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17/01/2023 | FRANCE | N°20/02235

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 17 janvier 2023, 20/02235


Arrêt n°23/00018



17 Janvier 2023

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N° RG 20/02235 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FMMT

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

17 Novembre 2020

19/00348

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



dix sept janvier deux mille vingt trois







APPELANT :

>
M. [F] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Paul HERHARD, avocat au barreau de METZ







INTIMÉE :



SYNDICAT MIXTE DE TRANSPORT ET TRAITEMENT DES DECHETS DE MOSELLE EST (SYDEME) anciennement REGIE...

Arrêt n°23/00018

17 Janvier 2023

------------------------

N° RG 20/02235 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FMMT

----------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

17 Novembre 2020

19/00348

----------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

dix sept janvier deux mille vingt trois

APPELANT :

M. [F] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Paul HERHARD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

SYNDICAT MIXTE DE TRANSPORT ET TRAITEMENT DES DECHETS DE MOSELLE EST (SYDEME) anciennement REGIE ECOTRI DE MOSELLE EST, établissement public de coopération intercommunale pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alain MARTZEL, avocat au barreau de SARREGUEMINES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [F] [W] a été embauché par la Régie Eco-Tri de Moselle-Est à compter du 29 août 2003, en qualité d'agent qualifié de maintenance.

Suivant avenant signé le 1er juillet 2005, M. [W] a été promu au poste de cadre.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des activités du déchet.

Par décision du 11 juillet 2018, M. [W] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de trois jours, effective du 24 au 26 juillet 2018, qu'il a contestée par lettre datée du 10 août 2018.

Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 23 juillet 2018, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 août 2018 et s'est vu notifier une mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 20 août 2018, M. [W] a été licencié pour faute grave.

Par acte introductif enregistré au greffe le 3 décembre 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Forbach aux fins de dire que son licenciement est nul et subsidiairement mal fondé, et de condamner l'EPIC Ecotri de Moselle-Est à lui verser différentes sommes au titre des indemnités de rupture, outre un rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire, un rappel de salaire pour le non respect du coefficient minimal de rémunération, et des indemnités pour harcèlement moral, pour non respect de l'obligation de sécurité par l'employeur, et pour le préjudice lié à la perte financière qu'il a subi. Il sollicitait en outre l'annulation de la sanction disciplinaire du 11 juillet 2018 et une somme à ce titre, outre l'allocation d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Régie Eco-Tri de Moselle-Est s'opposait aux demandes formées contre elle et sollicitait une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 17 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Forbach, section encadrement, a statué ainsi qu'il suit :

Requalifie le licenciement de M. [W] pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la Régie Eco-Tri de Moselle-Est à verser à M. [W] les sommes suivantes :

. 9 266,10 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 926,61 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

. 18 223,33 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

. 2 445,61 euros brut au titre de la mise à pied conservatoire,

. 244,56 euros brut au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire,

. 900,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Régie Eco-Tri de Moselle-Est aux entiers frais et dépens de l'instance ;

Déboute M. [W] de toutes ses autres demandes ;

Déboute la Régie Eco-Tri de Moselle-Est du surplus de ses demandes.

Par déclaration formée par voie électronique le 8 décembre 2020, M. [W] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 19 novembre 2020 au vu de l'émargement de l'accusé de réception postal.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 juin 2021, M. [W] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris,

Dire et juger le licenciement de M. [W] par la Régie Eco-Tri de Moselle-Est nul et à titre subsidiaire mal fondé,

Annuler la mise à pied disciplinaire notifiée par lettre du 11 juillet 2018,

En conséquence, condamner le Syndicat mixte de transport et traitement des déchets de Moselle Est (SYDEME) à payer à M. [W] les sommes suivantes majorées des intérêts à compter de la demande :

. 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement,

. 9 900 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 990 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. 19 470 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé pour le harcèlement subi,

. 1 837,01euros brut au titre du rappel de salaire pour les années 2016, 2017 et 2018,

. 183,70 euros brut au titre des congés payés sur le rappel de salaire,

. 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la perte financière,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de l'obligation de sécurité,

Confirmer le jugement entrepris s'agissant de l'annulation de la mise à pied à titre conservatoire et la condamnation du SYDEME à payer à M. [W] une somme de 2 445,61 euros à ce titre et la condamnation du SYDEME à payer une somme de 244,56 euros au titre des congés payés afférents ;

Débouter le SYDEME de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner le SYDEME à payer à M. [W] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner le SYDEME en tous les frais et dépens.

Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 juillet 2021, le SYDEME, anciennement nommé Régie Eco-Tri de Moselle-Est, demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Forbach le 17 novembre 2020 en ce qu'il a :

. débouté M. [W] de sa demande de 80 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,

. débouté M. [W] de sa demande de 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral subi,

. débouté M. [W] de sa demande de 358,56 euros bruts au titre de la sanction disciplinaire,

. débouté M. [W] de sa demande de 1 837,01 euros bruts au titre du rappel de salaire pour les années 2016, 2017 et 2018,

. débouté M. [W] de sa demande de 183,70 euros bruts au titre des congés payés sur le rappel de salaire,

. débouté M. [W] de sa demande de 3 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la perte financière,

Sur appel incident,

Dire et juger que le licenciement de M. [W] est intervenu à juste titre pour faute grave ;

En conséquence,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Forbach du 17 novembre 2020 en ce qu'il a :

. jugé la rupture du contrat de travail imputable à un licenciement qui ne reposait pas sur une faute grave mais sur une faute simple ;

. condamné la défenderesse et intimée à payer à M. [W] :

- 9 266,10 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 926,61 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

- 18 223,33 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 2 445,61 euros brut au titre de la mise à pied conservatoire,

- 244,56 euros brut au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire,

- 900,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné la défenderesse et intimée à lui payer 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner M. [W] au paiement au SYDEME d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2022.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation de la sanction notifiée le 11 juillet 2018

En application des articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En outre, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l'espèce, M. [W] sollicite l'annulation de la sanction de mise à pied disciplinaire pendant trois jours qui lui a été notifiée par lettre du 11 juillet 2018, l'estimant infondée.

Le SYDEME estime que cette sanction est justifiée et s'oppose à cette demande.

La lettre de notification de la mise à pied disciplinaire pour une durée de 3 jours, avec effet du 24 au 26 juillet 2018, adressée par la Régie Eco-Tri de Moselle-Est à M. [W] et datée du 11 juillet 2018 fait état de trois manquements fondant cette sanction :

(fait 1) : absence d'anticipation de la préparation du chantier de l'installation de la nouvelle presse à ferreux, en omettant de commander du matériel nécessaire à l'installation de la presse ;

(fait 2) : erreur dans la commande d'une bande de récupérateur de ferreux et absence de respect des procédures internes pour la commande de cette bande (validation du bon de commande par les services) ;

(fait 3) : suite à la réception de la convocation du 18 mai pour l'entretien du 22 juin 2018 prévu dans le cadre de la procédure disciplinaire, il est reproché à M. [W] d'avoir contacté ses subordonnés afin d'en savoir plus, et de s'être déplacé au domicile de l'un d'eux, exerçant ainsi une pression sur ces salariés.

Dans l'annexe de son courrier de contestation de cette sanction, adressée à la Régie Eco-Tri de Moselle-Est le 10 août 2018 (soit postérieurement à l'entretien préalable à son licenciement fixé au 9 août 2018), M. [W] reconnaît avoir contacté quelques collègues alors qu'il se trouvait en arrêt de travail pour leur demander s'ils avaient eu connaissance d'un quelconque problème professionnel le concernant. Il reconnaît également s'être arrêté le 31 mai 2018 au domicile de son subordonné, M.[P], pour lui parler de cette convocation.

S'agissant de subordonnés de M. [W], ce comportement peut être qualifié pour le moins de pressions et constitue un manquement à ses obligations d'exécuter loyalement son contrat de travail.

Concernant les deux autres manquements reprochés à M. [W], si aucun témoignage direct ne permet de confirmer le fait que M. [W] s'est trompé dans la commande d'une bande et n'a pas respecté la procédure interne de l'entreprise (validation par un autre service) ' fait 2, M. [W] reconnaît dans son courrier du 10 août 2018 avoir laissé à son supérieur le soin de passer la commande de matériel, partant en vacances au moment où elle devait se faire, et précise l'avoir averti tout comme deux des fournisseurs de ce qu'ils devaient adresser leurs devis directement à son directeur technique. Cependant, M. [W] ne démontre pas avoir averti son directeur de la nécessité pendant son absence de réceptionner les devis auprès du client (' fait 3), le plaçant ainsi en difficulté au moment de la découverte de l'absence de commande, ce qui constitue un manquement à ses obligations professionnelles.

Deux des trois griefs reprochés à M. [W] sont ainsi suffisamment établis, et la sanction de mise à pied disciplinaire prononcée le 11 juillet 2018 est justifiée et proportionnée.

La demande d'annulation de cette sanction formée par M. [W] doit être rejetée, et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement

L'article L 1152-1 du code du travail stipule qu' « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Le harcèlement moral s'entend en l'occurrence selon sa définition commune d'agissements malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l'humilier.

