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10/01/2023 | FRANCE | N°22/00047

France | France, Cour d'appel de Metz, 4ème chambre, 10 janvier 2023, 22/00047


Minute n°23/00043

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



Au Nom du Peuple Français

















R.G : N° RG 22/00047 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FUYC







[E]

C/

[P]





COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE DE LA FAMILLE



ARRÊT DU 10 JANVIER 2023







APPELANTE



Madame [B] [E] divorcée [P]

[Adresse 11]

[Localité 16]

représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat à la Cour, avocat postulant, et pa

r Me DECOT, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant,





INTIMÉ



Monsieur [T] [P]

[Adresse 1]

[Localité 19]

représenté par Me David ZACHAYUS, avocat à la Cour, avocat postulant, et par Me FRITSCH, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plai...

Minute n°23/00043

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au Nom du Peuple Français

R.G : N° RG 22/00047 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FUYC

[E]

C/

[P]

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

APPELANTE

Madame [B] [E] divorcée [P]

[Adresse 11]

[Localité 16]

représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat à la Cour, avocat postulant, et par Me DECOT, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant,

INTIMÉ

Monsieur [T] [P]

[Adresse 1]

[Localité 19]

représenté par Me David ZACHAYUS, avocat à la Cour, avocat postulant, et par Me FRITSCH, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRÉSIDENT : Mme Martine ESCOLANO, président de chambre

ASSESSEURS : Mme Claire-Agnès GIZARD, conseiller

Mme Marie HIRIBARREN, conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Véronique FELIX

GREFFIER PRÉSENT AU PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Mme Sylvie AHLOUCHE

DATE DES DÉBATS : à l'audience tenue hors la présence du public en date du 06 oeptembre 2022, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 25 Octobre 2022. Ce jour venu, le délibéré a été prorogé au 15 novembre, puis au 13 décembre puis au 10 janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe selon les dispositions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

ARRET CONTRADICTOIRE

Exposé du litige :

M. [T] [P] et Mme [B] [E] se sont mariés le 25 avril 1986 à [Localité 19] (67), en ayant préalablement adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts aux termes du contrat de mariage reçu le 08 avril 1986 par M. [G], notaire à [Localité 22] (67).

Une ordonnance de non conciliation a été rendue le 24 mai 2005.

Un projet d'état liquidatif a été effectué le 30 juin 2008 par M. [W], notaire missionné par ordonnance du juge de la mise en état du 23 juin 2006, dans le cadre de la procédure de divorce.

Un rapport daté du 05 juillet 2007 a été rédigé par M. [Y] [J], expert également missionné le 23 juin 2006 par le juge de la mise en état dans le cadre de la procédure de divorce.

Par jugement du 27 avril 2010, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé le divorce des époux. Ce jugement a été partiellement infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Colmar 29 janvier 2013.

Par décision du 19 novembre 2013, rendue sur saisine de Mme [B] [E], le tribunal d'instance de Haguenau a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la communauté ayant existé entre les ex-époux et désigné M. [R], notaire à [Localité 20] (67), pour procéder à ces opérations.

Le 30 mai 2014, M. [R], notaire a dressé un procès-verbal de difficultés.

Par assignation délivrée le 1er juillet 2015, Mme [B] [E] a saisi de différentes demandes relatives à ce partage le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg.

Par jugement du 03 novembre 2016, le juge aux affaires familiales s'est prononcé sur diverses récompenses dues par M. [T] [P] à la communauté et a notamment :

- fixé à la somme de 573 333 euros celle due au titre de l'acquisition de matériel agricole propre,

- fixé à la somme de 10 700 euros celle due au titre de l'édification d'un hangar sur un terrain lui appartenant en propre,

- fixé à la somme de 24 000 euros celle due au titre des travaux financés sur des fonds communs au sein de l'immeuble propre de l'époux, situé [Adresse 18],

- fixé à à la somme de 64 607 euros celle due pour le financement de la construction d'une maison sur un terrain appartenant en propre à l'époux, situé [Adresse 1],

- dit que les parcelles située à [Localité 19] (cadastrées Section [Cadastre 9] n°[Cadastre 15], [Cadastre 2] et [Cadastre 5]) et à [Localité 21] (cadastrées section [Cadastre 10] n°[Cadastre 9], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], section [Cadastre 13] n°[Cadastre 7], section [Cadastre 14] n°[Cadastre 17]), constituent des biens communs et fixé la valeur de ces parcelles à 43 500 euros,

- fixé à la somme de 1 625 euros par an l'indemnité d'occupation due par M. [T] [P] à la communauté au titre des parcelles précitées, à compter du 24 mai 2005 et jusqu'à aboutissement des opérations de partage,

- fixé le passif commun, à la date des effets du divorce, à la somme de 378 534 euros,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

-o0o-

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Colmar du 25 novembre 2016, M. [T] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 07 mai 2018, le conseiller de la mise en état a notamment enjoint à Mme [B] [E] de produire le contrat d'assurance retraite souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel et la liste des versements effectués sur ce compte jusqu'en 2005 et rappelé que les parties se devaient loyauté dans le cadre du débat judiciaire.

