Arrêt n° 22/00641
11 Octobre 2022
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N° RG 20/02344 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FMV7
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE
10 Décembre 2020
19/00167
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
onze octobre deux mille vingt deux
APPELANTE :
S.A.R.L. 5 ETOILES SERVICES EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE APEF SERVICES prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
Représentée par Me Pierre AMADORI, avocat au barreau de THIONVILLE
INTIMÉE :
Mme [M] [F]
[Adresse 3]
Représentée par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [M] [F] a été embauchée à compter du 1er septembre 2015 par la SARL 5 Etoiles Services en exécution d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel daté du 28 août 2015, en qualité d'assistante de vie niveau 2 avec un horaire de travail de 124 heures mensuelles rémunérées à raison de 1 191,64 € brut.
Le temps de travail de Mme [F] a été modifié à plusieurs reprises : par un premier avenant du 1er octobre 2015 son temps de travail mensuel a été fixé à 140 heures par mois pour une rémunération de 1 345,40 €, puis à 151,67 heures par un deuxième avenant du même jour à pour une rémunération brute de 1 457,54 €. Par un troisième avenant du 1er décembre 2015 son temps de travail mensuel a été fixé à 135 heures pour une rémunération de 1 297,35 € brut. Enfin par un quatrième avenant du 1er mai 2016, son temps de travail mensuel a été porté à 151,67 heures pour une rémunération de 1 466,65 € brut.
Mme [M] [F] a été victime de trois accidents du travail :
- le premier a été suivi d'un arrêt de travail du 15 au 17 janvier 2016, puis du 15 mars au 10 avril 2016 ;
- le deuxième a occasionné un arrêt de travail du 15 mai 2017 au 9 juillet 2017, à l'expiration duquel aucune visite de reprise n'a été organisée par l'employeur auprès de la médecine du travail ;
- le troisième a engendré un arrêt de travail à compter du 31 janvier 2018 jusqu'au 20 janvier 2019.
Mme [M] [F] a sollicité une visite de pré-reprise auprès du médecin du travail qui, le 9 janvier 2019, a préconisé un allègement de son poste avec une exclusion des gestes répétés du membre supérieur droit, en suggérant que la salariée pourrait être affectée à la préparation des repas et petits déjeuners, et qu'elle pourrait accompagner les bénéficiaires pour transport ou faire dame de compagnie, aide aux papiers administratifs.
Lors de la visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail, soit le 21 janvier 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [M] [F] apte à faire les mêmes travaux que ceux défini dans le cadre de la visite de pré-reprise du 9 janvier 2019.
Aux termes d'une deuxième visite organisée le 14 février 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [M] [F] inapte, indiquant qu'elle ne pouvait pas faire plus d'une heure de ménage par jour, qu'elle pouvait faire de la préparation de repas, de l'aide aux courses, dame de compagnie, et aide à la réalisation de papiers administratifs.
Par lettre du 21 février 2019, l'employeur a informé Mme [M] [F] qu'il n'y avait pas de possibilité de reclassement.
Par lettre du 28 février 2019, l'employeur a réitéré son constat de l'absence de toute possibilité de reclassement et a convoqué Mme [F] à un entretien préalable à licenciement fixé au 8 mars 2019. Par lettre du 12 mars 2019, la société 5 Etoiles Services a notifié à Mme [F] son licenciement pour inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail, en l'absence de reclassement possible.
Le 14 août 2019 Mme [M] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Thionville en réclamant 41 159,28 € de dommages-intérêts (deux ans de salaire) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 16 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, 1 257,64 € au titre du salaire pour la période du 19 mars au 19 avril 2012 outre les congés payés afférents, et 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 24 décembre 2020 le conseil de prud'hommes de Thionville a condamné la société 5 Etoiles Services à verser à Mme [M] [F] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite de reprise, la somme de 7 333,25 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a ordonné à la Sarl 5 Etoiles Services de délivrer à Mme [F] dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 5 euros par jour de retard, a rejeté la demande de la société défenderesse au titre de l'article 700 du code de procédure, et a condamné l'employeur aux entiers frais et dépens.