S'agissant de la preuve du harcèlement, l'article L1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L 1152-1, « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement » et « au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »

Pour étayer sa demande tendant à voir constater qu'il est victime de harcèlement moral, M. [W] invoque :

les deux agressions dont il a été victime le 17 janvier 2018 (par M. [J]) et le 16 juillet 2018 (par M. [T]) ;

la mise au placard dont il a fait l'objet à l'issue de son arrêt maladie s'étant achevé le 9 juillet 2018 ;

la dégradation de ses conditions de travail depuis 2014 et de son état de santé.

L'employeur ne conteste pas l'existence des altercations, décrites par M. [W] comme étant constituées d'injures, de menaces et de violences physiques à son égard, et survenues pour la première le 17 janvier 2018 entre M. [W] et M. [J], puis pour la seconde le 16 juillet 2018 entre M. [W] et M.[T]. Le SYDEME apporte seulement une réserve sur le déroulement de celle du 16 juillet 2018 survenue en l'absence de témoin.

S'agissant de la mise au placard dont il prétend avoir fait l'objet à son retour d'arrêt maladie le 9 juillet 2018, M. [W] ne verse aux débats aucun élément permettant de confirmer qu'il ne s'est plus vu confier de travail, qu'il ne recevait plus d'instruction et qu'il n'avait plus accès à son bureau. Seul le fait que son ordinateur lui a été enlevé est admis par l'employeur qui conteste les autres éléments. La privation par l'employeur de l'ordinateur d'un de ses salariés, cadre dans l'entreprise, est donc seule établie.

Par ailleurs, le changement d'attitude de l'employeur depuis l'accident du travail survenu le 8 janvier 2014 est contesté par la Régie Eco-Tri de Moselle-Est et n'est étayé par aucun élément du dossier, de sorte qu'il y a lieu de le considérer comme non établi.

Les seuls faits précisément décrits par M. [W] sont survenus à compter de janvier 2018 (agression par M. [J]), et consistent en une mauvaise ambiance au service de maintenance dans lequel M. [W] assumait ses fonctions. Cette mauvaise ambiance est confirmée par de nombreux témoignages concordants sur ce point.

Enfin M. [W] justifie de lettres qu'il a adressées entre le 24 et le 26 juillet 2018 à la médecine du travail et au CHSCT pour dénoncer ses conditions de travail. Il produit également des certificats médicaux établis par son psychiatre entre le 15 septembre 2018 et le 13 août 2020, précisant que M. [W] est suivi depuis le 16 juillet 2018 et qu'il a présenté un stress post-traumatique consécutif à l'accident du travail survenu le 16 juillet 2018 ou à sa mise à pied.

Les éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, sont suffisamment précis et concordants pour laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime sur son lieu de travail à compter de 2018.

Pour s'opposer à l'existence de harcèlement moral invoqué par M. [W], l'employeur indique sans être contesté que l'ordinateur de M. [W] lui a été retiré pour réparation. Il justifie en outre que les deux altercations dont a été victime M. [W] ont été prises en compte (sanction le 12 mars 2018 de M. [J] ; enquête auprès des collègues de M. [W] pour l'altercation du 16 juillet 2018 et appel des services médicaux et de la police pour les faits du 16 juillet 2018).

S'agissant de la mauvaise ambiance affectant le service de maintenance de l'entreprise dans lequel M. [W] exerce les fonctions de chef d'équipe, l'employeur produit des échanges de courriels établis le 16 février 2018 entre la responsable des ressources humaines, le directeur technique et M.[W] montrant que plusieurs salariés de l'équipe de M. [W] se sont plaints du comportement « enquêteur » de celui-ci qui affectait l'ambiance au sein de son équipe.

Ces échanges montrent également que le directeur technique (M. [X]) a recadré verbalement M. [W] ce même jour pour ce comportement, et que M. [W] a répondu à la responsable des ressources humaines avoir compris le recadrage, soulignant toutefois que le manque de politesse de certaines personnes lui pesait beaucoup.

Par la suite, la sanction du 11 juillet 2018 montre que le comportement de M. [W] auprès de ses subordonnés a persisté (intervention pour savoir ce qui lui était reproché), certains salariés se plaignant en outre début juillet d'accusations infondées portées par M. [W] sur certains subordonnés (accusation de vol d'une machine finalement retrouvée).

L'employeur justifie ainsi que si la mauvaise ambiance constatée dans le service de M. [W] existait bien, elle résultait principalement du comportement inadapté de M. [W] à l'égard de ses subordonnés.

Il ressort également de la chronologie des événements que M. [W] a alerté par courrier le CHSCT et la médecine du travail après avoir reçu la convocation du 23 juillet 2018 à l'entretien préalable à son licenciement fixé au 9 août 2018, de sorte que la motivation réelle de ces signalements ne peut être dissociée de sa volonté de se défendre dans le cadre de cette nouvelle procédure disciplinaire.

