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06/12/2022 | FRANCE | N°20/01382

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 20/01382


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 20/01382 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FKD3

Minute n° 22/00311





[W], [O]

C/

Société SERVILUX EUROPE SECS, S.A. AXA FRANCE IARD









Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE, décision attaquée en date du 06 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/01370





COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 06 DEC

EMBRE 2022









APPELANTS :



Monsieur [T] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ





Madame [J] [O] épouse [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Fr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 20/01382 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FKD3

Minute n° 22/00311

[W], [O]

C/

Société SERVILUX EUROPE SECS, S.A. AXA FRANCE IARD

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE, décision attaquée en date du 06 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/01370

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022

APPELANTS :

Monsieur [T] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

Madame [J] [O] épouse [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

Société SERVILUX EUROPE SECS Représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.A. AXA FRANCE IARD Représentée par son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 23 Juin 2022 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 06 Décembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR:

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère

Mme FOURNEL, Conseillère

ARRÊT : par Défaut

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 22 mars 2016, Monsieur [T] [W] et Madame [J] [O], son épouse, ont conclu avec la société de droit luxembourgeois Servilux Europe Secs (ci-après dénommée la société Servilux) un contrat de construction d'une maison individuelle sur un terrain leur appartenant, situé [Adresse 1] et ce pour un montant total de 195 833 euros HT.

Par actes d'huissier des 2 et 3 février 2017, invoquant divers désordres, non-conformités et un abandon du chantier, les consorts [W] ont fait citer la société Servilux ainsi que la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Servilux, devant le juge des référés de Thionville afin d'obtenir une mesure d'expertise judiciaire.

L'expertise a été ordonnée le 20 juin 2017. Le rapport d'expertise a été rendu le 23 mars 2018. La société Servilux n'a pas comparu ni été représentée aux opérations d'expertise.

Par acte introductif d'instance déposé le 25 septembre 2018, M. et Mme [W] ont fait citer la société Servilux et la société Axa France Iard devant le tribunal de grande instance de Thionville afin d'obtenir l'indemnisation des dommages consécutifs aux malfaçons et non-façons constatées.

Dans leurs dernières conclusions reçues au greffe le 29 mai 2020, les époux [W] ont demandé au tribunal de condamner solidairement la société Servilux et la société Axa France Iard à leur verser la somme de 141 100 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 2 500 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens comprenant ceux de la procédure de référé.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 27 mai 2020, la SA Axa France Iard a demandé au tribunal de débouter les époux [W] de leurs demandes à son encontre et de les condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Servilux n'a pas comparu ni constitué avocat.

Son siège social se trouvant localisé au Grand Duché du Luxembourg, l'assignation destinée à la société Servilux a été délivrée conformément aux dispositions du règlement communautaire n°1393/2007. Elle a ainsi été délivrée le 10 octobre 2018 à Maître [N], ès qualité de curateur à la faillite de la société Servilux,

Par jugement du 6 juillet 2020, le tribunal de grande instance de Thionville a :

Condamné la société Servilux à verser aux époux [W] la somme de 125 100 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Débouté les consorts [W] de leurs demandes à l'égard de la société Axa France Iard ;

Condamné la société Servilux à verser aux époux [W] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné les époux [W] à payer à la société Axa France Iard la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les époux [W] de leur demande à l'encontre de la société Axa France Iard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Servilux aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a retenu, au visa du rapport d'expertise judiciaire, que le bâtiment construit n'est pas conforme aux plans du permis de construire, ni à l'arrêté municipal des constructions en ce qui concerne la hauteur de la construction et le stationnement des véhicules et qu'en l'absence de joint de dilatation entre les deux volumes et l'absence de plateforme compactée, il y a un risque d'affaissement.

Il a toutefois considéré que la responsabilité décennale de la société Servilux ne peut pas être engagée, car aucun dommage n'a été constaté par l'expert qui n'a pas été capable d'affirmer qu'un dommage surviendra avec certitude dans le délai de la garantie décennale.