La Sarl 5 Etoiles a interjeté appel par déclaration électronique en date du 23 décembre 2020 de l'intégralité des dispositions de cette décision.
Dans ses conclusions d'appel datées du 23 mars 2021 et transmises par voie électronique le même jour, la Sarl 5 Etoiles Services demande à la cour de statuer comme suit :
'Dire et juger l'appel de la Sarl 5 Etoiles Services à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Thionville en date du 24 décembre 2020 recevable en la forme et bien fondé,
En conséquence, y faire droit,
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Dire et juger que la Sarl 5 Etoiles Services a parfaitement satisfait à son obligation de reclassement suite à l'inaptitude de Mme [F] [M],
En conséquence,
Débouter Mme [F] [M] de toutes ses conclusions, fins et prétentions,
Condamner Mme [F] [M] au paiement en tous les frais et dépens des procédures de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du CPC''.
Sur l'absence de visite de reprise, la Sarl 5 Etoiles Services fait valoir que le seul manquement aux dispositions de l'article R 4624-31 du code du travail ne dispense pas Mme [F] de justifier du préjudice résultant de l'absence d'organisation de la visite médicale.
La Sarl 5 Etoiles Services considère qu'il n'existe au dossier pas le moindre élément médical ou factuel qui permettrait d'établir un lien entre la reprise du travail de Mme [F] et le nouvel accident du travail, intervenu six mois après ladite reprise. Elle note que Mme [F] n'est pas en mesure de justifier d'un lien de causalité entre la faute alléguée et son préjudice, de sorte que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
La Sarl 5 Etoiles Services soutient qu'elle n'a pas manqué à son obligation de reclassement. Elle observe que la lettre de licenciement est suffisamment motivée, et elle rappelle expressément les motifs s'opposant au reclassement de Mme [F] et justifiant la rupture de la relation de travail.
La Sarl 5 Etoiles Services fait valoir qu'elle a mené loyalement et sérieusement les recherches de reclassement pour tenter de maintenir Mme [F] dans les liens de l'emploi, en tenant compte des restrictions émises par la médecine du travail.
Elle se prévaut de ce que des démarches ont été entreprises par elle-même auprès du réseau APEF, que ces démarches ont été globales, et qu'elle ne peut être tenue comptable de l'absence de réponses de ses partenaires au sein du groupe, ni tenue responsable du fait de n'avoir produit aux débats que les réponses négatives reçues.
Sur les dommages et intérêts, la société appelante soutient qu'il ne pourrait être alloué à Mme [F] une somme supérieure à l'indemnité minimale visée par l'article L 1235-3 du code du travail, soit 3 mois de salaire.
Dans ses conclusions d'appel incident datées du 14 mai 2021, Mme [M] [F] demande à la cour de statuer comme suit :
'Débouter la Sarl Cinq Etoiles Services de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions.
Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Thionville le 10 décembre 2020.
Statuant à nouveau,
Condamner la Sarl Cinq Etoiles Services à verser à Mme [F] les sommes suivantes;
- 1 500 € de dommages et intérêts pour défaut de visite de reprise
- 18 360 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamner la Sarl Cinq Etoiles Services à délivrer à Mme [M] [F] dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir puis sous astreinte de 50 € par jour de retard une attestation Unedic conforme à l'arrêt à intervenir.
Condamner la Sarl Cinq Etoiles Services à verser à Mme [M] [F] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
Condamner la Sarl Cinq Etoiles Services aux entiers frais et dépens''.
Sur l'absence de visite de reprise à l'issue de son arrêt pour accident du travail du 15 mai 2017 au 9 juillet 2017, Mme [F] observe notamment que la visite de reprise a pour enjeu de vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste auquel il est affecté est compatible avec son état de santé, d'examiner les propositions d'aménagement ou d'adaptation du poste ou de reclassement faites par l'employeur aux termes de préconisations prises par le médecin du travail lors de la visite de pré-reprise, de préconiser l'aménagement et l'adaptation du poste ou le reclassement du travailleur, et le cas échéant d'émettre un avis d'inaptitude. Elle indique que suite à cet accident du travail elle s'est vue reconnaître une incapacité permanente de 8 % ; elle retient qu'elle a conservé des séquelles qui n'ont pas pu être prises en compte de par la faute de l'employeur dans l'aménagement de son poste de travail et qui ont nécessairement eu un impact sur sa santé, et que l'employeur l'a privée de la chance d'obtenir un aménagement de son poste de travail qui aurait, par définition, évité un nouvel accident du travail.
