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25/10/2022 | FRANCE | N°20/01723

France | France, Cour d'appel de Metz, 4ème chambre, 25 octobre 2022, 20/01723


Minute n° 22/00691







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





















R.G. : N° RG 20/01723 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLCY



UDAF DE LA MOSELLE

[A]

C/

[K], [W], MINISTERE PUBLIC





COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE DE LA FAMILLE



ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022



APPELANTES



UDAF DE LA MOSELLE

ès-qualité de tuteur de Madame [H] [D]-[K] épouse [A], décé

dée

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]



[B] [A], ès-qualité d'héritière de Madame [H] [D]-[K] épouse [A]

[Adresse 2]



Représentées par Me Jérôme TIBERI, avocat au barreau de THIONVILLE



INTIMÉS



[E] [J] [K]

DECEDE



Madame [G] [W] épouse [X]

[Adr...

Minute n° 22/00691

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G. : N° RG 20/01723 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLCY

UDAF DE LA MOSELLE

[A]

C/

[K], [W], MINISTERE PUBLIC

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022

APPELANTES

UDAF DE LA MOSELLE

ès-qualité de tuteur de Madame [H] [D]-[K] épouse [A], décédée

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

[B] [A], ès-qualité d'héritière de Madame [H] [D]-[K] épouse [A]

[Adresse 2]

Représentées par Me Jérôme TIBERI, avocat au barreau de THIONVILLE

INTIMÉS

[E] [J] [K]

DECEDE

Madame [G] [W] épouse [X]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Pierre GIURIATO, avocat au barreau de STRASBOURG

MINISTERE PUBLIC, pris en la personne du procureur général près la Cour d'appel de Metz

[Adresse 3]

[Localité 4]

DATE DES DÉBATS : à l'audience tenue hors la présence du public le 04 octobre 2022 par Madame Marie HIRIBARREN et Mme Claire-Agnès GIZARD, magistrats rapporteurs qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 25 octobre 2022.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Madame Sylvie AHLOUCHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

PRÉSIDENT :Mme Martine ESCOLANO, président de chambre

ASSESSEURS : Mme Claire-Agnès GIZARD, conseiller

Mme Marie HIRIBARREN, conseiller

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe selon les dispositions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

ARRET CONTRADICTOIRE

Exposé du litige :

Par requête déposée le 03 juin 2019, M. [E] [K] a saisi le tribunal de grande instance de Thionville d'une demande d'adoption simple de Mme [G] [W].

Le 29 janvier 2020, M. [E] [K] est décédé.

Par jugement du 07 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Thionville a prononcé l'adoption simple de Mme [G] [W] par M. [E] [K].

Cette décision a été notifiée à Mme [H] [D]-[K], fille de M. [E] [K], actuellement placée sous le régime de la tutelle et représentée par l'Udaf de la Moselle.

-o0o-

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 22 septembre 2020, l'Udaf de la Moselle, ès-qualité de tuteur de Mme [H] [D]-[K], a interjeté appel de ce jugement aux fins d'infirmation en ce qu'il a:

- prononcé l'adoption simple de Mme [G] [W] par M. [E] [K],

- dit que l'adoptée se nommera désormais [W] [K],

- ordonné la transcription de la décision sur les registres de l'état civil du lieu de naissance de l'adoptée dans les quinze jours suivant la date à laquelle le jugement sera passé en force de chose jugée.

Le 12 décembre 2021, Mme [H] [D]-[K] est décédée.

En qualité d'héritière, Mme [B] [A] entend maintenir les prétentions de l'appelante principale.

Prétentions et moyens des parties

Par conclusions du 4 avril 2022, Mme [B] [A] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement rendu le 07 septembre 2020 par le juge de la chambre civile du tribunal judiciaire de Thionville, statuant en matière grâcieuse,

- rejeter la demande d'adoption formulée par Mme [G] [W],

- statuer ce que de droit quant aux frais et dépens.

Devant la cour d'appel, elle met en avant que cette procédure d'adoption ne correspondait plus à la volonté de M. [E] [K]. L'histoire familiale est extrêmement compliquée.

M. [E] [K] s'est confié en fin de vie. Il a notamment expliqué qu'il ne souhaitait plus avoir de contact avec Mme [G] [W] et qu'il ne souhaitait pas que cette procédure d'adoption aille à son terme.

M. [C] [F] atteste que Mme [G] [W] n'était pas présente pour M. [E] [K].

Par conclusions récapitulatives du 27 avril 2022, Mme [G] [W] demande à la cour d'appel de :

- déclarer l'appel de Mme [B] [A], ès-qualité d'héritière de Mme [H] [D]-[K] irrecevable et mal fond,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Thionville faisant droit à l'adoption simple de Mme [G] [W] épouse [X] par M. [E] [K],

en conséquence,

- débouter Mme [B] [A], ès qualité d'héritière de Mme [H] [D]-[K], de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- condamner Mme [B] [A], ès qualité d'héritière de Mme [H] [D]- [K] à verser à Mme [G] [W] un somme de 500 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'appel abusivement interjeté,

- condamner Mme [B] [A], ès qualité d'héritière de Mme [H] [D]-[K] à verser à Mme [G] [W] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Devant la cour d'appel, elle soutient qu'aucun élément justifiant une quelconque contestation de l'adoption simple de Mme [G] [W] par M. [E] [K] n'est apporté par Mme [B] [A].