Il a néanmoins relevé des fautes contractuelles à la charge de la société Servilux, puisqu'elle n'a pas respecté les plans du permis de construire ni un arrêté municipal et dans la mesure où elle n'a pas terminé le chantier, alors qu'elle devait le réaliser dans un délai de douze mois selon le contrat du 22 mars 2016.

Pour estimer le montant des réparations, le tribunal s'est également fondé sur le rapport d'expertise judiciaire qui a évalué à 21 600 euros TTC les frais de démolition de l'immeuble, à 97 000 euros les acomptes perçus, à 5 000 euros le préjudice de jouissance et à 1 500 euros le préjudice moral.

Enfin la juridiction a écarté les demandes des époux [W] à l'encontre de la société Axa France Iard, en considérant que la police d'assurance souscrite par la société Servilux couvrait uniquement les chantiers ouverts après le 19 avril 2016. Or pour le chantier [W], la déclaration d'ouverture de chantier avait été reçue en mairie le 11 juin 2015.

Par déclaration reçue au greffe le 3 août 2020, M. et Mme [W] ont interjeté appel du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Servilux à verser aux époux [W] la somme de 125 100 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, débouté les consorts [W] de leurs demandes à l'égard de la société Axa France Iard, condamné la société Servilux à verser aux époux [W] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné les époux [W] à payer à la société Axa France Iard la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les époux [W] de leur demande à l'encontre de la société Axa France Iard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Servilux aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe le 24 mai 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, M. et Mme [W] demandent à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau,

condamner solidairement en tous les cas in solidum la société Servilux et la société Axa France Iard à leur payer la somme globale de 141 100 euros et ce avec intérêts à compter du jour de l'assignation soit le 3 octobre 2018 à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

ordonner la capitalisation des intérêts ;

condamner solidairement en tous les cas in solidum la société Servilux et la société Axa France Iard à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement en tous les cas in solidum la société Servilux et la société Axa France Iard aux entiers frais et dépens de l'instance y compris les dépens liés à la procédure ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 20 juin 2017 n° RI 17/00018.

Les époux [W] soutiennent qu'il faut retenir la responsabilité décennale de la société Servilux, car la maison objet du contrat de construction est désormais impropre à sa destination.

Ils soulignent qu'en raison de l'erreur d'implantation de la maison qui rend le garage inaccessible et impraticable, de l'absence d'étude technique quant à la solidité de la maçonnerie, des défauts de la maçonnerie qui ne permettent pas la pose du toit, ils sont désormais dans l'obligation de démolir l'immeuble.

A titre subsidiaire, ils demandent la reconnaissance de la responsabilité contractuelle de la société Servilux.

S'agissant du montant des réparations, ils réévaluent à la somme de 20 000 euros leur préjudice de jouissance et à la somme de 5 000 euros leur préjudice moral.

S'agissant de la garantie due par la société Axa France Iard, les époux [W] précisent qu'ils avaient déposé eux-mêmes la déclaration d'ouverture de chantier du 11 juin 2015, à une date à laquelle ils n'avaient pas encore engagé la société Servilux.

Ils font valoir que les conditions particulières produites par l'assureur ne font pas mention de la notion d'ouverture de chantier et qu'en cas de contradiction les conditions particulières doivent primer sur les conditions générales.

Ils assurent que la société Servilux n'a démarré les travaux qu'au mois de juin 2016 et ils produisent des attestations de témoins en ce sens.

En réponse aux prétentions de la SA Axa France Iard, ils soutiennent que les éventuelles clauses d'exclusion insérées dans le contrat d'assurance ne leur sont pas opposables et que la problématique n'est pas tant celle de l'implantation ou de l'erreur urbanistique mais du fait que l'ensemble de la construction est totalement impropre, dangereuse et doit donc être détruite.

Concernant l'absence de réception, ils soulignent que la jurisprudence admet la réception quand bien même les travaux ne sont pas terminés.

