RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/01213 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FJWU
Minute n° 23/00021
[G], [G]
C/
[R], [G], Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE, Etablissement Public CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE, S.A. L'EQUITE ASSURANCE
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 18 Juin 2020, enregistrée sous le n° 2017/00616
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
APPELANTS :
Monsieur [I] [G]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/5966 du 27/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
Monsieur [F] [G]
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Monsieur [I] [G]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE Représentée par son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 3]
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS ET APPELANTS INCIDENTS :
Monsieur [Z] [R]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Jean-Marie COSTE-FLORET, avocat plaidant au barreau de PARIS
SA L'EQUITE ASSURANCE Représentée par son représentant légal,
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Jean-Marie COSTE-FLORET, avocat plaidant au barreau de PARIS
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 14 Juin 2022 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 17 Janvier 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 14 septembre 2008, M. [F] [G] et son père M. [I] [G], ont participé à une battue au sanglier organisée dans un champ de maïs.
M. [R], assuré auprès de la société L'Équité assurances, a été désigné comme responsable de la ligne de traque.
Les chasseurs déployés en ligne de traque n'ayant pas réussi à débusquer le gibier, il a été décidé d'utiliser les armes à feu pour effaroucher les sangliers.
M. [F] [G] est allé chercher deux fusils dans la voiture de son père, M. [I] [G]. Le fusil de chasse de ce dernier a été confié par M. [F] [G] à M. [R].
Au cours d'un déplacement de M. [R] dans le champ, un coup de feu est parti de l'arme qu'il tenait, blessant M. [F] [G] à la jambe droite.
Indiquant avoir exposé des prestations pour un montant de 38 188,85 euros dans le cadre de la prise en charge des soins de M. [F] [G], la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Moselle en a sollicité le remboursement auprès de la société L'Équité assurances sur le fondement de l'article 1384 ancien du code civil, version en vigueur à la date des faits.
La société L'Équité assurances a refusé de prendre en charge les débours engagés par la caisse de sécurité sociale, considérant que la responsabilité de son assuré, M. [R], n'était pas engagée.
Par actes d'huissier du 7 avril 2017, la CPAM de Moselle a assigné M. [I] [G] et M. [R] devant le tribunal de grande instance de Metz afin de le voir :
déclarer M. [I] [G] et M. [R] solidairement responsables des conséquences de l'accident survenu le 14 septembre 2008,
condamner solidairement M. [G] et M. [R] à payer à la CPAM de Moselle la somme de 38 188,85 euros avec intérêts à compter du 19 octobre 2016, jour de la demande, intérêts tant moratoires que compensatoires, et au besoin en tant que supplément de dommages et intérêts, outre la somme de 1.047 € au titre de l'indemnité forfaitaire de frais de gestion avec intérêts légaux à compter du jugement à intervenir, et celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
déclarer le jugement devant intervenir exécutoire par provision,
condamner M. [I] [G] et M. [R] en tous les frais et dépens.
Par acte d'huissier signifié le 31 mai 2017, M. [R] a assigné la SA L'Équité assurances, prise en la personne de son représentant légal, aux fins d'intervention forcée et en garantie devant le tribunal de grande instance de Metz afin de le voir :
prononcer la jonction entre l'action engagée par la CPAM de Moselle à l'encontre de M. [R] et la présente action engagée par M. [R] à l'encontre de la société L'Équité assurances,
dire et juger qu'en cas de condamnation de M. [R] la société l'Équité devra garantir ce dernier de toutes condamnations en principal, intérêts et frais.
Au besoin,
condamner la société L'Équité assurances au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société L'Équité assurances aux dépens liés à la procédure d'intervention forcée.
Ces deux procédures ont été jointes.
M. [F] [G] est intervenu volontairement à l'instance aux fins de voir dire et juger M. [R] entièrement responsable de l'accident dont il a été victime et de le voir condamner solidairement avec son assureur à en réparer les conséquences dommageables. Il a également sollicité l'organisation d'une mesure d'expertise médicale et l'octroi d'une provision de 5.000 euros.
Par jugement du 18 juin 2020, le tribunal judiciaire de Metz a :
Sur la responsabilité,
déclaré M. [I] [G] entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. [F] [G] résultant de l'accident de chasse du 14 septembre 2008 en sa qualité de gardien du fusil de chasse,
déclaré M. [R] entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. [F] [G] résultant de l'accident de chasse du 14 septembre 2008 en raison de son comportement fautif,
dit que M. [I] [G] et M. [R] seront tenus solidairement de réparer les entières conséquences dommageables subies par M. [F] [G] sans aucune limitation ni partage de responsabilité,
condamné la société L'Équité assurances à garantir M. [R] de toutes ses condamnations,
Sur l'indemnisation des préjudices,
reçu M. [F] [G] en son intervention volontaire,
débouté M. [F] [G] de sa demande d'indemnisation provisionnelle,
ordonné avant-dire droit, une expertise médicale sur la personne de M. [F] [G], né le 29 avril 1982, et désigne pour y procéder le Dr [J], expert inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Metz,
réservé les demandes de M. [F] [G] après dépôt du rapport d'expertise,
sursis à statuer sur les demandes formées par la CPAM de Moselle jusqu'au dépôt du rapport d'expertise y compris sur l'indemnité forfaitaire de gestion,
réservé les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile et au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet1991 ainsi que les dépens y compris ceux liés à la procédure d'intervention forcée,
En tout état de cause,
ordonné la radiation administrative de l'affaire laquelle sera reprise à l'initiative du tribunal ou de l'une ou de l'autre des parties sur la justification du dépôt du rapport d'expertise ou du non accomplissement de la mesure d'instruction,
prononcé l'exécution provisoire du jugement.
