Mme [Y] avec exécution provisoire la somme de 2 253,76 euros (indemnités journalières et frais) outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. Le tribunal condamne la société Allianz Vie aux dépens »
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 7 août 2020, Mme [Y] a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement rendu le 17 décembre 2019 en ce qu'il a :
condamné Mme [Y] à payer à la société Allianz avec exécution provisoire la somme de 2 253,76 euros et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens,
débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes tendant à la condamnation de la société Allianz Vie à lui payer la somme de :
17 521 euros correspondant aux indemnités dues pour la période allant du 30 août 2011 au 20 février 2012 conformément au contrat de prévoyance,
1 904,40 euros correspondant aux frais de médecins experts,
1 500 euros au titre du préjudice moral,
2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre les dépens ainsi que ceux de la procédure de référé expertise I 538/13.
Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG 20/01413.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 7 août 2020, Mme [Y] a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement rendu le 9 mars 2020 en ce qu'il a :
condamné la SA Allianz Vie à payer à Mme [Y] la somme de 2 253,76 euros au titre d'indemnités journalières et frais,
débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes d'indemnités dues conformément au contrat de prévoyance souscrit,
débouté Mme [Y] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral,
omis de statuer quant à la prise en charge des frais d'expertise judiciaire par la société Allianz Vie.
Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG 20/01411.
Par ordonnance du 14 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces procédures sous le n° RG 20/01411.
Par conclusions du 8 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, Mme [Y] demande à la cour d'appel de :
déclarer l'appel de Mme [Y] recevable et bien fondé,
infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Sarreguemines le 17 décembre 2019, rectifié matériellement par jugement du tribunal judiciaire de Sarreguemines du 3 mars 2020 en ce qu'il a :
limité l'indemnisation allouée à Mme [Y] à hauteur de 2 253,76 euros en raison d'une erreur de date,
débouté Mme [Y] de ses demandes tendant à la condamnation de la société Allianz Vie à lui payer les sommes de :
- 17 521 euros correspondant aux indemnités dues pour la période allant du 30 août 2011 au 20 février 2012 conformément au contrat de prévoyance,
- 1 904,40 euros correspondant aux frais des médecins experts,
- 1 500 euros au titre du préjudice moral,
Statuant à nouveau,
juger que Mme [Y] était en arrêt total de travail et donc en incapacité totale de travail sur la période considérée, soit du 30 août 2011 au 20 février 2012,
juger que les garanties du contrat de prévoyance régularisé auprès de la société Allianz Vie doivent trouver à s'appliquer,
condamner la société Allianz Vie à payer à Mme [Y] la somme de 17 521 euros au titre des indemnités qui auraient dû lui être versées sur la période allant du 30 août 2011 au 20 février 2012,
condamner la société Allianz Vie à payer à Mme [Y] la somme de 494,40 euros au titre de la régularisation des frais pro non indemnisés,
condamner la société Allianz Vie à payer à Mme [Y] la somme de 1 904,40 euros correspondant aux frais des médecins experts qu'elle a dû exposer,
condamner la société Allianz Vie à payer à Mme [Y] la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
condamner la société Allianz Vie à payer à Mme [Y] la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Allianz Vie à supporter les entiers frais et dépens de l'instance en ce compris les frais et dépens de la première instance et ceux de la procédure de référé (RG 538/13), y compris les frais d'expertise judiciaire.
Mme [Y] précise dans un premier temps que les deux appels, visant respectivement le jugement rendu le 17 décembre 2019 et son jugement rectificatif du 9 mars 2020, ont tous deux les mêmes prétentions.
Au soutien de ses demandes, Mme [Y] invoque l'article 1134 ancien du code civil, version applicable au présent litige, et l'article 3.11 du contrat souscrit avec la société Allianz Vie. En application de ces dispositions, Mme [Y] soutient qu'elle doit être indemnisée en cas d'incapacité temporaire complète de travail consécutive à un accident ou à une maladie. Elle expose avoir été en arrêt total de travail du 22 février 2011 au 11 septembre 2012, de surcroît sur la période litigieuse non indemnisée par la société Allianz vie allant du 30 août 2011 au 20 février 2012.
