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11/10/2022 | FRANCE | N°20/02399

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 11 octobre 2022, 20/02399


Arrêt n° 22/00620



11 Octobre 2022

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N° RG 20/02399 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FM2V

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

30 Novembre 2020

19/00355

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



onze octobre deux mille vingt deux





APPELANTE :



Association VVF

VILLAGES représentée par sa Présidente

[Adresse 2]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Marie-Hélène FOURNIER-GOBERT, avocat plaidant au barreau de PARIS





INTIMÉ...

Arrêt n° 22/00620

11 Octobre 2022

---------------------

N° RG 20/02399 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FM2V

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

30 Novembre 2020

19/00355

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

onze octobre deux mille vingt deux

APPELANTE :

Association VVF VILLAGES représentée par sa Présidente

[Adresse 2]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Marie-Hélène FOURNIER-GOBERT, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Mme [O] [H] épouse [K]

[Adresse 1]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Mme [O] [C] a été engagée par l'association Bitche VVF Villages selon contrat de travail à durée déterminée saisonnier conclu le 6 mars 2019 en qualité de coordinateur ménage, catégorie B, pour une durée hebdomadaire de 35 heures, et ce à compter du 11 mars 2019 jusqu'au 11 avril 2019, avec application de la convention collective nationale du tourisme social et familial, moyennant un salaire mensuel brut de 1 567 €.

Un second contrat à durée déterminée saisonnier a été conclu le 6 mars 2019, Mme [H] étant embauchée en qualité « d'employé de collectivité » à compter du 12 avril 2019 jusqu'au 29 septembre 2019, pour un salaire brut de 1 527 € et avec une durée hebdomadaire de travail de 35 heures avec une période d'essai de 5 jours calendaires.

Le 27 avril 2019, Mme [O] [K] et I'Association Vvf Village ont signé un document 'avenant de modification de contrat de travail ' rupture anticipée d'un commun accord' actant une rupture anticipée du contrat à durée déterminée le 28 avril 2019 selon le commun accord des parties.

Le contrat de travail liant les parties a pris fin le 29 avril 2019, par l'envoi à Mme [O] [H] des documents de fin de contrat.

Mme [O] [C] a le 3 décembre 2019 saisi le conseil de prud'hommes de Forbach d'une demande de paiement de salaires dus jusqu'à l'expiration prévue au contrat à durée déterminée soit la somme de 7 635 € brut, 763,50 € au titre de l'indemnité de congés payés et 763,50 € au titre de l'indemnité de précarité, le tout majoré des intérêts de droit.

Par jugement rendu le 30 novembre 2020, le conseil des prud'hommes de Forbach a dit que la rupture du contrat à durée déterminée est à l'initiative de l'employeur, et a fait droit à l'intégralité des demandes de Mme [O] [H] en condamnant l'association VVF Villages à payer à Mme [O] [H] épouse [K] la somme de 7 635 € brut outre 763,50 € au titre de l'indemnité de congés payés,763,50 € au titre de l'indemnité de fin de contrat, ainsi qu'un montant de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, le tout majoré des intérêts de droit à compter du dixième jour suivant la notification du jugement.

Par déclaration électronique en date du 29 décembre 2020 adressée au greffe de la cour, l'association VVF VIllages a interjeté appel de ce jugement en visant l'intégralité de son dispositif.

Dans ses conclusions datées du 26 mars 2021 l'association VVF Villages demande à la cour de statuer comme suit :

- Constater l'absence de vice du consentement ;

- Dire et juger la rupture anticipée du contrat à durée déterminée conclu entre les parties d'un commun accord, valide ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Forbach en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

Jugé la demande de Madame [O] [K] recevable et bien fondée,

Dit que la rupture du contrat à durée déterminée est à l'initiative de l'employeur,

Condamné l'Association Bitche VVF Villages à payer à Mme [O] [K] née [H] les sommes suivantes :

7.635,00€ au titre de l'indemnité compensatrice des salaires dus jusqu'à l'expiration prévue au contrat à durée déterminée ;

763,50€ brut au titre de l'indemnité de congés payés correspondante ;

763,50€ brut au titre de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L.1243-8 du Code du travail.

- Condamner Mme [O] [K] à payer à la l'Association VVF Villages la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- Condamner Mme [O] [K] aux entiers dépens''.

L'association VVF Villages soutient que la question de droit soumise aux premiers juges était le consentement de la salariée à la rupture d'un commun accord du contrat à durée déterminée.

