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11/10/2022 | FRANCE | N°19/01206

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 11 octobre 2022, 19/01206


Arrêt n° 22/00634



11 Octobre 2022

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N° RG 19/01206 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FAZK

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

29 Avril 2019

18/00114

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



onze octobre deux mille vingt deux







APPELANTE :



S.A.R.L

. [H] ESPACES VERTS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE







INTIMÉ :



M. [G] [B]

[Adresse 3]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laurent PATE, avocat au barreau...

Arrêt n° 22/00634

11 Octobre 2022

---------------------

N° RG 19/01206 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FAZK

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

29 Avril 2019

18/00114

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

onze octobre deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.R.L. [H] ESPACES VERTS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE

INTIMÉ :

M. [G] [B]

[Adresse 3]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laurent PATE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [G] [B] a été embauché à temps plein à compter du 1er décembre 2016 en qualité d'aide-mécanicien par la société [H] Espaces Verts.

M. [G] [B] a été destinataire de deux avertissements écrits, le premier daté du 4 juin 2017 étant motivé par le non-respect des procédures d'où des anomalies et des défauts sur les commandes, et le deuxième daté du 4 juillet 2017 pour non-respect de ses jours de travail au cours de la semaine.

Une proposition de rupture conventionnelle a été présentée le 11 janvier 2018 à M. [B], et refusée par le salarié.

M. [G] [B] a été placée en arrêt maladie à compter du 29 janvier 2018.

Au cours de l'arrêt maladie de M. [B], une rupture conventionnelle a été signée par les parties le 5 février 2018, prévoyant le versement d'une indemnité de rupture conventionnelle d'un montant brut de 734,20 €, mais M. [B] s'est rétracté.

Au cours de la suspension de son contrat de travail, M. [G] [B] a saisi le conseil de prud'hommes par requête enregistrée le 28 mai 2018 en demandant le paiement par l'employeur de la somme de 607 euros au titre du maintien de son salaire pendant ses arrêts maladie, un montant 3 500 € de dommages et intérêts pour non-paiement de sa rémunération à date fixe, et 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [G] [B] a été convoqué par lettre en date du 13 juin 2018 à un entretien préalable à licenciement fixé au 20 juin 2018, auquel il s'est rendu ; il a été licencié par lettre en date du 25 juin 2018 pour absence continue depuis le 29 janvier 2018 engendrant une perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise, et nécessitant son remplacement.

Par jugement en date du 29 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Thionville a dit que le licenciement de M. [G] [B] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la société [H] Espaces Verts à payer à M. [B] la somme de 1 586,48 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 1 600 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier, a débouté M. [G] [B] de ses prétentions au titre d'un préjudice moral et de l'exécution provisoire, et a condamné la société [H] Espaces Verts à payer à M. [G] [B] la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société [H] Espaces Verts a régulièrement interjeté appel par déclaration électronique en date du 15 mai 2019 de l'intégralité du dispositif de cette décision.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives et complétives datées du 20 novembre 2020, la société [H] Espaces Verts demande à la cour de statuer comme suit :

'Infirmer le jugement rendu le 29 avril 2019 par le conseil des prud'hommes de Thionville.

Statuant à nouveau,

Débouter M. [G] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Sarl [H] Espaces Verts.

Condamner M. [B] à verser à la Sarl [H] Espaces Verts la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Condamner M. [B] aux entiers frais et dépens''.

La société appelante indique que M. [B] a dès son embauche été placé sous la direction de M. [F], mécanicien, qui lui indiquait les tâches à réaliser, mais que le salarié n'appréciait pas son travail.

Elle précise que M. [B] a le 4 juin 2017 été destinataire d'un premier avertissement au motif qu'il ne respectait pas les procédures, ce qui créait des anomalies et des défauts sur les commandes. Le 4 juillet 2017 un nouvel avertissement a été notifié au salarié, qui décidait seul de ne pas venir travailler certains jours de la semaine et de compenser le samedi.

