Arrêt n° 23/00023
17 Janvier 2023
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N° RG 21/00663 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FOO4
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
03 Février 2021
19/00439
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
dix sept Janvier deux mille vingt trois
APPELANTE :
Mme [N] [E] [F]
[Adresse 2]
Représentée par Me Florence MARTIN, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002614 du 25/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉE :
S.A.R.L. AZENIA prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon contrat de travail écrit du 3 avril 2019 à durée indéterminée et à temps complet, la SARL Azenia a embauché Mme [N] [O] [E] [F] en qualité d'esthéticienne, moyennant une rémunération de 1 556 euros brut par mois à laquelle s'ajoutait une prime d'intéressement sur les ventes.
La convention collective de l'esthétique-cosmétique était applicable à la relation de travail.
Auparavant, Mme [E] [F], de nationalité gabonaise, avait obtenu une carte de séjour temporaire délivrée le 20 mars 2019 et l'autorisation de travailler, puis, le 28 mars 2019, avait été déclarée par la société Azenia préalablement à son embauche.
Par courrier du 6 avril 2019 avec effet le 8 avril 2019, la société Azenia a mis fin à la période d'essai, dans les termes suivants :
« Suite à notre entretien du samedi 06 Avril 2019 concernant le fait que ton travail n'était pas le reflet des diplômes, des compétences, et de l'expérience professionnelle que tu as prétendu avoir lors de l'embauche, je te confirme ma décision de rompre ton contrat de travail qui a débuté le mercredi 03 Avril 2019 en contrat à durée indéterminée durant la période d'essais et ceci dès le lundi 08 Avril (... )»
Estimant qu'elle avait été en réalité embauchée dès le 18 décembre 2018 et que la rupture du contrat de travail devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [E] [F] a saisi, le 16 mai 2019, la juridiction prud'homale du litige l'opposant à la société Azenia.
Par jugement contradictoire du 3 février 2021, la formation paritaire de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Metz a débouté Mme [E] [F] de ses demandes, rejeté la demande de la société Azenia sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Mme [E] [F] a interjeté appel par voie électronique le 15 mars 2021, soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification à elle faite le 3 mars 2021.
Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 20 octobre 2021, Mme [E] [F] requiert que la cour infirme le jugement, puis, statuant à nouveau :
- constate qu'elle a été embauchée à compter du 18 décembre 2018 en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, sans période d'essai ;
- requalifie la rupture du contrat en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamne la société Azenia à lui payer les sommes suivantes à majorer des intérêts au taux légal à compter de la demande :
* 1 556 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
* 1 556 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 155 euros de congés payés y afférents ;
* 9 336 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
* 5 320,52 euros à titre de rappel de salaire, outre 532 euros de congés payés y afférents ;
* 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamne la société Azenia, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du « jugement à intervenir », à :
* la remise de l'intégralité de ses bulletins de paie des mois de décembre 2018 à avril 2019 (corrigé) ;
* l'accomplissement des formalités en qualité d'employeur et au versement des cotisations éludées ;
* la délivrance d'un certificat de travail mentionnant ses dates exactes de travail ;
- condamne la société Azenia à verser à l'avocat la somme de 3 000 euros TTC correspondant aux honoraires qui lui auraient été facturés si elle n'avait pas été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, conformément au 2° de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses prétentions, elle expose en substance :
- que les SMS échangés, de même que les autres pièces, démontrent qu'une relation de travail s'est instaurée dès le mois de décembre 2018 ;
- que la gérante n'a pas voulu attendre l'obtention de ses « papiers » et l'a fait travailler dès cette date ;
- qu'elle a ainsi été embauchée à compter du 18 décembre 2018 en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet, sans période d'essai ;
- que son « titre de séjour étudiant » qui n'expirait que le 30 novembre 2019 aurait pu servir d'autorisation de séjour à tout le moins temporaire.
Elle conteste avoir eu la qualité de stagiaire, car :
- elle avait terminé ses études ;
- un contrat de travail simplement oral était impossible dans le cadre d'une convention de stage ;
- aucun organisme de formation n'était lié aux parties ;
- elle travaillait seule pour effectuer les travaux habituels d'une esthéticienne.
