La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2023 | FRANCE | N°21/00971

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 17 janvier 2023, 21/00971


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/00971 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPIM

Minute n° 23/00009





[J]

C/

[L], S.A. COMPAGNIE AVIVA ASSURANCES, S.A.R.L. CARMECA









Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 09 Février 2021, enregistrée sous le n° 18/00647



COUR D'APPEL DE METZ



1èRE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 17 JA

NVIER 2023







APPELANT :



Monsieur [X] [J]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ







INTIMÉS :



Monsieur [M] [L] Es qualités de mandataire liquidateur ju...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/00971 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPIM

Minute n° 23/00009

[J]

C/

[L], S.A. COMPAGNIE AVIVA ASSURANCES, S.A.R.L. CARMECA

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 09 Février 2021, enregistrée sous le n° 18/00647

COUR D'APPEL DE METZ

1èRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 JANVIER 2023

APPELANT :

Monsieur [X] [J]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Monsieur [M] [L] Es qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société en liquidation judiciaire CARMECA.

[Adresse 3]

[Localité 5]

Non représenté

S.A. ABEILLE ASSURANCES anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES Représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

S.A.R.L. CARMECA Prise en la personne de son représentant légal.

Immatriculée au RCS de Sarreguemines.

[Adresse 2]

[Localité 6]

Non représentée

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 20 Octobre 2022 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 17 Janvier 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR:

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DUSSAUD,Conseillère

Mme DEVIGNOT, Conseillère

ARRÊT : Réputé contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [X] [J] est propriétaire d'un véhicule Golf. Le 29 août 2016, M. [J] a confié son véhicule pour travaux à la SARL Carmeca assurée auprès de la SA Aviva assurances.

Le 17 novembre 2016, le véhicule est tombé en panne lors d'opération d'essais sur route.

Le 24 novembre 2016, la SARL Carmeca a établi un devis pour la réparation du véhicule.

Par courrier du 08 février 2017, le gérant de la SARL Carmeca a contesté toute responsabilité dans le dommage subi par le véhicule de M. [J].

Une première expertise amiable a été réalisée par le cabinet Evol'Expertise et l'expert a déposé son rapport le 21 mars 2017.

Une seconde expertise amiable a été réalisée par le cabinet Moisan et l'expert a déposé son rapport le 23 mars 2017.

Par acte d'huissier en date du 28 mars 2018, M. [J] a fait assigner la SARL Carmeca devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 06 novembre 2018, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Sarreguemines a ordonné la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL Carmeca et a nommé M. [L] en qualité de liquidateur.

Par actes d'huissier en date du 18 février 2019, M. [J] a assigné en intervention forcée la compagnie Aviva Assurances et M. [L] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Carmeca.

Par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal judiciaire a réouvert les débats, invité le demandeur à justifier de la déclaration régulière de sa créance auprès de la liquidation judiciaire de la SARL Carmeca et a renvoyé le dossier à l'audience de plaidoirie du 08 décembre 2020.

Le 05 novembre 2020, le demandeur a justifié avoir déclaré sa créance auprès de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Carmeca par courrier recommandé réceptionné le 14 décembre 2018.

Par jugement du 09 février 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :

- débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné M. [J] aux entiers dépens ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 7000 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu dans un premier temps qu'il ne résultait d'aucun élément du dossier que la dégradation du moteur serait imputable à la SARL Carmeca et que les rapports d'expertise réalisés par le cabinet Moisan et Evol'Expertise exposent qu'il n'a pas été possible d'établir un lien de causalité entre la panne et l'intervention de la défenderesse puisque le dommage subi provient de l'absorption d'un corps étranger par l'admission, ce corps étranger pouvant être un écrou absent sur une vis non d'origine sur le collecteur d'admission.