Par arrêt du 27 août 2019, la cour d'appel de Colmar a notamment :

- confirmé le jugement rendu entre les parties par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg le 03 novembre 2016, excepté en ses dispositions relatives à la récompense due par M. [T] [P] à la communauté au titre de l'acquisition de matériel agricole propre et à l'édification d'un hangar sur un terrain propre de l'époux,

statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :

- fixé au montant de 215 957.27 euros (deux cent quinze mille neuf cent cinquante sept euros vingt sept centimes) la récompense due par M. [T] [P] à la communauté au titre de l'acquisition de matériel agricole propre,

- fixé au montant de 26 250 euros (vingt six mille deux cent cinquante euros) la récompense due par M. [T] [P] à la communauté au titre de l'édification d'un hangar sur un terrain lui appartenant en propre,

- rejeté la demande de M. [T] [P] tendant à la prise en compte d'un train de culture de 291 877 euros devant être déduit des éventuelles récompenses qu'il devrait à la communauté au titre du financement de ses instruments de travail,

- renvoyé les parties devant le notaire désigné aux fins de procéder aux opérations de liquidation et de partage de la communauté ayant existé entre elles, et ce afin de poursuivre ces opérations,

- condamné chaque partie à conserver la charge de ses dépens de l'appel.

-o0o-

Mme [B] [E] a formé un pourvoi principal à l'encontre de cet arrêt et M. [T] [P] un pourvoi incident.

Par arrêt du 13 octobre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a notamment :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il fixe aux sommes respectives de 215 957.27 euros, 26 250 euros et 64 607 euros les récompenses dues par M. [T] [P] à la communauté respectivement au titre de l'acquisition de matériel agricole, du financement de la construction du hangar sur un terrain lui appartenant en propre et du financement de la construction d'une maison sur un terrain lui appartenant en propre, situé [Adresse 1], et inscrit au passif de la communauté le solde des emprunts contractés par les époux pour financer l'acquisition des matériels agricoles, l'arrêt rendu, entre les parties le 27 août 2019 par la cour d'appel de Colmar,

- remis sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz.

-o0o-

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 05 janvier 2022, Mme [E] a saisi la cour d'appel de l'arrêt rendu le 13 octobre 2021 par la Cour de cassation. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/47.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 03 février 2022, M. [T] [P] a saisi la cour d'appel de l'arrêt rendu le 13 octobre 2021 par la Cour de cassation. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/337.

Par ordonnance du 28 février 2022, la jonction des procédures RG 22/337 et RG 22/47 a été ordonnée sous le numéro RG 22/47.

Prétentions et moyens des parties

Par conclusions du 17 mai 2022, Mme [B] [E] demande à la cour d'appel de :

- infirmer l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 27 août 2019 en ce qu'il a :

- fixé au montant de 215 957.27 euros, la récompense due par M. [T] [P] à la communauté au titre de l'acquisition du matériel agricole,

- confirmé le jugement du 03 novembre 2016 en ce qu'il a fixé à la somme de 378 534 euros le passif commun,

statuant à nouveau,

- fixer à la somme de 573 383.27 euros la récompense due par M. [T] [P] à la communauté au titre du matériel agricole,

- fixer le passif imputable à la communauté à la somme de 196 494.23 euros,

- confirmer l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 27 août 2019 en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 26 250 euros la récompense due par M. [T] [P] à la communauté au titre de l'acquisition du hangar,

- fixé à la somme de 64 607 euros la récompense due par M. [T] [P] à la communauté au titre de l'acquisition du bien 101 rue principale,

- rejeté les demandes de M. [T] [P] tendant à ce que Mme [B] [E] verse sous astreinte les extraits de comptes bancaires entre le 25 avril 1986 et le 24 mai 2005,

- rejeté les demandes de M. [T] [P] tendant à prendre en compte un train de culture de 291 877 euros devant être déduit des éventuelles récompenses qu'il devrait à la communauté,

- rejeté les demandes de M. [T] [P] tendant à sa condamnation à la restitution de différentes sommes,

- condamner M. [T] [P] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [T] [P] aux entiers frais et dépens de la procédure de partage en ceux y compris les éventuels frais et émoluments dus au notaire.

Au soutien de ses prétentions, Mme [B] [E] relève que le passif de communauté se composait de concours souscrits dans deux établissements bancaires distincts, le crédit agricole Alsace Vosges et la caisse de crédit mutuel de Soultzbach pour un montant total de 378 533.81 euros au 24 mai 2005. Elle considère que le passif imputable à la communauté s'élève à la somme de 196 494.23 euros, déduction faite du passif propre à M. [T] [P] d'un montant de 181 939.71 euros puisqu'il correspond à son exploitation agricole.