Pour se déterminer ainsi et retenir la responsabilité de M. [I] [G] sur le fondement de l'article 1384 ancien du code civil, le tribunal judiciaire de Metz a considéré que ce dernier, propriétaire du fusil à l'origine du dommage, n'apportait pas les éléments nécessaires à démontrer un transfert de garde susceptible de dégager sa responsabilité. Il a ainsi considéré que M. [I] [G] savait, par la décision collective des chasseurs, que son fusil avait été confié à M. [R], mais que, celui-ci étant défectueux, M. [R] ne pouvait en maîtriser le comportement et prévenir tout dommage, de sorte que la garde ne lui en avait pas été transférée.
Sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, le tribunal a considéré que le lien de causalité entre la faute de M. [I] [G], consistant en un défaut d'entretien et de sécurité de son arme, et le dommage, était insuffisamment démontré.
En revanche, le tribunal a retenu que le comportement de M. [R] lors de la partie de chasse caractérisait un irrespect des règles de sécurité impératives dans le cadre de cette activité constituant une faute, en lien avec le préjudice, engageant ainsi sa responsabilité.
Enfin, au visa de l'article 146 du code de procédure civile, le tribunal judiciaire a ordonné que soit réalisée une expertise médicale afin de déterminer l'étendue des préjudices subis par M. [F] [G], faute d'éléments suffisants en l'état.
Par déclaration enregistrée au greffe le 21 juillet 2020, M. [I] [G] a interjeté appel de ce jugement aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, en ce que le tribunal judiciaire de Metz a :
déclaré M. [I] [G] entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. [F] [G] résultant de l'accident de chasse du 14 septembre 2008 en sa qualité de gardien de fusil de chasse,
dit que M. [I] [G] et M. [R] seront tenus solidairement à réparer les entières conséquences dommageables subies par M. [F] [G] sans aucune limitation ni partage de responsabilité,
ordonné avant-dire droit une expertise médicale sur la personne de M. [F] [G] dans les conditions prévues dans le dispositif du jugement,
en ce que l'expertise médicale fait grief à M. [I] [G] qu'il conteste sa responsabilité dans l'accident de chasse du 14 septembre 2008,
débouté M. [I] [G] pour ses moyens, fins, conclusions et demandes, et notamment la demande formée par M. [I] [G] de voir condamner M. [R] à le garantir de toutes condamnations au profit de la CPAM de Moselle.
Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG 20/01213.
Par conclusions du 19 janvier 2021, M. [R] et la société L'Équité ont formé appel incident dans le cadre de cette procédure, et demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'action récursoire de M. [R] et de la société L'Équité à l'encontre de M. [I] [G].
Par déclaration d'appel en date du 29 mars 2021, M. [F] [G] a également interjeté appel du jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Metz aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, en ce qu'il a :
débouté M. [F] [G] de ses prétentions tendant à voir déclarer M. [R] seul et entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident de chasse survenu le 14 septembre 2008 et tenu solidairement avec son assureur la société L'Équité à le réparer,
déclaré M. [I] [G] et M. [R] chacun entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident de chasse dont a été victime M. [F] [G] le 14 septembre 2008 et dit qu'ils seront tenus solidairement d'en réparer les entières conséquences dommageables sans aucune limitation ni partage de responsabilité,
débouté M. [F] [G] de sa demande d'indemnité provisionnelle.
M. [R] et la société l'Equité ont conclu à deux reprises dans cette procédure, les 17 mai et 19 août 2021. Dans leurs conclusions du 19 août 2021 ils ont, notamment, demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré M. [R] entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident.
M. [I] [G] a formé appel incident par voie de conclusions déposées le 16 août 2021 et demandé l'infirmation du jugement.
Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG 21/00815.
Par décision du 28 octobre 2021, les procédures n° RG 20/01213 et RG 21/00815 ont été jointes sous le n° RG 20/01213.
Par acte du 3 janvier 2022, l'avocat de M. [F] [G] a notifié à la cour son dépôt de mandat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 25 mars 2022 et au visa des articles 909 et 910-4 du code de procédure civile, de l'article 1382 ancien du code civil, M. [I] [G] demande à la cour d'appel de :
« recevoir les appels principal et incident de M. [I] [G],
rejeter l'appel incident de M. [R] et de la société L'Équité,
« ordonner la jonction des procédure RG 20/01213 et 21/00815,
constater que la cour n'a pas été saisie par M. [R] et son assureur d'une demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé que M. [R] était responsable des conséquences de l'accident survenu le 14 septembre 2008,
dire et juger que la saisine de la cour, quant à l'appel incident, est limité à l'action récursoire et que le jugement définitif en ce qu'il a déclaré M. [R] entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. [F] [G] résultant de l'accident de chasse du 14 septembre 2008, en raison de son comportement fautif,
infirmer le jugement du 18 juin 2020,
débouter la CPAM de la Moselle, M. [R] et de la compagnie L'Équité, de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions dirigés contre Monsieur [I] [G],
Subsidiairement,
dire et juger que seuls M. [R] et la société L'Équité assurances seront solidairement tenus de garantir M. [I] [G] de toutes les conséquences dommageables et condamnations prononcées à son égard au titre de l'accident survenu le 14 septembre 2008.
En tout état de cause,
déclarer la CPAM de la Moselle, M. [F] [G] et la société L'Équité assurances irrecevables et subsidiairement mal fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions dirigées contre M. [I] [G],
condamner à titre principal la CPAM de la Moselle, subsidiairement condamner solidairement M. [R] et la société L'Équité assurances aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel,
condamner à titre principal la CPAM de la Moselle et subsidiairement et solidairement, M. [R] et la société L'Équité assurances à payer à Me [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700-2 du code de procédure civile de première instance et à Me Bettenfeld la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700-2 d'appel ».