Dans un second temps, le tribunal a retenu qu'en l'absence de preuve d'un lien de causalité entre l'intervention de la société Carmeca et le dommage subi par le véhicule, il apparaissait que la société n'avait pas commis de faute et que sa responsabilité ne pouvait donc être recherchée pour la dégradation du moteur.

Enfin, le tribunal a retenu que l'affirmation du demandeur selon laquelle le garage Carmeca aurait effectué une distance de près de 400 kilomètres avec son véhicule, à la supposer avérée, ne permettait pas de démontrer l'existence d'une faute du garage Carmeca.

Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour en date du 08 septembre 2022, M. [J] a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Sarreguemines aux fins d'annulation, en tout état de son infirmation en ce qu'il a :

- débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes tendant à fixer la créance de M. [J] à l'égard de la SARL Carmeca représentée par son mandataire judiciaire à la somme de 10 070,72 euros dont 7 430,72 euros au titre des réparations à effectuer, 2 640 euros au titre du trouble de jouissance majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande, condamner la compagnie Aviva assurances à verser à M. [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la compagnie Aviva assurances aux entiers frais et dépens, y compris les entiers frais d'expertise ;

- en ce qu'il a condamné M. [J] aux entiers dépens.

Par acte d'huissier de justice du 22 juillet 2021 M. [J] a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions justificatives d'appel à Me [L], ès qualités de liquidateur de la société Carmeca. Par acte d'huissier de justice du 27 juillet 2021 M. [J] a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions justificatives d'appel à la SARL Carmeca représentée par son gérant M. [U] [I].

Me [L], ès qualités de liquidateur de la société Carmeca, et la société Carmeca en liquidation judiciaire n'ont pas constitué avocat devant la cour d'appel.

Par conclusions déposées le 07 septembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l'appelant M. [J] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1927 et suivants du code civil,

Vu la jurisprudence précitée,

- faire droit à l'appel ;

- infirmer le jugement entrepris

- fixer la créance de M. [J] à l'égard de la SARL Carmeca prise en la personne de son liquidateur M. [L], représenté par son mandataire judiciaire à la somme de 10 070,72 euros dont :

- 7 430,72 euros au titre des réparations à effectuer ;

- 2 640 euros au titre du trouble de jouissance ;

- condamner in solidum M. [L], ès qualité de liquidateur de la SARL Carmeca et son assureur la SA Abeille assurance anciennement dénommée société Aviva au paiement de la somme de 10 070,72 euros (comprenant 7 430,72 euros au titre des réparations à effectuer et 2 640 euros au titre du trouble de jouissance) au profit de M. [J] ;

- condamner in solidum M. [L] ès qualité de liquidateur de la société SARL Carmeca et son assureur la SA Abeille assurance anciennement dénommée Aviva aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance d'appel ainsi qu'au règlement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité de la société Carmeca l'appelant expose que l'obligation de garde qui incombe au dépositaire garagiste est une obligation de moyens renforcée de sorte qu'il doit, pour dégager sa responsabilité, prouver qu'il est étranger à la détérioration du véhicule, en démontrant soit qu'il n'a commis aucune faute, soit que le dommage est dû à un cas de force majeur. Il soutient qu'en l'espèce ces preuves ne sont pas rapportées et que dès lors on ne peut que considérer que la responsabilité de la société Carmeca est engagée, le dommage ayant été causé alors que le véhicule lui avait été confié.

Sur l'indemnisation du préjudice subi, M. [J] fait valoir que du fait de la faute commise par le garage Carmeca ce dernier n'ayant pas apporté les meilleurs soins au véhicule qui lui a été confié, occasionnant une panne et la nécessité de procéder à un certain nombre de réparations, et qu'il a subi un préjudice qu'il convient d'indemniser à hauteur du montant des réparations soit la somme de 7 430,72 euros. L'appelant estime par ailleurs qu'ayant été privé de son véhicule, il a subi nécessairement un trouble de jouissance qui peut être chiffré à hauteur de 20 euros par jour soit 2 640 euros pour une période de 132 jours.