Elle ajoute :
- que la gérante a refusé de la payer, au prétexte que la situation serait régularisée dès qu'elle serait déclarée, ce qui n'a finalement pas été fait ;
- qu'elle travaillait a minima 35 heures ;
- que l'employeur a profité de sa situation, car elle attendait une carte de séjour ;
- que les nombreux témoignages et félicitations sur le « net » démontrent la qualité de son travail et son expérience professionnelle.
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, elle expose avoir été déstabilisée par la « malhonnêteté » (sic) de son employeur et qu'elle n'a perçu aucun salaire à l'exception de quatre jours au mois d'avril 2019.
Elle prétend que la société Azenia a agi en toute connaissance de cause, la gérante ayant besoin des services immédiats d'une esthéticienne supplémentaire.
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Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 17 novembre 2021, la société Azenia sollicite que la cour confirme le jugement, déboute Mme [E] [F] de l'ensemble de ses demandes et condamne celle-ci au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique en substance :
- que Mme [E] [F] ne produisant aucun titre de séjour régulier à compter du 18 décembre 2018, celle-ci ne pouvait pas être valablement embauchée par contrat de travail ;
- qu'en raison de cette impossibilité légale d'embauche, il n'y a eu ni signature d'un contrat de travail ni même mise en place d'une relation pouvant s'analyser en l'exécution d'un contrat de travail ;
- que l'appelante ne rapporte pas la preuve des éléments constitutifs d'un contrat de travail ;
- que le personnel de la société et la clientèle attestent du caractère sporadique de la présence de Mme [E] [F], uniquement pour maintenir un « lien » en prévision de l'embauche ultérieure de l'appelante ;
- que la présentation de Mme [E] [F] en qualité de « stagiaire » caractérisait la particularité de la présence de celle-ci hors de tout contrat de travail ;
Elle ajoute :
- que sa gérante a eu un contretemps l'empêchant d'être présente à la formation des 11 et 12 mars 2019 qui a donc été proposée à Mme [E] [F] ;
- que Mme [E] [F] -qui ne produit aucun diplôme d'État- ne bénéficiait pas de la formation professionnelle requise, de sorte que celle-ci ne pouvait pas être embauchée.
Elle soutient que les propres SMS et autres envois de la partie adverse établissent que, durant la période litigieuse, Mme [E] [F] n'était pas présente sur le prétendu lieu de travail, ne réalisait aucune prestation sous la directive de l'employeur et n'a jamais fait état d'un contrat de travail effectif pour solliciter le paiement d'un salaire et la remise de bulletins de salaire.
Elle prétend que :
- les parties étaient uniquement en discussion pour déterminer la date effective de démarrage de la relation contractuelle ;
- l'appelante dénature les données objectives de la cause afin d'obtenir des sommes indues ;
- la rupture de la relation contractuelle pendant la période d'essai avec préavis était parfaitement licite et régulière ;
- Mme [E] [F] n'établit aucun préjudice autrement que par des allégations ;
- Mme [E] [F] ne démontre aucune intention de l'employeur de se soustraire à l'obligation déclarative, alors que les formalités ont été accomplies dès le 28 mars 2019 auprès de l'URSSAF Lorraine et qu'auparavant il n'y avait eu ni embauche effective ni exécution d'un quelconque contrat de travail.
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Par ordonnance du 6 avril 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.
MOTIVATION
Sur le contrat de travail pour la période allant du 18 décembre 2018 au 2 avril 2019
Le contrat de travail existe lorsqu'une personne (le salarié) s'engage à travailler, moyennant rémunération, pour le compte et sous la direction d'une autre personne (l'employeur).
L'élément essentiel du contrat de travail est le lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il ressort de l'article L.1221-1 du code du travail que le contrat de travail est soumis aux règles de droit et peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en établir l'existence. La preuve du contrat de travail peut être rapportée par tout moyen.
