Arrêt n°23/00077
07 février 2023
N° RG 19/00370
N° Portalis
DBVS-V-B7D-E6RP
Conseil de Prud'hommes
Formation paritaire de METZ
17 janvier 2019
18/00238
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Sept février deux mille vingt trois
APPELANTE :
SASU SOCIETE DE TRAVAUX DU BATIMENT ET HABITAT (STBH) représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sophie HOCQUET-BERG, avocat plaidant au barreau de METZ
INTIMÉ :
M. [C] [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Julien GRANDCLAUDE, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [C] [O] indique avoir été embauché en qualité de maçon par la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat (ci-après SASU STBH), selon contrat à durée indéterminée prenant effet le 20 novembre 2017, avec une période d'essai d'un mois, et pour un salaire mensuel brut de 1492,43 euros.
M. [O] était sous bracelet électronique pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement.
Par courrier du 3 janvier 2018, l'employeur a informé la conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation que le contrat de travail de M. [O] avait pris fin le 22 décembre 2017, invoquant la fin de la période d'essai.
Par acte introductif enregistré au greffe le 15 mars 2018, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :
ondamner la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat à payer à M.[O], les sommes de:
1 606,36 euros bruts au titre du salaire allant du 20 novembre au 22 décembre 2017 ;
160,64 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
137,76 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
13,78 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
1 492,43 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
8 954,58 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SASU STBH à communiquer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir, le solde de tout compte, le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi et les bulletins de salaire ;
Condamner la SASU STBH aux entiers frais et dépens ;
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire du 17 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Metz, section industrie, a statué ainsi qu'il suit :
Dit et juge que la rupture du contrat du travail de M. [O] est intervenue en dehors de la période d'essai,
Dit et juge que la rupture du contrat de travail de M. [O] est irrégulière et abusive,
Dit et juge le licenciement de M. [O] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence, condamne la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat à payer à M. [O], les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la demande:
1 606,36 euros bruts au titre du salaire d'août 2017,
160,64 euros bruts au titre des congés payés afférents,
137,76 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
13,78 euros bruts au titre des congés payés afférents,
Condamne la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat à payer à M. [O] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement :
1 492,43 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
8 954,58 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
Ordonne à la société employeur de délivrer à M. [O] les documents suivants, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement: reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation destinée à Pôle emploi, bulletins de salaire des mois de novembre et décembre 2017,
Se réserve la liquidation de l'astreinte,
Condamne la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat à payer M. [O], la somme de 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [O] pour le surplus de sa demande,
Condamne la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat, aux entiers frais et dépens, ainsi que des frais de citation, notification et d'exécution,
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire en application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail,
Ordonne l'exécutoire provisoire du présent jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile pour les condamnations exclues des dispositions de l'article R. 1 454-28 du code du travail.
Par déclaration formée par voie électronique le 11 février 2019, la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat (STBH) a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 19 janvier 2019 au vu de l'émargement de l'accusé de réception postal.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2019, la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat (STBH) demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL,
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
. Débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;
. Condamner M. [O] à payer à la société STBH la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
. Condamner M. [O] aux entiers dépens de la présente instance ainsi qu'à ceux de première instance ;
A TITRE SUBSIDIAIRE, AVANT DIRE DROIT ET EN TANT QUE DE BESOIN,
Ordonner la production de l'original du document présenté par M. [O] comme étant un contrat de travail conclu avec la société STBH le 17 novembre 2017 ;
Procéder à la vérification de l'authenticité du document et à la vérification des signatures, notamment celles qui auraient été apposées en guise de paraphe par la société STBH ;
Réserver les dépens de la présente procédure ainsi que les frais non compris dans les dépens de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2020, M. [O] demande à la cour de :
Sur la demande avant-dire droit,
. Rejeter la demande formulée par la société STBH,
Sur les demandes de M. [O], confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 17 janvier 2019 en toutes ses dispositions en ce qu'il a constaté que M.[O] est lié par un contrat de travail avec la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat (STBH), constaté que la rupture du contrat de travail est abusive, constaté le travail dissimulé dont a été victime M. [O]
En conséquence, condamner la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat (STBH) à payer les sommes suivantes :
.1 606,36 euros au titre du salaire allant du 20 novembre au 22 décembre 2017 et 160,64 euros au titre des congés payés afférents ;
.137,76 euros au titre du préavis et 13,78 euros au titre des congés payés afférents ;
. 1 492,43 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
. 8 954,58 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire pour travail dissimulé ;
En tout état de cause condamner la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat (STBH) à payer 50 euros par jour de retard et par document à communiquer à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir, le solde de tout compte, le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi et les bulletins de salaire, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et au frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2020.