Par conclusions déposées le 30 juin 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l'intimée la SA Abeille assurances anciennement dénommée Aviva assurances demande à la cour de :

- rejeter l'appel de M. [J] et le dire mal fondé ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner M. [J] en tous les frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement,

- réduire le coût des réfections à la somme de 4 980,12 euros ;

- réduire le trouble de jouissance à la somme de 1 183 euros ;

- dire et jouer l'offre satisfactoire ;

- débouter M. [J] du surplus de ses demandes ;

- dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens compte-tenu de l'exagération manifeste des demandes de M. [J].

Sur la responsabilité de la société Carmeca, l'intimée fait valoir qu'il ressort des deux rapports d'expertises que la détérioration préexistait à tout le moins à l'état de germe à la remise en dépôt du véhicule, que la dégradation du cylindre trouvait son origine dans une vis non d'origine sur le collecteur d'admission dont l'écrou manquait de sorte que les deux rapports ont conclu à l'inexistence d'un lien de causalité entre les travaux du garage Carmeca et la dégradation du cylindre. L'intimée estime donc qu'elle est totalement étrangère à la dégradation du cylindre qui ne lui est pas imputable puisque les dommages ont pour origine une anomalie antérieure et extérieure à son intervention sur une pièce qu'elle n'était pas tenue de vérifier.

Enfin, à titre subsidiaire, l'intimée expose que les travaux de réfection ont été fixés par les deux experts à la somme de 4 980,12 euros ce qui sera jugé satisfactoire. L'intimée ajoute que le calcul de M. [J] quant à son prétendu préjudice de jouissance n'est pas justifié puisque si l'on s'en tient à un millième de la valeur du véhicule que les experts ont arrêtée à 9 000 euros, c'est une somme de 9 euros par jour maximum qui devrait être retenue soit un préjudice évalué à 1 183 euros.

La procédure a été clôturée le 8 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale aux fins de condamnation de Me [L] ès qualités :

Selon l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable, et bien fondée.

Conformément aux articles L. 641-3 et L. 622-22 du code de commerce, les instances en cours lors du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le liquidateur dûment appelé, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Il est constant qu'en cours de procédure de première instance, par jugement du 06 novembre 2018, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Sarreguemines a ordonné la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL Carmeca et a nommé M. [L] en qualité de liquidateur.

Dès lors la demande de M. [J] ne peut tendre qu'à la fixation de sa créance contre la SARL Carmeca en liquidation judiciaire. La demande en condamnation de Me [L] ès qualités de liquidateur judiciaire est irrecevable. Il est observé que les dispositions des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce ont été visées par jugement avant dire droit du 15 septembre 2020, auquel le jugement du 9 février 2021 s'est référé.

Sur la demande formée à l'encontre de la société Carmeca en liquidation judiciaire

- sur la responsabilité de la société Carmeca

Conformément à l'ancien article 1148 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 216-131 du 10 février 2016, applicable en la cause , il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

Selon l'article 1927 du code civil, le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.

L'article 1930 du code civil précise que le dépositaire ne peut se servir de la chose déposée sans la permission expresse ou présumée du déposant.

En vertu de l'article 1933 du code civil, le dépositaire n'est tenu de rendre la chose déposée que dans l'état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait sont à la charge du déposant.

Si le dépositaire n'est tenu que d'une obligation de moyens, il lui incombe, en cas de perte ou détérioration de la chose déposée, de prouver qu'il y est étranger, en établissant que la détérioration était antérieure au contrat de dépôt, ou qu'il a donné à cette chose les mêmes soins que ceux qu'il aurait apportés à la garde de celles qui lui appartiennent ou en démontrant que la détérioration est due à la force majeure.

M. [J] a confié son véhicule de marque Volkswagen, type Golf, à la société Carmeca le 29 août 2016 pour : « révision GPL + bougies + préparation du dossier DREAL + CT (contrôle technique) ».