M. [I] [G] soutient tout d'abord que M. [R] et son assureur l'Équité assurance, ne sont pas recevables à solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a « jugé [Z] [R] responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 juin 2008 », dès lors qu'une telle demande ne figurait pas dans leurs conclusions d'intimés du 19 janvier 2021, que la cour n'a été saisie d'aucune autre demande dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile, et que l'article 910-4 du même code faisait interdiction aux intimés d'ajouter de nouvelles prétentions postérieurement au dépôt de leurs premières conclusions ainsi qu'ils l'ont fait, sauf évolution du litige.
Il estime que le fait que M. [F] [G] ait lui-même interjeté ultérieurement appel du jugement, et que M. [R] et son assureur aient formé appel incident et conclu dans ce cadre, est sans incidence dès lors qu'ils ne sont pas recevables à former un second appel incident pour étendre les motifs du premier.
Il fait encore valoir qu'il ne peut lui être opposé le fait qu'il n'a pas interjeté appel à l'encontre de son fils [F] [G], alors qu'en première instance celui-ci n'avait formulé aucune demande à son encontre, que lui-même n'a succombé qu'à l'égard des parties ayant conclu contre lui, et qu'en tout état de cause [F] [G] a lui aussi interjeté appel.
Sur le fond, M. [I] [G] soutient qu'il y a eu transfert de garde de l'arme au profit de M. [R] de nature à écarter sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité du fait des choses. En effet, il rappelle qu'il n'était pas sur la ligne de traque organisée par M. [R], qu'il n'était pas informé de la décision d'utiliser des armes prises par les traqueurs, ni que son arme avait été récupérée dans son véhicule fermé à clé et confiée à M. [R], de sorte qu'il n'a donné aucun accord sur ce point.
Il rappelle que selon la jurisprudence, il y a transfert de la garde lorsque le propriétaire de l'arme en est dépossédé contre son gré. Il ajoute que l'arme n'a pas été confiée à M. [R] pour un court laps de temps et que l'utilisation qui en a été faite n'est pas intervenue dans son propre intérêt, ce qui s'oppose également à ce qu'il ait conservé la garde de l'arme.
Enfin il soutient que l'accident n'est survenu que parce que M. [R] a donné l'ordre à M. [F] [G] de ramener l'arme de son père et de la lui donner alors qu'il n'était pas prévu que le groupe soit armé, que M. [R] en outre a changé de rangée dans le champ de maïs sans prévenir, et qu'il ne lui était pas possible d'alerter M. [R] sur une quelconque défaillance de l'arme puisqu'il ignorait que celui-ci lui la lui avait empruntée.
Sur les appels en garantie de M. [R] et de son assureur, fondés sur sa faute personnelle, M. [G] rétorque que le vice inhérent à la chose ne peut constituer un cas fortuit ou de force majeure de nature à exonérer le gardien, en l'occurrence M. [R], de sa responsabilité envers les tiers. Il fait valoir que M. [R] avait tout pouvoir de manier et utiliser l'arme, alors que lui-même n'était pas informé de sa remise et que son consentement n'avait pas été requis, de sorte qu'il ne pouvait donner aucune information à M. [R] et n'a commis aucune faute à ce titre. Il souligne en revanche les fautes de M. [R], qui a chargé l'arme sans s'être assuré de son parfait état de marche et n'a pas respecté les règles élémentaires de prudence s'appliquant lors d'une battue de sorte que l'accident aurait pu intervenir, que la sécurité ait été ou non défectueuse.
Il ajoute enfin que les demandes présentées par M. [R] par voie d'appel incident sont irrecevables, aucune demande n'ayant été présentée en ce sens en première instance. Il estime également la demande de son assureur irrecevable, en tout cas mal fondées, l'assureur ne pouvant détenir plus de droits que son assuré.
Par conclusions du 29 juin 2021, M. [F] [G] demande à la cour d'appel de :
recevoir M. [F] [G] en son appel et le dire bien fondé,
infirmer le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
dire et juger M. [R] seul et entièrement responsable de l'accident de chasse dont il a été victime le 14 septembre 2008,
le condamner à en réparer l'ensemble des conséquences dommageables et ce, solidairement avec son assureur, la société L'Équité assurances,
condamner solidairement M. [R] et la société L'Équité assurances à payer à M. [F] [G] une indemnité provisionnelle d'un montant de 5 000 euros,
confirmer le jugement entrepris pour le surplus en ce qu'il a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale confiée au Dr. [J],
renvoyer la cause et les parties devant le tribunal pour être statué sur les points non résolus, après l'expertise,
déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM de Moselle,
condamner solidairement M. [R] et la société L'Équité assurances en tous les frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [F] [G] partage les arguments de M. [I] [G] selon lesquels la responsabilité de ce dernier ne pourrait être engagée puisqu'il y a eu transfert de garde, M. [I] [G] ayant perdu l'usage, la direction et le contrôle du fusil lui appartenant, transmis à M. [R] à son insu.
S'agissant de sa demande d'indemnité provisionnelle, M. [F] [G] affirme que la blessure a engendré plusieurs opérations, la disparition de toute sensibilité dans le genou, c'ur du traumatisme, et une paralysie des releveurs du pied droit non résolue malgré plusieurs années de kinésithérapie. Il soutient que le préjudice prévisible, malgré les dires du tribunal, n'est donc pas limité et la demande de 5 000 euros de provision non excessive, ne serait-ce qu'au regard des souffrances endurées.