Sur le licenciement, Mme [F] observe que l'employeur n'a fait aucune proposition de reclassement après des recherches incomplètes, et que l'article L 1226-10 du code du travail impose à l'employeur de recueillir l'avis du comité économique et social avant toute recherche de reclassement en lui soumettant les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2021.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
SUR CE, LA COUR,
Sur l'absence de visite de reprise
Aux termes de l'article R 4624-31 du code du travail dans sa version applicable au présent litige le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après un congé de maternité, après une absence pour cause de maladie professionnelle, ou après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel. Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail, qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours suivant cette reprise.
En l'espèce, il est constant que Mme [M] [F] n'a pas bénéficié de la visite médicale de reprise qui aurait dû être organisée par l'employeur suite à son arrêt de travail du 15 mai 2017 au 9 juillet 2017 pour cause d'accident du travail. L'employeur a donc manqué à ses obligations légales en la matière.
La Sarl 5 Etoiles Services critique le jugement déféré, qui a retenu que l'absence de suivi médical de la salariée par le médecin du travail est en lien avec le nouvel accident du travail survenu six mois plus tard, et qui a alloué à Mme [F] une somme de 500 euros en réparation de son préjudice. Elle considère qu'il est impossible de relever que le nouvel arrêt de travail intervenu six mois après la reprise de son poste par Mme [F] sans visite médicale de reprise est une conséquence réelle et sérieuse de cette omission.
Mme [F] sollicite à ce titre des dommages-intérêts à hauteur de 1 500 euros, sensiblement plus conséquents que ceux alloués par les premiers juges en réparation de ce manquement de l'employeur. La salariée argumente sa demande par le fait qu'elle n'a pu bénéficier des éventuels aménagements de son poste de travail qui devaient être ordonnés pour lui permettre de pouvoir poursuivre son activité professionnelle sans risquer un nouvel accident du travail, et qu'elle a ainsi été privée de la chance d'obtenir cet aménagement du poste de travail qui aurait, par définition, évité ce nouvel accident du travail.
L'existence d'un préjudice consécutif au manquement de l'employeur et l'évaluation de ce préjudice relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.
A l'appui de ses prétentions Mme [M] [F] fait valoir qu'après 56 jours d'arrêt de travail pour l'accident dont elle a été victime le 15 mai 2017, le défaut de visite de reprise est la cause génératrice de l'accident du travail du 31 janvier 2018 ; elle se prévaut de ce qu'elle a subi un préjudice en faisant valoir dans ses écritures que « suite à cet accident du travail elle s'est vue reconnaître une incapacité permanente de 8 %, ce qui caractérise le fait qu'elle a conservé des séquelles qui n'ont pas pu être prises en compte de par la faute de l'employeur dans l'aménagement de son poste de travail et ont nécessairement eu un impact sur sa santé ».
L'employeur ne peut valablement soutenir que la teneur de l'avis du médecin du travail qui aurait été donné à l'occasion de la visite de reprise aurait été identique à celle du médecin traitant, qui a mis fin à l'arrêt de travail de Mme [F] en considérant que son état de santé était compatible avec l'exercice d'une activité professionnelle sans avoir à se prononcer sur l'aptitude de la salariée à son poste de travail ni sur un aménagement éventuel de celui-ci.
Si à l'appui de la réalité d'un préjudice Mme [M] [F] soutient que son nouvel accident du travail survenu le 31 janvier 2018 (le troisième) est en lien avec l'absence de visite de reprise, aucun élément n'est porté à la connaissance de la cour ni sur les circonstances de l'accident du travail du 15 mai 2017 (le deuxième) ni sur les blessures dont Mme [F] a été atteinte à cette occasion.
