RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/01276 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FJ25
Minute n° 23/00019
Syndic. de copro. DE L'IMMEUBLE [Adresse 6]
C/
S.A.S. BEA INGENIERIE, S.A. BOUYGUES IMMOBILIER
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 08 Janvier 2020, enregistrée sous le n° 19/02206
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT AVANT DIRE DROIT
DU 24 JANVIER 2023
APPELANTE :
Syndicicat des copropriétaites de L'IMMEUBLE [Adresse 6] Représenté par son Syndic, la SAS FONCIA IMMOBILIERE CHARLEMAGNE, elle-même représentée par son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
S.A.S. BEA INGENIERIE, représentée par son représentant légal,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me François RIGO, avocat postulant au barreau de METZ
et par la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT, avocats plaidants au barreau de REIMS
S.A.S BOUYGUES IMMOBILIER Représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Matthieu RAOUL, avocat plaidant au barreau de PARIS
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 14 Juin 2022 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 24 Janvier 2023 en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR:
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Au cours des années 2012 à 2014 la SA Bouygues Immobilier en qualité de maître de l'ouvrage, a fait édifier un ensemble immobilier à usage d'habitation composé de 2 immeubles en R+6 regroupant 92 logements vendus en l'état futur d'achèvement, sur un terrain sis [Adresse 7] à [Localité 4].
Sont notamment intervenus à l'opération :
le cabinet d'architectes Denu et Paradon en qualité de maître d''uvre de conception architecturale,
la SAS BEA Ingénierie en qualité de maître d''uvre d'exécution,
la société Le Sanitaire Français titulaire du lot n°9 chauffage-ventilation.
La réception des travaux a été prononcée à effet du 22 avril 2014 avec réserves sans rapport avec le présent litige.
La livraison des parties communes au syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, est intervenue en trois étapes, de mai à juillet 2014.
Alléguant une non-conformité de l'ouvrage au contrat, à savoir la non réalisation d'un chauffage urbain individuel, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] a sollicité et obtenu auprès du juge des référés l'organisation d'une expertise, confiée à M. [C] par ordonnance du 7 juin 2016. L'expert a déposé son rapport le 25 janvier 2019.
Par acte du 28 août 2019, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] a assigné à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Metz, et sur autorisation de son président, la SA Bouygues Immobilier et la SAS BEA Ingénierie, en se prévalant des conclusions du rapport d'expertise et de l'absence de réalisation d'un chauffage individuel, et en soutenant que la société Bouygues Immobilier était bien redevable vis à vis de lui de cette prestation, et que de son côté le BEA Ingénierie avait commis une faute en ne s'assurant pas du respect, par l'entreprise chargée du lot chauffage-ventilation, des préconisations du CCTP lesquelles prévoyaient des équipements et raccords correspondant à l'installation de compteurs individuels. Le syndicat mettait dès lors en compte diverses sommes au titre du coût des travaux de pose de compteurs, du coût de location des compteurs ISTA actuellement en place, de l'indemnité pour résiliation anticipée qu'il conviendrait de verser à la société ISTA,
Par jugement du 08 janvier 2020 le Tribunal Judiciaire de Metz a :
Déclaré irrecevables comme étant forcloses les demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son syndic,à l'encontre de la SA Bouygues Immobilier,
Débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son syndic, de ses demandes à l'encontre de la SA BEA Ingénierie,
Condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son syndic, à payer à la SA Bouygues Immobilier la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son syndic, à payer à la SAS BEA Ingénierie la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son syndic, aux dépens, y compris les frais d'expertise,
Rappelé que la distraction prévue à l'article 699 du code de procédure civile n'existe pas en Alsace Moselle qui connaît, en application des articles 103 à 107 du code local de procédure civile resté en vigueur, une procédure spécifique de taxation des dépens,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que le défaut de conformité constitué par l'absence de compteurs individuels de chauffage était visible lors de la livraison de sorte que les articles 1662-1 et 1648 alinéa 2 du code civil trouvaient à s'appliquer, que l'introduction d'un référé-expertise n'avait suspendu le délai de forclusion que pour la durée de la procédure et que ce délai avait recommencé à courir après le prononcé de l'ordonnance de référé, de sorte que le délai de forclusion d'un an prévu à l'article 1648 précité était expiré lors de l'introduction de la procédure au fond.