Enfin si les certificats médicaux versés aux débats par M. [W] montrent que celui-ci a été suivi à compter du 16 juillet 2018 par un psychiatre pour stress post-traumatique consécutif, selon les propos du salarié, à une mise à pied injuste ou à son accident du travail du même jour (altercation avec M. [T]), les causes de ce stress indiquées dans les certificats ne sont que les propos et explications rapportées de M. [W], et aucun élément ne permet de relier l'état de santé de M.[W] à des faits précis de harcèlement moral dont il aurait été victime.

Par ailleurs, il est constant que des certificats médicaux ne peuvent à eux seuls caractériser le harcèlement moral invoqué par le salarié qui s'en estime victime.

Il résulte ainsi de tous ces développements que le SYDEME justifie d'éléments objectifs extérieurs à tout comportement de harcèlement moral de sorte que celui-ci n'est pas caractérisé.

Les demandes formées par M. [W] tendant à faire constater l'existence d'un harcèlement moral qu'il aurait subi dans l'entreprise, à se voir allouer des dommages et intérêts à ce titre et à faire prononcer la nullité de son licenciement intervenu le 20 août 2018 ne sont donc pas fondées et doivent être rejetées.

La décision des premiers juges doit être confirmée sur ces points.

Sur la validité du licenciement

Lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d'apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, à charge ensuite pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et les motifs invoqués devant être suffisamment précis, objectifs et vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. [W] et datée du 20 août 2018 est rédigée dans les termes suivants :

« Nous avons le regret de devoir vous notifier par la présente notre décision de mettre fin à votre contrat de travail, sans indemnité, ni préavis pour faute grave.

Les manquements et comportements qui nous ont conduit à engager une procédure disciplinaire sont d'autant plus graves et inacceptables qu'ils sont intervenus dans un contexte de répétition et même d'accumulation d'agissements totalement anormaux.

Ceux-ci sont non seulement totalement incompatibles avec les obligations professionnelles inhérentes à vos responsabilités, mais surtout radicalement contraires aux pratiques managériales en vigueur, ainsi qu'à l'obligation de sécurité. En tout état de cause ils sont, par votre seul fait, à l'origine de profonds troubles dans les relations de travail entre vous et les membres de votre entourage, devenues visiblement délétères et causes d'une inutile désorganisation du service.

Lors de notre entretien du 9 août nous avons pu réaliser, ne serait-ce qu'à la lumière de vos explications farfelues, voire purement mensongères non seulement que vous étiez définitivement incapable de vous amender et de vous comporter normalement en toute circonstance, mais que votre propension à vous prétendre malaimé, voire persécuté par vos collègues est absolument contredite par vos décisions, objectivement inexpliquées et inexplicables, de sacrifier la sécurité et la prévention des risques sur le lieu de travail.

Il incombe à chaque salarié de notre société de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé, ainsi que de celles des membres de son entourage ; la violation par un salarié de son obligation générale en matière de sécurité étant de nature à justifier son licenciement pour faute.

En tout état de cause, votre comportement outrancier est la traduction, plus que d'une légèreté blâmable, d'un mépris caractérisé vis à vis des règles de sécurité. Comment expliquer autrement que vous ayez exigé de M. [C] (intérimaire avec peu d'expérience ' sorti d'école) d'intervenir, qui plus est seul, sur le convoyeur d'alimentation du trommel (à 4 mètres de hauteur pour changer les pièces), alors qu'il était en marche et qu'il ne dispose pas de formation harnais de sécurité ' travaux en hauteur (ni formation nacelle PEMP 3B) ' Vous avez même suggéré à ce dernier de prendre une planche pour effectuer la man'uvre !

M. [C] a heureusement eu la présence d'esprit de refuser l'intervention (').

Lors de l'entretien préalable vous avez expressément reconnu avoir donné les instructions gravement fautives précitées à votre jeune collaborateur, tout en expliquant que suite à l'intervention de M. [B] et [J] (spécifiant l'absence de formation de ce dernier, la nécessité d'arrêter la machine et d'effectuer l'intervention à deux) vous auriez demandé à M. [C] de vous tenir l'échelle pour vous permettre d'effectuer vous-même la réparation (moteur à l'arrêt).

En affirmant avoir effectué cette réparation vous-même, force serait de constater que vous auriez agi en violation des réserves émises par le médecin du travail et donc manqué une nouvelle fois à votre obligation de sécurité, cette fois en ce qui nous concerne. Cependant, il est constant que la réparation dont s'agit n'est que partiellement réalisée, ceci donnant un caractère purement mensonger à vos allégations selon lesquelles vous seriez intervenu personnellement (') et que M. [C] vous aurait tenu l'échelle.