Par conclusions du 29 mars 2021 et au visa de l'article 1384 alinéa 1 ancien du code civil, la CPAM de Moselle demande à la cour de :
dire recevable mais mal fondé l'appel interjeté le 20 juillet 2020 par M. [I] [G] contre le jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Metz,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
condamner M. [I] [G] et M. [R] solidairement à verser à la CPAM de Moselle une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,
condamner M. [I] [G] et M. [R] solidairement à verser à la CPAM de Moselle une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [I] [G] et M. [R] solidairement en tous les frais et dépens d'instance et d'appel.
La CPAM fait valoir que M. [R] a pris possession de l'arme de M. [I] [G], confiée par M. [F] [G], avec l'accord implicite de son propriétaire puisqu'il ne pouvait ignorer la décision collective de recourir aux armes, ni que son fils était allé chercher les fusils qui se trouvaient dans le coffre de sa voiture. Elle ajoute que M. [I] [G] ne démontre pas que le tiers utilisateur de l'arme avait reçu toutes possibilités de prévenir lui-même le préjudice qu'il pouvait causer, d'autant plus que l'obligation d'information de l'état de l'arme repose sur son propriétaire. Elle en déduit que, faute d'avoir transféré au tiers les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle de l'arme, M. [I] [G] ne peut être exonéré de sa responsabilité résultant des dommages causés du fait de l'arme défectueuse.
Selon la CPAM, la responsabilité de M. [I] [G] doit également être engagée pour faute en raison du défaut d'entretien de son arme, dès lors que s'il l'avait entretenue la sécurité du fusil aurait fonctionné et le tir n'aurait pas été causé par cette défectuosité.
Enfin, la CPAM affirme que la responsabilité de M. [R] doit également être retenue sur ce même fondement, son comportement lors de la battue s'étant révélé imprudent au regard de la situation. En effet, il évoluait parmi un groupe de chasseur, dans un champ de maïs, l'arme à la main, et non ouverte et à l'épaule comme le requièrent les règles de sécurité en matière de chasse, et a décidé de changer de rangée de maïs sans en avertir son voisin M. [F] [G].
Par conclusions du 13 décembre 2021 valant appel incident et au visa des anciens articles 1382 et 1384 du code civil, de l'article 700 du code de procédure civile, la société L'Équité Assurances et M. [R] demandent à la cour d'appel de :
débouter M. [I] [G] de sa demande d'irrecevabilité de l'appel incident interjeté par M. [R] et L'Équité à l'encontre de M. [F] [G],
infirmer le jugement en ce qu'il a jugé M. [R] responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 juin 2008,
confirmer le jugement en ce qu'il a jugé [I] [G] pleinement responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 juin 2008 en sa qualité de gardien du fusil défectueux,
infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'action récursoire de M. [R] et de la société L'Équité à l'encontre de M. [I] [G],
Et statuant à nouveau,
dire et juger que M. [I] [G] a commis une faute délictuelle cause exclusive de l'accident en s'abstenant d'entretenir son fusil et en le laissant à la disposition des chasseurs,
dire et juger que M. [I] [G] est responsable de la survenance de l'accident en sa qualité de gardien du mécanisme de sûreté défectueux,
débouter M. [F] [G], M. [I] [G] et la CPAM de Moselle de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de M. [R] et de la société L'Équité,
condamner M. [I] [G] à relever et garantir M. [R] et la société L'Équité de toutes condamnations prononcées à leur encontre,
condamner M. [I] [G] à verser à L'Équité la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
M. [R] et la société l'Équité soutiennent tout d'abord que leur demande tendant à voir infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a « jugé [Z] [R] entièrement responsable des conséquences de l'accident » doit être déclarée recevable.
Ils rappellent que dans la première procédure RG 20/01213 M. [I] [G] n'avait pas interjeté appel à l'encontre de M. [F] [G], de sorte qu'il ne peut leur être reproché de n'avoir pas interjeté appel des condamnations prononcées au bénéfice de M. [F] [G] qui n'était pas partie à cette procédure.
En suite de l'appel interjeté par M. [F] [G], ils exposent avoir interjeté appel incident dans le délai de trois mois suivant la notification des conclusions d'appelant de M. [F] [G], de sorte que leur demande, figurant dans ces conclusions d'intimé, est recevable comme ayant été formé dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile.
Sur le fond, ils considèrent que seule la responsabilité pour fautes de M. [I] [G] est à l'origine de l'accident, dès lors que celles-ci résultent directement et exclusivement de la défectuosité du fusil et de son absence d'entretien, fautes imputables à M. [I] [G] et sans lesquelles l'accident ne serait pas survenu. Au regard de telles fautes ils considèrent qu'il ne peut être reproché à M. [R] de ne pas avoir vérifié par lui-même le bon fonctionnement de la sécurité de l'arme, de même qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir changé de rangée dans le champ de maïs, ou d'avoir chargé l'arme alors qu'elle lui avait été remise pour effrayer les sangliers.
Ils concluent en outre à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [I] [G] dans l'accident, reprenant à leur compte les motifs des premiers juges et soutenant que le détenteur d'une chose dangereuse dotée d'un mécanisme propre se voit conférer uniquement la garde du comportement et non de la structure de la chose. Ils en concluent qu'en l'espèce seul M. [I] [G] était gardien de la structure du fusil, aucune information n'ayant été donnée à M. [R] sur la défaillance de l'arme, et aucun transfert de la garde n'ayant pu intervenir, de sorte que seul M. [I] [G] doit répondre de l'accident.
Enfin ils sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leur appel en garantie et concluent au rejet de l'irrecevabilité soulevée par M. [I] [G] sur ce point. Ils soutiennent que la société l'Équité a bien sollicité en première instance la condamnation à garantie de M. [I] [G] de sorte que leur actuelle demande n'est pas une demande nouvelle. Ils estiment que M. [I] [G] est le seul et unique responsable du bon fonctionnement de son arme, et qu'en l'absence de défectuosité du fusil l'accident ne serait pas survenu de sorte que seul M. [I] [G] doit en répondre.
