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19/01/2023 | FRANCE | N°21/02680

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 19 janvier 2023, 21/02680


Arrêt n° 23/00008



19 Janvier 2023

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N° RG 21/02680 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTUQ

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Pole social du TJ de METZ

24 Septembre 2021

21/00086

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



dix neuf Janvier deux mille vingt trois



APPELANT :



Monsieur [L] [E]

boucher-charcutier en retraite a

yant exploté à l'enseigne boucherie-charcuterie [E]

[Adresse 1]

[Localité 7]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Philippe DAVID, avocat au barreau de METZ



INTIMÉES :



Madame [U] [W...

Arrêt n° 23/00008

19 Janvier 2023

---------------

N° RG 21/02680 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTUQ

------------------

Pole social du TJ de METZ

24 Septembre 2021

21/00086

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

dix neuf Janvier deux mille vingt trois

APPELANT :

Monsieur [L] [E]

boucher-charcutier en retraite ayant exploté à l'enseigne boucherie-charcuterie [E]

[Adresse 1]

[Localité 7]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Philippe DAVID, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

Madame [U] [W]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me David PAWLIK, avocat au barreau de METZ

CPAM DE LA MOSELLE

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par M. [P], muni d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 28 novembre 2014, Madame [U] [W] , Aide laboratoire de la boucherie- charcuterie [E] exploité par Monsieur [L] [E] sous le n° siret [N° SIREN/SIRET 5], a été victime d'une chute sur son lieu de travail lui ayant occasionné un traumatisme à l'épaule droite.

Le 9 décembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle a reconnu le caractère professionnel de l'accident.

Le médecin-conseil a fixé la consolidation des lésions de l'assurée au 19 juin 2016 et la caisse lui a alloué une indemnité en capital de 1 952,33 euros à compter du 20 juin 2016, compte tenu de son taux d'incapacité permanente fixé à 5%.

Le 5 juin 2018, Madame [U] [W] a attrait Monsieur [L] [E] exploitant l'enseigne Boucherie - Charcuterie [E] devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur et et d'obtenir les indemnités qui en découlent.

Par jugement du 24 septembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent:

- a dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [W] , le 28 novembre 2014, est dû à la faute inexcusable de son employeur, Monsieur [L] [E], exploitant de l'enseigne Boucherie-Charcuterie [E];

- a ordonné la majoration maximale de l'indemnité en capital allouée à Madame [U] [W], soit la somme de 1 952,33 euros et a dit que cette majoration lui sera versée par la CPAM de Moselle;

- a condamné Monsieur [L] [E], exploitant l'enseigne Boucherie- Charcuterie [E] à payer à Madame [U] [W], à ce stade de la procédure la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

avant dire droit, sur les préjudices personnels de Madame [U] [W],

- a ordonné une expertise médicale judiciaire confiée au docteur [J] [X] aux fins de déterminer les préjudices subis au titre des souffrances physiques et morale, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément après consolidation, , du déficit fonctionnel temporaire, des besoins en assistance par une tierce personne avant consolidation, du préjudice sexuel et des frais d'aménagement du logement et du véhicule,

- a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Monsieur [L] [E], exploitant à l'enseigne Boucherie Charcuterie [E], a , le 3 novembre 2021, interjeté appel dudit jugement qui lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2021.

Par conclusions récapitulatives du 27 octobre 2022, verbalement développées à l'audience de plaidoirie par son conseil, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Madame [U] [W] de l'intégralité de ses demandes.

Par conclusions du 27 septembre 2022, verbalement développées à l'audience de plaidoirie par son conseil, Madame [U] [W] demande à la cour de débouter Monsieur [L] [E] de ses demandes contraires et de le condamner à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 15 novembre 2022, verbalement développées à l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à Monsieur [E], de fixer la majoration de l'indemnité en capital dans la limite de la somme de 1 952,33 euros, de lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à la désignation d'un expert pour déterminer l'étendue des préjudices extra-patrimoniaux de Madame [U] [W], de condamner Monsieur [L] [E] à lui rembourser les sommes qu'elle sera tenue d'avancer dans le cadre de ladite expertise, de rejeter la demande d'indemnisation relative au déficit fonctionnel temporaire, au préjudice d'agrément, au préjudice sexuel éventuel et aux frais d'adaptation du logement et du véhicule, ces frais étant couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale, de condamner Monsieur [L] [E] à lui rembourser les sommes qu'elle sera tenue de verser à Madame [U] [W] au titre des préjudices extra-patrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale et de rejeter toute éventuelle demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident de Madame [U] [W].