Ils admettent qu'ils n'ont pas produit le procès-verbal de réception avant les débats de première instance mais expliquent qu'ils n'avaient pas mesuré l'importance de cette pièce et qu'ils souffraient alors d'une grave dépression.

Ils précisent que la réception s'est faite uniquement pour le lot gros-'uvre, car seul ce lot a été réalisé par la société Servilux et ce, conformément à l'accord entre l'entrepreneur et le maître d'ouvrage.

Les appelants indiquent qu'à hauteur de cour, le procès-verbal de réception en recto-verso est produit et que l'attestation d'assurance qu'ils produisent est également celle remise par l'agent général mandataire de Axa.

A titre subsidiaire, ils font valoir que la société Axa France Iard engage sa responsabilité délictuelle pour avoir émis une attestation qui leur a fait croire que la société Servilux était bien assurée pour les travaux entrepris.

Ils considèrent que le préjudice est nécessairement du montant des travaux de démolition à entreprendre et ils invoquent enfin à titre infiniment subsidiaire une perte de chance d'au moins 95%.

Dans ses dernières conclusions déposées le 10 mars 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la société Axa France Iard demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, 1134 et 1147 du code civil applicables aux faits de la cause, 1382 et suivants du code civil applicables aux faits de la cause, de :

débouter Monsieur et Madame [W] de toutes leurs fins, demandes et conclusions ;

En conséquence,

confirmer purement et simplement le jugement frappé d'appel en ce qu'il a débouté les époux [W] de toutes leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l'égard de la société Axa France Iard et en ce qu'il a condamné Monsieur et Madame [W] au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

condamner les époux [W] en tous les frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

subsidiairement, en cas de condamnation de la SA Axa France Iard nonobstant l'absence de garanties, et en cas d'infirmation du jugement, limiter le quantum de l'indemnisation aux sommes arrêtées par l'expert judiciaire, soit 21 600 euros au maximum ;

rejeter toute prétention plus ample ou contraire.

La SA Axa France Iard fait valoir que la police d'assurance en cause a été souscrite le 12 mai 2016 pour les chantiers ouverts à compter du 19 avril 2016.

Elle en déduit qu'elle n'était pas l'assureur de Servilux ni à la date de la déclaration d'ouverture de chantier, le 15 juin 2015, ni à la date de la signature du marché entre la société Servilux et M. et Mme [W], le 22 mars 2016, ni à la date du versement des acomptes matérialisant à minima le commencement des travaux, le 25 mars 2016, les travaux ayant à l'évidence été entrepris avant la prise d'effet du contrat le 19 avril 2016.

Elle soutient que la garantie décennale au titre des dommages à l'ouvrage s'applique aux sinistres affectant les travaux réalisés sur les chantiers ouverts postérieurement à la prise d'effet du contrat, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.

La SA Axa France Iard fait également grief aux consorts [W] de produire à hauteur de cour une attestation d'assurance tronquée et comportant une autre date que l'attestation qu'ils ont versée aux débats en première instance, dans la mesure où les conditions générales et les conditions particulières du contrat d'assurance prévalent sur ladite attestation.

La SA Axa France Iard rappelle les exclusions qui figurent au contrat d'assurance et elle souligne que des extensions, à savoir la mise en conformité des ouvrages avec les règles de l'urbanisme et l'erreur d'implantation (article 2.17.3.1 page 18 des conditions générales du contrat) n'ont pas été souscrites par l'assuré, de sorte que la garantie n'est pas mobilisable.

Elle indique que ces exclusions figuraient en annexe de l'attestation d'assurance remise aux époux [W].

La société Axa France Iard considère qu'en l'espèce, il n'y a pas eu de réception, puisque les travaux que les appelants ont confiés à la société Servilux ne sont pas achevés.