Quant à la demande du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société BEA Ingénierie, le tribunal a observé que si les acquéreurs disposent des actions transmises par leur vendeur à l'encontre des constructeurs, nul ne peut transmettre plus de droit qu'il n'en a . Or le tribunal a relevé que le défaut de conformité était apparent lors de la réception des lots, effectuée le 22 avril 2014 sans réserve de la part du maître de l'ouvrage, ce qui avait couvert les vices et défauts de conformité apparents.
Par déclaration du 24 juillet 2020 le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
Déclaré irrecevables comme étant forcloses les demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son syndic,à l'encontre de la SA Bouygues Immobilier,
rejeté les demandes formées à l'encontre de la SAS BEA Ingénierie, lesquelles tendaient à leur condamnation solidaire ou in solidum au paiement des sommes de 37.077,90 € au titre du coût des travaux avec indexation, 28.877,54 € au titre de la location des compteurs outre 64.800 € au titre des six années écoulées depuis le dépôt du rapport d'expertise avec intérêts légaux à compter de l'assignation, 54.000 € au titre du préjudice complémentaire individuel, 23.535 € au titre de l'indemnité de résiliation anticipée et 12.000 € au titre de l'article 700 du CPC outre les dépens y compris ceux de la procédure de référé.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions du 09 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], demande à voir :
« Recevoir le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son Syndic, en son appel et le dire bien fondé.
lnfirmer le jugement entrepris.
Et statuant à nouveau,
Vu l'ordonnance sur incident du 11 octobre 2021 qui n'a pas été déférée à la Cour,
Déclarer irrecevable la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6]
Subsidiairement, la rejeter et la dire mal fondée.
Recevoir le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble NOUVEL R, représenté par son syndic, en son appel et le dire bien fondé.
Infirmer le jugement entrepris.
Et statuant à nouveau,
Rejeter le moyen tiré de la forclusion de l'action du Syndicat des Copropriétaires de l'lmmeuble [Adresse 6].
En conséquence,
Déclarer le Syndicat des Copropriétaires de l'lmmeuble [Adresse 6] représenté par son syndic, recevable en ses demandes.
Les dire également bien fondées.
Et, ce fait,
Condamner solidairement et subsidiairement in solidum la SA Bouygues Immobilier et la SAS BEA Ingénierie à payer au Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] représenté par son syndic, les sommes suivantes :
37.077,90 € au titre du coût de travaux de réalisation d'un chauffage individuel, somme indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction valeur février 2018,
38.877,54 € au titre du coût de la location des compteurs lSTA depuis 2014,
75.600 € au titre du préjudice complémentaire individuel des copropriétaires,
14.121 € au titre de l'indemnité de résiliation anticipée du contrat conclu avec la Société ISTA.
Condamner solidairement et subsidiairement in solidum la SA Bouygues Immobilier et la SAS BEA Ingénierie en tous les frais et dépens de 1ere instance, en ce compris ceux de la procédure de référé I 16/00201 et les frais d'expertise, et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ».
Le syndicat des copropriétaires fait valoir en substance, sur son action à l'encontre de la société Bouygues, que celle-ci ne se heurte à aucune forclusion dès lors qu'il ne se prévaut pas d'un défaut de conformité de la chose vendue mais d'un défaut de livraison d'un élément de la chose vendue.
Subsidiairement il fait valoir que c'est en raison de l'absence d'une liaison « BUS » que la pose de compteurs individuels UEM n'a pas été possible, et qu'il s'agissait là d'un défaut de conformité qui lui était caché. Il se réfère en cela aux conclusions de l'expert, lequel relève l'absence de tubages et de liaison BUS dans des éléments internes des parties communes.
Il ajoute encore qu'un défaut de conformité ne peut être considéré comme apparent que si l'acheteur est en mesure d'en évaluer l'ampleur et les conséquences, ce qui n'était pas le cas puisqu'il n'était pas en mesure de connaître l'absence de liaison BUS.