Elle fait valoir qu'en dépit de l'absence de preuve de toute pression ou contrainte exercée sur cette dernière par l'employeur, le conseil de prud'hommes de Forbach a jugé à tort que l'initiative de la rupture du contrat à durée déterminée de Mme [O] [K] était imputable exclusivement à l'employeur. En outre, le conseil de prud'hommes de Forbach a statué ultra-petita, se fondant sur des arguments qui n'ont à aucun moment de la procédure été soulevés par les parties, et notamment que la rupture d'un commun accord concernait un contrat de travail qui n'existait pas. Le conseil de prud'hommes a donc fait droit aux demandes de Mme [O] [K] sur le constat d'erreurs matérielles figurant sur des documents contractuels, pourtant sans effet sur la question du consentement de la salariée à la rupture d'un commun accord du contrat de travail et non contestées par la demanderesse.

L'association VVF Villages observe que le jugement du 30 novembre 2020 relève que le document contractuel relatif à la rupture d'un commun accord du contrat à durée déterminée, recelait une incohérence relative à la date de conclusion du second contrat de travail ; l'avenant intitulé ''modification du contrat de travail ' rupture anticipée d'un commun accord'' fait état d'un contrat de travail « conclu le 12/004/2019 » et qui « est modifié dans ses dispositions relatives à sa durée. ».

L'appelante soutient qu'il s'agit d'une simple erreur de forme sans effet sur la validité de la rupture d'un commun accord conclue entre les parties. Elle souligne que le second contrat de travail de Mme [O] [K] était effectif à compter du 12 avril 2019, bien que celui-ci ait été signé le 08 mars 2019. Non seulement, ce contrat existe mais il a bien été rompu d'un commun accord par les parties. Il était au surplus parfaitement valide, sa régularité n'ayant au demeurant jamais été l'objet de la contestation de Mme [O] [K] ; le conseil de prud'hommes ne pouvait déduire de cette simple erreur matérielle figurant sur l'avenant de rupture d'un commun accord du contrat que non seulement le contrat du 8 mars 2019 est inexistant mais également que la rupture anticipée de celui-ci est irrégulière.

L'appelante relève que l'attestation Pôle Emploi recèle deux erreurs matérielles, lesquelles n'ont emporté aucune conséquence ni préjudice pour Mme [K], mais surtout aucun effet sur la question de la validité de la rupture signée d'un commun accord. La première erreur est relative au dernier emploi indiqué de coordinateur ménage, alors qu'il s'agit de l'intitulé du premier contrat à durée déterminée. L'attestation aurait dû faire mention du véritable intitulé relatif à la qualification retenue pour le second contrat à durée déterminée de la salariée soit « employée de collectivité. La seconde erreur figure dans le cadre 7-1 « Salaires des 12 derniers mois » puisqu'aucun salaire n'est consigné.

L'association VVF Villages soutient que le conseil ne pouvait s'emparer de ces erreurs matérielles non soutenues par la demanderesse en première instance pour invalider la rupture d'un commun accord du contrat de travail. Elle relève que le jugement entrepris ne comporte aucune motivation de droit et de fait sur la validité du consentement de Mme [O] [K] à l'acte de rupture du contrat de travail conclu avec Vvf Village.

L'association VVF Villages rappelle qu'en première instance, Mme [O] [K] a sollicité la condamnation de l'employeur au titre de l'indemnité compensatrice des salaires dus jusqu'à l'expiration prévue du contrat à durée déterminée au motif qu'elle s'était vue imposer une rupture unilatérale anticipée dudit contrat ; le fondement juridique du présent contentieux est donc le prétendu vice du consentement qui aurait affecté la rupture anticipée d'un commun accord puisque selon Mme [O] [K] la direction l'a forcée à signer un document ''Avenant de modification du contrat de travail'' où il est stipulé une résiliation du contrat de travail ; elle a prétendu être sous le choc, et d'un naturel plutôt timide, elle s'est rendue compte que la mention « lu et approuvé » n'était pas de sa main.

L'appelante fait valoir que la salariée n'a pas fait la démonstration d'un quelconque vice du consentement ; elle n'a rapporté aucun élément en ce sens, et a procédé uniquement par voie d'affirmation, en faisant valoir sans aucune pièce à l'appui qu'elle s'était retrouvée devant le fait accompli, la décision ayant d'ores et déjà était prétendument actée, sans son consentement.

De plus, le conseil de prud'hommes de Forbach n'a pas statué sur l'existence ou l'absence du consentement de la salariée qui est pourtant le fondement juridique de ses prétentions.