S'agissant de l'immeuble situé [Adresse 1], elle admet que le coût de l'investissement s'élève à la somme de 155 900 euros. Elle rappelle qu'un apport commun a été effectué pour un montant de 33 432 euros et que le capital remboursé au jour de la jouissance divise est de 13 416 euros, soit un apport total de 46 848 euros. Elle estime que conformément à l'article 1469 alinéa 3 du code civil, s'agissant d'une dépense d'acquisition, la récompense s'élève à la somme de 64 607 euros. Elle précise que l'industrie personnelle de M. [T] [P] quant à un bien lui étant propre n'ouvre pas droit à récompense.

Elle soutient que M. [T] [P] a enrichi son exploitation agricole entre 1986 et 2005 ainsi qu'il ressort du rapport de M. [J] et des éléments comptables. S'agissant du hangar, elle estime que la communauté a droit à une récompense au titre de la construction et de l'agrandissement du hangar d'exploitation. Elle considère que la récompense doit être fixée à la valeur du hangar d'un montant de 26 250 euros. Elle relève que M. [T] [P] ne peut obtenir de récompense pour son industrie dans la construction du hangar puisqu'il s'agit d'un bien propre.

Elle relève que la distinction souhaitée par la Cour de cassation entre le matériel agricole de remplacement, qui n'ouvre pas droit à récompense, et le matériel d'investissement et d'accroissement de l'activité qui donne droit à récompense, n'est pas aisée au regard des éléments produits par M. [T] [P] et de sa participation au rapport réalisé par M. [J]. Elle relève que le montant de la récompense s'agissant des trois tracteurs a fait l'objet d'un accord lors du procès-verbal établi par M. [R], notaire, le 30 mai 2014. Elle considère que le matériel retenu par l'expert est du matériel d'investissement et ouvre droit à récompense puisqu'il a été acquis pendant le mariage sans qu'il soit établi qu'il ait été acquis en remplacement d'un matériel antérieur.

Elle soutient qu'il appartient à M. [T] [P] d'établir le matériel existant au jour du mariage et le remplacement de celui-ci ainsi que celui qui a été acquis pour accroître son activité agricole, la seule production du rapport CEGAR ne pouvant suffire ainsi que l'a relevé la Cour de cassation. Elle estime qu'à défaut, il convient de retenir au titre de la récompense due à la communauté, la somme du matériel existant au jour des effets patrimoniaux soit la somme de 82 350 euros.

Elle précise que l'actif net de communauté est de 562 371.04 euros.

Par conclusions du1er avril 2022, M. [T] [P] demande à la cour d'appel de :

vu le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 03 novembre 2016,

vu l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 27 août 2019,

- infirmer en tant que déféré le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg du 03 novembre 2016 suite à la cassation partielle intervenue,

vu l'arrêt rendu par la cour de cassation du 13 octobre 2021 qui casse partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar le 27 août 2019,

statuant à nouveau :

- juger que l'appel de Mme [B] [E] est irrecevable,

- juger que l'appel de M. [T] [P] est recevable,

- juger que l'appel de Mme [B] [E] est infondé,

- juger que l'appel de M. [T] [P] est fondé,

1. Sur la nature propre de ses activités et de ses biens professionnels :

- juger que son exploitation agricole (activité de battage comme autres activités agricoles) est un bien propre par nature,

- juger que le hangar et les machines agricoles sont des biens propres par nature, pour être accessoires aux biens propres par nature que sont les activités agricoles de M. [T] [P],

- juger que la partie adverse ne démontre pas que les biens propres par nature auraient été financés par la communauté légale et non avec le chiffre d'affaires de l'entreprise de M. [T] [P],

2. Sur l'absence de droit à récompense au profit de la communauté du chef des biens propres de M. [T] [P] (matériel agricole de culture et de battage)

- juger, à titre principal, que la partie adverse ne rapporte pas la preuve que la communauté se serait appauvrie,

- partant, juger qu'il n'y a pas lieu à récompense de ce chef au profit de la communauté,

- juger que l'ensemble du matériel agricole de M. [T] [P] a été financé au moyen des revenus bruts de son exploitation et n'ouvre pas droit à récompense au profit de la communauté, alors qu'en outre ces dépenses résultent de la gestion courante de celle-ci tel le remplacement d'un matériel amorti ou l'entretien des biens mobiliers et immobiliers affectés à son exploitation,

- juger à titre subsidiaire que M. [T] [P] disposait avant son mariage d'un train de culture d'une valeur de 291 877 euros qui doit nécessairement entrer en déduction de toute prétendue récompense qui serait due par lui du chef du financement allégué de ses instruments de travail par la communauté,

3. Sur les récompenses dues par le patrimoine immobilier propre de M. [T] [P] à la communauté

- fixer la récompense due à la communauté par M. [T] [P] du chef de la maison située [Adresse 1] (67) au maximum à la somme de 33 970.45 euros,