Il n'est pas contesté qu'un premier contrôle technique a été réalisé le 30 août 2016, qui a révélé de nombreux défauts à corriger avec obligation de contre-visite, et d'autres sans obligation de contre-visite, que la société Carmeca a réalisé un devis de remise en état de 2 722,37 euros qui a été accepté, et qu'elle a corrigé la plupart des défauts avant la contre-visite effectuée le 17 octobre 2016.

Il ressort ainsi des débats et des éléments de la cause que le 29 août 2016 puis le 30 août 2016 les parties ont conclu un contrat d'entreprise, la société devant intervenir sur le véhicule, et d'autre part qu'elles ont conclu le 29 août 2016 un contrat de dépôt accessoire au contrat d'entreprise, la société Carmeca devant conserver le véhicule qui lui était confié.

Par ailleurs il est constant que le 17 novembre 2016 une panne est survenue à l'occasion d'un essai sur route opéré par la société Carmeca. Les experts privés missionnés par les sociétés d'assurance ont constaté des dégâts sur le véhicule, et un huissier de justice a constaté qu'il était démonté et non fonctionnel. Ainsi la détérioration du véhicule, en cours de contrat de dépôt, avant même la restitution, est avérée.

La société Carmeca, dépositaire, et son assureur la SA Abeille Assurances, supportent la charge de la preuve de ce que cette panne et les détériorations constatées par les cabinets d'expertise mandatés par les sociétés d'assurance proviennent d'une cause étrangère non imputable à la société Carmeca.

Dans son rapport d'expertise privée diligentée à la requête de la société Pacifica, M. [R] [Y] indique : « Il a été constaté des dommages importants sur un cylindre suite à l'absorption d'un corps étranger par l'admission. Nous intervenons après démontage, l'élément à l'origine de la panne n'a pas été retrouvé.

Il a été constaté l'absence d'un écrou sur une vis non d'origine sur le collecteur d'admission. Cet élément a pu être absorbé par l'admission moteur et causer les dommages constatés.

Les travaux réalisés par le garage Carmeca ne laissent pas apparaître de lien direct avec la panne constatée. »

Ce faisant M. [R] [Y] n'est pas catégorique quant à l'origine de la panne. Il précise notamment qu'il intervient après le démontage du moteur, et qu'il n'a pas vu l'élément à l'origine de la panne. Il n'indique pas de certitude, et formule une simple hypothèse lorsqu'il écrit : « Cet élément a pu être absorbé par l'admission moteur et causer les dommages constatés. ».

M. [Y] se prononce vraisemblablement sur les travaux de réparation objets de l'ordre de service initial et du devis du 30 août 2016 lorsqu'il indique l'absence de lien direct apparent entre les travaux « réalisés » par la société Carmeca et la panne. Cependant le fait que les réparations convenues entre les parties n'apparaissent pas selon lui en lien direct avec la panne ne suffit pas à exonérer la société Carmeca de sa responsabilité en qualité de dépositaire. En effet pour cela elle doit soit prouver que la détérioration était antérieure au contrat de dépôt, soit qu'elle a donné au véhicule les soins nécessaires, soit que la détérioration est due à la force majeure.

L'expert du cabinet Moisan (qui serait M. [P] [K] ainsi qu'indiqué page 2 du rapport, ou M. [G] [X], cf. p. 9), qui a également examiné le véhicule après démontage, et qui a réalisé un rapport d'expertise privée le 23 mars 2017 à la requête de la société Aviva Assurance, affirme que « seule la présence d'une vis non appropriée et non d'origine sur le système d'admission peut expliquer la présence d'un écrou dans le circuit d'admission d'air et ainsi des dommages relevés sur le piston moteur » et considère que « par conséquent cette anomalie est antérieure à l'intervention des Ets Carmeca et ne relève pas de leur responsabilité ».