Elle relève également que le Dr [H] a isolé les arrêts imputables à la pathologie lombaire, tout en reconnaissant que les arrêts postérieurs au 29 août 2011 étaient justifiés par ses autres pathologies. Elle souligne qu'elle était toujours en incapacité totale de travail après le 29 août 2011. Se référant à son contrat, Mme [Y] affirme que la garantie s'applique au-delà de la seule pathologie lombaire et couvre la totalité des pathologies dont elle souffre. Elle ajoute que la date de consolidation retenue par le Dr [Z] ne concerne que la pathologie lombaire.
Mme [Y] insiste particulièrement sur le fait que le Dr [Z] a pris en compte un arrêt de travail total jusqu'au 12 septembre 2012, et non jusqu'au 12 septembre 2011, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal. Elle soutient n'avoir exercé aucune activité pendant cet arrêt. Dès lors, elle est fondée à réclamer l'application du contrat et l'indemnisation à laquelle elle a droit sur la période du 22 février 2011 au 20 février 2012.
Mme [Y] soutient également que le Dr [Z] n'a pas procédé à une interprétation juridique du contrat et ni outrepassé sa mission en indiquant que les arrêts de travail ont été délivrés par une autorité médicale compétente. Elle souligne que le médecin expert judiciaire n'a fait que remplir sa mission tendant à déterminer si les arrêts de travail étaient justifiés par une incapacité temporaire totale de travail au sens des dispositions contractuelles.
L'appelante invoque l'article R. 4312-84 du code de la santé publique pour soutenir que durant la période de remplacement, l'infirmier remplacé doit s'abstenir de toute activité professionnelle infirmière. Elle produit des documents justifiant qu'elle a été remplacée, notamment sur la période allant du 20 février 2011 au 20 septembre 2012 et donc qu'elle n'a pas travaillé, même partiellement.
Mme [Y] déplore le refus de la société Allianz, qu'elle estime illégitime et infondé, d'autant plus que cette dernière se rapporte uniquement au rapport du Dr [S] qui retenait une hypothétique et incertaine reprise partielle du travail postérieurement au 25 août 2011 et se fondait sur la seule pathologie lombaire. Elle prétend que cela est d'autant plus incompréhensible que, dans son dire à expert judiciaire, le Dr [S] reconnaît deux nouvelles périodes d'incapacité temporaire totale de travail : l'une du 21 février 2012 au 31 mars 2012 à la suite d'une opération du canal carpien, l'autre du 10 mai 2012 au 10 septembre 2012 pour état dépressif. Elle précise que ces deux périodes ont été indemnisées par la société Allianz Vie. Elle souligne que de ce fait, malgré l'arrêt de travail total constant depuis le mois de février 2011 jusqu'à septembre 2012, seule la période allant du 30 août 2011 au 20 février 2012 n'a pas été indemnisée alors que, selon elle, les conditions nécessaires à l'application de la garantie étaient remplies.
Enfin, Mme [Y] revient sur la confusion des premiers juges quant aux dates retenues. Elle affirme que le tribunal a considéré qu'elle présentait une pathologie réelle jusqu'au 20 février 2012, malgré la consolidation de la pathologie lombaire au 30 août 2011. Elle observe que le tribunal a par ailleurs considéré que les conditions d'application du contrat étaient remplies sur cette période, et que, se fondant pourtant sur le rapport du Dr [Z] qui mentionnait l'année 2012, le tribunal a commis une erreur en retenant que Mme [Y] avait repris partiellement le travail à compter du 11 septembre 2011, alors qu'il s'agissait en réalité du 11 septembre 2012. Elle souligne que le tribunal a fait cette même erreur en se référant au rapport du Dr [H].