4. Sur le hangar,

- juger à titre principal que la communauté n'a droit à aucune récompense du chef du hangar,

- juger à titre subsidiaire que cette récompense ne saurait excéder la somme de 10 671 euros,

5. Sur les parcelles agricoles

- juger que viendront en déduction de l'indemnité d'occupation due pour les parcelles communes en biens qui auraient été exploitées par M. [T] [P] le montant des taxes foncières acquittées par M. [T] [P] pour le compte de la communauté et de l'indivision post-communautaire,

- débouter la partie adverse de toutes ses fins et conclusions,

Au soutien de ses prétentions, M. [T] [P] conteste que l'activité de battage ait été nouvellement créée du temps du mariage. Il relève que l'exploitation était antérieure au mariage, y compris l'activité de battage quand bien les deux activités sont exercées dans deux sociétés distinctes à ce jour et considère qu'il n'y a pas lieu à récompense du chef de l'exploitation agricole. Il estime que le matériel de battage, comme le matériel de culture ont été financés au moyen des revenus de l'exploitation, en remplacement des matériels existant avant le mariage et sont donc des biens propres. Il précise que seul le revenu net de son activité professionnelle entre dans la communauté et que l'acquisition de biens constitue une charge de son activité professionnelle indépendante et non une charge commune. Il affirme que les prêts professionnels ont été remboursés au moyens des recettes de l'exploitation agricole et non de ses revenus. Il soutient que la présence du nom de Mme [B] [E] sur le prêt professionnel constitue une garantie supplémentaire prise par le banquier et argue de l'absence de remboursement du prêt au moyen des revenus de Mme [B] [E] ou des siens mais au moyen des recettes de l'exploitation. Il soutient que toute somme issue de l'exploitation propre n'est pas un revenu car cela revient à faire abstraction du passif.

Il relève qu'il n'a acquis aucun immeuble au moyen de fonds de la communauté mais que les époux ont effectué des travaux sur une parcelle lui appartenant en propre, ouvrant ainsi droit à récompense. Il précise concernant la maison située 101 rue principale que les prêts ont été souscrits peu de temps avant la date des effets du divorce. Il considère que la communauté n'a quasiment pas droit à récompense puisqu'elle ne s'est quasiment pas appauvrie. Il relève, comme la Cour de Cassation l'a rappelé dans son arrêt du 13 octobre 2021, que l'industrie d'un époux sur son bien propre n'ouvre pas droit à récompense. Il estime donc que seuls les travaux effectués par des entreprises payées par la communauté ouvrent droit à récompense et qu'il appartient à la partie adverse d'en faire la démonstration. Il relève que le financement de la communauté a été intégralement réalisé au moyen de prêts, de sorte que la récompense doit être calculée uniquement sur la base des échéances de prêts remboursées par la communauté, uniquement sur la fraction du capital puisque la jurisprudence constante considère que les frais et intérêts sont la contrepartie de la mise à disposition au profit de la communauté.

Il soutient que la plus-value afférente à ses travaux dans la maison est de 59 100 euros, différence entre l'évaluation retenue de la maison de 215 000 euros et le coût de la construction de 155 900 euros. Il précise que le coût de construction a fait l'objet d'un prêt pour 122 460 euros et d'un apport pour 33 432 euros. Il retient que la communauté n'a financé que les échéances de prêts comprises entre le 05 juillet 2003 et le 05 mai 2005, dernière échéance avant la date d'effet du divorce au 25 mai 2005 à compter de laquelle il a réglé seul les échéances. Il soutient que les échéances payées jusqu'à la date d'effet du divorce sont d'un montant total de 46 848.29 euros soit un profit subsistant de 33 970.45 euros pour une valeur retenue de l'immeuble de 215 000 euros.

Il précise que la communauté n'a rien financé pour la construction du hangar qu'il a lui même construit. Il relève que l'agrandissement de ce bâtiment est un accessoire de son exploitation agricole, ce qui en fait un bien propre par accessoire. Il soutient que la partie adverse ne démontre pas que la communauté a financé le béton du hangar alors même qu'il démontre que le hangar a été payé au moyen du compte de l'exploitation agricole.

Il considère que la rapport CEGAR a été contradictoirement débattu par les parties et est conforté par des éléments extérieurs qu'il produit, à savoir les bilans d'exploitation, de sorte qu'il est parfaitement opposable à la partie adverse.

Il estime que les montants qu'il a versés au titre des taxes foncières des parcelles agricoles devront entrer en déduction du montant dû à la communauté.

-o0o-

L'affaire a été fixée à bref délai conformément aux articles 905 et 1037-1 du code de procédure civile.