La société appelante mentionne qu'à la suite de ces avertissements, M. [B] a indiqué qu'il était prêt à faire des efforts mais uniquement s'il était récompensé, de sorte que l'employeur lui a accordé une augmentation de salaire et s'est engagé à lui verser une prime si son travail s'avérait satisfaisant. Au terme de deux mois, la société [H] Espaces Verts a constaté que le travail du salarié ne s'était nullement amélioré, et elle a mis fin au versement de cette prime exceptionnelle de 100 € mensuels pour ces motifs et non comme le soutient M. [B] en raison de difficultés économiques.

La société [H] Espaces Verts affirme que M. [B] a dès lors sollicité une rupture conventionnelle, de sorte qu'elle lui a proposé de signer le formulaire CERFA de rupture conventionnelle le 11 janvier 2018, ce que le salarié a refusé de faire.

La société [H] Espaces Verts soutient que quelques jours après le début de son arrêt de travail pour cause de maladie, M. [B] a à nouveau sollicité une rupture conventionnelle qui a été signée le 5 février 2018, et qui prévoyait le versement d'une indemnité d'un montant brut de 734,20 €. Elle ajoute que pendant le délai de rétractation, le salarié a réclamé un complément en espèces pour ne pas se rétracter, puis s'est rétracté de cette rupture conventionnelle.

La société [H] Espaces Verts soutient que l'absence de M. [B] perturbait le bon fonctionnement de l'entreprise, et qu'elle a procédé à l'embauche sous CDD de M. [N] pour la période du 1er mai au 31 juillet 2018 en remplacement de M. [B]. Pour pouvoir pallier à l'absence continuelle de M. [B] et à la désorganisation du fonctionnement de l'entreprise, elle a engagé une procédure de licenciement ; elle a notifié par lettre du 25 juin 2018 le licenciement en visant le motif d'une absence continue depuis le 29 janvier 2018 qui se prolongeait au moins jusqu'au 8 juillet 2018 et qui perturbait le bon fonctionnement de l'entreprise, précisant qu'en remplacement de M. [B] elle avait dû embaucher M. [N] sous CDD et que ce CDD serait transformé en CDI.

La société appelante précise qu'à compter du 1er août 2018 aux termes d'un avenant au CDD de M. [N] ce dernier a été employé en exécution d'un CDI.

La société [H] Espaces Verts critique la motivation des premiers juges qui ont estimé que puisque M. [B] était absent et remplacé par un salarié embauché sous CDD, il n'y avait aucune nécessité de devoir remplacer définitivement le salarié. Elle soutient que si M. [N] a pu être embauché sous CDD pour pallier à l'absence de M. [B], ce CDD s'achevait le 31 juillet 2018. Dès lors, M. [N] devait prendre ses dispositions pour trouver une activité professionnelle à compter du 1er août 2018 et à partir de cette date, l'absence de M. [B] n'aurait pas été palliée sauf par l'embauche d'un autre salarié. Elle considère que prétendre dès lors que le remplacement par un salarié employé sous CDD de M. [B] serait la démonstration qu'on n'avait pas besoin de le remplacer est la négation des dispositions du code du travail. Elle ajoute que si M. [N] a quitté l'entreprise le 2 octobre 2018, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation il importe qu'au jour du licenciement du salarié absent l'employeur justifie avoir engagé une personne par CDI pour remplacer le salarié absent, et il importe peu que le CDI ait été ultérieurement rompu même au cours de la période d'essai.

En réponse aux demandes de M. [G] [B], la société [H] Espaces Verts rappelle que si la convention collective lui faisait obligation de maintenir le salaire, c'était en complément des indemnités journalières que percevait directement le salarié. Elle a dû adresser une lettre recommandée au salarié le 4 juin pour lui demander son décompte d'indemnités journalières. Une nouvelle attestation de salaire avait été remise en mains propres à M. [B] le 8 juin puisque son arrêt de travail se prolongeait au-delà de 6 mois.

La société [H] Espaces Verts soutient que l'ensemble des obligations lui incombant ont été respectées, que rien ne justifiait dès lors qu'elle soit condamnée à verser des dommages et intérêts pour non-paiement du salaire à date fixe ou pour une préjudice financier car M. [B] ne justifie en rien de ce que ses prétendus problèmes financiers ont pour origine le décalage de paiement.