Il fait encore valoir que le cours de la prescription a été suspendu pendant la durée des opérations d'expertise de sorte que le tribunal a violé l'article 2239 du code civil en considérant que son action était forclose, et soutient également que l'action en responsabilité contractuelle que l'acquéreur d'un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement peut engager à l'encontre du vendeur pour obtenir réparation des défauts de conformité apparents se prescrit par 5 ans à compter de la manifestation du dommage.
S'agissant de l'argument selon lequel le syndicat des copropriétaires serait dépourvu de qualité à agir, l'appelant fait valoir que cet argument a été écarté par le conseiller de la mise en état, sans que l'ordonnance rendue ait fait l'objet d'un déféré.
Quant à son action à l'encontre de la SAS BEA Ingénierie, aujourd'hui Pingat aménagement et bâtiment, le syndicat des copropriétaires fait valoir que cette société est intervenue en cours de chantier pour demander à l'entreprise titulaire du lot chauffage, de mettre en place la liaison « BUS » permettant de relier les compteurs individuels au local sous-station, que cette prestation n'a pas été effectuée mais a néanmoins été facturée, que la société BEA Ingénierie a établi et vérifié le décompte général et définitif intégrant cette liaison BUS de sorte que la société Bouygues s'est vue facturer une prestation dont elle pouvait légitimement penser qu'elle avait été réalisée.
Le syndicat des copropriétaires en conclut qu'à la date de la réception la société Bouygues ignorait l'absence de liaison BUS et disposait donc d'une action contre le BEA Ingénierie, de sorte que le syndicat des copropriétaires qui vient aux droits du maître de l'ouvrage, dispose de cette action.
Le syndicat des copropriétaires met ensuite en compte le coût de la location des compteurs ISTA jusqu'en 2021, cette location ayant été rendue nécessaire par l'absence des compteurs initialement prévus.
Il se prévaut ensuite du préjudice complémentaire individuel des copropriétaires, dès lors que la pose des compteurs individuels ISTA provoque une consommation supérieure à celle des compteurs UEM de l'ordre de 10 %, et que les copropriétaires supportent diverses tracasseries à raison de la répartition des frais de chauffage, notamment en cas de location.
Il met enfin en compte l'indemnité de résiliation anticipée qu'il sera forcé de régler à la société ISTA en cas de résiliation du contrat passé avec cette société.
Selon ses dernières conclusions du 09 février 2022 la SAS Bouygues Immobilier conclut à voir, au visa des articles 1642-1 et 1648 du code civil, 14 de la loi du 10 juillet 1965, 1101 et suivants et 1231-1 du code civil, 122 du code de procédure civile :
« A titre principal :
Juger et déclarer le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] irrecevable et subsidiairement mal-fondé en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes,
Confirmer en particulier le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que les demandes du syndicat des copropriétaires se heurtent à la forclusion visée à l'article 1648 alinéa 2 du Code civil,
En conséquence,
Débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire.
Juger et déclarer le syndicat des copropriétaires mal fondé en ses demandes tant dans leur principe qu'à titre plus subsidiaire dans leur quantum,
En conséquence,
Débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
A titre plus subsidiaire.
Si par extraordinaire une condamnation était prononcée à l'encontre de la société Bouygues Immobilier sur le fondement des demandes principales formulées par le syndicat des copropriétaires,
Juger et déclarer la société BEA Ingénierie responsable de la survenance des dommages et préjudices allégués,
En conséquence,
Condamner la société BEA Ingénierie à relever et garantir indemne la société Bouygues Immobilier des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en principal, intérêts, dommages et intérêts, article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens comprenant les frais d'expertise,
Rejeter l'appel incident de la société BEA Ingénierie, le dire mal fondé.
En tout état de cause
Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], ou à défaut la société BEA Ingénierie, à payer à la société Bouygues Immobilier la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner également le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], ou à défaut la société BEA Ingénierie, aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise »
La SAS Bouygues Immobilier maintient que l'action du syndicat des copropriétaires est forclose dès lors qu'il se prévaut d'un défaut de conformité apparent relevant des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil. Elle considère, en prenant comme référence la date de la dernière livraison des parties communes soit juillet 2014, que le syndicat des copropriétaires devait intenter son action au plus tard en août 2015.