***
Par note en délibéré en date du 4 octobre 2022, la cour a observé que M. [F] [G] ne s'était pas acquitté du timbre fiscal prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts et que son appel encourait l'irrecevabilité en application de l'article 963 du code de procédure civile. Soulevant l'application de l'article 550 du code de procédure civile, la cour a invité les parties à présenter leurs observations quant à la recevabilité des appels incidents formés par M. [R] et la société L'Équité, d'une part, et de M. [I] [G] d'autre part, et à indiquer si le jugement dont appel a fait l'objet d'une signification.
Le 26 octobre 2022, M. [I] [G] a répondu ne jamais avoir reçu signification du jugement et ajouté que son appel incident avait été formé dans le délai prévu à l'article 909 du code de procédure civil et demeure donc recevable malgré l'irrecevabilité de l'appel de M. [F] [G].
Le 10 novembre 2022, M. [R] et la société L'Équité ont indiqué ne pas avoir fait signifier le jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Metz et ne jamais en avoir reçu notification. Si l'irrecevabilité de l'appel de M. [F] [G] était relevée, ils considèrent que la cour resterait néanmoins saisie de l'appel principal de M. [I] [G] et de leur appel incident, ainsi que des divers appels incidents formés en suite de l'appel principal de M. [F] [G] qui restent recevables en application de l'article 550 du code de procédure civile.
Ils soutiennent en revanche que, l'appel principal de M. [I] [G] n'ayant pas pour objet le chef du dispositif du jugement l'ayant déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident, la cour devra statuer sur la responsabilité de M. [R] et la demande de M. [I] [G] tendant à être « relevé et garanti par M. [R] et son assureur la société l'Equité ».
Le 14 novembre 2022, la CPAM de Moselle a précisé ne pas avoir fait signifier le jugement querellé.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour observe à titre liminaire que sa note en délibéré était limitée au problème de la recevabilité de l'appel de M. [F] [G] au regard de l'absence de paiement du timbre, et de la recevabilité ou de l'irrecevabilité en découlant des appels incidents en fonction de la signification éventuelle du jugement dont appel. La réponse attendue des parties se limitait donc au problème soulevé.
M. [R] et la SA l'Equité ne pouvaient donc dans leur réponse avancer un nouveau moyen, non évoqué dans leurs dernières conclusions, pour soutenir que la cour ne serait pas saisie de l'appel de M. [I] [G] contre la disposition du jugement ayant retenu son entière responsabilité.
Au demeurant il s'évince, tant des termes de la déclaration d'appel que des prétentions de M. [I] [G], qui a expressément conclu à l'infirmation dans son ensemble du jugement et au débouté de l'ensemble des parties, que la cour est bien saisie de ses prétentions et de sa contestation sur ce point.
Il est également observé que la déclaration d'appel de M. [I] [G] vise l'infirmation du jugement « en ce que le tribunal a ordonné une expertise judiciaire avant dire droit et en ce que cette expertise fait grief à M. [I] [G] qu'il conteste sa responsabilité dans l'accident de chasse du 14 septembre 2008 ». Cependant cette demande d'infirmation n'est reprise à aucun moment, ni même soutenue, dans les conclusions de M. [I] [G] et dans le dispositif de celles-ci de sorte que, en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour n'a pas à statuer sur ce point.
Enfin M. [I] [G] en page 23 de ses conclusions, se prévaut de l'irrecevabilité des demandes présentées par M. [R] par voie d'appel incident, sans préciser à quelles demandes il est fait allusion, au motif que de telles demandes n'auraient pas été présentées en première instance. Cependant, à la lecture du dispositif de ses conclusions, il n'est à aucun moment soulevé l'irrecevabilité des demandes de M. [R], seul étant demandé, « en tout état de cause », de déclarer « irrecevables et subsidiairement mal fondés en l'ensemble de leurs demandes la CPAM, M. [F] [G], et la SA l'Équité ».
En application de l'article 954 précité, la cour ne statuera donc pas sur ce point.
I- Sur les moyens d'irrecevabilité
Sur l'irrecevabilité de l'appel principal de M. [F] [G]
L'article 1635 bis P du code général des impôts institue un droit de 225 euros dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire.
L'article 963 du code de procédure civile prévoit que les parties doivent s'acquitter du droit prévu à l'article précité sous peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses. L'irrecevabilité est soulevée d'office par le magistrat ou la formation compétente, le cas échéant la formation de jugement selon 'article 964.
L'irrecevabilité ne peut être prononcée sans que l'avocat ait été invité à s'expliquer sur le défaut de paiement de ce droit ou avisé préalablement par le greffe d'avoir à justifier de son acquittement.
En l'espèce, M. [F] [G], appelant principal, ne s'est pas acquitté du droit de 225 euros en dépit du rappel adressé par le greffe le 16 décembre 2022, et les parties ont encore été invitées par note en délibéré à se prononcer sur ce point.
Il y a donc lieu de constater l'irrecevabilité de l'appel principal de M. [F] [G].
Sur la demande de M. [I] [G] quant à l'étendue de la saisine de la cour, et sur la recevabilité de l'appel incident formé par M. [R] et la SA l'Equité sur l'appel principal de M. [F] [G]
Il n'est contesté par aucune des parties que le jugement dont appel n'a fait l'objet d'aucune signification, de sorte que, en application de l'article 550 du code de procédure civil, l'irrecevabilité de l'appel principal de M. [F] [G] ne peut entraîner à elle seule l'irrecevabilité des appels incidents et notamment de celui formé par M. [R] et son assureur la SA l'Equité.
Il résulte de la procédure que M. [R] et la SA l'Equité ont conclu à deux reprises en suite de la déclaration d'appel de M. [F] [G].