Le 25 mai 2019, les conditions de fond et de forme de l'adoption simple étaient acquises, au regard des articles 360, 343 et suivants du code civil. Le 29 novembre 2019, le ministère public émettait un avis favorable. M. [E] [K] décédait le 29 janvier 2020 et la décision entreprise était rendue le 7 septembre 2020.

Mme [B] [A] ne produisait aucun justificatif qui viendrait, ne serait-ce qu'entrevoir la possibilité d'une remise en question de l'adoption simple de Mme [G] [W] par M. [E] [K] de son vivant. Elle met en avant qu'elle entretenait des relations régulières avec M. [E] [K] à la différence de Mme [A], qui n'avait plus de contact avec M. [E] [K].

Elle justifie sa demande de réparation de préjudice moral car l'appel interjeté ne se fonde sur aucun élément objectif et les pièces produites font apparaître une intention de discréditer Mme [G] [W], de porter atteinte à son honneur et sa dignité dans un but malveillant.

Par conclusions écrites du 15 novembre 2021 régulièrement communiquées aux parties et conclusions écrites du 2 mai 2022, le procureur général conclut au rejet de l'appel de Mme [B] [A] et à la confirmation dans toutes ses dispositions du jugement rendu le 7 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Thionville.

Par arrêt du 7 juin 2022, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats et a invité les parties à formuler des observations sur la recevabilité de la constitution de Maître Pierre Giuriato, conseil de Mme [G] [W], et de ses conclusions récapitulatives du 27 avril 2022.

Dans ses écritures du 29 septembre 2022, Me Pierre Giuriato pour Mme [G] [W] indique que les dispositions 914 et 930-1 du code de procédure civile s'appliquent à la matière contentieuse mais non aux questions d'adoption, relevant de la matière gracieuse.

Il ajoute que les motifs adoptés par la cour d'appel sont en contradiction avec les mentions présentes sur la convocation à la première audience d'appel. Les mentions présentes sur la convocation confirment l'inapplication de la représentation obligatoire à une procédure d'appel en matière d'adoption.

-o0o-

Motifs de l'arrêt :

Vu les conclusions sus-mentionnées des parties, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

Sur la recevabilité de la constitution et les conclusions récapitulatives du 27 avril 2022 de Maître Pierre Giuriato :

L'affaire relève de la matière gracieuse lorsque, en l'absence de litige, le juge est saisi parce que la loi exige, en raison de la nature de l'affaire, qu'elle soit soumise à son contrôle (article 25 du code de procédure civile). L'adoption relève de la matière gracieuse en ce qu'elle repose sur un échange des consentements entre l'adopté et/ou son représentant légal d'une part, l'adoptant et éventuellement son conjoint, ou les adoptants, d'autre part. L'article 1167 du code de procédure civile le prévoit expressément.

L'adoptant n'a donc normalement pas de contradicteur devant les juges, sinon le procureur de la République dans le cadre de l'avis qu'il doit donner. Ce n'est qu'en cas de complication que l'affaire peut devenir contentieuse, en première instance ou en appel.

En l'espèce, la procédure est devenue contentieuse à partir du moment où l'Udaf de la Moselle, es qualité de tuteur de Mme [H] [D]-[K] a interjeté appel de la décision d'adoption simple de Mme [G] [W] par [E] [K].

Conformément à l'article 1168 du code de procédure civile, il y a dispense de représentation lorsque l'adopté avait moins de quinze ans au moment de son recueil par l'adoptant ce qui est nécessairement le cas dans le cadre de l' adoption plénière. Dans les autres cas, la représentation reste obligatoire. Le texte ne précisant rien, la dispense peut être considérée comme s'appliquant quel que soit le titre auquel la personne à adopter, même majeure au moment de la requête, a été recueillie, pas seulement si elle a été recueillie en vue de l'adoption plénière.

En l'absence de représentation obligatoire, le requérant peut néanmoins, sans y être obligé, se faire assister par un avocat, qui a pouvoir et devoir de le conseiller et de présenter sa défense sans l'obliger (article 412 du code de procédure civile ). Lorsque l'avocat est choisi hors du barreau du tribunal saisi, il n'y a pas lieu, en cas d'assistance seulement, à recourir à un avocat postulant de ce barreau.