La société appelante évoque la demande de M. [B] au titre d'un préjudice moral découlant du fait qu'il n'a pas été employé conformément à l'emploi pour lequel il a été embauché, soulignant qu'il était aide-mécanicien mais qu'il a été destinataire d'un avertissement le 4 juin 2017 au motif qu'il a provoqué une erreur de commande, avertissement qu'il aurait contesté.

Elle rappelle la qualification du salarié, qui n'implique aucune autonomie et l'exécution de tâches simples souvent répétitives.

Elle ajoute que M. [B] ne s'est jamais plaint de ce qu'il serait affecté à un emploi hors de propos avec celui d'aide-mécanicien, n'adressant jamais le moindre reproche à son employeur et ne contestant pas l'avertissement qui lui a été notifié pour les erreurs de préparation de commandes qu'il a faites.

Elle réfute les allégations de M. [B], qui prétend que le deuxième avertissement du 4 juillet 2017 est lié au fait qu'il aurait refusé d'exécuter des heures supplémentaires un samedi, alors que cet avertissement porte sur le fait que Mr [B] a refusé de venir travailler le samedi qui est un jour ouvré de l'entreprise.

Elle souligne que si M. [B] soutient que les deux lettres d'avertissement lui ont été remises en main propre le même jour, aucune mention ne figure sur la date de la remise en main propre et que d'autre part M. [B] n'a jamais contesté ces deux avertissements, ni leur date de remise.

Elle ajoute que rien ne vient cautionner les allégations relatives aux conditions de travail inadéquates, notamment aucun écrit du salarié qui se serait plaint de l'inadéquation des locaux avec les obligations pesant sur l'employeur, ni le moindre document médical.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 juillet 2021, M. [G] [B] demande à la cour de statuer comme suit :

' Rejeter l'appel de la société [H] Espaces Verts comme étant non fondé.

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thionville du 29 avril 2019 en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Faire droit à l'appel incident de M. [B].

Condamner la société [H] Espaces Verts à payer à M. [B] :

- 3740 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,

- 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Sarl [H] Espaces Verts aux dépens de la procédure''.

M. [G] [B] évoque le déroulement des relations contractuelles en mentionnant deux avertissements qu'il a reçus en mains propres, auxquels il n'a pas prêté attention sur le moment en pensant qu'il s'agissait de la même lettre en 2 exemplaires ; il s'est ensuite aperçu qu'il s'agissait de deux avertissements différents, dont le deuxième est daté du 4 juin 2017 qui correspond à un dimanche. Il observe que l'avertissement du 4 juin concerne des procédures qui ne seraient pas respectées et qui créent des défauts sur les commandes, alors qu'il a été embauché comme aide mécanicien au plus bas niveau de la convention collective appliquée dans l'entreprise, niveau 1 coefficient A 10 et pas comme préparateur de commandes, sous la responsabilité de M. [F], lui-même mécanicien. Il affirme qu'il a contesté oralement cet avertissement auprès de son employeur M. [R]. Il retient que l'avertissement du 4 juillet 2017 concerne un refus de travailler le samedi en remplacement d'un autre jour de la semaine ; il s'agissait en réalité d'un travail en heures supplémentaires un samedi, après avoir travaillé tous les autres jours de la semaine soit 40 heures, en étant prévenu le vendredi soir, donc sans respect du délai de prévenance, ni respect de la vie privée du salarié. Cet avertissement a également été contesté devant l'employeur.

M. [G] [B] explique qu'il a été placé en maladie le 29 janvier 2018, suite à un accident de la route dont il a été victime le 27 janvier 2018 ; cet arrêt maladie s'est prolongé et il a dû subir une intervention chirurgicale le 15 juin 2018. Il précise que le 30 janvier 2018 il a été convoqué, par courrier remis en main propre alors qu'il venait déposer son arrêt de travail à l'entreprise, à un entretien pour le 5 février 2018 en vue de signer une rupture conventionnelle qu'il avait déjà refusée le 11 janvier 2018. Il soutient que depuis décembre 2017, M. [R] son employeur qui avait des problèmes financiers lui a proposé à deux reprises des ruptures conventionnelles, alors que lui-même ne voulait pas rompre son contrat et préférait garder son CDI. M. [B] évoque des difficultés financières de l'entreprise, qui n'arrivait plus à payer le salaire avec prime. M. [B] en déduit que l'employeur voulait se séparer de lui à moindre frais.