S'agissant du procès-verbal de réception des travaux, la société Axa France Iard s'étonne que les consorts [W] n'aient pas jugé utile de le communiquer au stade de la procédure de référé et ne l'aient pas davantage transmis à l'expert judiciaire, raison pour laquelle ce dernier a considéré que l'immeuble ne pouvait être réceptionné en raison de l'abandon du chantier, y compris s'agissant du gros-'uvre.

Elle admet que dans le cadre de la procédure au fond, les consorts [W] ont versé aux débats une pièce n°9 constituée d'un constat de réception de travaux daté du 22 novembre 2016 par lequel ils réceptionnent les travaux relevant du lot gros-'uvre uniquement, mais elle affirme que la liste des réserves qui devait y être annexée n'a jamais été produite.

Elle relève qu'au cas d'espèce, seul le lot gros-'uvre aurait été réceptionné avec réserves, sans qu'il ait été fait état de la nature et l'étendue des prétendues réserves et que la réception doit être prononcée pour l'ensemble de l'ouvrage en vertu du principe de l'unicité de la réception.

Elle s'étonne du fait que les appelants aient versé aux débats en première instance un constat de réception de travaux signé par la seule société Servilux et qu'en appel ils soient capables de produire un constat de réception des travaux signé également par le maître d'ouvrage.

S'agissant de sa responsabilité délictuelle, la société Axa France Iard considère que les époux [W] ne démontrent pas à quel titre l'attestation d'assurance serait imprécise et aurait pu les induire en erreur et elle soutient au contraire que ce document est particulièrement détaillé.

L'intimée indique aussi que l'ensemble des éléments produits conduiront la cour à considérer que la convention liant les parties doit être requalifiée en un contrat de construction de maison individuelle, que cette requalification a pour conséquence de rendre inapplicable le contrat d'assurances souscrit par la société Servilux auprès de la société Axa France Iard, car l'activité de constructeur de maison individuelle est expressément exclue au titre de l'article 1.1 des conditions générales du contrat reprise en page 4 des conditions particulières.

A titre infiniment subsidiaire, la société d'assurances estime que la nécessité de démolir tout le bâtiment, le préjudice de jouissance ainsi que le préjudice moral des demandeurs ne résultent d'aucune pièce justificative.

La société de droit luxembourgeois Servilux n'a pas comparu ni constitué avocat.

Le 6 octobre 2022, la cour a adressé aux parties la note en délibéré suivante :

« Selon l'article L.622-22 du code de commerce, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Conformément aux dispositions de l'article 18 du règlement UE 2015/848 du 20 mai 2015, les effets de la procédure collective luxembourgeoise sur l'instance en cours en France sont déterminés par le droit français.

Il résulte du procès-verbal de signification de l'assignation délivrée en première instance à la SAS Servilux Europe Secs que cette dernière était alors placée sous le régime luxembourgeois de la faillite.

La cour envisage donc d'interrompre l'instance conformément à l'article L.622-22 précité et demande aux parties de faire toute observation utile sur ce point.

Par ailleurs, l'article 10 du règlement CE n°1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale («signification ou notification des actes»), et abrogeant le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil dispose que : « Lorsque les formalités relatives à la signification ou à la notification de l'acte ont été accomplies, une attestation le confirmant est établie au moyen du formulaire type figurant à l'annexe I et elle est adressée à l'entité d'origine, avec une copie de l'acte signifié ou notifié lorsqu'il a été fait application de l'article 4, paragraphe 5 ».

Les époux [W] ont transmis au greffe la demande de signification de la déclaration d'appel conformément aux formalités prévues par le règlement précité, mais le procès-verbal de signification n'est pas produit, ni même l'attestation prévue à l'article 10 précité.

M. et Mme [W] sont priés de transmettre à la cour la signification de la déclaration d'appel et des conclusions justificatives d'appel.

Les réponses et les pièces sont attendues avant le 8 novembre.

La décision est prorogée au 29 novembre ».