En l'espèce, en application de l'article 1168 du code de procédure civile, l'adoption simple par [E] [K] de Mme [G] [W] est, en première instance, une procédure gracieuse avec représentation obligatoire.

En appel, compte-tenu de la contestation de l'adoption par le tuteur de Mme [D]-[K] et du litige ainsi élevé, la procédure devient contentieuse et selon les dispositions de l'article 1168 cité ci-dessus, elle reste une procédure avec représentation obligatoire, au demeurant, procédure de droit commun applicable devant la cour d'appel sauf disposition contraire.

Il sera précisé que l'article 1178 du code de procédure civile cité par le conseil de l'appelante vise non pas l'appel d'un jugement d'adoption mais les dispositions procédurales applicables à la procédure relative à la révocation de l'adoption, ce qui ne correspond pas au litige dont la cour d'appel est actuellement saisie.

Toutefois, en raison d'une part de l'accueil de la procédure en première instance sans qu'il soit relevé que la représentation était obligatoire et d'autre part des convocations adressées par le greffe de la cour d'appel reproduisant l'article 931 du code de procédure civile relatif à la procédure devant la cour d'appel sans représentation obligatoire, les parties ont pu légitimement croire que le ministère d'avocat pour poursuivre la procédure n'était pas obligatoire.

Dans ces conditions, la constitution et les conclusions de Me Giuriato pour Mme [W] seront admises en l'état.

Sur la demande d'adoption simple :

Conformément à l'article 360 et 361 du code civil, l'adoption simple est permise quelque soit l'âge de l'adopté. Les dispositions des articles 343 à 344, du dernier alinéa de l'article 345, des articles 346 à 350, 353, 353-1, 355 et du dernier alinéa de l'article 357 sont applicables à l'adoption simple.

Selon les dispositions de l'article 353 du code civil, l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal judiciaire qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant.

Les juges du fond apprécient souverainement qu'une adoption à laquelle des enfants légitimes de l'adoptant sont opposés est de nature à compromettre la vie familiale.

Le décès survenu postérieurement à la requête ne dessaisit pas le tribunal qui doit statuer sur l'adoption, laquelle produit effet au jour du dépôt de la requête.

En l'espèce, le 3 juin 2019, [E] [K] a déposé une requête en adoption simple de Mme [G] [W].

A l'appui de sa requête, il a versé notamment un acte notarié du 30 avril 2019 et un certificat de non rétractation du 16 juillet 2019, dans lequel Mme [G] [W] a consenti personnellement et expressément à son adoption simple dans les conditions prévues aux articles 360 du code civil.

Il a également produit un courrier de l'Udaf, tuteur de Mme [H] [D], fille adoptive de [E] [K], en date du 23 octobre 2019, indiquant qu'elle n'est pas opposée au projet d'adoption de Mme [G] [W].

Dés lors, les pièces produites en première instance établissent que toutes les conditions étaient remplies et que l'adoption apparaissait conforme à l'adoptée et que Mme [H] [D] ne s'y est pas opposée.

Ce n'est qu'après le décès de [E] [K] et dans le cadre de la déclaration d'appel que Mme [H] [D] s'est opposée à cette adoption.

Devant la cour d'appel, Mme [B] [A], fille et héritière de Mme [H] [D], désormais décédée, verse aux débats une attestation écrite de sa main dans laquelle elle précise que [E] [K] n'était plus favorable à cette adoption et que Mme [G] [W] n'était que très peu présente dans la vie de [E] [K]. Elle produit également l'attestation de M. [C] [F] qui indique que Mme [G] [W] n'était que peu présente auprès de [E] [K] notamment lors de rendez-vous médicaux et l'attestation de M. [I] [S] qui explique qu'il n'a jamais vu Mme [G] [W] aider son oncle, [E] [K].

Ces éléments ne sauraient suffire à remettre en cause la volonté de [E] [K] exprimée dans sa requête et les pièces produites à l'appui de sa requête.

Au regard de ces éléments, cette adoption n'est pas de nature à compromettre la vie familiale.

En conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise.

Sur la demande de réparation du préjudice moral présentée par Mme [G] [W] :

Il n'est pas démontré d'intention de nuire de Mme [H] [D], son tuteur et Mme [B] [A] dans l'appel soutenu devant la cour d'appel.

Dès lors, il convient de débouter Mme [G] [W] de sa demande sur ce fondement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Eu égard au caractère familial de la procédure, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

L'équité commande pour les mêmes motifs de ne pas faire application, au profit de l'une ou l'autre des parties, de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de Mme [G] [W] sur ce fondement sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après débats hors la présence du public et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris du tribunal judiciaire de Thionville en date du 7 septembre 2020,

Y ajoutant,

Déboute Mme [G] [W] de sa demande en réparation du préjudice moral,

Déboute Mme [G] [W] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne chaque partie à supporter ses propres dépens d'appel.

Le greffier, Le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01723
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.01723 ?
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