Sur la validité de la rupture anticipée du contrat de travail de Mme [O] [K], l'Association VVF Villages conteste fermement l'argumentation de la salariée qui n'apporte aucun élément, aucune pièce pour étayer ses allégations et qui tente ainsi de faire peser sur l'employeur la responsabilité d'une décision commune et consentie en toute connaissance de cause par les parties.Mme [O] [K] ne démontre à l'évidence aucun vice du consentement susceptible d'entrainer la nullité de l'acte.

L'association VVF Villages rappelle qu'en vertu de l'article L. 1243-1 du code du travail le contrat à durée déterminée ne peut, en dehors de tout accord entre l'employeur et le salarié, être rompu avant échéance qu'en cas de faute grave, de force majeure et d'inaptitude constatée par le médecin du travail. En outre, par dérogation aux dispositions ci-dessus, le salarié en contrat à durée déterminée peut également rompre le contrat avant l'échéance lorsqu'il justifie d'une embauche en contrat à durée indéterminée (article L.1243-2 du code du travail).

Aux quatre cas possibles de rupture anticipée définis par la loi, s'ajoutent la rupture du contrat pendant la période d'essai, et la rupture de certains contrats conclus dans le cadre de la politique de l'emploi.

L'association VVF Villages rappelle que si les dispositions régissant la résiliation du contrat à durée déterminée sont d'ordre public (Circ. DRT 90-18 du 30 octobre 1990 : BOMT n O 90-24), les parties à un contrat à durée déterminée peuvent d'un commun accord décider de mettre fin à leurs relations contractuelles avant l'arrivée du terme. A cet égard, la rupture anticipée par accord des parties doit en tout état de cause s'appuyer sur un écrit, qu'il s'agisse d'un simple document écrit mettant un terme immédiat au contrat, d'un avenant qui en réduit la durée, ou d'une transaction au sens des articles 2044, 2052 et 2053 du code civil qui organise les modalités de la rupture pour prévenir un litige né ou à naître (Circ. DRT 92-14 du 29-8-1992 n' 25 : BOMT n' 92-21). La rupture d'un commun accord du contrat à durée déterminée ne peut résulter que d'un acte clair et non-équivoque des parties de mettre fin aux relations contractuelles.

L'appelante rappelle que selon l'article 1128 du Code civil, le consentement de la partie qui s'oblige est une des conditions essentielles pour la validité d'une convention. Les parties au contrat de travail doivent exprimer leur consentement réciproque, qui doit traduire sans ambiguïté leur commune intention de s'engager et donc être exempt de tout vice. L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ; la liberté du consentement des parties est donc une condition de validité de la conclusion du contrat de travail mais également une condition de validité de la rupture du contrat de travail. A ce titre, ne constitue pas une rupture anticipée du contrat à durée déterminée par accord des parties, la rupture intervenue sans que soit caractérisée une volonté claire et non équivoque des parties de mettre fin à leurs relations contractuelles (Cassa soc. 21 mars 1996 n' 93-40.192 D, Balcon c/ Cadiou : RJS 5/96 522). La jurisprudence s'est prononcée pour déterminer ce que recouvre la notion d'acte clair et non-équivoque. Ainsi, un échange de mails sur les modalités de la rupture ne prouve pas la volonté de rompre un CDD (Cass.soc., 03 mai 2016, 17 015-12.396). De même, la rupture d'un commun accord ne peut pas résulter de la signature d'un reçu pour solde de tout compte, ni de l'acceptation du certificat de travail. Si le salarié peut remettre en cause cette rupture, c'est à condition d'établir que son consentement était vicié lors de la négociation et/ou la conclusion de la rupture. Est ainsi nulle la convention de rupture conclue, alors que le salarié était, au moment de la signature de l'acte, dans une situation de violence psychologique en raison d'un harcèlement moral (Cass. soc. 30 ianvier 2013, n o 11-22.332).

L'association VVF Villages retient que pour que la rupture anticipée d'un commun accord d'un contrat à durée déterminée soit valable, il importe que l'employeur signe avec le salarié un écrit distinct et spécifique formalisant leur accord pour rompre le CDD. La jurisprudence a confirmé la position de l'administration (Circ. DRT 92-14 du 29 août 1992, n 025 : BOMTn 092-21) en admettant que l'accord de rupture anticipée peut prendre la forme d'un avenant au contrat à durée déterminée initial, modifiant le terme de celui-ci. Ainsi, selon la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, cet avenant peut avancer la date de fin de contrat (en l'espèce de 6 mois) dès lors que le consentement du salarié n'a pas été vicié du fait d'une erreur, d'un dol ou d'une violence au moment de la signature de l'avenant (Cass. soc., 16 décembre 2015, 17 014-21.360).