En l'espèce, à titre liminaire, à supposer que Mme [E] [F] n'ait pas été administrativement autorisée à travailler en France pendant tout ou partie de la période en litige allant du 18 décembre 2018 au 2 avril 2019, cela ne signifie pas pour autant qu'une relation de travail ne s'est pas instaurée de fait entre la société Azenia et elle.
En tout état de cause, une éventuelle nullité du contrat de travail et l'irrégularité de la situation de Mme [E] [F] ne permettraient pas à la société Azenia de se dégager de ses obligations.
La société Azenia produit l'attestation d'une de ses salariées, Mme [Z] [I], qui indique notamment que Mme [E] [F] était considérée comme stagiaire au sein de l'entreprise depuis le 18 décembre 2018, qu'elle assistait aux prestations avec les employées afin d'être formée aux méthodes de travail et que, du début du mois de février 2019 au 3 avril 2019, elle n'est plus revenue. Mme [I] précise néanmoins qu' « [N] exerçait de temps en temps des prestations sur clientes et seule en cabine en attendant de recevoir son visa pour embauche ('). Elle a aussi accepté de faire des prestations afin de rendre services à l'entreprise et éviter des insatisfactions clients ».
Une deuxième employée, Mme [G] [X], et une cliente, Mme [G] [S], confirment que l'appelante était considérée et présentée comme stagiaire. Selon l'attestation d'une autre cliente, Mme [R] [B], Mme [E] [F] se présentait elle-même comme stagiaire.
Toutefois, Mme [E] [F] verse aux débats :
- un SMS reçu le 15 décembre 2018 de la gérante de la société qui lui indique « Voici vos horaires », puis le 4 janvier 2019 « J ai réouvert ton planning a35h » ;
- des messages électroniques de « [D] Azenia » (la gérante de la société Azenia se prénomme [D]) qui lui écrit notamment :
* le 18 janvier 2019 : « Bonjour [N]. aujourd'hui tu as eu des annulations et tu as des rdv que de 18 à 19h. Désolée de te faire venir que pour 1h. Demain de 11 à 18h » ;
* le 30 janvier 2019 : « Bonjour [N]. aujourd'hui tu travailles de 13 à 19h.(...) Demain de 14 à 19h » ;
* le 14 mars 2019 : « Bonjour [N] tu as une cliente demain en ongle à 17h » ;
* le 16 mars 2019 : « Bonjour [N]. Les deux clientes que tu avais pour le 20 et après ont annulées. Pour le moment j'attends le visa » ;
- un justificatif de suivi de formation « Nail Art » les 11 et 12 mars 2019, Mme [E] [F] ayant été envoyée à cette formation par la société Azenia en remplacement de la gérante indisponible ;
- des messages de deux clientes sur internet relatant les 30 janvier 2019 et 9 février 2019 leur satisfaction à la suite du travail de l'appelante au sein de la société Azenia ;
- des attestations de deux clientes prises en charge à l'« institut Azenia » par Mme [E] [F], les 21 décembre 2018 et 4 janvier 2019 ;
- des « résumés journaliers » qui étaient établis par la société Azenia et qui récapitulaient les nombreux rendez-vous à assurer par Mme [E] [F] les 21,22 et 29 décembre 2018, puis les 2 et 4 janvier 2019, puis le 9 février 2019 (outre une réunion le 7 février) ;
- un historique de réception de messages intitulés « résumés journaliers » provenant de la société Azenia et concernant 5 jours au mois de décembre 2018, 12 jours au mois de janvier 2019, 15 jours au mois de février 2019 et 6 jours au mois de mars 2019.
Au vu de ces éléments particulièrement nombreux et concordants, il ne fait aucun doute que, pendant l'intégralité de la période litigieuse, Mme [E] [F] a été sous la subordination de la société Azenia -dont elle recevait instructions et plannings- et qu'elle a effectué de multiples prestations pour le compte de la société intimée.
Il n'est pas possible, eu égard aux tâches accomplies par Mme [E] [F] dans l'institut de beauté et en l'absence de justification d'une quelconque convention de stage, de retenir que l'appelante n'aurait été qu'une simple « observatrice » ou « stagiaire ».