Cependant ce rapport d'expertise du cabinet Moisan, déposé le 23 mars 2017, n'est pas corroboré par un élément de preuve objectif quant à savoir si la vis non d'origine et non appropriée a été posée antérieurement à l'intervention de la société Carmeca, avant le 29 août 2016. Cette seule affirmation, non argumentée, faite par un expert privé missionné par l'assureur de la société Carmeca, et non corroborée par un élément extérieur n'est pas opposable à M. [J].

Il est en outre souligné que les experts qui sont intervenus à la demande des sociétés d'assurance n'ont pas pu vérifier quel était l'état du moteur avant son démontage par la société Carmeca. De plus ils n'avaient pas vérifié quel était l'état du moteur, du piston et du cylindre concerné, et du système d'admission avant le contrat de dépôt du 29 août 2016, et ils ne fournissent aucun renseignement précis permettant de dater la pose de la vis non appropriée et non d'origine.

En conséquence il n'est pas démontré par la société Carmeca que la détérioration était antérieure au contrat de dépôt, ni même que la vis inappropriée a été posée avant le 29 août 2016.

Par ailleurs le véhicule a parcouru près de 400 kilomètres entre son dépôt auprès de la société Carmeca en date du 29 août 2016, et son démontage.

En effet selon le rapport d'expertise privée produit par l'appelant, le véhicule présentait 57 945 kms le 30 août 2016 lors de la première visite de contrôle technique, et le rapport d'expertise privée produit par l'intimée indique que le véhicule présentait 57 942 kms lorsqu'il a été remis à la société Carmeca. Le procès-verbal de contrôle technique du 17 octobre 2016 indique que le véhicule avait alors 58 002 kms. Il avait ainsi parcouru environ 57 kilomètres depuis sa remise à la société Carmeca. Enfin il ressort des deux rapports d'expertise privée et du constat d'huissier du 23 mars 2017 que le véhicule avait 58 347 kilomètres après la panne, lors de son démontage. Ainsi il est certain que le véhicule a parcouru 402 (voire 405) kilomètres entre sa remise à la société Carmeca le 29 août 2016 et la panne du 17 novembre 2016. Dans l'intervalle il a parcouru 345 kilomètres entre le second contrôle technique du 17 octobre 2016 et la panne survenue un mois plus tard.

Il n'est pas soutenu ni démontré par la société SA Abeille France que le parcours d'environ 400 kilomètres imposé au véhicule par la société Carmeca qui l'avait en dépôt était nécessaire pour s'assurer de son bon fonctionnement. Il n'est ainsi pas démontré que la société Carmeca a apporté tous les soins nécessaires au véhicule confié.

Enfin la force majeure n'est ni invoquée ni démontrée.

Au regard de tout ce qui précède il n'est pas prouvé par l'intimée que la société Carmeca est étrangère à la détérioration du véhicule confié par M. [J]. Sa responsabilité contractuelle, en qualité de dépositaire, est engagée.

Sur l'indemnisation du préjudice de M. [J]

- sur le coût des réparations

Le devis du 24 novembre 2016 réalisé par la société Carmeca, chiffrant à 7 430,72 euros de manière très détaillée les travaux de réparation nécessaires suite à la panne, est opposable à la dépositaire comme à son assureur.

En revanche l'expert privé missionné par la société Abeille a formulé une proposition d'indemnisation à 4150 euros HT (soit 4980 euros TTC), sans joindre de devis correspondant. Par ailleurs selon M. [Y] le chiffrage à 4980 euros correspond à un chiffrage avec moteur d'occasion. Or il n'est pas précisé si le moteur d'occasion en question correspond à celui d'un véhicule ayant parcouru environ 58 000 kilomètres dans des conditions de conduite similaires à celui du véhicule en cause. Le remplacement du moteur par un moteur d'occasion plus ancien et plus usé ne garantirait pas une réparation intégrale du préjudice. En outre M. [Y] ne prend pas partie quant à l'évaluation des travaux de remise en état, de sorte que le rapport d'expertise privée réalisé par le cabinet Moisan n'est pas corroboré par des éléments extérieurs s'agissant du coût des réparations nécessaires pour remettre en état le véhicule suite à la panne du 17 novembre 2016.