L'appelante observe que la charge de la preuve d'un vice du consentement lors de la conclusion ou la rupture du contrat de travail est imputable à celui qui s'en prévaut. Or, Mme [K] soutient que son acceptation aurait été viciée, mais elle n'en apporte pas la preuve ; elle prétend qu'elle aurait été « menacée de ne pas être payée si elle ne signait pas l'avenant' » et que dans ces conditions elle aurait alors « signé fébrilement dans la panique, comprenant plus ou moins ce qui lui arrivait ». Aucune preuve ou commencement de preuve ne vient étayer les affirmations de la salariée, et au surplus, son « licenciement » ne lui a pas davantage été annoncé verbalement lors d'un entretien du 27 avril 2019, dès lors qu'à cette date les parties ont convenu de mettre un terme au contrat à durée déterminée.

L'association appelante retient que cette rupture est bien intervenue d'un commun accord, formalisée et signée par les parties. Aucun vice du consentement, aucune pression ou man'uvre de quelque nature que ce soit de la part de l'employeur ne lui est imputable.

La rupture anticipée d'un commun accord du contrat de travail de [X] [O] [K] est donc parfaitement valable.

Dans ses conclusions datées du 24 juin 2021 Mme [O] [C] demande à la cour de statuer comme suit :

- Déclarer l'appel interjeté par l'association Bitche VVF Villages particulièrement mal fondé

En conséquence

- Rejeter en tous points l'appel formé par l'association VVF Villages

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le Conseil des prud'hommes de Forbach

- Débouter l'association VVF Villages de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Condamner l'association VVF Villages aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel''.

Mme [C] rappelle les règles légales en cas de rupture d'un contrat saisonnier, et notamment l'article 23 B de la convention nationale des organismes de tourisme social et familial qui précise « A l'initiative de l'employeur : au-delà de la période d'essai, conformément au code du travail, seule la faute grave ou la force majeure peuvent permettre la rupture du contrat saisonnier en cours d'exécution ».

Mme [C] évoque l'article 1243-4 du code du travail qui prévoit que : « La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L1243-8 du code du travail. Toutefois, lorsque le contrat de travail est rompu avant l'échéance du terme en raison d'un sinistre relevant d'un cas de force majeure, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat. Cette indemnité est à la charge de l'employeur ».

Mme [C] observe que l'employeur et le salarié peuvent mettre fin à tout moment au contrat à durée déterminée d'un commun accord, celui-ci doit être formalisé dans un écrit non équivoque pouvant prendre la forme d'un avenant au contrat (Circulaire DRT N°92-14, 29 août 1992). Elle soutient que l'avenant au contrat signé par elle est totalement équivoque et vivement contesté ; c'est sous l'empire de la violence verbale et psychologique qu'elle a accepté de quitter immédiatement son travail et de rentrer chez elle après que sa direction lui ait verbalement indiqué « tu es virée ». Elle ajoute que son employeur lui a d'abord dit en début d'entrevue qu'elle devait signer une rupture si elle voulait être payée, ce qui est manifestement la caractéristique d'un vice du consentement, de l'existence d'une violence verbale et psychologique.

La Cour de Cassation considère que, dès lors que le contrat à durée déterminée a été conclu, sa rupture anticipée à l'initiative de l'employeur en dehors des cas mentionnés à l'article 1243-1 du code du travail ouvre droit pour le salarié à indemnisation, peu important que l'exécution du contrat ait ou non commencé.

Concernant la réparation due par l'employeur, la jurisprudence est constante : l'indemnité due par l'employeur est au moins égale aux rémunérations que la salariée aurait perçues jusqu'au terme de son contrat et constitue une réparation forfaitaire minimale incompressible et indépendante du préjudice subi, qui ne peut subir aucune réduction. Il appartient au juge d'évaluer souverainement le montant du préjudice subi par le salarié en raison de cette rupture. Le montant de la somme allouée peut donc être supérieur à celle que le salarié aurait perçue jusqu'au terme de son contrat.