M. et Mme [W] ont transmis à la cour les pièces justifiant de la signification de la déclaration d'appel et de leurs conclusions au curateur à la faillite de la SAS Servilux Europe conformément aux dispositions du règlement communautaire n°1393/2007, par acte d'huissier du 3 décembre 2020.

Par note reçue le 10 novembre 2022, ils ont confirmé qu'aucune déclaration de créance n'avait été effectuée mais ils ont indiqué qu'en droit luxembourgeois, le non-respect du délai pour déclarer sa créance n'est pas sanctionné.

Faisant valoir le fait qu'ils disposent d'une action directe à l'encontre de l'assureur, ils ont demandé que l'interruption d'instance envisagée soit prononcée uniquement à l'égard de la SAS Servilux Europe Secs.

Le 3 novembre 2022, la société Axa France Iard a fait savoir que la cour avait vocation à prononcer l'interruption de l'instance à charge pour les demandeurs de régulariser la procédure à l'égard des organes de la faillite luxembourgeoise, si cela est encore possible.

Elle a fait savoir qu'elle ne disposait pas non plus de l'acte de signification de la déclaration d'appel.

Elle a considéré que l'instance devrait être interrompue.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la disjonction et l'interruption partielle d'instance

L'article 367 du code de procédure civile :

« Le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs ».

La SAS Servilux Europe Secs est placée sous le régime luxembourgeois de la faillite.

L'article 444 du code de commerce luxembourgeois dispose que : « Le failli, à compter du jugement déclaratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir tant qu'il est en état de faillite. Tous paiements, opérations et actes faits par le failli, et tous paiements faits au failli depuis ce jugement sont nuls de droit».

L'article 496 du même code précise que :

« Les créanciers du failli sont tenus de déposer au greffe du tribunal d'arrondissement siégeant en matière commerciale la déclaration de leurs créances avec leurs titres, dans le délai fixé au jugement déclaratif de la faillite. Le greffier en tiendra état et en donnera récépissé.

Les créanciers sont avertis à cet effet par les publications et affiches prescrites par l'article 472. Ils le seront, en outre, par une circulaire chargée à la poste, que les curateurs leur adresseront aussitôt qu'ils seront connus. Cette circulaire indiquera les jours et heures fixés pour la clôture du procès-verbal de vérification des créances et les débats de contestations à naître de cette vérification ».

Enfin l'article 497 dispose que :

« S'il existe des créanciers, résidant ou domiciliés hors du Grand-Duché, à l'égard desquels le délai fixé par le jugement déclaratif de la faillite serait trop court, le juge-commissaire le prolongera à leur égard selon les circonstances; il sera fait mention de cette prolongation dans les circulaires adressées à ces créanciers, conformément à l'article 496 ».

Conformément aux dispositions de l'article 18 du règlement UE 2015/848 du 20 mai 2015, les effets de la procédure collective luxembourgeoise sur l'instance en cours en France sont déterminés par le droit français.

Il résulte de l'article L. 622-22 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et de l'article 372 du code de procédure civile, que les instances en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, sont interrompues jusqu'à la déclaration faite par le créancier poursuivant de sa créance et sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant et que les actes accomplis et les jugements, même passés en force de chose jugée, sont réputés non avenus, à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue.

Les consorts [W] admettent qu'ils n'ont pas déposé de déclaration de créance, ce dont il se déduit qu'il convient d'interrompre l'instance les opposant à la société Servilux Europe Secs.

Néanmoins, conformément à l'article L.124-3 du code des assurances, ils disposent d'une action directe à l'encontre de l'assureur la société Axa France Iard, ce qui permet de poursuivre l'instance à l'égard de cette dernière.

Par conséquent et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu de :

prononcer la disjonction de l'instance entre d'une part, celle concernant les époux [W] et le curateur à la faillite de la société Servilux Europe Secs et d'autre part, celle concernant les époux [W] et la SA Axa France Iard ;

dire que l'instance entre les époux [W] et la SA Axa France Iard se poursuivra sous le même numéro ;

interrompre l'instance enrôlée sous le numéro 20/01382 qui sera reprise sur justification de la déclaration de créance par les époux [W] à la procédure collective de la société Servilux Europe Secs.