Sur le licenciement, M. [B] fait état de ses doutes sur l'embauche définitive de M. [N] qui n'a fait partie du personnel de la société que du 1er mai au 2 octobre 2018, soit 3 mois en CDD et 2 mois seulement en CDI. Il souligne que M. [N] a été embauché en qualité de mécanicien, et que la lettre de licenciement mentionne : « nous devons nous résoudre à embaucher une personne sous C.D.I. pour pouvoir assurer efficacement la charge de travail liée à votre poste de travail ». Il note que l'employeur s'appuie sur un arrêt de la Cour de Cassation du 6 mai 2015, dans lequel un salarié absent a été remplacé par un salarié embauché en CDD et dont le contrat a été transformé en CDI à une date proche du licenciement, 8 jours ; or lui-même a été licencié le 25 juin 2018, et l'avenant au CDD de M. [N] n'a été signé que le 31 juillet 2018 pour le 1er août 2018.

Sur le préjudice financier, M. [B] soutient que son salaire n'a jamais été versé à date fixe, ce qui a régulièrement provoqué des problèmes bancaires. Il mentionne que son arrêt de travail pour maladie a eu des répercussions financières du fait que l'employeur n'a pas assuré le maintien de salaire, et qu'il a rencontré des problèmes financiers importants pour le paiement des charges courantes (loyer et facture d'eau), ce qui a provoqué l'intervention d'un huissier de justice. Il souligne qu'il a fallu la saisine du conseil de prud'hommes le 28 mai 2018 pour que l'employeur réagisse et paie le maintien de salaire du mois de mars 2018 le 4 juin 2018.

Sur le préjudice moral, M. [G] [B] soutient que son travail ne correspondait pas à l'emploi pour lequel il a été embauché. Ce travail inadapté à ses connaissances a provoqué une erreur de commande pour laquelle il a eu un avertissement. Un second avertissement lui a été adressé le 4 juillet 2017 pour refus d'exécuter des heures supplémentaires un samedi, alors que l'employeur ne voulait pas les payer, mais qu'il les récupère ; comme il n'y a pas de pointeuse sur les lieux de travail, il a donc refusé de faire des heures supplémentaires sans contrepartie.

Par ailleurs le fait d'avoir deux magasins, l'un à [Localité 4], l'autre à Schengen l'obligeait à aller de l'un à l'autre pour livrer les colis qu'il préparait chez N.E.V. et qu'il livrait chez Megavert sur le temps de sa pause déjeuner, sans être payé en heures supplémentaires.

M. [B] soutient encore que les locaux de travail n'étaient pas adaptés aux travaux de test des moteurs (pas d'extincteur, pas d'extracteur de fumées pour les gaz d'échappement du matériel agricole), et il était souvent incommodé. Ces locaux n'étaient pas adaptés pour le personnel ; il n'y a pas de vestiaire, ni d'armoire individuelle pour se changer et déposer ses vêtements, pas de salle à manger ni de self pour se restaurer.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

SUR CE, LA COUR,

Sur les demandes de M. [G] [B] au titre de son licenciement

Il est constant que M. [G] [B] a été embauché par la société [H] Espaces Verts à compter du 1er décembre 2016 en qualité d'aide-mécanicien, niveau I coefficient A10, avec application de la convention machines et matériel agricoles, matériels de TP.

M. [G] [B] précise qu'il a été placé sous les ordres de M. [F], mécanicien. Cette information n'est pas contestée par l'employeur, qui produit d'ailleurs aux débats une attestation de ce salarié.