Motifs de l'arrêt :

Vu les conclusions sus-mentionnées des parties, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel

Attendu que selon l'article 626 du code de procédure civile, en cas de cassation suivie d'un renvoi de l'affaire à une juridiction, celle-ci est désignée et statue, le cas échéant, conformément à l'article L431-4 du code de l'organisation judiciaire ;

Que l'article 624 du code de procédure civile dispose que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;

Que l'article 625 du code procédure civile précise que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ;

Attendu que par l'arrêt du 13 octobre 2021, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 27 août 2019 en ce qu'il fixe aux sommes respectives de 215 957.27, 26 250 et 64 607 euros les récompenses dues par M. [T] [P] à la communauté respectivement au titre de l'acquisition de matériel agricole, du financement de la construction du hangar sur un terrain lui appartenant en propre et du financement de la construction d'une maison sur un terrain lui appartenant en propre, situé [Adresse 1]) et inscrit au passif de la communauté le solde des emprunts contractés par les époux pour financer l'acquisition des matériels agricoles ;

Que si Mme [B] [E] sollicite dans le dispositif de ses dernières conclusions du 1er avril 2022, 'l'infirmation' de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en ce qu'il a confirmé le jugement du 03 novembre 2016 qui a fixé à la somme de 378 534 euros le passif commun, il convient de relever que ce point n'a pas fait l'objet d'une cassation, de sorte que l'autorité de chose jugée s'oppose à ce que la cour d'appel de renvoi en soit saisie ;

Attendu que l'article 954 du code de procédure civile prévoit notamment que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;

Attendu que M. [T] [P] sollicite dans le dispositif de ses dernières conclusions du 1er avril 2022, qu'il soit jugé que viendront en déduction de l'indemnité d'occupation due pour les parcelles communes en bien qui auraient été exploitées par lui le montant des taxes foncières acquittées par lui pour le compte de la communauté et de l'indivision post-communautaire ;

Qu'il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 27 août 2019 et du jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 03 novembre 2016 que M. [T] [P] n'a formé aucune demande à cet égard ;

Mais attendu que l'article 564 du code de procédure civile dispose que sont recevables à hauteur de cour d'appel, les demandes qui tendent à opposer compensation ;

Que les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile sont de nature à rendre recevable la demande de M. [T] [P] ;

Qu'il s'en déduit que la cour d'appel de renvoi n'est saisie du litige entre les parties que s'agissant des récompenses dues à la communauté par M. [T] [P] au titre du matériel agricole, du hangar agricole et de la maison située [Adresse 1] (67) et de la demande de M. [T] [P] quant aux taxes foncières ;

Sur les récompenses dues à la communauté par M. [T] [P]

Attendu que l'article 1406 du code civil dispose que forment des propres, sauf récompense s'il y a lieu, les biens acquis à titre d'accessoires d'un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi, conformément aux articles 1434 et 1435 ;

Que selon l'article 1437 du code civil, toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense ;

Attendu que selon l'article1469 du code civil, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant ; qu'elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire ; qu'elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur ;

Attendu que Mme [B] [E] sollicite une récompense à plusieurs titres qu'il convient d'examiner successivement ;

Attendu que la date de jouissance divise n'a pas été fixée dans les instances précédentes pour évaluer les biens au plus proche de la date du partage ;

Mais attendu que les parties s'entendent sur la date des effets du divorce, à savoir le 24 mai 2005 ;

Qu'il convient dès lors de retenir les évaluations faites à la date du 24 mai 2005 ;

- au titre du matériel agricole

Attendu que Mme [B] [E] ne conteste pas la qualification de propre de l'exploitation agricole de M. [T] [P], ce dernier produisant un certificat d'affiliation à la MSA en qualité de chef d'exploitation depuis le 1er janvier 1980 sur une surface pondérée de 76 hectares 5 ares et un courrier de la caisse d'assurance accidents agricole du Bas-Rhin daté du 7 janvier 1985 faisant référence à son activité de battage ;

Attendu que Mme [B] [E] sollicite justement une récompense de M. [T] [P] au titre de la participation de la communauté au financement de son exploitation propre ;

Que Mme [B] [E] s'appuie sur une expertise réalisée le 05 juillet 2007 par M. [Y] [J], expert judiciaire qui atteste que la valeur du matériel agricole de l'exploitation est de 82 350 euros au mois de mai 2005 et celle de l'entreprise de battage d'un montant de 369 670 euros ; que Mme [B] [E] et M. [T] [P] se sont également accordés selon le procès-verbal de débat dressé le 30 mai 2014 par M. [U] [R], notaire, quant à l'évaluation de trois tracteurs qui avaient été omis dans l'expertise de M. [Y] [J], à savoir un tracteur John Deere 6900 pour 35 063.27 euros, un tracteur John Deere 4440 pour 4 000 euros et un tracteur John Deere 6920 pour 82 350 euros ;

Qu'il ressort de l'expertise que la totalité du matériel évalué a été acquis postérieurement au mariage de M. [T] [P] et Mme [B] [E] intervenu le 25 avril 1986 ;

Que Mme [B] [E] apparaît dès lors fondée dans son principe à solliciter pour la communauté une récompense de M. [T] [P] ;