II- Sur la mise en jeu de la garantie d'assurance due par la SA Axa France Iard

L'article 1134 du code civil dans sa version applicable au présent litige dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article L.124-3 du code des assurances dispose que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Enfin l'article L.112-6 du même code précise que l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.

Les conditions particulières de la police d'assurance signées le 12 mai 2016 entre la société Servilux Europe Secs et la SA Axa France Iard stipulent que l'entreprises est assurée pour les travaux de démolition, terrassement, maçonnerie et béton armé, charpente et structure métallique, calfeutrement, protection, imperméabilité et étanchéité des façades et ce « à compter du 19 avril 2016 ».

Contrairement à ce que prétendent les consorts [W], en aucun cas ces conditions particulières ne comportent une mention selon laquelle l'assurance couvre les travaux à la date à laquelle l'assuré commence effectivement les travaux.

Le souscripteur reconnaît également dans ces conditions particulières avoir reçu un exemplaire des conditions générales n°951939 D, lesquelles conditions générales sont également produites et mentionnent, page 26, que « la période de garantie commence à la date d'ouverture de chantier et prend fin au plus tard à la date de réception de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a participé, sous réserve que le dommage survienne dans la période de validité du contrat ».

A la page 51 de ces conditions générales il est précisé dans le paragraphe « ouverture de chantier » que « l'ouverture de chantier s'entend à date unique applicable à l'ensemble de l'opération. Cette date correspond, soit à la date de déclaration d'ouverture de chantier, mentionnée au premier alinéa de l'article R.424-16 du code de l'urbanisme pour les travaux nécessitant la délivrance d'un permis de construire soit, pour les travaux ne nécessitant pas la délivrance d'un tel permis, à la date du premier ordre de service ou à défaut, à la date effective de commencement des travaux.

Lorsqu'un professionnel établit son activité postérieurement à la date unique ainsi définie, par dérogation à l'article précédent, cette date s'entend pour lui comme la date à laquelle il commence effectivement ses prestations ».

Il résulte de cette analyse que les conditions particulières et les conditions générales de la police d'assurance forment un ensemble contractuel exempt de contradictions, les conditions générales étant seulement plus précises que les conditions particulières quant à la prise d'effet de la garantie.

Le projet immobilier des époux [W] était soumis à la délivrance d'un permis de construire et le dossier de permis de construire est d'ailleurs versé aux débats par les appelants.

En l'espèce, l'ouverture de chantier est donc établie à la date de la déclaration d'ouverture de chantier. L'exception visée à l'alinéa 2 selon laquelle l'ouverture de chantier s'entend de la date à laquelle le professionnel commence effectivement ses prestations s'applique manifestement à la situation du professionnel qui crée officiellement son entreprise après la date d'ouverture du chantier, non à la situation de celui qui signe le marché de travaux avec un client après la date d'ouverture du chantier.

Or il est constant que la déclaration d'ouverture de chantier pour la maison des [W] a été déposée le 15 juin 2015, peu important l'identité de l'auteur de cette déclaration.

Enfin il sera observé que l'attestation d'assurance dont se prévalent les consorts [W] ne comporte aucune ambiguïté sur ce point, puisqu'elle évoque une garantie applicable pour les « chantiers » ouverts après le 19 avril 2016 et non pour les « prestations » effectuées à compter du 19 avril 2016 et puisqu'elle ne fait pas de confusion entre les travaux, objets du marché confié à l'assuré et le chantier en lui-même.

La garantie due par la SA Axa France Iard pour les chantiers ouverts à compter du 19 avril 2016 ne peut donc être mise en jeu par les consorts [W].