Par arrêt avant dire droit prononcé le 7 décembre 2021, la présente juridiction a :
Ordonné le rabat de clôture et la réouverture des débats ;
Ordonné la comparution personnelle des parties, pour la société STBH en la personne de son gérant, et une vérification d'écriture fixée au 2 mars 2022 ;
Désigné le Présidente de chambre pour procéder à cette mesure d'instruction ;
Enjoint M. [C] [O] de produire l'original du contrat de travail et la société STBH de produire des exemplaires de devis ou autres documents commerciaux portant le cachet de la société et la signature de son gérant ;
Réservé à statuer au fond.
A l'audience du 2 mars 2022, M. [C] [O] et le représentant légal de la SASU STBH, M. [I] [H] ont comparu. Les parties ont été entendues et ont effectué, à la demande de la Présidente, des exemples manuscrits de leur écriture et de leur signature. La SASU STBH a également produit les documents sollicités et a été invitée à produire d'autres contrats de travail.
L'affaire a été renvoyée à l'audience du 28 novembre 2022 où elle a été retenue et la décision mise en délibéré.
Les parties n'ont pas déposé de nouvelles conclusions.
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS
Sur l'existence d'un contrat de travail
M. [I] [H], président de la SASU STBH, expose que la société dont il est l'unique associé n'a jamais employé de salarié, qu'il a fait la connaissance de M. [O] en 2015 lors d'une hospitalisation, qu'il a gardé contact régulier avec ce-dernier, lequel en décembre 2017, est venu le voir car il était dés'uvré suite à une condamnation pénale, étant placé sous bracelet électronique, et qu'il lui a alors proposé de l'accompagner sur un chantier pour lui redonner l'envie de travailler, mais qu'il n'était pas convenu de l'embaucher.
Il précise que M. [O] a été présent sur ce chantier durant trois jours du 19 au 21 décembre 2017, mais qu'il s'est contenté d'observer, de discuter, de bricoler et balayer de temps en temps. Il ajoute que pour éviter à M. [O] d'avoir des ennuis avec sa conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation qui le suivait, Mme [X], il a adressé à cette dernière un courrier électronique pour l'informer d'un retour tardif à domicile, puis un deuxième mail pour lui expliquer que l'essai de M. [C] [O] n'avait pas été concluant et qu'il ne travaillait plus avec lui depuis le 22 décembre 2017.
Il ajoute alors avoir été surpris de recevoir le courrier d'un avocat lui réclamant le paiement d'un salaire et des fiches de paie pour son client, puis n'avoir pas pris au sérieux la convocation devant le conseil de prud'hommes à qui il a seulement adressé une lettre d'explication et qu'après sa condamnation par le jugement entrepris il a porté plainte à la gendarmerie le 7 mars 2019 pour faux et usage de faux, car il conteste l'authenticité du contrat de travail écrit dont se prévaut M. [C] [O].
Plus précisément, il conteste avoir signé le contrat de travail produit par l'intimé, qui ne comporte pas le n°URSSAF devant figurer après transmission de la déclaration unique d'embauche à cet organisme, et soutient que ce document a été fabriqué à partir de la copie d'un devis de son entreprise, s'agissant de la reproduction du timbre de la société avec sa signature, et qu'il n'a paraphé aucune de ses pages, ni apposé la mention « lu et approuvé » comme imposé.
M. [I] [H] s'étonne aussi de la date de ce contrat, le 17 novembre 2017, alors que ce n'est que le 19 décembre que M. [C] [O] l'a accompagné sur un chantier, et fait valoir que ce dernier ne peut de façon contradictoire se prévaloir d'un contrat de travail et invoquer un travail dissimulé.
Lors de l'audience du 2 mars 2022 à laquelle M. [I] [H] s'est présenté à la demande de la cour, à l'examen de l'original du contrat produit par M. [C] [O], M.[H] a indiqué que la signature était bien la sienne mais qu'il n'avait rien signé, qu'il n'avait jamais fait de contrat comme celui-là, que c'était bien son tampon mais que le conseil de M. [O] n'a pas légalement le droit de produire un contrat de travail. Il a précisé qu'aucune suite n'a été donnée à sa plainte pénale.
Il conclut à l'absence de tout contrat de travail et en conséquence au débouté des demandes de M.[O].