Mme [C] observe que dans les faits le conseil de prud'hommes de Forbach a très justement retenu en première instance que la rupture était à l'initiative unique de l'employeur. Le conseil de prud'hommes a ainsi relevé les incohérences suivantes : les deux CDD ont été conclu le 6 mars 2019, aux termes de l'avenant de modification du contrat de travail daté du 27 avril 2019 le contrat de travail conclu le 12 avril 2019 est modifié dans les dispositions relatives à sa durée. Les parties conviennent de résilier le contrat de travail d'un commun accord avant le terme prévu, le bulletin de paie indique une entrée au 11 mars 2019 et une sortie le 11 avril 2019, le salaire étant viré le 30 avril 2019, l'attestation Pôle Emploi n'indique aucun salaire, uniquement une somme versée à l'occasion de la rupture pour la période du 12 au 28 avril 2019 et une indemnité compensatrice de congés payés d'un jour. Mme [C] est sortie des effectifs le 11 avril 2019, le salaire étant viré le 30 avril 2019 avec les indemnités de rupture alors que l'avenant rédigé par l'employeur est daté du 27 avril, donc postérieur à la rupture.

Mme [C] soutient que l'allégation adverse selon laquelle les parties auraient conclu un accord en toute connaissance de cause, avec un consentement entier libre et éclairé, est mensongère. Mme [C] avait un besoin vital de cet emploi, ne disposant que de faibles revenus. Son emploi lui convenait parfaitement, et elle n'aurait jamais pensé être à la hâte poussée vers la sortie fin avril 2019 par sa direction, le tout sans aucune explication, sans aucune raison valable. Elle n'a jamais donné un consentement libre et éclairé à une rupture anticipée. La partie adverse n'apporte aux débats aucun élément extérieur à l'avenant de modification du contrat de travail qu'elle a elle-même pré-rédigé sur son papier à entête, permettant de démontrer que cet avenant aurait été fait à la demande de Mme [H]. Mme [C] ajoute que la mention « lu et approuvé » n'est même pas écrite de sa main.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

SUR CE, LA COUR,

Par application des dispositions de l'article L 1243'1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée et par là-même le contrat saisonnier ne peut, sauf accord des parties, être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

L'article 23 bis de la convention collective du tourisme social et familial prévoit que la rupture d'un contrat saisonnier en cours d'exécution à l'initiative du salarié devra obligatoirement observer un délai de prévenance de quinze jours.

L'employeur et le salarié peuvent mettre fin à tout moment au contrat à durée déterminée d'un commun accord. Cette volonté commune de mettre fin au contrat de travail par anticipation doit être claire et non équivoque et doit être caractérisée par les juges du fond, que ce soit en matière d'accord verbal ou tacite ou en matière accord matérialisé par un écrit.

Il appartient au salarié qui s'en prévaut de rapporter la preuve d'un vice du consentement, dont la constatation relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

En l'espèce il ressort des données constantes du débat que Mme [O] [C] épouse [K] et l'association Bitche VVF Villages ont signé deux contrats saisonniers le même jour, soit le 6 mars 2019.

Le premier contrat saisonnier a prévu l'embauche de Mme [C] épouse [K] en qualité de coordinateur ménage, catégorie B, pour une durée hebdomadaire de 35 heures à compter du 11 mars 2019 jusqu'au 11 avril 2019, avec application de la convention collective nationale du tourisme social et familial, moyennant un salaire mensuel brut de 1 567 €. Ce contrat a été exécuté jusqu'à son terme.

Le second contrat saisonnier conclu le 6 mars 2019 a prévu l'embauche de Mme [H] épouse [K] en qualité d'employée de collectivité à compter du 12 avril 2019 jusqu'au 29 septembre 2019, moyennant un salaire mensuel brut de 1 527 € et une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, avec une période d'essai de 5 jours calendaires.

Ce contrat saisonnier a été rompu le 28 avril 2019 selon avenant de modification du contrat de travail daté du 27 avril 2019, et portant outre la signature des deux parties la mention ''lu et approuvé'' de la salariée.

Mme [O] [C] épouse [K] soutient qu'elle n'a pas donné un consentement libre et éclairé en signant un document sous la violence verbale et psychologique de l'employeur, et que la mention ''lu et approuvé'' qui y figure n'a pas été écrite par elle.

Au soutien de ses allégations Mme [C] épouse [K] indique dans ses écritures que le 27 avril 2019 alors que rien ne le laissait présager, son travail ayant été jugé pleinement satisfaisant par le chef de service, elle a été convoquée par téléphone, aux alentours de 16h/16h30, par sa direction qui lui a demandé expressément de se présenter à 17 heures de toute urgence, et qu'une fois sur place l'employeur l'a forcée à signer un document intitulé 'Avenant de modification du contrat de travail' en lui indiquant qu'elle devait « signer une rupture si elle voulait être payée », que très pressée la directrice a informé à Mme [O] [H] épouse [K] qu'elle était « virée » et l'a invitée à quitter immédiatement les lieux.