Leurs premières conclusions déposées dans la procédure RG 21/00815 avant sa jonction avec la procédure RG 20/01213, ont été déposées le 17 mai 2021, aussi bien dans cette procédure que dans la procédure RG 20/01213. Dans le dispositif de ces conclusions il n'est effectivement sollicité l'infirmation du jugement dont appel qu'en ce que celui-ci n'a pas fait droit à l'action récursoire de M. [R] et de l'Equité à l'encontre de M. [I] [G].
M. [R] et la SA l'Equité ont ensuite à nouveau conclu le 19 août 2021 dans les deux procédures, et il est notamment demandé à la cour, dans le dispositif de ces conclusions, d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé M. [Z] [R] responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 juin 2008. La cour observe sur ce point une confusion entre la date de l'accident et celle du jugement qui doit être considérée comme une simple erreur matérielle, l'accident ayant eu lieu le 14 septembre 2008 et non le 18 juin.
Aux termes de l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former le cas échéant appel incident ou provoqué. Par ailleurs et selon l'article 910-4, les premières conclusions de l'intimé doivent contenir l'ensemble de ses prétentions sur le fond.
Selon les dispositions de l'article 909, le délai imparti aux intimés pour conclure ne débutait qu'à compter de la notification des conclusions d'appelant de M. [F] [G], lesquelles ont été notifiées par RPVA le 29 juin 2021.
Il ne peut donc être considéré que les conclusions des intimés du 17 mai 2021, déposées avant même les conclusions de l'appelant, devraient seules être prises en considération à l'exclusion des conclusions du 19 août 2021 alors que ces dernières remplissent l'ensemble des conditions posées à l'article 909 précité.
Ainsi les conclusions des intimés devant répondre aux exigences de l'article 910-4 du code de procédure civile, sont celles du 19 août 2021.
Ces conclusions contiennent expressément une demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [R]. Notifiées dans les délais de l'article 909 elles sont recevables, et n'encourent aucune irrecevabilité du fait de l'irrecevabilité de l'appel principal, compte tenu de l'absence de toute signification du jugement.
A défaut de jonction des procédures, la cour aurait donc en tout état de cause été amenée à statuer, dans la procédure 21/00815, sur ce chef de demande de M. [R] et de la SA l'Equité, et donc sur la responsabilité de M. [R].
Enfin il est admis que la jonction d'instance, prévue par l'article 367 du code de procédure civile, n'a pas pour effet de créer une procédure unique. Ainsi, les événements procéduraux régulièrement intervenus dans chacune des instances avant jonction demeurent.
En suite de la jonction intervenue, ce chef de demande énoncé dans la procédure RG 21/00815 perdure, est repris dans les dernières conclusions des intimés, et la cour constate qu'elle est bien actuellement saisie d'une demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé que M. [Z] [R] était responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 juin 2008.
Il convient donc de rejeter la demande de M. [I] [G] tendant à voir constater que la cour ne serait pas saisie d'une demande tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé M. [R] entièrement responsable des conséquences de l'accident, et que le jugement serait définitif en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [R].
II- Au fond
A- Sur la responsabilité de M. [I] [G]
Sur la responsabilité fondée sur la garde de la chose
Aux termes de l'article 1384 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
La responsabilité du fait des choses concerne toute chose à condition qu'elle ait été l'instrument du dommage, peu importe qu'elle soit ou non affectée d'un vice propre, qu'elle soit ou non actionnée par la main de l'homme.
Pour retenir cette responsabilité, il est nécessaire de démontrer le rôle actif de la chose dans la réalisation du dommage, l'existence d'un préjudice réparable et d'établir que celui contre qui l'action est dirigée avait la garde de la chose.
Il n'est pas contesté que l'arme détenue par M. [R] et appartenant à M. [I] [G] a joué un rôle actif dans la réalisation du dommage. Les caractères certain, direct et légitime du préjudice subi par M. [F] [G] en lien avec le rôle de la chose ne sont pas non plus contestés. Il convient dès lors de considérer le rôle actif de la chose et le préjudice réparable comme établis.
Le gardien d'une chose est celui qui exerce sur celle-ci les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle. A ce titre, le propriétaire de la chose est présumé en être le gardien, sauf la possibilité, pour lui, de renverser cette présomption et, notamment, d'établir que la garde de la chose a été transférée à un tiers détenteur.
Compte tenu des pouvoirs sur la chose dont dispose le gardien, celui-ci cesse d'avoir la garde de la chose lorsqu'il n'est plus en mesure d'exercer sur elle sa surveillance, ce qui est le cas lorsqu'il est involontairement dépossédé de la chose, et n'a donc pu faire le choix de transférer ou non à un tiers les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur celle-ci.
En l'espèce, il résulte de l'ensemble des auditions auxquelles ont procédé les services de gendarmerie, qu'avaient été organisées, pour la battue, (ou poussée selon les indications de M. [Y] [P]), deux lignes de chasseurs postés de part et d'autre du champ de maïs, chasseurs situés par hypothèse à distance les uns des autres, et une ligne de traqueurs, non armés à l'origine, disposés en bas du champ de maïs et chargés d'y effectuer des allers-retours pour faire sortir les sangliers. M. [I] [G] faisait partie des chasseurs postés, M. [F] [G] et M. [R] faisaient partie des traqueurs et M. [R] était responsable de la traque.