Au surplus, il sera observé qu'aussi bien les conditions particulières que les conditions générales de l'assurance excluent sans ambiguïté aucune et avec une mention très apparente l'activité de constructeur de maisons individuelles, avec ou sans fourniture de plans. Or, l'acte d'engagement signé le 22 mars 2016 entre les époux [W] et la société Servilux portait précisément sur « la construction d'une maison individuelle » ou « construction d'ouvrage clés en main ».

Dans ces conditions, les époux [W] ne peuvent pas engager la garantie de la SA Axa France Iard et la décision sera confirmée en ce que les époux [W] ont été déboutés de leur demande à l'encontre de cet assureur.

III- Sur les demandes à l'encontre de la SA Axa France Iard au titre de la responsabilité délictuelle

L'article 1382 dans sa version applicable au présent litige dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La SA Axa France Iard ne soulève pas l'irrecevabilité de cette prétention sur un fondement délictuel, pourtant soulevée pour la première fois à hauteur de cour.

L'attestation d'assurance visée par ce grief mentionne de manière très apparente que la garantie couvre les chantiers ouverts après le 19 avril 2016 et qu'elle exclut l'activité de constructeur de maisons individuelles. De plus elle est datée du 27 janvier 2017, donc postérieurement à l'acte d'engagement de la société Servilux daté du 22 mars 2016, de sorte que ce n'est pas cette attestation qui a pu inciter les époux [W] à engager cette entreprise.

Dans ces conditions et y ajoutant, la cour rejette les prétentions des époux [W] fondées sur la responsabilité délictuelle de la SA Axa France Iard.

IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles

La cour ne peut statuer sur les dispositions du jugement ayant condamné la société Servilux à verser aux époux [W] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et ayant condamné la société Servilux aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire, puisqu'ils concernent l'instance n°20/01382 ayant fait l'objet d'une disjonction.

La cour confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les époux [W] à payer à la société Axa France Iard la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle a débouté les époux [W] de leur demande à l'encontre de la société Axa France Iard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [W] succombent totalement à l'égard de la SA Axa France Iard, ils seront donc condamnés aux dépens de l'appel concernant l'instance à l'égard de la SA Axa France Iard, notamment les frais de signification de la déclaration d'appel à l'égard de cette dernière.

Pour des considérations d'équité, ils devront aussi payer à la SA Axa France Iard la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ordonne la disjonction de l'instance entre d'une part, celle concernant les époux [W] et le curateur à la faillite de la société Servilux Europe Secs sous le numéro 20/01383 et d'autre part, celle concernant M. [T] [W] et Mme [J] [O] épouse [W] et la SA Axa France Iard qui se poursuivra désormais sous le même numéro

Sur l'instance entre M. [T] [W] et Mme [J] [O] épouse [W] et la société Servilux Europe Secs

Interrompt l'instance enrôlée sous le numéro 20/01382 qui sera reprise sur justification de la déclaration de créance par les époux [W] à la procédure collective de la société Servilux Europe Secs ;

Rappelle qu'au terme de deux années sans diligences et conformément à l'article 386 du code de procédure civile, l'instance pourra être déclarée périmée ;

Sur l'instance entre M. [T] [W] et Mme [J] [O] épouse [W] et la SA Axa France Iard

Confirme le jugement rendu le 6 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Thionville en ce qu'il a débouté M. [T] [W] et Mme [J] [O] épouse [W] de leurs prétentions à l'égard de la SA Axa France Iard et en ce qu'il les a condamnés à lui payer la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Rejette les prétentions de M. [T] [W] et Mme [J] [O] épouse [W] à l'égard de la SA Axa France Iard fondées sur la responsabilité délictuelle de cette dernière ;

Condamne M. [T] [W] et Mme [J] [O] épouse [W] aux dépens de l'appel concernant l'instance entre eux et la SA Axa France Iard ;

Condamne M. [T] [W] et Mme [J] [O] épouse [W] à payer à la SA Axa France Iard la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01382
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.01382 ?
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