Outre l'indemnité à laquelle elle estime avoir droit sur la période litigieuse de 175 jours, ainsi que 10 jours de « frais pro » non totalement réglés par l'assureur sur la période du 31 mars 2011 au 20 mai 2011, et des honoraires de médecins experts, Mme [Y] soutient qu'elle est fondée à demander une indemnisation au titre de son préjudice moral en raison du refus abusif de son assureur de faire application du contrat souscrit.
Dans ses conclusions du 7 décembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Allianz Vie demande à la cour d'appel de :
dire et juger que Mme [Y] n'était pas en incapacité de travail totale découlant d'un accident ou d'une maladie pour la période allant du 30 août 2011 au 20 février 2012,
en conséquence, dire et juger que les garanties du contrat de prévoyance conclu entre Mme [Y] et Allianz Vie ne trouvent pas à s'appliquer,
rejeter comme irrecevables et infondées l'ensemble des demandes de Mme [Y],
condamner Mme [Y] à payer à Allianz Vie la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
À l'appui de ses prétentions, la société Allianz Vie évoque l'article 1103 du code civil et l'article 3.11 du contrat d'assurance conclu avec Mme [Y]. Ainsi pour bénéficier des indemnités journalières, l'assuré doit présenter une incapacité totale temporaire d'exercer le travail découlant d'un accident ou d'une maladie. Cependant, la société Allianz Vie retient qu'il ressort des rapports d'expertises du Dr [H] et du Dr [Z] que la reprise partielle était possible à compter du 30 août 2011. D'après elle, les arrêts maladies établis pour une période postérieure à cette date ne sont pas en lien avec le dommage garanti.
La société Allianz Vie affirme que Dr [Z] s'est livré à une interprétation juridique du contrat en se prononçant sur le sens des dispositions du contrat d'assurance, alors que sa mission consistait à effectuer une analyse médicale de l'état de santé de Mme [Y]. Considérant que les arrêts de travail avaient été délivrés par une autorité médicale compétente, le Dr [Z] a ainsi retenu la période du 22 février 2011 au 11 septembre 2012 comme incapacité totale de travail au sens du contrat. La société Allianz Vie reproche également au Dr [Z] d'avoir pris la liberté de définir lui-même la notion d'autorité médicale compétente. Selon elle, il revenait en premier lieu au Dr [Z] d'indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités. Ainsi, d'après l'intimée le Dr [Z] a retenu la possibilité d'une reprise partielle du travail à compter du 30 août 2011, date qu'il retient d'ailleurs pour la consolidation de l'état de santé de Mme [Y] à la suite de l'accident du 10 janvier 2011.
Selon la Compagnie Allianz Vie SA les contrats de remplacement et les attestations des collègues de travail produits par la partie adverse ne permettent pas d'apporter la preuve d'une incapacité totale de travail entre le 30 août 2011 et le 20 février 2012. Elle ajoute qu'aucun accident ni maladie ne justifie une incapacité totale de travail et donc le versement d'indemnités sur cette période. Elle considère avoir appliqué correctement le contrat en ce qu'elle a versé des indemnités sur la période du 22 février 2011 au 30 août 2011 concernant l'accident domestique, du 21 février 2012 au 15 mai 2012 à la suite de l'opération du canal carpien et du 10 mai 2012 au 10 septembre 2012 pour état dépressif.
La société Allianz Vie se défend de toute résistance abusive soulevée par la partie adverse au soutien de sa demande d'indemnité au titre du préjudice moral en avançant qu'elle est intervenue pour l'indemnisation de l'accident domestique, de l'intervention chirurgicale du canal carpien et pour l'état dépressif.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur les demandes principales
Selon l'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 3.11 des conditions générales du contrat d'assurance conclu entre Mme [Y] et la SA Allianz Vie précise que :
« En cas d'incapacité temporaire complète de travail, consécutive à un accident ou à une maladie, l'assureur garantit le versement d'une indemnité journalière égale à 1/1000' de la classe choisie.