Si votre manquement à votre obligation de sécurité suffit à elle seule à justifier votre licenciement, nous déplorons également et plus généralement qu'il n'est manifestement plus possible de travailler en bonne intelligence avec vous, votre attitude démontrant de surcroît que vous n'avez aucunement l'intention de changer d'état d'esprit et de reprendre un comportement normal.

Il ne saurait être admis qu'un salarié, par exemple par un comportement et des décisions contestables (') créé et entretienne une ambiance de travail tendue et même exécrable au sein de l'atelier ou encore cultive la mésentente avec les membres de son entourage professionnel.

Les illustrations de nos griefs en la matière, plus précisément des causes du profond trouble que votre comportement créé au sein de votre équipe sont nombreuses, par exemple s'agissant de vos décisions irrationnelles ou à caractère purement personnel dans l'organisation de votre service.

M. [J] atteste ainsi que lorsqu'il sollicite de votre part l'aide de M. [C] lors de travaux difficilement réalisables seul, vous prenez systématiquement le parti d'affecter M. [C] à d'autres missions, y compris secondaires, afin de le laisser en difficulté (par exemple lorsqu'il s'est agi de mettre en place l'axe d'un caisson, M. [J] a dû se débrouiller seul, M. [C] devant vous accompagner à l'usine... ce que vous n'avez d'ailleurs pas contesté en prétendant simplement avoir attendu la fin de l'intervention pour demander à M. [C] de vous accompagner...).

Il est avéré que vous refusez de communiquer et de transmettre des informations élémentaires en causant ainsi d'inutiles difficultés. Ainsi, venons-nous d'apprendre qu'informé par Mme [N] qu'il y aurait une benne de porteur supplémentaire à réparer, vous aviez répondu qu'il n'y aurait pas de soucis et vous en chargeriez. Ce faisant, vous vous êtes bien gardé de transmettre cette information à vos subordonnés (de fait vous étiez alors déjà en arrêt de travail pour maladie), mais vous n'avez surtout pas jugé utile ou nécessaire de prévenir votre interlocutrice de votre situation (') tout en l'assurant que tout serait fait à sa demande... alors que les travaux à réaliser en votre absence n'ont de votre fait pas été réalisés.

De nombreux témoignages confirment par ailleurs de manière unanime que vous consacrez un temps certain à continuellement « mener des enquêtes » personnelles sur les uns et les autres, à demander aux uns des témoignages à charge des autres, à recourir régulièrement à la prise de photographies (tout ceci n'étant manifestement pas probant puisque la Direction n'est jamais destinataire de la moindre remontée objective d'information de votre part), à monter les uns contre les autres, ceci semant immanquablement le trouble au sein de votre équipe (dont les membres confessent au final être en état permanent d'angoisse par rapport à leur poste).

Ainsi, avons-nous par exemple appris que vous aviez le 12 juillet accusé M. [B] d'avoir volé et/ou d'avoir caché la pompe à graisse électrique. Vous avez alors mené l'enquête et pris des photographies... pour au final vous aviser que la pompe avait simplement glissé derrière une caisse à outils ! M. [C], sur lequel vous semblez manifestement penser avoir barre déclare avoir été sollicité par vous à plusieurs reprises, en particulier au mois de juillet dernier, pour témoigner contre le personnel de l'atelier. Ou encore M. [H] déclare avoir été contacté à plusieurs reprises chez lui par téléphone afin de lui expliquer que la Direction serait en train d'élaborer un dossier à son encontre.

sur site peu avant 16 heures a gratifié les membres présents de votre équipe (ce dont l'ensemble des membres de l'atelier témoigne, ceci en plus de l'enregistrement vidéo) ' lequel ne saurait avoir été le fruit du hasard- et la prétendue agression physique (coups de poing sur le thorax) dont vous auriez été victime de la part de M. [T] (intérimaire chez nous depuis le 02/07/2018 ' dont l'agence intérimaire qui l'emploie atteste que ce dernier n'a pas eu de problème de comportement durant ses précédentes missions), nous comprenons que vous êtes encore et toujours à l'origine de l'atmosphère de travail délétère et détestable.

Or, la qualité des relations de travail au sein du service n'a pas à être sacrifiée à des raisons extra professionnelles d'inimitié ou à un état d'esprit toxique. Nous devons pouvoir compter sur tout collaborateur de l'entreprise pour qu'il collabore efficacement et sainement et il va de soi que chacun doit exécuter loyalement ses tâches. Il ne saurait par exemple être toléré que le mépris des règles de sécurité ou la provocation de zizanies soient le fait d'un collaborateur perturbateur.