Certes, dans un SMS du 17 décembre 2018, Mme [E] [F] indiquait à la gérante de l'entreprise « je suis à pôle emploi. Ils me font une PMSMP de 3 semaines vu que ce ne sera pas rémunéré par eux (...) », « Dès que j'ai le document il faut que je le fasse signé par vous et leur ramener ça dans la journée. Pour que je commence demain », mais ce document n'est pas produit par les parties et n'est susceptible, de toute façon, de concerner qu'une période de trois semaines ' et non plusieurs mois.
Par ailleurs, conformément à l'article L.3123-6 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit être écrit.
Pour renverser la présomption de travail à temps complet, l'employeur doit, d'une part, apporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d'autre part, établir que le salarié peut prévoir son rythme de travail et qu'il n'a pas à se tenir constamment à disposition.
En l'espèce, la société Azenia n'apporte aucune preuve qu'une durée de travail à temps partiel aurait été convenue.
Surabondamment, il y a lieu de constater qu'au vu des pièces produites, la salariée n'avait connaissance de ses interventions que la veille ou en début de journée, de sorte qu'elle se tenait constamment à disposition, peu important qu'elle ait écrit à son employeur, le 7 mars 2019, s'ennuyer « à ne rien faire » ou, le 14 mars 2019, qu'elle allait « reprendre (ses) anciennes clientes et faire quelques prestataires » ou encore le 15 mars 2019 «je vous disais que je ne pourrais pas être là car j'ai des prestations cet après-midi, je vais coiffé des clientes. J'ai besoin d'argent ».
En conséquence, il convient de dire que Mme [E] [F] a été embauchée à durée indéterminée et à temps complet dès le 18 décembre 2018 par la société Azenia.
Il s'ensuit que le jugement dont appel est infirmé en toutes ses dispositions.
Sur le rappel de salaires
Il ressort de l'article L. 8252-2 du code du travail que le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite notamment au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée (1°) et, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire de trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable (2°).
Le même article L. 8252-2 ajoute que, lorsque l'étranger non autorisé à travailler a été employé dans le cadre du travail dissimulé, il bénéficie :
- soit des dispositions de l'article L. 8223-1 ;
- soit des dispositions du présent chapitre si elles lui sont plus favorables.
En l'espèce, les dispositions du chapitre II relatif aux droits du salarié étranger du titre V du livre II de la huitième partie du code du travail ne s'avéreraient pas plus favorables à l'appelante que celles de l'article L. 8223-1 dont elle bénéficiera ci-dessous (octroi de l'indemnité forfaitaire de six mois pour travail dissimulé).
En conséquence, Mme [E] [F] est déboutée de sa demande de rappel de salaires de la période allant du 18 décembre 2018 au 2 avril 2019 et des congés payés y afférents comme étant non compatible avec celle d'indemnité forfaitaire de six mois pour travail dissimulé.
Sur la rupture du contrat
Conformément aux articles L. 1221-19 et suivants du code du travail, la période d'essai se situe nécessairement au début de l'exécution du contrat de travail, les parties ne pouvant en différer le début.
Lorsqu'une période d'essai est stipulée postérieurement au commencement de l'exécution du contrat, la durée ainsi exécutée est déduite de la période d'essai.
En l'espèce, pour rompre la relation de travail, la société Azenia ne pouvait pas valablement se prévaloir de la clause intitulée « période d'essai » du contrat écrit du 3 avril 2019 stipulant une période de deux mois renouvelable une fois un mois, alors que Mme [E] [F] avait débuté son travail dès le 18 décembre 2018.
En conséquence, la rupture du contrat équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
L'article L. 1234-1 du code du travail dispose que, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.
L'article L. 1234-5 du même code ajoute que, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
En l'espèce, la convention collective applicable fixe la durée de la période de préavis, pour le personnel ayant moins de six mois d'ancienneté dans l'entreprise, à une semaine.
En conséquence, la société Azenia est condamnée à payer à l'appelante la somme de 363,06 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 36,30 euros brut de congés payés y afférents.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [E] [F] n'avait pas une année complète d'ancienneté dans l'entreprise.