Cette indemnité est payable sauf disposition contraire figurant sur le certificat d'adhésion à compter du :
- 1er jour d'hospitalisation lorsque l'arrêt de travail entraîne une hospitalisation immédiate supérieure à 24h00 ['],
- 1er jour d'arrêt continu de travail en cas d'attentat ou d'agression,
- 6' jour d'arrêt continu total de travail s'il s'agit d'un accident, sauf disposition contraire figurant sur le certificat d'adhésion,
- 16ème ou 31ème jour d'arrêt continu total de travail (selon le choix effectué par l'assuré lors de son adhésion) dans tous les autres cas ('.). »
Par ailleurs il est précisé dans le lexique figurant à la fin des conditions générales que l'incapacité temporaire totale représente « tout arrêt total d'activité professionnelle prescrit par une autorité médicale compétente et consécutif à un accident ou à une maladie garantis ».
La maladie est notamment définie comme « toute altération de la santé constatée par une autorité médicale compétente ».
En l'espèce Mme [Y] s'est vu délivrer des arrêts de travail successifs et ininterrompus pour la période litigieuse du 30 août 2011 au 20 février 2012, par le Dr [K], son médecin traitant, qui est une autorité médicale compétente pour délivrer des arrêts de travail au sens du lexique précité, et ce pour diverses pathologies. Aucun des arrêts de travail ainsi prescrits ne prévoit une reprise à temps partiel de l'activité professionnelle, la case « reprise à temps partiel » n'étant pas cochée.
En outre dans son dire à l'expert judiciaire le Dr [K] indique qu'il s'agit d'une incapacité temporaire totale de travail.
Il en ressort que Mme [Y] a subi une incapacité totale complète de travail sur la période du 30 août 2011 au 20 février 2012, garantie par le contrat d'assurance souscrit.
Il doit être souligné que les conditions générales du contrat d'assurance n'exigent pas que l'incapacité totale de travail découle d'un fait dommageable précisément déterminé, tel qu'un accident, mais seulement qu'elle doit être consécutive à un accident ou à une maladie garantis.
Par ordonnance de référé du 21 janvier 2014 il avait été demandé à l'expert judiciaire, au point 6 de sa mission, intitulé « pertes de gains professionnels actuels », de :
« Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, et, en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ['].
Déterminer si les arrêts de travail déclarés par Mme [O] [Y] à compter du 30 août 2011 étaient justifiés par une incapacité temporaire totale de travail au sens des dispositions du contrat d'assurance n ° 84.553/5014.830 ».
Dans son rapport d'expertise judiciaire du 08 avril 2015, dont Mme [Y] produit une copie sous la forme d'un rapport de 14 pages non numérotées, et dont l'intimée ne produit que les 2 premières pages, le Dr [Z], expert judiciaire, précise en page 12 que « la période d'incapacité totale de travail est la suivante : du 22 février 2011, date du premier arrêt de travail, au 11 septembre 2012, sachant que les arrêts de travail à partir du 30 août 2011 ont effectivement étaient rédigés par une autorité médicale compétente ». Il indique également en dernière page du rapport une période de « pertes de gains professionnels actuels » du 22 février 2011 au 11 septembre 2012.
Ainsi le Dr [Z] a répondu à sa mission en précisant en page 12 que la période d'incapacité totale de travail date du 22 février 2011 au 11 septembre 2012, sachant que les arrêts de travail à partir du 30 août 2011 ont effectivement été rédigés par une autorité médicale compétente.
En outre dans ses conclusions en page 14 le Dr [Z] n'indique pas de période d'incapacité temporaire partielle de travail au sein de la période de perte de gains professionnels actuels du 22 février 2011 au 11 septembre 2012, ce qui confirme l'incapacité totale de travail sur la période considérée.
La seule mention située en page 11 du rapport d'expertise, dans la discussion, selon laquelle « du 30/08/2011 au 20/12/2011 les capacités de travail ont été réduites de 50 % », qui n'est pas explicitée ni argumentée par le Dr [Z], qui n'est nullement reprise dans ses conclusions en page 14, et qui ne lie pas la cour, n'est pas de nature à mettre en doute la réalité de l'incapacité totale de travail subie par Mme [Y] du 22 février 2011 au 11 septembre 2012.