La salariée mentionne encore qu'elle a appris quelques jours plus tard que son poste avait été attribué à une autre personne.

Il convient de rappeler que les éléments de fait de preuve relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond.

L'association VVF Villages fait valoir avec pertinence que les erreurs de forme relevées par les premiers juges ne révèlent pas un vice du consentement donné par la salariée lors de la rupture formalisée par un accord écrit. Néanmoins le juge du fond doit caractériser une volonté claire et non équivoque des parties de mettre fin aux relations contractuelles y compris en présence d'un accord écrit.

Aussi face à la chronologie des évènements développée par la salariée, notamment quant à son remplacement quasi-immédiat, l'association VVF Villages ne donne aucune précision et se limite à se prévaloir de l'écrit qui a été signé par la salariée, étant observé que lors des débats de premier ressort l'employeur affirmait que la rupture anticipée avait été sollicitée par Mme [C] épouse [K].

En effet l'association VVF Villages considère que Mme [O] [C] épouse [K] est défaillante à démontrer que son consentement a été vicié, mais elle ne développe aucune observation concernant les circonstances de la rupture anticipée et concernant la pertinence de la version des évènements relatée par la salariée.

Or cette version de la salariée est d'autant plus crédible que de première part l'avenant signé par Mme [O] [C] épouse [K] a été élaboré par l'employeur, et que rien n'indique que ce document a préalablement été communiqué à la salariée avant qu'elle ne soit convoquée par la directrice pour y apposer sa signature.

La mention manuscrite ''lu et approuvé'', que Mme [C] épouse [K] conteste avoir écrite, est d'autant moins révélatrice d'un consentement libre et éclairé donné par la salariée que cette mention a le cas échéant été portée sur le document en concomitance avec la signature de la salariée, qui n'a ainsi pas été en mesure de réfléchir sur les conséquences de la rupture anticipée du contrat

De seconde part ce document de rupture anticipée a été signé à la fin d'une semaine de travail et également à la fin du mois, et Mme [C] épouse [K] n'est pas efficacement contredite par l'employeur lorsqu'elle indique qu'elle a été convoquée à la fin de sa journée de travail.

Si la société VVF Villages avait soutenu auprès du premier juge que la salariée avait souhaité rompre la relation contractuelle, aucun élément ne permet de retenir qu'avant la convocation de Mme [C] épouse [K] à la fin de sa journée et d'une semaine de travail le 28 avril 2019, les parties avaient échangé et avaient convenu des modalités de cette rupture.

Les données de fait du débat soumises à la cour sont donc en parfaite congruence avec la version développée par Mme [C] épouse [K], qui explique qu'elle a été contrainte de signer un document qui lui était présenté par la directrice de la structure comme la condition de la délivrance de son salaire.

En conséquence la cour retient que Mme [C] épouse [K] n'a pas donné un consentement libre et éclairé à la rupture anticipée de son contrat de travail, et que la rupture à l'initiative de l'employeur est abusive.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée est à l'initiative de l'employeur, et en ce qu'il a condamné l'association Bitche VVF Villages à payer à Mme [O] [C] épouse [K] la somme de 7 635 € brut, la somme de 763,50 € brut au titre de l'indemnité de congés payés, et la somme de 763,50 € au titre de l'indemnité de fin de contrat.

Les dispositions du jugement déféré relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme [C] épouse [K] seront confirmées.

L'association Bitche VVF Villages qui succombe assumera ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Retient que Mme [O] [C] épouse [K] n'a pas donné un consentement libre et éclairé à la rupture anticipée de son contrat de travail, et que la rupture à l'initiative de l'employeur est abusive ;

Confirme le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Forbach en ce qu'il a condamné l'association Bitche VVF Villages à payer à Mme [O] [C] épouse [K] la somme de 7 635 € brut outre 763,50 € brut au titre de l'indemnité de congés payés, la somme de 763,50 € au titre de l'indemnité de fin de contrat, dans ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme [O] [C] épouse [K], et dans ses dispositions relatives aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'association Bitche VVF Villages,

Condamne l'association Bitche VVF Villages aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/02399
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;20.02399 ?
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