RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
ORDONNANCE DU 06 DECEMBRE 2022
1ère prolongation
Nous, Géraldine GRILLON, conseillère, agissant sur délégation de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Metz, assistée de Sonia DE SOUSA, greffière ;
Dans l'affaire N° RG 22/00839 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F3QK ETRANGER :
M. Klodjan KAPTANAJ
né le 09 Décembre 2001 à SHKODER EN ALBANIE
de nationalité Albanaise
Actuellement en rétention administrative.
Vu la décision de M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE prononçant le placement en rétention de l'intéressé pour une durée n'excédant pas 48 heures ;
Vu le recours de M. Klodjan KAPTANAJ en demande d'annulation de la décision de placement en rétention;
Vu la requête de M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE saisissant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz tendant à la prolongation du maintien de l'intéressé dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt huit jours;
Vu l'ordonnance rendue le 04 décembre 2022 à 11h00 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz déboutant l'intéressé de sa demande d'annulation de l'arrêté de rétention et ordonnant la prolongation de la rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et ce pour une durée maximale de 28 jours jusqu'au 01 janvier 2023 inclus ;
Vu l'acte d'appel de l'association assfam ' groupe sos pour le compte de M. Klodjan KAPTANAJ interjeté par courriel du 05 décembre 2022 à 10h13 contre l'ordonnance rejetant la demande d'annulation de la décision de placement en rétention et ayant statué sur la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
Vu l'avis adressé à Monsieur le procureur général de la date et l'heure de l'audience ;
A l'audience publique de ce jour, à 14 H 30, en visioconférence se sont présentés :
- M. Klodjan KAPTANAJ, appelant, assisté de Me Déborah PONSEELE, avocat de permanence commis d'office, présent lors du prononcé de la décision et de [E] [X], interprète assermenté en langue albanaise, présent lors du prononcé de la décision
- M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE, intimé, représenté par Me Dominique MEYER, avocat au barreau de Metz substituant la selarl centaure avocats du barreau de Paris, présente lors du prononcé de la décision
Me Déborah PONSEELE et M. Klodjan KAPTANAJ, par l'intermédiaire de l'interprète ont présenté leurs observations ;
M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE, représenté par son avocat a sollicité la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
M. Klodjan KAPTANAJ, par l'intermédiaire de l'interprète, a eu la parole en dernier.
Sur ce,
- Sur la recevabilité de l'acte d'appel :
L'appel est recevable comme ayant été formé dans les formes et délai prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- Sur la compétence de l'auteur de la requête :
M. Klodjan Kaptanaj abandonne le moyen relatif à la compétence de l'auteur de la requête à l'audience.
- Sur la régularité de la décision de placement en rétention :
' Sur l'insuffisance de motivation en fait :
M. Klodjan Kaptanaj soutient que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé en ce qu'il ne mentionne pas tous les éléments relatifs à sa situation personnelle, en particulier le fait qu'il entretient depuis trois ans une relation avec une ressortissante française, qu'il est arrivé en France mineure qu'il a commencée à l'apprentissage et est hébergé par ses beaux-parents à Colmar.
En application de l'article L 741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prise par l'autorité administrative est écrite et motivée.
En l'espèce, si l'arrêté de placement en rétention ne mentionne pas l'ensemble des éléments relatifs à la situation de fait de l'intéressé, il est toutefois motivé au regard des dispositions légales qui permettent ce placement en rétention étant rappelé que la décision doit mentionner les éléments de fait de nature à justifier cette rétention sans avoir à faire état de l'ensemble de la situation de fait de l'intéressé.
En conséquence, le moyen est rejeté.
- Sur la vulnérabilité :
M. Klodjan Kaptanaj soutient que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé quant à son état de vulnérabilité, qu'il existe une erreur de droit et de fait résultant de l'absence d'examen de son état de vulnérabilité et une erreur d'appréciation au regard de son état de vulnérabilité. Il sollicite l'annulation de la décision. Il fait valoir que l'administration était informée qu'il avait du être extrait à deux reprises au service des urgences pour des malaises avec contracture musculaire et hyper salivation selon un courrier du 22 novembre 2022 du Docteur [D].