Des auditions précitées il résulte que dans un premier temps la traque s'est déroulée sans armes, mais que, les sangliers ne sortant pas du champ de maïs, il a été décidé d'aller prendre des armes afin de les effrayer en tirant en l'air (cf. déposition de M. [P]). Selon sa propre déposition, M. [F] [G] a alors dit qu'il avait « ses » fusils dans la voiture ainsi que de la chevrotine, M. [R] lui a proposé de prendre sa propre voiture pour rejoindre le rendez-vous de chasse où était garée celle de M. [G] ; [F] [G] s'est rendu sur place, a pris son fusil et celui de son père et au retour a donné à M. [R] le fusil de son père ainsi que des cartouches.
Il n'est nullement indiqué à ce stade, ni par M. [F] [G] ni par M. [R] dans sa propre déposition, que l'autorisation de M. [I] [G] aurait été sollicitée.
Par ailleurs rien ne permet de considérer qu'il y aurait eu à ce stade une « décision collective » de l'ensemble des chasseurs, impliquant M. [I] [G], afin que celui-ci confie son propre fusil à M. [R].
Dans sa déposition M. [I] [G] expose qu'il s'est posté avec sa carabine le long du champ là où on lui a dit de s'installer, et que si plusieurs armes se trouvaient encore dans sa voiture c'était dans le but d'aller ultérieurement chasser le canard avec son fils. Interrogé sur le point de savoir qui était allé chercher son fusil, il répond qu'il « ne le sait pas », qu'il a « vu son fusil quand ils ont sorti son fils des maïs », qu'il a « su par la suite qu'ils avaient voulu faire du bruit pour effrayer les cochons » mais ne « savait pas qui est allé chercher son arme dans sa voiture » tout en considérant à la fin de son audition que, son véhicule étant fermé à clef, c'est donc que son fils était allé chercher l'arme tenue par M. [R].
Rien ne permet par conséquent de considérer que M. [I] [G] aurait été averti d'une décision collective des chasseurs qui semble en réalité n'avoir été prise que par les traqueurs, et aurait donné son accord pour confier son arme à un tiers. Sa position isolée de chasseur posté ne permet nullement d'établir qu'il pouvait entendre ce qui se disait à distance, notamment parmi les traqueurs, et si M. [P], également chasseur posté, a pu faire un récit complet des faits aux enquêteurs, il convient de relever que sa déposition a eu lieu le lendemain de l'accident, à un moment où, comme M. [I] [G], il avait pu apprendre par les personnes présentes qu'à un moment donné certains chasseurs avaient décidé d'aller chercher des armes.
Dès lors il y a lieu de considérer que M. [I] [G], propriétaire de l'arme litigieuse, en a été dépossédé involontairement, ce dont il résulte que, n'ayant plus la maîtrise et la surveillance de la chose, la garde de celle-ci s'est trouvée transférée à M. [R].
Enfin, et compte tenu d'une dépossession involontaire, il n'y a pas lieu ainsi que le font M. [R] et l'Équité, de distinguer entre garde de la structure et garde du comportement, M. [G] n'ayant conservé ni l'une ni l'autre.
La CPAM ne peut donc rechercher la responsabilité de M. [I] [G] sur ce fondement.
Sur la responsabilité fondée sur la faute
La CPAM et M. [R] font valoir que M. [I] [G] a commis une faute en n'entretenant pas son arme et en la mettant à disposition des chasseurs, sans avertissement quant à sa défaillance, semblant ainsi se fonder aussi bien sur les dispositions de l'article 1383 ancien du code civil et la négligence de M. [G], et sur les dispositions de l'article 1382.
Il a été établi par les enquêteurs, lorsque ceux-ci ont examiné le fusil litigieux, que la sécurité de l'arme était défectueuse, et M. [I] [G], interrogé, a admis qu'il ne se servait jamais de la sûreté car il « cassait » systématiquement son arme pour la mettre en sécurité, et ne savait pas que le bouton de sécurité était défectueux.
Cependant il résulte de développements qui précèdent que M. [I] [G] n'a pas mis volontairement son arme à disposition de M. [R] de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée sur ce point.
Par ailleurs et quant au défaut d'entretien de l'arme, il ne résulte ni des constatations des gendarmes ni des auditions effectuées, que la cause exacte du départ du coup de feu ait été identifiée, et que ce coup de feu puisse de façon certaine être en lien de causalité avec le caractère défectueux de la sécurité.
Il résulte des manipulations effectuées par les enquêteurs sur cette arme, qu'un coup de feu pouvait partir quelle que soit la position du bouton de sécurité, et M. [R] de son côté a indiqué dans un premier temps aux enquêteurs qu'il ne savait pas si la sécurité était mise, pour ensuite répondre qu'il avait mis la sécurité pour approvisionner l'arme, mais qu'ayant tiré des coups de feu pour effrayer les sangliers il ne pouvait pas dire si la sécurité était mise lors du coup de feu fatal.
Il n'est donc nullement établi que la sécurité aurait été mise et que la défaillance de la sécurité ait joué un rôle dans le départ du coup de feu.
L'existence d'une faute en lien de causalité avec le dommage n'est pas établie.
Il en résulte que la responsabilité de M. [I] [G] ne peut être retenue quel que soit le fondement invoqué, et le jugement dont appel doit être infirmé sur ce point.
B- Sur la responsabilité de M. [R]
Compte tenu des développements qui précèdent, M. [R] était devenu gardien de l'arme litigieuse et comme tel responsable du préjudice occasionné par le fait de celle-ci.
Au surplus c'est à juste titre que la CPAM entend également voir engager sa responsabilité pour faute.
Il est constant et non contesté que les règles de sécurité de la chasse préconisent le déplacement avec l'arme ouverte, sans munitions. Les consignes versées aux débats énoncent clairement que lors d'un regroupement de chasseurs ou d'un franchissement d'obstacles, l'arme doit être totalement déchargée de façon visible, et doit toujours être portée en maîtrisant la direction des canons, devant soi ou vers le ciel, ce qui implique de « casser » l'arme toutes les fois qu'elle ne peut être maintenue canons vers le ciel.