Par ailleurs il est à noter que dans la mission d'expertise, pages 4 et 5 de l'ordonnance de référé, le « déficit fonctionnel temporaire » est défini comme la période durant laquelle la victime a été dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, ce qui est sans aucun rapport avec l'objet du litige et les conditions du contrat d'assurance relatives à une incapacité temporaire de travail.
En outre en page 13 l'expert précise concernant la consolidation : « suite à l'accident du 10/01/2011 on retiendra le 30 août 2011, date de la reprise possible du travail ». Il en ressort que l'expert judiciaire a fixé la date de consolidation en ne tenant compte que de la consolidation des blessures consécutives à l'accident du 10 janvier 2011. Cependant, alors que l'accident du 10/01/2011 a entraîné un traumatisme lombaire, qui était consolidé le 30 août 2011 selon l'expert judiciaire et ne justifiait plus un arrêt de travail, il s'avère que les arrêts de travail ont été délivrés ensuite pour d'autres pathologies.
Le Dr [H] indique également dans son rapport du 3 avril 2013 que la pathologie lombaire justifiait une ITT totale jusqu'au 29 août 2011 et une ITT partielle à compter du 30 août 2011, et que l'arrêt de travail à partir du 30 août 2011 n'est pas justifié par la pathologie lombaire, mais par les différentes pathologies présentées par Mme [Y].
Par ailleurs le rapport du Dr [S] en date du 10 août 2011 qui a observé une recrudescence des douleurs, et notamment au genou gauche et à l'épaule droite, mais a estimé par avance qu'il semble licite de mettre une incapacité partielle temporaire partielle à compter du 26 août 2011, n'a pas la valeur d'une expertise judiciaire et n'est pas de nature à invalider les arrêts de travail prescrits par le Dr [K], qui était le médecin traitant et une autorité médicale apte à prescrire un arrêt de travail.
Il est enfin observé que les motifs de prescription de chaque arrêt total de travail rédigés par le Dr [K] sont corroborés par des constatations médicales, ainsi qu'il ressort de la comparaison des arrêts et des éléments du dossier médical résumés en pages 4 à 7 du rapport d'expertise judiciaire. En effet, parmi les pathologies motivant les arrêts de travail litigieux, le syndrome du canal carpien a notamment été évoqué comme cause d'arrêt de travail dès l'arrêt de travail de la période du 26 août 2011 au 26 septembre 2011, puis dans les arrêts ultérieurs, alors justement qu'une compression chronique du nerf médian droit au canal carpien, et qu'un ralentissement de la conduction motrice et sensitive de ce nerf ont été constatés par le Dr [V] le 29 août 2011 qui a proposé une neurolyse, et alors que Mme [Y] n'a été opérée du canal carpien qu'en février 2012.
De même le Dr [K] a également motivé les arrêts litigieux par des NCB (nevralgies-cervico-braciales) à droite avec atteinte C5-C6, alors justement qu'une unicodiscarthrose C5-C6 et un débord discal postérieur C5-C6 ont été objectivés (cf commémoratifs p. 5 et 6 du rapport d'expertise judiciaire).
La compression chronique du nerf médian droit au canal carpien, le ralentissement de la conduction motrice et sensitive de ce nerf, et les nevralgies-cervico-braciales à droite avec atteinte C5-C6 sont des altérations de la santé.
Or il ne ressort ni des rapports d'expertise privée des Dr [H] et [S], ni du rapport d'expertise judiciaire, ni même du dire du Dr [S] que Mme [Y] aurait pu exercer sa profession d'infirmière sur la période litigieuse du 30 août 2011 au 20 février 2012, ne serait-ce qu'à temps partiel, malgré la compression chronique du nerf médian droit au canal carpien et les nevralgies-cervico-braciales à droite avec atteinte C5-C6, avant l'opération chirurgicale du 21 février 2012. Aucune explication argumentée n'est fournie à cet égard par les trois médecins experts ayant examiné Mme [Y] et consulté son dossier médical.