En effet, il ressort des données portées aux débats que l'accident du travail du 30 janvier 2018 fait suite à une douleur à l'épaule droite ressentie par Mme [F] en déplaçant le lit d'un malade (pièce 5 de l'employeur). Aucun élément n'est communiqué à la cour concernant les circonstances de l'accident du travail dont Mme [F] a été victime le 15 mai 2017 (le deuxième), et concernant les blessures dont la salariée a été atteinte.
En l'état des éléments du débat, aucun lien de causalité n'est démontré entre le deuxième et le troisième accident du travail, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. En outre, les séquelles dont Mme [F] fait état, soit une incapacité permanente de 8 %, ne sont, au vu de ces éléments, qu'en lien avec l'accident du travail du 30 janvier 2018 à l'origine de l'inaptitude professionnelle, accident lors duquel Mme [F] a ressenti une douleur à l'épaule droite en déplaçant le lit d'un malade (pièce 5 de l'employeur).
Mme [F] soutient par ailleurs que l'employeur l'a privée de la chance de bénéficier d'un aménagement de son poste de travail, qui aurait évité un nouvel accident du travail.
La perte de chance peut être indemnisée dès que son existence est certaine. Ainsi, lorsque la certitude d'une chance perdue est acquise, la victime peut obtenir indemnisation de la chance perdue, qui constitue nécessairement une fraction du préjudice final.
En l'espèce l'existence d'une chance perdue de par l'absence de visite de reprise n'est pas démontrée par Mme [F], qui, comme relevé ci-avant, n'évoque aucune donnée relative aux circonstances et à la nature des blessures concernées par les faits accidentels du 15 mai 2017 ainsi qu'aux restrictions médicales susceptibles de nécessiter un aménagement de poste à l'issue de la suspension du contrat de travail. De même, si Mme [F] fait état le lien au soutien de l'importance de son préjudice, du lien entre son deuxième accident du travail et la reconnaissance d'une incapacité permanente de 8 % par une décision des organismes sociaux en date du 1er mars 2019, ce retentissement sur son état de santé est en lien avec un déficit de l'épaule droite dominante qui ne concerne que le troisième accident du 30 janvier 2018.
En conséquence faute pour Mme [F] de démontrer la réalité d'un préjudice consécutif au manquement de l'employeur, ses prétentions formulées à ce titre seront rejetées. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Sur le licenciement consécutif à l'inaptitude à caractère professionnel
Il est constant qu'à l'issue d'une visite de pré-reprise sollicitée par Mme [M] [F], le médecin du travail a le 9 janvier 2019 préconisé « un allègement, pas de gestes répétés du membre supérieur droit (tâches de ménage, tâches d'aide à la toilette) pourrait faire de la préparation de repas et petits déjeuners, pourrait accompagner les bénéficiaires pour transport, pourrait faire dame de compagnie, aide aux papiers administratifs ».
Lors d'une première visite de reprise organisée le 21 janvier 2019, le médecin du travail a déclaré que Mme [M] [F] « peut faire de la préparation de repas et petits déjeuners, peut accompagner les bénéficiaires à des RV et courses. Peut faire dame de compagnie. Peut aider aux papiers administratifs. Pas de tâche de ménage plus d'une heure par jour. Pas de gestes répétés plus d'une heure par jour ».
Lors d'une deuxième visite de reprise organisée le 14 février 2019 après étude de poste effectuée le même jour et après échange avec l'employeur le 5 février 2019, le médecin du travail a déclaré que Mme [M] [F] est «inapte assistante de vie : pas plus d'une heure de ménage par jour. Peut faire de la préparation, aide aux courses, dame de compagnie, tâches administratives ».
Par lettre en date du 21 février 2019 la Sarl 5 Etoiles Services a informé Mme [M] [F] de l'impossibilité de proposer un poste de reclassement conforme aux restrictions émises par le médecin du travail au sein de l'entreprise, ni même au sein du réseau,
Par lettre en date du 28 février 2019 Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 8 mars 2019.