Attendu que bien qu'il soit acquis que le matériel acquis en remplacement du matériel préexistant de l'exploitation propre de M. [T] [P] n'induit aucune récompense à la communauté, ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 2021, il convient de relever que M. [T] [P] ne fournit aucun élément de nature à démontrer les modalités d'acquisition des matériels évalués ;

Que la seule étude réalisée par l'expert comptable de M. [T] [P], le CEGAR, ne permet pas d'établir le lien entre les matériels présents et évalués en 1985 et en 2005 et les modalités d'acquisition du matériel évalué en 2005 ;

Attendu qu'il appartenait à M. [T] [P] qui entendait réduire le montant de la récompense due par lui à la communauté, de produire tout élément de nature à prouver l'origine des matériels évalués, notamment au moyen des factures contenant la valeur de reprise des anciens matériels et les différentes dates d'acquisition des engins ; que s'agissant de documents comptables et financiers de l'exploitation de M. [T] [P], Mme [B] [E] est dans l'incapacité de produire de tels éléments ;

Que M. [T] [P] se contente d'affirmer leur caractère propre, ce qui n'est pas contesté par Mme [B] [E] ;

Qu'à défaut pour M. [T] [P] de prouver l'origine de l'acquisition des matériels, il y a lieu de considérer que le matériel agricole évalué en 2005 a été financé par le chiffre d'affaires dégagé par l'exploitation de M. [T] [P] comme il le soutient d'ailleurs ;

Qu'il est constant que le produit de l'industrie personnelle d'un époux constitue un bien commun, contrairement aux allégations de M. [T] [P] ;

Qu'il convient dès lors de considérer que le matériel acquis postérieurement au mariage a été financé au moyen de biens communs, constituant une dépense d'amélioration, ce qui suppose une récompense à la communauté conformément à l'article 1437 du code civil sus-visé ;

Attendu que M. [T] [P] ne conteste pas les valeurs estimées du matériel par M. [Y] [J] à la date du 24 mai 2005 ;

Qu'il y a donc lieu de retenir une valeur totale payée par la communauté de 573 333.27 euros correspondant au matériel de l'exploitation agricole pour 82 350 euros, au matériel de l'entreprise de travaux agricoles pour 369 670 euros, ainsi qu'au prix d'un tracteur John Deere 6900 pour 35 063.27 euros, d'un tracteur John Deere 4440 pour 4 000 euros et d'un tracteur John Deere 6920 pour 82 350 euros ;

Attendu que conformément à l'article 1469 du code civil, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant ; que la récompense ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur ;

Que s'agissant de dépenses d'amélioration, il est constant qu'il n'y a pas lieu à déduire le solde des emprunts subsistants qui reste à la charge de M. [T] [P] ;

Que M. [T] [P] ne produit aucun élément permettant d'attester de la valeur des biens de son exploitation agricole, préalablement à son mariage ; que la seule évaluation d'entreprise réalisée le 17 juin 2014 par le CEGAR, cabinet d'expertise comptable de M. [T] [P], ne peut suffire à établir la valeur des biens de l'exploitation de M. [T] [P] avant son mariage, ainsi que l'a relevé la Cour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 2021 ; qu'il appartenait à M. [T] [P] de fournir l'état des immobilisations du bilan de ses deux activités ainsi que les factures d'acquisition du matériel présent avant son mariage le 25 avril 1986, ce matériel ayant vraisemblablement fait l'objet d'une estimation par la SAS Techniques Agricoles ainsi qu'il ressort de l'étude sans qu'il soit possible de déterminer la méthode de réévaluation ;

Qu'à défaut de production de tels éléments tant lors de l'expertise initiale en 2006/2007 que dans la présente instance, alors qu'une expertise, au demeurant non demandée, ordonnée plusieurs dizaines d'années après l'acquisition initiale des engins et leur renouvellement serait nécessairement d'une part improductive sans les factures originales et sans la possibilité de l'examen des divers engins ayant fait l'objet de remplacement et d'autre part source de rallongement de la procédure de divorce engagée depuis 2005, susceptible de s'analyser en un déni de justice, il ne peut être déduit de l'actif évalué à la date du 24 mai 2005, la valeur des actifs présents avant le mariage, la valeur de remplacement du matériel amorti et le solde des prêts afférents au remplacement du matériel amorti devant être supporté à titre définitif par la communauté ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement du 03 novembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a fixé la récompense due par M. [T] [P] à la communauté à la somme de 573 333.27 euros correspondant au matériel agricole ;

- au titre du hangar agricole

Attendu que Mme [B] [E] sollicite une récompense au profit de la communauté au titre de l'édification d'un hangar par M. [T] [P] ;

Attendu que M. [T] [P] produit une facture datée de 1994 aux termes de laquelle il a acquis les éléments du hangar agricole, pour un montant de 70 000 francs, soit 10 671.43 euros ; que ce hangar a été édifié sur la parcelle section n°[Cadastre 12] n°[Cadastre 6], appartenant en propre à M. [T] [P] ;