Il est avéré que vous êtes à l'origine de difficultés relationnelles entre vous et la quasi-totalité de vos collègues. Votre attitude personnelle à l'égard de votre entourage professionnel immédiat nuit à la bonne ambiance et perturbe inutilement le fonctionnement du service. Votre altercation (avérée ou non, mensongère ou pas) avec M. [T] (précédemment avec M. [J]) n'est le résultat que de vos man'uvres et des tensions que vous créez. Au lieu de fédérer votre équipe vous provoquez un mécontentement général à la limite des débrayages au sein de son équipe.

Constatant que votre état d'esprit reste inchangé et que vous ne concevez votre relation aux autres essentiellement par l'adversité ou le conflit, il est devenu impérieux de mettre un terme au climat inutilement malsain que vous créez pour et à partir de rien. »

Les griefs reprochés à M. [W] consistent en une violation des dispositions de sécurité, et un comportement inadapté de M. [W] (suscite la mésentente dans son équipe ; ne communique pas toutes les informations utiles entraînant des difficultés dans le service).

S'agissant du premier grief tiré du manquement par M. [W] à son obligation de sécurité, le SYDEME reproche à M. [W] d'avoir demandé à un intérimaire, M. [C], qui n'était pas formé sur l'utilisation de harnais de sécurité, d'effectuer une man'uvre en hauteur avec un harnais sur un appareil en cours de fonctionnement, ce qui rendait la man'uvre dangereuse.

M. [W] conteste ce grief au motif qu'à la date des faits prétendus telle qu'indiquée dans la première attestation établie par M. [C] (17 juillet 2018), il se trouvait en arrêt maladie et ne pouvait donc pas avoir donné d'instruction en ce sens.

Cependant, dans sa seconde attestation établie le 12 février 2021, M. [C] reprend le contenu de sa première attestation datée du 24 juillet 2018, sauf en ce qui concerne la date des faits correspondant à la man'uvre dangereuse demandée par M. [W] qu'il situe désormais entre le 12 et le 20 juillet 2018, précisant que l'indication du 17 juillet 2018 devait être une erreur.

Les attestations établies par Mrs [J] et [B] confirment qu'au cours du mois de juillet 2018, M. [C] est venu les voir pour les informer que M. [W] lui avait de demander d'effectuer la man'uvre précisée ci-dessus, et qu'il avait refusé de l'effectuer.

M. [W] ayant été présent dans l'entreprise sur une partie du mois de juillet 2018 (entre le 9 et le 16 juillet), et la rectification de la date apportée par M. [C] dans sa seconde attestation produite par l'employeur ne remettant pas en cause la description de la man'uvre sollicitée par M. [W], que deux témoins reconnaissent s'être vu décrite par M. [C], il convient de considérer que la preuve de l'existence de l'instruction donnée par M. [W] à M. [C] d'effectuer une man'uvre pour laquelle il n'était pas formé est établie.

Cette instruction, par son caractère dangereux, caractérise un manquement par M. [W] à son obligation de sécurité résultant de l'article L 4122-1 du code du travail qui s'impose à tout salarié dans l'exécution de son travail, M. [W] ne contestant pas avoir la formation nécessaire pour connaître ses consignes de sécurité qu'il était censé maîtriser compte tenu de ses fonctions de chef d'équipe.

En ce qui concerne le défaut de transmission d'une information importante ayant entraîné des difficultés pour le service, seul un témoin indirect (M. [P] dans son attestation du 24 juillet 2018) fait état de ce que M. [W] a omis de signaler aux membres de son équipe qu'ils devaient réparer une benne qu'il s'était engagé à prendre en charge auprès de la responsable, Mme [N], de sorte qu'une discorde est intervenue avec Mme [N]. Aucune précision n'étant apportée sur les circonstances et les modalités de cet engagement avec Mme [N], ce manquement n'est pas suffisamment établi et ne peut être reproché à M. [W].

Le grief tiré de la mésentente engendrée par le comportement de M. [W] dans son service repose sur différents éléments :

-Si plusieurs salariés témoignent de ce que le chauffeur de M. [W] leur a adressé un doigt d'honneur le 16 juillet 2018 au moment où M. [W] quittait l'entreprise après avoir récupéré ses affaires, ce comportement ne peut cependant être reproché à M. [W] s'agissant d'un fait qui ne lui est pas directement imputable.

-De plus, le reproche fait à M. [W] de laisser un de ses subordonnés sans aide quand il en avait besoin (M. [J]) ne repose que sur l'attestation de celui-ci, sans que ce document n'apporte de précision sur les circonstances et la nature de l'aide demandée, la fréquence de ses demandes et la date auxquelles elles ont été faites. Ce grief, contesté par M. [W], et corroboré par aucun autre élément n'est donc pas suffisamment établi.