Sur ce :

Monsieur [L] [E] fait valoir que la salariée était bien munie de chaussures de sécurité anti-dérapantes au moment de sa chute, ce qu'il a déjà affirmé dans ses conclusions de première instance, que les consignes de sécurité ressortent tant du contrat de travail de l'intéressée que des affichages dans la boucherie.

Madame [U] [W] fait valoir que depuis le début de son activité, elle portait des sabots personnels ,l'employeur n'en ayant jamais fourni. L'absence de semelles anti dérapantes expliquent sa chute sur le carrelage au moment de son nettoyage à grande eau. Elle souligne que l'absence de fourniture de chaussures antidérapantes par l'employeur constitue une faute inexcusable, responsable de sa chute. Elle expose que Monsieur [E] tente veinement pour la première fois en appel de faire croire qu'elle portait des chaussures antidérapantes.

*************************

L'article L 451-1 du code de la sécurité sociale édicte que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat.

Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la sécurité physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et la mise en place d'une organisation adaptée.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article

L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La conscience du danger doit être appréciée objectivement par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée.

La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime.

En l'espèce, il est constant que Madame [U] [W] qui était employée par Monsieur [E] en qualité d'aide laboratoire, a , le 28 novembre 2014, glissé sur le sol de l'atelier qu'elle lavait à grande eau pour procéder à son nettoyage, à la fin de l'activité traiteur.

ll est constant qu'au regard de ses fonctions,Madame [U] [W] pouvait être amenée à travailler sur un sol glissant  de sorte que l'employeur avait conscience du risque de chute et il convient de rechercher s 'il a pris les mesures de sécurité et de protection nécessaires pour éviter ce risque.

A ce titre, Madame [U] [W] expose que l'accident s'est produit parce que les sabots qu'elle portait, qui était ses sabots personnels, ne disposaient pas de semelles antidérapantes.

L'employeur , expose que la pratique au sein de l'entreprise était de laisser les salariés faire eux-mêmes l'acquisition du matériel de sécurité, notamment les chaussures antidérapantes et de les rembourser «  dans la foulée », chaque salarié étant le plus à même de déterminer si la chaussure correspondait bien à sa morphologie et si son système antidérapant s'avérait efficace.

S'il produit des attestations de salariés établissant cette pratique au sein de l'entreprise, force est de constater que celle-ci ne lui permettait pas d'avoir la maîtrise des éléments de sécurité et de savoir si les employés se fournissaient bien, en temps voulu, en équipement adéquats .

Si le salarié, Monsieur [B] [N] atteste que Madame [W] portait bien des chaussures de sécurité au moment de son accident, il apparaît qu'il lie ses déclarations à ce titre à cette pratique. Il ne ressort en effet nullement des deux attestations qu'il a rédigées, qu'il a assisté personnellement à la chute de Madame [U] [W]. S'il désigne Monsieur [C] et Monsieur [Y] comme ayant été présents au moment de l'accident, force est de constater que les témoignages rédigés par ces derniers se bornent à confirmer la pratique décrite par l'employeur concernant les équipements de sécurité.

Par ailleurs si M. [E] produit des extraits des grands-livres des comptes généraux établissant qu'il a réglés des factures de chaussures de travail, ces pièces ne permettent pas de les rattacher au cas précis de Madame [W] et d'établir qu'au jour de l'accident, Madame [W] disposait bien de chaussures antidérapantes.

Au vu de ces éléments et dès lors qu'il n'est pas contesté que la chute de Madame [W] s'explique par le fait que le sol était glissant, la preuve est rapportée de ce qu'elle ne portait pas de chaussures antidérapantes au moment de l'accident et il peut ainsi, être reproché à l'employeur de ne pas avoir veillé au fait que celle- ci dispose bien de chaussures antidérapantes et à leur utilisation effective.

Il convient dès lors de retenir que ces manquements de l'employeur tels qu'établis, tenant au risque connu de ce dernier, ont participé de façon certaine à l'accident dont Madame [U] [W] a été la victime.

Le jugement entrepris qui a dit que l'accident est du à la faute inexcusable de Monsieur [E], est confirmé. Les autres dispositions qu'il tranche , en l'absence de toutes critiques, sont également confirmées

L'issue du litige conduit la cour à condamner Monsieur [E] aux dépens d'appel et à payer à Madame [U] [W] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris du 24 septembre 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de METZ.

CONDAMNE Monsieur [L] [E] à payer à Madame [U] [W] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [L] [E] aux dépens d'appel.

ORDONNE le retour du dossier au greffe de la juridiction de première instance pour la poursuite de la procédure sur les points non jugés.( fixation des préjudices extrapatrimoniaux, action récursoire de la caisse en tant qu'elle porte sur la majoration de l'indemnité en capital).

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 21/02680
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.02680 ?
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