L'arrêté du 13 juillet 2011 applicable en Moselle mentionne explicitement que « lors de franchissements d'obstacles l'arme doit être déchargée et neutralisée (culasse ouverte ou canon basculé) ». Sont considérés comme des obstacles les haies, fossés ou clôtures. Enfin il est encore indiqué dans les consignes communes à tous les chasseurs, de « ne pas se fier à la sûreté qui généralement ne bloque que la détente et pas le mécanisme ».
En l'espèce, il résulte de l'audition de M. [R] que celui-ci a reçu le fusil vide et y a mis deux cartouches, indiquant à ce moment qu'il ne savait pas si la sécurité était mise car « ce n'était pas mon fusil je ne le connaissais pas bien », ce qui pouvait l'inciter à en vérifier le fonctionnement.
Selon son audition les traqueurs évoluaient chacun entre deux rangs de maïs, mais M. [R] indique avoir décidé de « change de rang » car devant lui il y avait « des encombrements », et que « au moment de franchir le rang un coup de feu est parti ». M. [R] ne soutient nullement que pour franchir l'obstacle que représentait la rangée de maïs, il a pris la précaution de neutraliser son arme en la « cassant ». Il indique au contraire aux enquêteurs qu'avant cette action il tenait « normalement » son arme une main sur le fût et l'autre sur la crosse, et ajoute qu'au moment du franchissement « à aucun moment je n'avais les mains ou les doigts sur la queue de détente », ce qui est évidemment insuffisant pour s'assurer de neutraliser l'arme.
En outre il résulte de sa propre audition que les traqueurs évoluaient en rang, « espacés d'environ 15 mètres », et que décidant de changer de rang avec un fusil chargé il ne s'est pas assuré de la position, dans le champ, des autres chasseurs proches.
Il résulte de ces constatations que M. [R] n'a pas respecté des consignes de sécurités claires à appliquer lors de tout franchissement d'obstacle, ce que constituait incontestablement une rangée de maïs, souvent haute et raide, et que sa faute en l'espèce est avérée.
Il convient donc, en confirmant sur ce point la décision du premier juge, de retenir également la faute de M. [R], en lien de causalité direct et certain avec le dommage causé à la victime.
C- Sur les appels en garantie
Il n'a pas été statué par les premiers juges sur les appels en garantie.
Le sens de la présente décision nécessite qu'il soit statué sur ce point en y ajoutant à la décision déférée.
Les développements qui précèdent, en ce qu'ils aboutissent à ne retenir que la responsabilité de M. [R], rendent sans objet l'appel en garantie formé par M. [I] [G] à l'encontre de M. [R] et de son assureur, et conduisent à rejeter l'appel en garantie formé par M. [R] et la société l'Equité contre M. [G].
En revanche il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société l'Equité à garantir M. [R].
D- Sur la demande de la CPAM
Le jugement dont appel a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes de la CPAM, y compris au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, dans l'attente de l'expertise destinée à évaluer les différents chefs de préjudice de M. [F] [G], parmi lesquels figureront les frais médicaux exposés.
Tout en concluant à la confirmation de l'ensemble de la décision, la CPAM réclame paiement de la somme de 1.080 € au titre de l'indemnité de gestion, sans argumenter sur ce point et sans réclamer le surplus de ses débours alors qu'elle s'y réfère dans les motifs de ses conclusions.
En l'état la CPAM n'invoque aucun moyen au soutien de sa prétention et le jugement sur ce point sera confirmé.
III- Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dépens et demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile relatifs à la procédure de première instance ont été réservés dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, et il convient de confirmer la décision dont appel sur ce point.
Il n'y a donc pas lieu de statuer, notamment, sur la demande de M. [I] [G] au titre de la somme réclamée en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance, ni sur les dépens de première instance ainsi que réclamé par la CPAM.
Le sens de la présente décision conduit à faire supporter à M. [R] et à la SA l'Equité, qui succombent, les dépens de la procédure d'appel.
Au hauteur d'appel il est équitable d'allouer à M. [I] [G], en remboursement de ses frais irrépétibles, une somme de 1.500 € qui sera mise à la charge de M. [R] et de la SA l'Equité in solidum.
Il est également équitable de condamner in solidum M. [R] et la SA l'Equité à verser à la CPAM la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Déclare irrecevable l'appel interjeté par M. [F] [G] ;
Rejette la demande de M. [I] [G] tendant à voir constater que la cour ne serait pas saisie d'une demande tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé M. [Z] [R] entièrement responsable des conséquences de l'accident, et déclare cette demande recevable.
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
déclaré M. [I] [G] entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. [F] [G] résultant de l'accident de chasse du 14 septembre 2008 en sa qualité de gardien du fusil de chasse,
dit que M. [I] [G] sera tenu de réparer les entières conséquences dommageables subies par M. [F] [G],
Statuant à nouveau sur ces points,
Déboute la CPAM de la Moselle de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. [I] [G]
Déboute M. [Z] [R] et la SA l'Équité de leur appel en garantie à l'encontre des M. [I] [G]
Confirme pour le surplus le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déboute M. [Z] [R] et la SA l'Équité de leur demande tendant à voir retenir la responsabilité entière et exclusive de M. [I] [G], sur le fondement de la faute ou de la garde,
Constate que l'appel en garantie formé par M. [I] [G] devient sans objet,
Condamne in solidum M. [Z] [R] et la SA l'Équité aux entiers dépens de la procédure d'appel,
Condamne in solidum M. [Z] [R] et la SA l'Equité à verser à M. [I] [G] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [Z] [R] et la SA l'Equité à verser à la CPAM de la Moselle la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La Greffière La Présidente de chambre
Le Greffier La Présidente de Chambre