-S'agissant de la poursuite de la posture d' « enquêteur » de M. [W], postérieurement à la sanction notifiée le 11 juillet 2018 qui visait déjà ce comportement inapproprié de M. [W], il résulte de l'attestation de M. [P] du 24 juillet 2018 que le 12 juillet 2018, M. [W] a reproché à M. [B] d'avoir caché une machine et a incriminé celui-ci, procédant à des photographies, avant que la machine ne soit retrouvée, celle-ci étant simplement tombée derrière une caisse à outil.

M. [W] conteste ces accusations mais ne donne aucun élément objectif permettant de remettre en cause le témoignage de M. [P], invoquant seulement les directives de son directeur technique pour prendre des photos et la première sanction déjà prononcée le 11 juillet 2018 de sorte que ce comportement ne peut faire l'objet d'une seconde sanction.

Cependant, la sanction étant intervenue la veille du comportement reproché à M. [W], la réitération du comportement d' « enquêteur » et de suspicion de M. [W] le 12 juillet 2018 peut donner lieu à une nouvelle sanction, les faits antérieurs déjà sanctionnés ne pouvant quant à eux qu'établir le caractère répétitif du manquement.

M. [W] ne justifie d'aucune instruction de ses supérieurs hiérarchiques tendant à enquêter sur des dysfonctionnements du service, la direction justifiant au contraire avoir demandé à M. [W] par des courriels du 16 février 2018 de se concentrer sur son travail plutôt que de mener des enquêtes qui occasionnent une mauvaise ambiance dans son équipe, et ayant sanctionné M. [W] le 11 juillet 2018 pour notamment des pressions formées sur certains subordonnés pour connaître les manquements qui lui étaient reprochés.

Ces éléments montrent que M. [W] a continué à adopter un comportement d' « enquêteur » inadapté postérieurement à la sanction du 11 juillet 2018, et a mis en cause injustement M. [B] ce qui a contribué à alimenter la mauvaise ambiance existant au sein de l'équipe.

- Enfin, s'agissant des deux altercations survenues entre M. [W] et deux de ses subordonnées, en janvier puis juillet 2018, si elles peuvent illustrer la mésentente existant au sein de l'équipe de M.[W], elles ne révèlent pas en elle-même le comportement fautif de M. [W] ou un manquement de sa part à l'origine de ces altercations, les éléments du dossier n'apportant que des explications imprécises à ces événements.

Il résulte de l'ensemble de ces développements que M. [W] a manqué à son obligation de sécurité en juillet 2018 en donnant une instruction dangereuse à M. [C] et qu'il a contribué à entretenir une mauvaise ambiance au sein de son équipe en procédant à des enquêtes et des accusations inadaptées.

Ces manquements, qui interviennent quelques mois ou quelques jours seulement après un recadrage verbal et une mise à pied disciplinaire, sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, notamment en ce que le premier affecte la sécurité physique d'un de ses subordonnés.

La faute grave reprochée à M. [W] est donc caractérisée, et le licenciement de M. [W] prononcé sur ce fondement le 20 août 2018 par la Régie Eco-Tri de Moselle-Est est justifié.

La demande formée par M. [W] aux fins de requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou subsidiairement pour faute simple, doit donc être rejetée.

La décision des premiers juges doit être infirmée sur ce point en ce qu'elle avait requalifié le licenciement en licenciement avec cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières liées à la rupture du contrat de travail

Le licenciement pour faute grave prononcé contre M. [W] le 20 août 2018 étant justifié, la Régie Eco-Tri de Moselle-Est était en mesure de prononcer une mise à pied conservatoire, de sorte que la demande de rappel de salaire formée à ce titre, et d'indemnité pour les congés payés afférents, n'est pas justifiée.

Pour le même motif, M. [W] doit être débouté de ses demandes formées au titre de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé sur les demandes qu'il a rejetées et infirmé sur celles auxquelles il a fait droit.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du coefficient et les dommages et intérêts pour le préjudice lié à la perte de salaire

Selon l'article 3.7 de la convention collective applicable à la relation de travail, relatif à la rémunération effective, aucun salarié ne peut percevoir une rémunération effective inférieure au SMC (salaire minimum conventionnel) correspondant au coefficient de son emploi. 

La rémunération effective comprend l'ensemble des éléments de rémunération assujettis aux cotisations sociales auxquels le salarié a droit du fait de son activité professionnelle, quelles que soient la date ou les modalités de leur paiement (').

En revanche, ne sont pas comprises dans la rémunération effective, au sens du présent article :

les indemnités de salissure, de panier de jour et de nuit, et de transport ;

les majorations pour travail de nuit, du dimanche et jour férié ;

l'indemnisation de l'astreinte ;

la prime de treizième mois ;

les gratifications ayant un caractère exceptionnel.