M. [C] [O] fait valoir pour sa part qu'il ne fait aucun doute qu'il a travaillé pour la SASU STBH, au regard du contenu des mails adressés à Mme [X], que M. [I] [H] a bien établi, paraphé et signé le contrat de travail, ceci à l'encre bleue, comme en atteste l'original qu'il produit à la demande de la cour, et qu'aucune signature n'a été scannée, ce qui anéantit l'accusation de faux.
Il conteste aussi qu'il y ait eu un simple essai professionnel comme évoqué dans l'un des mails alors qu'il a été placé pendant plusieurs jours dans des conditions normales d'emploi.
******
La cour rappelle que le contrat de travail se caractérise par l'exécution moyennant rémunération par une personne, le salarié, d'une prestation de travail pour le compte d'une autre personne, l'employeur, envers lequel ce salarié est placé en état de subordination, lequel état se traduit par le droit pour l'employeur de donner des ordres ou des directives et d'en contrôler l'exécution et l'obligation pour le salarié de les exécuter sous peine de sanctions disciplinaires.
La charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail appartient à celui qui l'invoque, donc en principe au salarié, sauf en présence d'éléments caractérisant un contrat apparent tels un contrat écrit ou des bulletins de salaire, dont il appartient alors à celui qui invoque le caractère fictif d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, M. [C] [O] produit l'original du contrat de travail qu'il invoque à l'appui de ses prétentions, dont M. [I] [H], représentant la SASU STBH, conteste toujours l'authenticité.
Ce document établi sur trois pages est intitulé « contrat à durée indéterminée » et comporte notamment les mentions suivantes :
«Article 1. ENGAGEMENT
1.1 Motif de l'engagement :
Le présent contrat est conclu en raison de l'accroissement temporaire d'activité dû à de nouveaux chantiers.
2.2 Durée de l'engagement
Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée
(en gras et en italique:) Avec une période d'essai de 1 mois. A partir du 20 novembre 2017.
Article 2. RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
A l'issue de la période d'essai, le présent contrat ne pourra être rompu avant le terme fixé à l'article 1er que dans les conditions prévues par les articles L 1243-1 et L 1243-2 du code du travail. »
Ce contrat est rédigé dans un français correct, sauf une clause figurant à l'article suivant :
« 1.3 Horaires de travailles
8 heures démarrage du travaille sur chantier pose de 12 heures à 13 heures départ du chantier 17 heures ' 8 H 12H et de 13 H 17H ' Du lundi au vendredi »
Ce document, produit en original après réouverture des débats, comporte en outre :
à la première page : en bas à gauche, le paraphe et la signature de M. [C] [O], et en bas dans le coin droit, en caractères majuscules mais de petite taille, les initiales « MS » ;
à la deuxième page : sur le côté gauche du bas de page, la signature de M. [C] [O], et dans le coin droit les mêmes initiales « MS » que celles figurant en première page ;
à la troisième page :
. la mention dactylographiée « Fait à Immonville le 17 novembre 2017 ' En deux exemplaires originaux sur 3 pages dont pour chacune des parties » ;
. aucune signature sous la mention « Le salarié, Monsieur [O] [C] », la signature et le paraphe de M. [C] [O] figurant en fait sous l'indication en fin de page et en italique « Signature des parties précédées de la mention manuscrite « Lu et approuvé », chacune des pages autres que la dernière, doit être paraphée par chacune des parties » ;
. sous la mention « L'employeur ' Pour la société : Mr [H] [I] en sa qualité de Directeur général », le cachet commercial au nom de STBH SAS, avec indication du numéro SIRET et du code APE de la société, supportant une signature ressemblant à celle de M. [H], celui-ci contestant avoir signé le contrat mais reconnaissant la similitude de cette signature avec la sienne.
Tous les signatures et paraphes figurant sont à l'encre bleue et aucune trace n'apparaît laissant supposer que ce document est un montage.
En outre, le fait qu'aucune des parties n'ait apposé de sa main la mention « lu et approuvé » ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la validité de cet acte, cette formalité n'étant pas prescrite à peine de nullité de l'acte.
Si lors de l'audience de comparution personnelle des parties et de vérification d'écriture du 2 mars 2022 M. [I] [H] conteste l'authenticité du contrat, il reconnaît cependant que la signature est bien la sienne, tout comme le tampon qui correspond à celui de sa société.
Aucun élément ne permet de démontrer que l'original du contrat de travail daté du 17 novembre 2017, versé aux débats par M. [C] [O] procède d'un montage et constitue un faux.
Par ailleurs, la SASU STBH ne conteste pas qu'il y a eu une relation de travail avec M.[O] entre le 19 et le 21 décembre 2017, précisant seulement qu'il s'agissait d'un essai ou d'un temps au cours duquel il a été proposé à M. [C] [O], en difficulté, de venir reprendre contact avec le travail et accompagner M. [I] [H] sur un chantier.