Il ressort de l'attestation destinée à Pôle emploi que la société ne comptait alors que deux salariés.
Conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, une indemnité maximale correspondant à un mois de salaire brut est susceptible d'être accordée à l'appelante.
Eu égard à l'âge de la salariée lors de la rupture, à sa situation de famille et à sa situation professionnelle ultérieure, il lui est alloué une indemnité de 1 000 euros.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
En cas de rupture de la relation de travail et en application de l'article L. 8223-1 du code du travail, lorsqu'il y a eu travail dissimulé caractérisé par une volonté manifeste de l'employeur de frauder, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, la société Azenia a employé de façon non déclarée pendant un peu plus de trois mois, sans pouvoir justifier du versement d'une quelconque rémunération, Mme [E] [F], alors que celle-ci effectuait des prestations auprès de clientes de l'institut de beauté.
L'intention frauduleuse de l'employeur est ainsi établie.
En conséquence, la société Azenia est condamnée à payer à l'appelante une indemnité forfaitaire de 9 336 euros.
Sur les dommages-intérêts au titre du préjudice moral
Mme [E] [F] ne justifie d'aucun préjudice qui n'aurait pas déjà été indemnisé ci-dessus.
La demande de dommages-intérêts complémentaires est donc rejetée.
Sur les intérêts
Les intérêts de retard courent au taux légal :
- à compter du 20 mai 2019, date de réception de la demande par l'employeur, s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ;
- à compter du présent arrêt, s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé.
Sur les documents de fin de contrat
Il ressort de l'article L. 3243-1 du code du travail que, lors du paiement du salaire, l'employeur remet au salarié une pièce justificative dite bulletin de paie.
L'article L1234-19 du code du travail dispose qu'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire.
En l'espèce, il convient de condamner la société Azenia à remettre à Mme [E] [F] un bulletin de salaire complémentaire et un certificat de travail conformes au présent arrêt, ainsi qu'à procéder au versement des cotisations de la période de préavis.
L'appelante sollicite la condamnation de la société Azenia à l' « accomplissement des formalités en qualité d'employeur », mais ne précise quelles obligations autres que celles déjà énoncées au paragraphe précédent seraient concernées.
Aucun élément particulier du dossier ne laissant craindre en l'état que l'employeur cherche à se soustraire à la bonne exécution de la présente décision, il n'y a pas lieu d'assortir la condamnation ci-dessus d'une astreinte.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
En raison des circonstances de l'espèce, il y a lieu, dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique, devenu l'article 700 (2°) du code de procédure civile, d'allouer à Maître Florence Martin, avocate de Mme [E] [F], qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et que l'appelante aurait exposés si elle n'avait pas été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocate si elle recouvre tout ou partie de cette somme de renoncer à percevoir tout ou partie de la part contributive de l'État dans les conditions de ce texte.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [N] [O] [E] [F] a été embauchée à durée indéterminée et à temps complet dès le 18 décembre 2018 par la SARL Azenia ;
Dit que la rupture du contrat équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL Azenia à payer à Mme [N] [O] [E] [F] les sommes suivantes :
- 363,06 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 36,30 euros brut de congés payés y afférents ;
- 1 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 9 336 euros d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;
Dit que les intérêts de retard courent au taux légal :
- à compter du 20 mai 2019, s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ;
- à compter du présent arrêt, s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;
Rejette la demande de rappel de salaires de la période du 18 décembre 2018 au 2 avril 2019 et de congés payés y afférents, ainsi que la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;
Condamne la SARL Azenia à remettre à Mme [N] [O] [E] [F] un bulletin de salaire complémentaire et un certificat de travail conformes au présent arrêt, ainsi qu'à procéder au versement des cotisations de la période de préavis ;
Rejette la demande d'astreinte ;
Condamne la SARL Azenia aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette la demande présentée par la SARL Azenia sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Azenia à verser à Maître Florence Martin, avocate de Mme [N] [O] [E] [F], la somme de 2 500 euros en application et dans les conditions de l'article 700 (2°) du code de procédure civile.
La greffière La Présidente de Chambre