M. [G] [B] a été placé en arrêt maladie à compter du 29 janvier 2018, et cet arrêt maladie a été prolongé à plusieurs reprises, étant noté que tous les arrêts de travail ne sont pas produits aux débats ; M. [B] explique qu'il a été victime le 27 janvier 2018 d'un accident de la route, et qu'il a dû subir une intervention chirurgicale concernant son genou droit le 15 juin 2018.

Par lettre en date du 25 juin 2018 qui fixe les limites du litige, M. [G] [B] a été licencié dans les termes suivants :

« Par lettre du 13 juin 2018 nous vous avons convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 20 juin 2018 auquel vous vous êtes présenté.

Nous vous avons exposé les motifs pour lesquels nous envisagions votre licenciement et recueilli vos explications.
Nous sommes au regret de devoir vous notifier votre licenciement.
La date de notification de cette lettre fixera le point de départ du préavis d'un mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, je vous rappelle que la durée de votre absence désorganise notre activité puisqu'elle rend impossible le fonctionnement de l'entreprise.
Ainsi, vous êtes absent en continuité depuis le 29 janvier 2018 et vous nous avez remis lors de l'entretien préalable à licenciement une nouvelle prolongation jusqu'au 8 juillet 2018.
Nous avons été dans l'obligation de vous remplacer en embauchant sous contrat à durée déterminée M. [S] [N] en qualité de mécanicien tant votre absence nuit gravement au fonctionnement normal de l'entreprise et nous devons nous résoudre à embaucher une personne sous contrat à durée indéterminée pour pouvoir assurer efficacement la charge de travail liée à votre poste de travail.
Cela constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement' ».

Les parties évoquent longuement les difficultés intervenues dans le déroulement des relations de travail, mais le motif du licenciement de M. [B] est fondé sur un trouble objectif, dont le bien-fondé implique deux conditions cumulatives soient remplies  :

- que l'employeur établisse que l'absence du salarié a entraîné des perturbations dans la marche de l'entreprise ;

- que l'employeur démontre qu'il s'est ainsi trouvé contraint de procéder au remplacement définitif du salarié.

Au soutien de la démonstration de ces deux conditions cumulatives, la société [H] Espaces Verts fait valoir dans ses écritures qu'elle a procédé à l'embauche de M. [E] pour pallier l'absence du salarié « car si tel n'avait pas été le cas, il n'aurait pas été utile de remplacer M. [B] » (sic).

Or parmi les 17 pièces produites aux débats par la société [H] Espaces Verts, le seul document relatif à l'embauche de M. [E] est non pas le contrat à durée déterminée signé avec ce dernier au cours de l'absence de M. [B], mais un document postérieur au licenciement intitulé 'Avenant contrat de travail à temps complet à durée déterminée'' daté du 31 juillet 2018, qui mentionne notamment que « le contrat de travail à durée déterminée conclu du 1er mai au 31 juillet 2018 est transformé en contrat à durée indéterminée à partir du 1er août 2018 », et que « les autres conditions du contrat de travail demeurent inchangées ».

La société appelante produit également aux débats un témoignage daté du 5 décembre 2018 rédigé par son salarié M. [H] [F], mécanicien, qui n'aborde même pas les conséquences et le retentissement de l'absence de M. [B] sur le fonctionnement de l'entreprise. En effet M. [F] évoque seulement le manque de motivation exprimé à plusieurs reprises au cours du mois de janvier 2018 par M. [B], l'ayant conduit à envisager une rupture conventionnelle ou un arrêt maladie. La cour observe M. [F] est toutefois décrit par M. [B] comme étant le mécanicien qui lui donnait les directives de travail, et que cette organisation de l'activité de l'entreprise n'a fait l'objet d'aucune remarque de l'employeur qui a souligné que M. [B] était employé avec une qualification professionnelle excluant toute autonomie.

En l'état, la société appelante, dont l'effectif n'est même pas communiqué aux débats (attestation Pôle Emploi non renseignée sur ce point), ne fournit aucun élément sur le motif du recours à l'embauche précaire de M. [N] le 31 mai 2018. Elle produit le certificat de travail de M. [N] duquel il ressort que ce dernier a fait partie du personnel du 1er mai 2018 au 2 octobre 2018 en qualité de mécanicien, qualification qui n'était pas celle de M. [B] qui était employé comme aide-mécanicien, emploi que l'employeur précise dans ses écritures comme étant « le plus bas dans la convention collective, n'impliquant aucune autonomie de la part de son titulaire cantonné à l'exécution des tâches simples souvent répétitives ».