Les mails adressés par M. [I] [H] le 21 décembre 2017 pour justifier du retard de M. [C] [O] à la conseillère d'insertion et de probation qui le suit, et celui daté du 3 janvier 2018 lui indiquant que M. [O] ne travaille plus pour lui depuis le 22 décembre 2017, confirment l'existence de cette relation de travail, M. [I] [H] précisant en outre dans le dernier mail qu'il s'agissait d'un « essai à la préparation en vue d'un CDI ».
La longueur de l'essai prétendu - 3 jours ' et les tâches confiées telles que décrites par M. [I] [H] lors de son dépôt de plainte devant les services de gendarmerie le 7 mars 2019 (« il bricolait, il balayait ») démontrent par eux-même qu'il ne s'agissait pas d'un simple test professionnel qui ne nécessite pas une durée si longue pour apprécier les qualités d'exécution de travaux de cette nature.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que le contrat de travail versé aux débats par M. [C] [O] et daté du 17 novembre 2017, dont le défaut d'authenticité n'est pas démontré, liait bien les parties.
Sur la rupture de la relation de travail
- sur le principe de la rupture :
Les parties s'accordent à reconnaître qu'à compter du 22 décembre 2017, la relation de travail était rompue entre elles.
M. [I] [H] admet en outre, dans son courriel du 3 janvier 2018 adressée à la conseillère d'insertion et de probation suivant M. [O], tout comme dans son courrier adressé le 10 avril 2018 au président du conseil de prud'hommes et dans sa plainte pour faux et usage de faux déposée le 7 mars 2019, que la relation de travail s'est achevée le 22 décembre 2017, M. [O] étant encore avec lui le 21 décembre 2017.
Le contrat de travail du 17 novembre 2017 commençant le 20 novembre 2017 et prévoyant une durée d'un mois de la période d'essai, il convient de constater que l'essai s'est achevé le 20 décembre 2017, de sorte que la rupture du contrat intervenue le 22 décembre 2017 à l'initiative de l'employeur est postérieure à l'achèvement de la période d'essai, et que l'employeur ne pouvait que licencier M. [O] en respectant les dispositions légales prévues aux articles L 1231-1 et suivants du code du travail.
Il est constant en l'espèce que la SASU STBH n'a informé qu'oralement M. [C] [O] de la fin de leur relation de travail, M. [I] [H] ne justifiant d'aucun courrier de notification du licenciement ni respect de la procédure légale, notamment par la convocation de M. [O] à un entretien préalable à un licenciement.
Il résulte des dispositions de l'article L1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et des dispositions de l'article L.1232-6 du même code que l'employeur qui décide de licencier un salarié, lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, cette lettre comportant l'énoncé du ou des motifs invoqués pour procéder à son licenciement.
A défaut de respect de la procédure de licenciement, et notamment d'établissement d'une lettre de licenciement faisant état d'un motif réel et sérieux de rupture du contrat, il convient de constater que la rupture du contrat de travail intervenue le 22 décembre 2017 constitue bien un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
- sur les conséquences de la rupture :
. rappel de salaire du 20 novembre au 22 décembre 2017
M. [C] [O] sollicite le paiement d'une somme correspondant à un salaire couvrant la période de travail allant du 20 novembre au 22 décembre 2017, calculée sur la base du salaire indiqué dans le contrat de travail daté du 17 novembre 2017, expliquant qu'il n'a pas été payé pour sa période travaillée.
La SASU STBH s'oppose au paiement de la somme demandée à ce titre, invoquant l'absence de contrat de travail.
Il résulte des développements qui précèdent que le contrat de travail daté du 17 novembre 2017 s'imposait aux parties.
La SASU STBH ne justifiant pas du versement du salaire pour la période travaillée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SASU STBH à verser à M. [C] [O] la somme de 1 606,36 euros brut, outre 160,64 euros pour les congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, sauf à préciser que ces sommes correspondent non pas au salaire d'août 2017 mais à celui couvrant la période allant du 20 novembre au 22 décembre 2017.
Le jugement entrepris sera infirmé sur cette seule précision.
. indemnité compensatrice de préavis
Selon l'article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.
En outre aux termes de l'article L 1234-5 du même code, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
M. [C] [O] sollicite une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux jours de travail, durée qui n'est pas discutée par l'employeur.
La rupture de la relation de travail s'analysant comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de faire droit à la demande formée par M. [C] [O] et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SASU STBH à lui verser 137,76 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 13,78 euros bruts pour les congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande.