En conséquence le préjudice matériel est évalué à la somme de 7 430,72 euros qui correspond au prix des réparations proposées par la société Carmeca.

- sur le trouble de jouissance 

Les deux experts privés estiment que la valeur du véhicule remis en dépôt, avant détérioration, représentait 9 000 euros TTC.

Compte tenu de la valeur du véhicule le trouble de jouissance lié à l'impossibilité de l'utiliser est évalué par la cour à 10 euros par jour, pour la période d'immobilisation subie depuis la panne du 17 novembre 2016 jusqu'au 29 mars 2017, date à laquelle M. [J] a pu récupérer son véhicule démonté, ainsi qu'il ressort d'un procès-verbal de constat du 29 mars 2017. Ce préjudice représente donc 1 320 euros pour cette période de 132 jours.

En conséquence, en application de l'article L. 622-22 du code de commerce précité, la créance de M. [J] à l'égard de la SARL Carmeca en liquidation judiciaire sera fixée à la somme totale de 8750,72 euros (7 430,72 + 1320 = 8750,72).

Sur la demande à l'encontre de l'assureur de la société Carmeca

Selon l'article L. 124-3 du code des assurances le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.

Le droit d'action directe de M. [J] contre la SA Abeille Assurances découle du contrat d'assurance conclu par la société Carmeca avec son assureur.

La SA Abeille assurance fait valoir dans le corps de ses conclusions que les dommages sont garantis sous déduction d'une franchise de 350 euros, mais ne sollicite pas la déduction de cette franchise dans le dispositif de ses conclusions. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur cette prétention, conformément à l'article 954 du code de procédure civile.

Dès lors la SA Abeille assurance, anciennement dénommée Aviva, assureur de la Carmeca, est condamnée à indemniser M. [J] à hauteur de son préjudice, soit la somme totale de 8750,72 euros.

Sur les dépens et l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile

Devant la cour d'appel M. [J] ne formule pas de demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance. Les dispositions du jugement statuant sur l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont confirmées. En revanche les dispositions du jugement statuant sur les dépens sont infirmées.

Succombant en ses prétentions, la société Abeille Assurance est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel. La demande de condamnation à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formée contre Me [L] ès qualités est irrecevable en application des articles L. 622-17 du code de commerce et L. 622-22 du code de commerce précité.

Les demandes de la société Abeille Assurance au titre des dépens et indemnités prévues par l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées :

Fixe la créance de M. [X] [J] au passif de la procédure collective de la SARL Carmeca à la somme totale de 8750,72 euros, dont :

- 7 430,72 euros au titre du préjudice matériel,

- 1320,00 euros au titre du trouble de jouissance ;

Condamne la SA Abeille Assurances anciennement dénommée Aviva Assurances à payer à M. [X] [J] la somme totale de 8750,72 euros, dont :

- 7 430,72 euros au titre du préjudice matériel,

- 1320,00 euros au titre du trouble de jouissance ;

Condamne la SA Abeille Assurances anciennement dénommée Aviva Assurances aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Déclare la demande de condamnation à la somme de 10 070,72 euros formée par M. [X] [J] à l'encontre de Me [M] [L] ès qualités de liquidateur de la SARL Carmeca irrecevable ;

Condamne la SA Abeille Assurances anciennement dénommée Aviva Assurances aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne la SA Abeille Assurances anciennement dénommée Aviva Assurances à payer à M. [X] [J] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Déboute la SA Abeille Assurances anciennement dénommée Aviva Assurances de ses demandes au titre des dépens et de l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La greffière La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00971
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;21.00971 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award