Qu'il s'en déduit que le hangar constitue un bien propre à M. [T] [P] par accession comme étant édifié sur une parcelle lui appartenant en propre et comme étant accessoire à son exploitation agricole propre également ;

Qu'en l'absence de bâtiment préexistant au sein de l'exploitation de M. [T] [P], cette dépense intervenue au cours du mariage et au moyen des revenus de l'exploitation agricole de M. [T] [P] doit s'analyser en une dépense d'amélioration, supposant une récompense à la communauté qui ne peut être moindre que le profit subsistant conformément à l'article 1469 alinéa 3 du code civil ;

Attendu que M. [T] [P] conteste dans ses écritures l'évaluation du hangar agricole à la somme de 26 250 euros telle que réalisée par M. [Y] [J], expert judiciaire ; qu'il indique avoir lui même édifié le bâtiment et y avoir réalisé les améliorations postérieures, telles que le béton ou encore l'électricité, sans être contredit par Mme [B] [E] ;

Que si l'industrie personnelle d'un époux sur un bien propre n'entraîne aucune récompense à son profit, elle ne peut engendrer une récompense au profit de la communauté ;

Mais attendu qu'en dépit de l'incitation de la Cour de cassation à produire une mesure d'expertise ou tout document permettant d'évaluer la part d'industrie personnelle de M. [T] [P] dans l'évaluation du bâtiment, ce dernier persiste à ne produire aucune pièce permettant d'établir les dépenses en matériaux réalisées quant au hangar et la valorisation du travail de mise en oeuvre des matériaux réalisé par une entreprise qualifiée et s'abstient de solliciter une mesure d'expertise ;

Que l'abstention de M. [T] [P], à ce stade de la procédure après cassation, doit s'analyser en un abandon de sa prétention au titre de son industrie personnelle, de sorte qu'il n'en sera pas tenu compte ;

Attendu que le rapport d'expertise de M. [Y] [J] évoque une construction et des agrandissements réalisés sur plusieurs années entre 1990 et 2004 ;

Qu'à la lecture de l'état des amortissements au 31 décembre 2005 (pièce 5.1), il apparaît les écritures suivantes relatives au hangar agricole :

- au compte 21300 'constructions sur sol propre' , il apparaît cinq écritures pour une valeur d'acquisition totale de 29 113.11 euros, à savoir :

- au 31 août 1990,'hangar' pour une valeur d'acquisition de 18 293.88 euros,

- au 27 juillet 1995, 'hangar archit.' pour une valeur d'acquisition de 736.33 euros,

- au 1er septembre 1997, 'complem hangar' pour une valeur d'acquisition de 2 044.82 euros,

- au 31 décembre 1998 'hangar' pour une valeur d'acquisition de 6 507.94 euros,

- au 25 août 2004, 'branch elect hang' pour une valeur d'acquisition de 1 530.14 euros,

- au compte 21510 'Installation Technique', il apparaît l'écriture 'branch elec hangar' pour une valeur d'acquisition de 1 213.52 euros outre d'autres travaux de branchement électrique du hangar réalisés le 25 septembre 1997 apparaissant

- au compte 21540 'Matériel', il apparaît l'écriture 'hangar meta' pour une valeur d'acquisition de 10 671.43 euros ;

Que la valeur de ces investissements, financés par la communauté, représentent la somme totale de 40 998.06 euros ;

Que le rapport du CEGAR réalisant une étude d'évaluation de l'entreprise de M. [T] [P] retient également la valeur estimée par M. [Y] [J] de 26 250 euros, de sorte que l'estimation effectuée n'est pas contredite ;

Qu'il convient de retenir la seule valeur de 26 250 euros comme constituant le profit subsistant ;

Qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement du 03 novembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg et de fixer à la somme de 26 250 euros la récompense due par M. [T] [P] au profit de la communauté au titre du hangar agricole construit sur la parcelle section n°[Cadastre 12] n°[Cadastre 6] lui appartenant en propre ;

- au titre de la maison située [Adresse 1] (67)

Attendu qu'il n'est pas contesté que la maison située [Adresse 1] (67) a été construite sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 12] n°[Cadastre 8] appartenant en propre à M. [T] [P] et que les parties s'accordent sur la nécessité d'une récompense au profit de la communauté ;

Attendu que M. [Y] [J] a estimé cette maison à la valeur de 215 000 euros ;

Que M. [T] [P], qui conteste cette estimation, ne fournit aucune autre expertise ou attestation de valeur ;

Que M. [T] [P] se contente de faire valoir son industrie personnelle dans l'édification de la maison ; qu'il produit effectivement les témoignages de MM. [F] [M], [C] [P], [A] [P] et [I] [H], aux termes desquels il ressort qu'ils ont participé à la construction de la maison avec lui ;