Elle ajoute qu'en présence d'un défaut de conformité apparent, l'acquéreur ne peut prétendre agir à l'encontre du vendeur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, exclue en pareille hypothèse.
Elle fait valoir en outre que sa responsabilité contractuelle de droit commun ne pourrait être engagée qu'en cas de faute prouvée, alors qu'aucune faute ne lui est imputable en l'espèce, dès lors qu'elle n'assumait aucun rôle technique dans la définition, la conduite ou la surveillance des travaux, et s'était adjoint un maître d''uvre, le BEA Ingénierie, qui avait notamment pour mission de l'assister dans la réception de l'ouvrage. Elle en conclut que seule la responsabilité du maître d''uvre pourrait être recherchée.
En outre elle conteste l'existence d'une non-conformité aux stipulations contractuelles, en faisant valoir qu'elle n'est engagée vis à vis des acquéreurs que par les termes de la notice descriptive annexée aux actes de vente, et que cette notice ne prévoyait pas un chauffage individuel mais un chauffage collectif, ainsi que la possibilité éventuelle d'installer ultérieurement des compteurs individuels, ce qui s'est avéré possible eu égard à la pose des compteurs ISTA.
Elle considère qu'au regard de cette notice, seule l'absence d'installation de manchettes, telle que relevée par l'expert, pourrait lui être reprochée, mais que la mise en 'uvre de compteurs individuels ne relevait pas des prestations contractuellement dues. En revanche elle considère que le syndicat des copropriétaires ne peut se prévaloir des clauses du CCTP, qui ne constitue pas un document contractuel dans ses rapports avec le vendeur.
Elle fait encore valoir que, contrairement aux stipulations figurant dans les actes de vente, les copropriétaires, non plus que le syndicat, n'ont pas notifié au vendeur par courrier recommandé, dans le mois suivant la livraison, leurs contestations relatives à la conformité du bien livré.
Elle conteste enfin les montants mis en compte, observant qu'il pourrait tout au plus être mis à sa charge le coût de l'installation des manchettes manquantes, mais qu'en revanche l'expert a chiffré le coût des travaux nécessaires en se référant aux mentions figurant au CCTP alors que celles-ci n'ont pas valeur contractuelle dans ses rapports avec le syndicat des copropriétaires. Ainsi, elle conteste toute prise en charge du coût de location des compteurs ISTA, dès lors que la fourniture de compteurs ne faisait pas partie des prestations contractuellement mises à sa charge.
Enfin elle fait valoir que la somme globale de 75.000 € n'est pas explicitée et que les « tracasseries » alléguées ne concernent manifestement pas tous les copropriétaires. Elle conteste de même la somme mise en compte au titre de l'indemnité de résiliation anticipée qui serait à verser à la société ISTA.
Subsidiairement la société Bouygues Immobiliser s'estime fondée à appeler en garantie la SAS BEA Ingénierie, qui en sa qualité de maître d''uvre était en charge de la conception technique des ouvrages, et devait en cette qualité contrôler la conformité au CCTP mais également à la notice descriptive, des travaux effectués par l'entreprise titulaire du lot chauffage, et émettre des réserves lors de la réception, ce qu'elle n'a pas fait.
Par ses dernières conclusions du 11 mars 2022 la SAS BEA Ingénierie demande à la cour, au visa des articles 1642-1 et 1648 du code civil, 1101 et suivants et 1231 du code civil, de :
« Juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par le Syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 6] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz en date du 8 janvier 2020.
le rejeter
Confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions relatives à la société Pingat Aménagement et Bâtiment (PAB) venant aux droits de la société BEA Ingénierie.
Ainsi,
Juger le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] mal fondé en ses demandes à l'encontre de la société Pingat aménagement et bâtiment (PAB) venant aux droits de la société BEA Ingénierie, lesquelles visent une non-conformité non réservée à réception et non dénoncée dans le délai d'un an suivant la livraison de l'ouvrage.
En tout état de cause,
Débouter le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] tendant à voir consacrer la responsabilité de la société Pingat aménagement et bâtiment (PAB) venant aux droits de la société BEA Ingénierie du fait de l'absence d'installation de système de comptages individuels de chauffage dans les 92 logements des deux bâtiments constituant la copropriété.