Ainsi il ressort des éléments produits par Mme [Y] que les conditions du contrat d'assurance, exigeant une incapacité temporaire totale de travail, en raison d'une altération de la santé, ayant conduit à un arrêt total de travail prescrit par une autorité médicale compétente, sont réunies pour la période concernée par la demande.
En conséquence il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 17 521 euros d'indemnités pour la période du 30 août 2011 au 20 février 2012 inclus, dont le détail explicité par Mme [Y] en page 20 de ses dernières conclusions n'est pas en tant que tel contesté par la SA Allianz Vie, et est justifié au regard de l'annexe 3 de l'appelante.
De même la SA Allianz Vie ne conteste pas avoir omis de régler 10 jours de « frais pro » de 49,44 euros chacun pour la période du 31 mars 2011 au 20 mai 2011. En outre à l'examen de l'annexe 3 de l'appelante il s'avère que les "frais pro" n'ont pas été versés sur la période du 31 mars 2011 au 9 avril 2011. Il sera donc fait droit à la demande tendant au paiement de l'indemnité de 494,40 euros pour régularisation des « frais pro » non indemnisés de la période du 31 mars 2011 au 20 mai 2011.
En revanche Mme [Y] n'invoque aucun fondement juridique à l'appui de sa demande en remboursement d'une somme de 1904,40 euros au titre des honoraires du Dr [H] et du Dr [K] qu'elle a exposés dans le cadre des trois expertises réalisées. En outre elle n'invoque aucune faute de la SA Allianz Vie à l'appui de cette demande en dommages-intérêts d'un montant de 1904,40 euros. En tout état de cause les honoraires de médecins exposés par Mme [Y] pour faire face aux mesures d'expertise relèvent des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sur lesquelles il sera statué ci-dessous. La demande en dommages-intérêts d'un montant de 1904,40 euros n'est pas fondée et sera rejetée.
Le jugement est infirmé en ce qu'il fait doit à la demande à hauteur de 50 %.
II- Sur la demande d'indemnité pour résistance abusive
Selon l'article 1231-6 du code civil le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Le seul fait que la SA Allianz Vie ait contesté le droit à indemnité d'assurance pour la période litigieuse, qui relève du droit de se défendre, ne caractérise pas la mauvaise foi. Par ailleurs Mme [Y] ne démontre pas qu'elle a été contrainte de procéder par voie d'huissier pour obtenir le paiement des sommes fixées par le jugement rectifié. La mauvaise foi, qui doit être prouvée par Mme [Y], n'est pas démontrée.
La demande en dommages-intérêts pour résistance abusive n'est pas fondée et sera rejetée.
III- Sur les dépens et l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement rectifié statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont confirmées.
Succombant au moins partiellement en ses prétentions, la SA Allianz Vie est condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [Y] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de la SA Allianz Vie au titre des dépens et indemnités prévues par l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SA Allianz Vie aux entiers dépens et à payer à Mme [O] [L] épouse [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,
Condamne la SA Allianz Vie à payer à Mme [O] [L] épouse [Y] la somme de 17 521 euros d'indemnités au titre de la période d'incapacité temporaire totale de travail du 30 août 2011 au 20 février 2012 inclus ;
Rejette la demande en dommages-intérêts au titre des honoraires de médecins experts ;
Y ajoutant,
Condamne la SA Allianz Vie à payer à Mme [O] [L] épouse [Y] la somme de 494,40 euros d'indemnités au titre des « frais pro » restant dus pour la période d'incapacité temporaire totale de travail du 31 mars 2011 au 20 mai 2011 ;
Rejette la demande de Mme [O] [L] épouse [Y] en dommages-intérêts pour résistance abusive;
Condamne la SA Allianz Vie aux dépens de la procédure d'appel ;
Condamne la SA Allianz Vie à payer à Mme [O] [L] épouse [Y] la somme de 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Déboute la SA Allianz Vie de ses demandes au titre des dépens et de l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
La greffière La présidente de chambre