Attendu qu'il ressort de l'offre de prêt immobilier du crédit agricole Alsace Vosges du 19 mai 2003 que la maison a été financée par un apport personnel pour un montant de 33 432.00 euros et par un prêt pour un montant de 122 468 euros, soit un montant total de 155 900 euros ;

Qu'aucun des époux ne fournit d'élément permettant de justifier de l'origine propre de l'apport personnel d'un montant de 33 432 euros, de sorte qu'il doit être considéré qu'il s'agit de fonds communs aux époux conformément à la présomption de communauté établie par l'article 1402 alinéa 1 du code civil ;

Que M. [T] [P] et Mme [B] [E] ont souscrit quatre prêts d'un montant respectif de 109 000 euros, 6 013 euros, 3 344.30 euros et 4 110.70 euros ;

Que M. [T] [P] et Mme [B] [E] ne contestent pas que le capital remboursé à la date du 24 mai 2005 est d'un montant de 13 416 euros ainsi que le premier juge l'avait retenu ; que le coût de la construction à la charge de la communauté est donc de 46 848 euros à la date des effets du divorce, comprenant l'apport commun de 33 432 euros ;

Attendu que la démonstration de la valeur de l'industrie personnelle de M. [T] [P] dans la construction de la maison ne peut résulter de la simple déduction des prêts soucrits de la valeur estimée du bien ; que cette méthode de calcul omet de tenir compte de la plus-value du bien, indépendante du travail et des matériaux utilisés ;

Que la prise en considération de l'industrie personnelle de M. [T] [P] supposait qu'il fournisse une estimation de la valeur du travail accompli par une entreprise qualifiée ; qu'il convient de constater que M. [T] [P] ne produit aucun document ou attestation en ce sens et ne sollicite aucune expertise à cette fin, malgré l'incitation de la Cour de cassation concernant l'industrie personnelle dont il se prévaut également pour le hangar agricole ;

Que l'abstention de M. [T] [P] doit encore s'analyser, à ce stade de la procédure comme un abandon de sa demande, de sorte qu'il ne sera pas tenu compte de l'industrie personnelle invoquée ;

Que conformément aux alinéas 2 et 3 de l'article 1469 du code civil, s'agissant du logement de famille, et donc d'une amélioration nécessaire, la récompense due pour l'acquisition de la maison d'habitation ne peut être moindre que la dépense faite ni que le profit subsistant et doit être égale à la plus forte des deux sommes ;

Que la dépense faite par la communauté est de 46 848 euros ;

Que le profit subsistant est égal à la somme de 64 607 euros (46 848 x 215 000/155 900) ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement du 03 novembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a fixé à la somme de 64 607 euros la récompense due par M. [T] [P] à la communauté pour le financement de la construction de la maison située [Adresse 1] (67) ;

Sur la demande de M. [T] [P] au titre des taxes foncières

Attendu qu'il ressort des écritures de M. [T] [P] que ce dernier sollicite que les montants versés par lui au titre des taxes foncières des parcelles agricoles entrent en déduction du montant dû à la communauté au titre de l'indemnité d'occupation ;

Que pour autant, M. [T] [P] ne produit aucun justificatif à l'appui de sa demande et notamment, des avis d'imposition et leur quittance ;

Qu'il convient dès lors de débouter M. [T] [P] de sa demande de déduction des montants versés au titre des taxes foncières des montants dus à la communauté ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'aux termes de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris ceux afférents à la décision cassée ;

Que le sens de la présente décision commande de dire que chaque partie conservera à sa charge les dépens exposés par elle en première instance et lors de la première procédure d'appel, la Cour de cassation ayant statué sur les dépens de l'instance devant elle ;

Qu'en revanche, l'issue de la présente décision implique en outre de condamner M. [T] [P] aux dépens de la présente procédure d'appel sur renvoi de la Cour de cassation ;

Que l'équité commande également de condamner M. [T] [P] à payer à Mme [B] [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après débats hors la présence du public et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du 03 novembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a fixé à la somme de 10 700 euros la somme due à la communauté par M. [T] [P] au titre de l'édification d'un hangar sur un terrain lui appartenant en propre,

Et statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 26 250 euros la récompense due par M. [T] [P] au profit de la communauté au titre du hangar agricole construit sur la parcelle section n°[Cadastre 12] n°[Cadastre 6] lui appartenant en propre,

Confirme le jugement en ce qu'il a

- fixé la récompense due par M. [T] [P] à la communauté à la somme de 573 333.27 euros correspondant au matériel agricole et

- fixé à la somme de 64 607 euros la récompense due par M. [T] [P] à la communauté pour le financement de la construction de la maison située [Adresse 1],

Y ajoutant,

Déboute M. [T] [P] de sa demande de déduction des montants versés au titre des taxes foncières du montant dû à la communauté à titre d'indemnité d'occupation,

Condamne M. [T] [P] à payer à Mme [B] [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle en première instance et en appel,

Condamne M. [T] [P] aux dépens de la présente procédure d'appel.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00047
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;22.00047 ?
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