Juger que les travaux en question n'étaient pas dus aux termes de la notice descriptive annexée aux différents actes authentiques de vente en l'état futur d'achèvement des appartements, de sorte qu'aucune non-conformité ne peut être invoquée.
Débouter la société Bouygues Immobilier de son appel en garantie dirigé à l'encontre de la société Pingat aménagement et bâtiment (PAB) venant aux droits de la société BEA Ingénierie.
Juger que la société Bouygues Immobilier a réceptionné, sans réserve, les travaux réalisés par la société Le sanitaire français, alors qu'elle avait été informée à plusieurs reprises de la non-réalisation de certains travaux par la société Le sanitaire français et que la non-conformité des travaux par rapport au CCTP et au marché de l'entreprise était parfaitement apparente pour un Maître d'ouvrage sachant comme l'est la Bouygues Immobilier.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où, par impossible, la cour retiendrait la responsabilité de la société Pingat aménagement et bâtiment (PAB) venant aux droits de la société BEA Ingénierie
Juger la société Pingat aménagement et bâtiment (PAB) venant aux droits de la société BEA Ingénierie recevable et bien fondée à s'entendre condamner la société Bouygues Immobilier, à la relever indemne et la garantir intégralement des condamnations mises à sa charge, au profit du Syndicat des copropriétaires.
Juger que, dans l'hypothèse où la cour retiendrait une non-conformité des travaux par rapport à la notice technique annexée au contrat de vente, le Syndicat des copropriétaires ne pourrait prétendre qu'à la prise en charge du coût des travaux de mise en place des manchettes non-réalisées, chiffrée à 11. 071,20 € à l'exclusion de toute autre prestation.
Juger, en tout état de cause, que le coût de la maîtrise d''uvre des travaux de réparation ne saurait être supérieur à un taux de 10% du montant des travaux, les demandes formulées de ce chef par le Maître d'ouvrage étant manifestement excessives.
Juger le Syndicat des copropriétaires irrecevable à solliciter, pour le compte de certains copropriétaires, un préjudice financier lié à l'obligation où ils se sont trouvés de souscrire un contrat en leur nom et de refacturer les frais de chauffage aux locataires, préjudice qui n'est établi ni dans son principe, ni dans son montant.
Débouter le Syndicat des copropriétaires de sa demande tendant à la prise en charge des frais de location des compteurs individuels, installés à son initiative par la société ISTA, à hauteur d'une somme 38.877,54 €.
Débouter le Syndicat des copropriétaires de sa demande complémentaire à hauteur de 75.600 €, qui n'est ni expliquée, ni justifiée.
Débouter également le Syndicat des copropriétaires de sa demande en paiement d'une somme de 14.121€ au titre de la résiliation du contrat, par lui, souscrit auprès de la société ISTA.
Rejeter ou en tout état de cause, ramener à de beaucoup plus justes proportions, les frais irrépétibles dont le Syndicat des copropriétaires sollicite réparation.
Condamner le Syndicat des copropriétaires, ou tout autre succombant, à payer la société Pingat aménagement et bâtiment (PAB) venant aux droits de la société BEA Ingénierie, une somme complémentaire à celle prononcée en première instance de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ».
La SAS Pingat Amenagement et Bâtiment (P.A.B.) indique qu'elle vient aux droits de la société BEA Ingénierie.
Elle reprend à son bénéfice l'argumentation de la société Bouygues concernant l'irrecevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires à raison de la forclusion et conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Quant à sa responsabilité, elle soutient également qu'il n'existe aucune non-conformité à la notice descriptive ayant valeur contractuelle, et que le syndicat des copropriétaires est mal fondé à se prévaloir des clauses du CCTP qui n'ont pas valeur contractuelle entre lui-même et le vendeur.
Elle soutient en tout état de cause que la notice ne prévoyait que la possibilité d'installer des compteurs individuels, et non la fourniture de ceux-ci, le choix des compteurs appartenant à la copropriété qui a fait poser des compteurs ISTA.
Elle estime n'avoir commis aucune faute, et souligne que les documents contractuels établis avec la société Bouygues démontrent que cette dernière conservait la maîtrise du projet et des prescriptions techniques à mettre en 'uvre, et qu'en outre un avenant du 31 juillet 2014 l'a déchargée de certaines de ses missions et notamment partiellement des missions relatives à la réception de l'ouvrage.