Aux termes des articles L 741-6 et L 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prise par l'autorité administrative est écrite et motivée et prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
La décision doit mentionner les éléments de fait de nature à justifier le placement en rétention, sans avoir à faire état de l'ensemble de la situation de fait de l'intéressé.
En l'espèce, il résulte expressément de l'arrêté de placement en rétention qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'intéressé présenterait un état de vulnérabilité qui s'opposerait à un placement en rétention. Par ailleurs, la notice de renseignement présente à la procédure et qui lui a été adressée le 31 août 2022 et qu'il a complétée, mentionne qu'il ne souffre d'aucune vulnérabilité.
M. Kaptanaj ne présente aucun élément médical relatif aux problèmes de santé qu'il évoque autre que le courrier susmentionné qui en lui-même n'établit pas une vulnérabilité incompatible avec un placement en rétention . En effet, le courrier mentionne que les deux extractions ont été causées semble-t-il par une prise de toxiques, soit un comportement délibéré de M. Kaptanaj.
Il résulte de ces éléments que l'administration a bien pris en compte au moment du placement en rétention de l'intéressé sa situation éventuelle de vulnérabilité et qu'elle n'a commis aucune erreur d'appréciation.
Le moyen est rejeté et l'ordonnance confirmée sur ce point.
' Sur la compétence de l'auteur :
L'appelant soutient qu'il appartient à l'administration de justifier de la délégation de signature confiée au signataire de l'arrêté de placement en rétention et de sa publication au registre des actes.
La cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le juge des libertés et de la détention a écarté ce moyen après avoir vérifié l'existence d'une délégation de signature régulière.
' Sur l'erreur d'appréciation au regard des garanties de représentation :
L'appelant soutient que l'administration a commis une erreur d'appréciation au regard de ses garanties de représentation alors qu'il est arrivé en France mineur, qu'il entretient depuis trois ans une relation avec une ressortissante française, qu'il a fait une demande de délivrance de titre de séjour le 11 avril 2022, qu'il a commencé un apprentissage et que ses futurs beaux-parents sont prêts à l'aider et qu'il héberge à Colmar.
Selon l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision; que ce risque est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
Les cas prévus à l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont les suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.
En application de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement peut être regardé comme établi, sauf circonstances particulières, dans les cas suivantes :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
L'appelant a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 7 novembre 2022, confirmée par le tribunal administratif le 17 novembre 2022 ; par ailleurs, il ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'apporte pas la preuve de la sollicitation d'un titre de séjour contrairement à ses affirmations.
Ainsi, les dispositions légales susvisées permettant le placement en rétention ont été respectées.
Le moyen est rejeté. L'ordonnance est confirmée sur ce point.
- Sur la demande d'assignation à résidence judiciaire :
M. Klodjan Kaptanaj demande à bénéficier d'une assignation à résidence judiciaire.
L'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives. L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution. Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.
L'intéressé ne possède ni passeport ni document justificatif de son identité susceptible d'être remis à un service de police ou de gendarmerie.
En conséquence, la demande ne peut qu'être rejetée.
L'ordonnance est confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. Klodjan KAPTANAJ à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz ayant statué sur la demande d'annulation de la décision de placement en rétention et sur la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
DECLARONS irrecevable la contestation de la compétence du signataire de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention ;
REJETONS la demande d'assignation à résidence judiciaire ;
CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Metz le 04 décembre 2022 à 11h00 ;
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance ;
DISONS n'y avoir lieu à dépens.
Prononcée publiquement à Metz, le 06 décembre 2022 à 15H55
La greffière, La conseillère,
N° RG 22/00839 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F3QK
M. Klodjan KAPTANAJ contre M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE
Ordonnance notifiée le 06 Décembre 2022 par email, par le greffe des rétentions administratives de la cour d'appel à :
- M. Klodjan KAPTANAJ et son conseil
- M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE et son représentant
- Au centre de rétention administrative de Metz
- Au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz
- Au procureur général de la cour d'appel de Metz