. dommages et intérêts pour licenciement abusif
En application de l'alinéa 2 de l'article L 1235-3 du code du travail, les salariés ayant fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse par une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés se voient octroyés par le juge une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est limité, pour une ancienneté d'un mois, à un mois de salaire brut au maximum.
En l'espèce, M. [C] [O] ne fait pas état d'éléments de situation personnelle. Toutefois, compte tenu de son âge au moment de la rupture (49 ans), et de sa situation précaire à cette époque (en exécution de peine sous bracelet électronique), il convient de fixer le montant des dommages et intérêts à la somme de 800 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé sur le montant des dommages et intérêts alloués, et la SASU STBH condamnée à payer à M. [C] [O] la somme de 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 17 janvier 2019.
. production des documents de fin de contrat
Conformément aux dispositions prévues aux articles R 1234-9 du code du travail (attestation Pôle emploi), aux articles L 1234-19 et D 1234-6 (certificat de travail), L 1234-20 et D 1234-7 et suivants (solde de tout compte) et aux articles L 3243-1 et suivants et R 3243-1 du code du travail (bulletins de paye), il sera ordonné à la SASU STBH de produire à M. [C] [O] les bulletins de salaire rectifiés des mois concernés par les dispositions de cet arrêt (novembre et décembre 2017), outre le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation destinée à Pôle emploi, et ce dans le délai d'un mois suivant la date du présent arrêt, et sans qu'il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Sur la demande au titre du travail dissimulé
L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L 8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche (1°), soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent (2°), soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
M. [C] [O] indique que l'absence de déclaration préalable à l'embauche (DPE), l'absence de versement d'une rémunération et l'absence de fiche de paie caractérisent l'intention de la part de l'employeur de dissimuler l'activité salariée de M. [C] [O].
La SASU STBH conteste l'existence d'un travail dissimulé, compte tenu de l'existence d'un contrat de travail, si celle-ci est démontrée.
Les éléments versés aux débats, et notamment le mail adressé par M. [I] [H] à la conseillère d'insertion et de probation suivant M. [C] [O] en date du 3 janvier 2018 montrant que l'employeur estime que l'essai de M. [C] [O] n'est pas concluant, et le fait que la SASU STBH n'a jamais employé de salarié, M. [I] [H] -associé unique de la SASU STBH- indiquant sans être contesté avoir toujours travaillé seul, établissent que le représentant de la SASU STBH connaissait mal les formalités d'embauche et les conditions pour conclure un essai professionnel et un contrat de travail.
Dans ces conditions, l'absence de DPE, l'absence de versement de toute rémunération et d'établissement de fiches de salaire ne sont pas suffisantes pour démontrer l'intention de l'employeur de dissimuler une activité salariée.
En conséquence, le travail dissimulé n'est pas établi, et le jugement querellé sera infirmé sur ce point, M. [O] devant être débouté de sa demande d'indemnité à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens de première instance. La SASU STBH qui succombe, sera condamnée en outre aux dépens d'appel.
La SASU STBH sera enfin condamnée à payer à M. [C] [O], compte tenu de l'équité, la somme de 1250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, couvrant les frais non compris dans le dépens engagés par M. [O] dans le cadre de cette procédure tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf :
- en ce qu'il a condamné la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat à payer à M. [C] [O] :
- 1 606,36 euros bruts au titre du salaire d'août 2017, outre 160,64 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 1 492,43 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
- 8 954,58 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
- 1 250,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- en ce qu'il a ordonné à la société employeur de délivrer à M. [O] les documents suivants, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement: reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation destinée à Pôle emploi, bulletins de salaire des mois de novembre et décembre 2017, et ce en se réservant la liquidation de l'astreinte ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Condamne la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat à payer à M. [C] [O] la somme de 1 606,36 euros brut au titre du salaire de novembre et décembre 2017, outre 160,64 euros brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande du 15 mars 2018 ;
Condamne la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat à payer à M. [C] [O] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 17 janvier 2019 ;
Déboute M. [C] [O] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;
Ordonne à la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat de produire à M.[C] [O] les bulletins de salaire des mois concernés par les dispositions de cet arrêt (novembre et décembre 2017), outre le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation destinée à Pôle emploi, et ce dans le délai d'un mois suivant la date du présent arrêt, et sans qu'il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte ;
Condamne la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat à payer à M. [C] [O] la somme de 1250,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais non compris dans le dépens engagés par M. [O] tant en première instance qu'en appel ;
Condamne la SASU Société de Travaux du Bâtiment et Habitat aux dépens d'appel et de première instance.
La Greffière, La Présidente de chambre,