Elle soutient également que les plans qu'elle a réalisés l'ont bien été sur la base des plans de vente et de la notice technique établie par le maître de l'ouvrage, lequel a participé à la réunion du 19 juillet 2013 ayant pour objet la relance des entreprises pour les prestations non réalisées et notamment le câblage BUS, de sorte que la société Bouygues était saisie de la difficulté et porte seule la responsabilité du choix final qu'elle a fait, et de l'absence de réserves sur ce point à la réception.
Enfin elle critique les différentes sommes mises en compte, qu'elle estime non justifiées au regard du seul préjudice du syndicat des copropriétaires, ou excessives dans leur montant.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Le syndicat des copropriétaires entend poursuivre la responsabilité du maître d''uvre, à l'époque la SAS BEA Ingénierie, en se prévalant de la faute qu'aurait commise celui-ci vis à vis du maître de l'ouvrage tout en n'en précisant pas la nature dans ses conclusions.
Aussi, le syndicat des copropriétaires est invité par décision avant dire droit à préciser la nature de la faute commise par le maître d''uvre dont il se prévaut, au regard des obligations de celui-ci vis à vis du maître de l'ouvrage.
Quant à la nature du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires du fait de la faute alléguée à l'encontre de la SAS BEA Ingénierie, et en application des articles 12 et 16 du code de procédure civile, les parties sont invitées à se prononcer sur l'existence, pour le syndicat des copropriétaires, d'une perte de chance de voir réaliser les travaux relatifs aux compteurs, à raison de la faute imputée au maître d''uvre.
Le cas échéant le syndicat des copropriétaires est invité à chiffrer cette perte de chance.
Le syndicat des copropriétaires est en outre invité à produire les devis de travaux fournis à l'expert et en particulier le devis de la société PM Electricité.
Enfin et bien que les dernières conclusions soient en leur première page au nom de la SAS BEA Ingénierie, il est indiqué qu'à l'heure actuelle la SAS Pingat Aménagement et Bâtiment vient aux droit de cette société, l'ensemble des demandes étant formulé au bénéfice de la société Pingat Aménagement et Bâtiment.
L'extrait du registre du commerce versé aux débats ne comporte cependant aucune mention faisant preuve de ce que l'une des sociétés vient aux droits de l'autre, le cas échéant à raison d'un simple changement de nom qui ne ressort pas du document produit.
La SAS P.A.B. est donc invités à s'expliquer sur ce point, à fournir toute précision ou justificatif le cas échéant, et à prendre des conclusions ultérieures en son nom.
Il convient donc d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture et de prévoir un calendrier de procédure afin qu'il soit répondu aux différentes questions soulevées par la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Avant dire droit,
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats,
Invite le syndicat des copropriétaires à préciser la nature de la faute commise par le maître d''uvre dont il se prévaut, au regard des obligations de celui-ci vis à vis du maître de l'ouvrage,
Invite les parties à se prononcer sur l'existence, pour le syndicat des copropriétaires, d'une perte de chance de voir réaliser les travaux relatifs aux compteurs, à raison de la faute imputée au maître d''uvre.
Invite le syndicat des copropriétaires à chiffrer cette perte de chance,
Invite le syndicat des copropriétaires à produire aux débats les devis de travaux fournis à l'expert et en particulier le devis de la société PM Electricité
Invite la SAS Pingat Aménagement et Bâtiment à s'expliquer sur les observations formulées par la cour et à produire tout document justifiant de ce qu'elle vient aux droits de la société BEA Ingénierie,
Dit que les parties devront conclure selon le calendrier de procédure suivant :
les conclusions du syndicat des copropriétaires sont à déposer avant le 28 mars 2023,
les conclusions de la SAS Pingat Aménagement et Bâtiment, anciennement BEA Ingénierie, et de la SAS Bouygues Immobilier, sont à déposer avant 20 mai 2023
Renvoie l'affaire à l'audience de clôture du 08 Juin 2023 et de plaidoirie du 12 septembre 2023
La greffière La Présidente de chambre