M. [W] sollicite un rappel de salaire sur les années 2016 à 2018, expliquant qu'il est devenu cadre en 2005, et qu'à ce titre il devait être payé au minimum selon un coefficient de 170 aux termes de la convention collective applicable, alors qu'il n'a en réalité été payé que sur la base d'un coefficient de 167. Il ajoute que les primes d'ancienneté et d'assiduité perçues par M. [W] ne peuvent pas être pris en compte dans le calcul de la rémunération de la prestation de travail proprement dite puisqu'elles ont une finalité propre.

Le salarié demande en outre la réparation du préjudice lié à la perte financière qu'il a subie du fait de ce manquement de l'employeur, préjudice qu'il estime à 3 000 euros.

Le SYDEME s'oppose aux demandes de M. [W], expliquant que si le coefficient 170 s'applique bien à M. [W], le salaire minimum conventionnel ne doit pas être comparé au salaire horaire (établi pour M. [W] en application du coefficient 167), mais à la rémunération effective, aux termes des dispositions de la convention collective. Il ajoute en l'espèce que le montant de la rémunération effective perçue par M. [W] sur cette période est supérieur au salaire minimum conventionnel, de sorte que sa demande n'est pas justifiée.

Il résulte des dispositions précitées de la convention collective que la rémunération effective du salarié doit être au moins égale au salaire minimum conventionnel calculé par l'application du coefficient 170.

L'examen des bulletins de salaire de M. [W] montre qu'un coefficient de 167 lui a été appliqué sur les années 2016 à 2018 pour calculer son salaire, et qu'une prime d'ancienneté lui a été allouée tous les mois, prime sur laquelle les cotisations sociales ont été appliquées.

Les dispositions de la convention collective n'excluant pas cette prime d'ancienneté pour le calcul de la rémunération effective du salarié, c'est à bon droit que les premiers juges ont intégré cette prime dans le calcul de la rémunération effective, et ont constaté que la rémunération effective de M.[W] dépassait le salaire minimum collectif calculé sur la base d'un coefficient de 170.

Dès lors la demande de rappel de salaire formée par M. [W] sur ce point n'est pas justifiée, tout comme la demande de dommages et intérêts pour l'indemnisation du préjudice lié à la perte financière qui en est résultée qui n'est pas davantage légitime.

Le jugement entrepris doit être confirmé sur ces deux point.

Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la violation de l'obligation de sécurité

Il est rappelé qu'aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'un organisation et de moyens adaptés et l'employeur devant veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Cette obligation est actuellement considérée par la jurisprudence comme une obligation de moyens renforcée et non plus de résultat.

M. [W] invoque le manquement par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, précisant que la Régie Eco-Tri de Moselle-Est n'a pas pris les mesures pour protéger sa santé, de sorte qu'il a nécessairement subi un préjudice.

Le SYDEME s'oppose à cette demande, indiquant que M. [W] ne précise pas en quoi l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, et qu'en outre il ne justifie pas de son préjudice.

M. [W] ne précisant pas à quelle occasion l'employeur aurait dû engager des démarches pour protéger sa santé, et ne justifiant pas avoir signalé la dégradation de ses conditions de travail ou de son état de santé à sa hiérarchie avant le courrier du 10 août 2018, il convient de constater que l'employeur n'a pas manqué au respect de son obligation de sécurité.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [W] étant la partie perdante à l'instance, le jugement entrepris sera infirmé sur ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, et M. [W] sera condamné aux dépens d'appel et de première instance.

L'équité commande en l'espèce de laisser au SYDEME la charge des frais non compris dans les dépens qu'il a engagés dans la présente procédure. Sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

-débouté M. [F] [W] de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement nul ;

-débouté M. [F] [W] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-débouté M. [F] [W] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices résultant du harcèlement moral, et de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité ;

-débouté M. [F] [W] de ses demandes de rappel de salaire concernant l'application d'un mauvais coefficient ;

-débouté M. [F] [W] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de sa perte financière ;

-débouté M. [F] [W] de sa demande tendant à prononcer la nullité de la mise à pied disciplinaire notifiée le 11 juillet 2018 ;

Statuant à nouveau et dans cette limite,

Déboute M. [F] [W] de sa demande de requalification de son licenciement prononcé le 20 août 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement en licenciement pour faute simple ;

Déboute M. [F] [W] de ses demandes d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents ;

Déboute M. [F] [W] de ses demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents formées au titre de la mise à pied conservatoire ;

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] [W] aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière, La Présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/02235
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;20.02235 ?
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