Mme [M] [F] a, par lettre en date du 12 mars 2019, été licenciée pour inaptitude en l'absence de possibilités de reclassement.
Mme [M] [F] conteste le bien-fondé de son licenciement d'une part en faisant valoir que son employeur a manqué à son obligation de reclassement en ayant fait état dans le courrier de rupture de 32 réponses négatives alors que le réseau Apef Services compte 86 établissements, dont notamment un établissement à [Localité 2] qui n'est pas cité dans la lettre de licenciement, et d'autre part en relevant que le non-respect par l'employeur des règles relatives au licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, telles que prévues aux articles L 1226-10 et suivants du code du travail, qui imposent à l'employeur de recueillir l'avis du comité économique et social avant toute recherche de reclassement en lui soumettant les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
La cour rappelle que les règles protectrices qui concernent les victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. L'application de l'article L. 1126-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude.
En l'espèce il ressort des données du débat et plus précisément des indications mentionnées dans les écrits de Mme [F], que cette dernière a été placée en arrêt de travail à compter de son accident du travail du 30 janvier 2018, et que son arrêt a été pris en charge au titre de la législation professionnelle jusqu'à son terme le 20 janvier 2019. L'inaptitude de Mme [F], qui a été constatée à l'issue d'un arrêt de travail ininterrompu initié à l'occasion d'un accident du travail, a donc pour origine cet accident du travail. La Sarl 5 Etoiles Services a d'ailleurs, préalablement à la procédure de licenciement, informé par un écrit du 21 février 2019 Mme [M] [F] des motifs s'opposant à son reclassement.
En vertu de l'article L 1226-10 du code du travail, « Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. ».
En application de ces dispositions légales, l'avis du comité économique et social doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle ne soit engagée, y compris en l'absence de possibilité de former une offre de reclassement. La consultation porte alors sur les raisons qui ont conduit l'employeur à constater l'absence de possibilité de reclassement.
Le défaut de consultation du comité économique et social est sanctionné en application des articles L 1226-15 et L1235-3-1 de l'octroi d'une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En l'espèce si la Sarl 5 Etoiles Services revendique le caractère réel et sérieux du licenciement de Mme [F], elle ne consacre son argumentation qu'à la démonstration de l'accomplissement loyal de son obligation de reclassement. Elle ne développe aucune observation sur le non-respect des règles relatives à la consultation du CSE, qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, la cour retient que le licenciement de Mme [F] est sans cause réelle et sérieuse, et le jugement déféré sera confirmé par motifs substitués.
Il sera alloué à Mme [F] une indemnité correspondant aux salaires des six derniers mois, soit (6 x 1 530) une somme de 9 180 euros. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
La société 5 Etoiles Services sera condamnée à remettre à Mme [F] une attestation Pôle Emploi conforme aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à fixation d'une astreinte.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et relatives à l'article 700 du code de procédure civile.
Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [F] ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel. Il lui sera alloué une somme de 2 000 € à ce titre.
La société 5 Etoiles Services qui succombe assumera ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 18 novembre 2014 par le conseil de prud'hommes de Thionville, sauf en ce qu'il a alloué un montant de 500 euros de dommages-intérêts à Mme [F] pour défaut de visite de reprise, sauf en ce qu'il a alloué un montant de 7 333,25 euros de dommages-intérêts à Mme [F] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et sauf en ce qu'il a prévu la délivrance par l'employeur l'attestation Pôle Emploi sous astreinte ;
Statuant à nouveau sur ces points, et y ajoutant :
Rejette les prétentions de Mme [M] [F] tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour défaut de visite de reprise ;
Condamne la Sarl 5 Etoiles Services à payer à Mme [M] [F] une somme de 9180 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la Sarl 5 Etoiles Services à remettre à Mme [M] [F] une attestation Pôle Emploi conforme aux dispositions du présent arrêt sans qu'il y ait lieu à fixation d'une astreinte ;
Condamne la Sarl 5 Etoiles Services à payer à Mme [M] [F] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la Sarl 5 Etoiles Services ;
Condamne la Sarl 5 Etoiles Services aux dépens d'appel.
Le Greffier, La Présidente de chambre,