La cour retient de ces constats que tant la réalité des perturbations liées à l'absence prolongée de M. [G] [B] que la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié ne sont pas démontrées par la société [H] Espaces Verts.

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [G] [B] est sans cause réelle et sérieuse, et ce qu'il a fait droit aux prétentions de M. [G] [B] à ce titre à hauteur de la somme 1 586,48 euros correspondant à un mois de salaire conformément aux dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail. Les prétentions autres des parties seront rejetées.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier

M. [G] [B] sollicite une somme de 3 500 euros pour préjudice moral et financier.

Au soutien de ses prétentions M. [B] fait valoir que son salaire n'a jamais été versé à date fixe, et qu'au cours de son arrêt maladie l'employeur n'a pas assuré le maintien de salaire, situation qui lui a occasionné des problèmes financiers importants et qui a nécessité la saisine de la juridiction prud'homale le 28 mai 2018.

M. [B] soutient par ailleurs que l'employeur lui a notifié le même jour deux avertissements injustifiés, l'un pour des manquements professionnels qui ne relevaient pas de sa qualification et l'autre pour refus d'exécution d'heures supplémentaires, que l'employeur ne le rémunérait pas de toutes ses heures de travail, et que les locaux de travail étaient inadaptés aux travaux de l'atelier et inadaptés pour l'accueil du personnel (absence de vestiaire et de locaux pour se restaurer).

La société [H] Espace Verts considère que l'obligation qui lui incombait de maintien du salaire a été accomplie en juin 2018 en raison de la transmission tardive du montant des indemnités journalières, et que le lien entre les paiements tardifs et les problèmes financiers du salarié n'est pas établi.

La cour n'a pas à se prononcer sur le bien-fondé des deux avertissements espacés d'un mois, qui ont été notifiés à M. [B] à des dates non précisées. En effet en l'état des éléments portés aux débats, le salarié ne les a pas contestés et n'a pas sollicité leur annulation.

Au demeurant, outre la délivrance de ces deux avertissements au salarié par l'employeur quasiment une année avant le licenciement, les deux procédures de rupture conventionnelle diligentées par l'employeur en l'espace de quelques semaines, l'une le 11 janvier 2018 et l'autre le 5 février 2018 au début de l'arrêt maladie du salarié, sont révélatrices de l'incertitude pesant sur la pérennité des relations contractuelles.

Si la société [H] Espace Verts allègue que le paiement tardif des éléments de rémunération due au salarié au titre du maintien de salaire ne lui est pas imputable, il convient de relever qu'elle ne conteste pas les paiements irréguliers, et que ce n'est qu'après la saisine de la juridiction prud'homale par M. [B] que l'employeur a réglé le 4 juin 2018 le maintien de salaire dû à M. [B] pour le mois de mars 2018. Si la société appelante conteste tout lien entre ces carences et les problèmes financiers du salarié, il convient de relever que le montant du maintien de salaire finalement obtenu par M. [B] est à apprécier au regard de son niveau de rémunération.

En ce qui concerne la mise en cause par M. [B] de ses conditions de travail tenant aux tâches exécutées et aux locaux de travail, le salarié n'a, en l'état des données du débat, émis aucune réclamation à ce titre au cours de l'exécution de son contrat de travail, et son arrêt maladie est sans rapport avec ses conditions de travail. De même M. [B] n'a émis aucune observation quant à des non paiements d'heures supplémentaires.

En conséquence, la cour retient comme les premiers juges que les éléments produits par M. [B] ne démontrent qu'un préjudice financier subi par le salarié du fait des manquements de l'employeur à ses obligations financières.

Le jugement déféré sera également confirmé dans son appréciation de l'indemnisation de ce préjudice, et en ce qu'il a alloué la somme de 1 600 euros à ce titre à M. [B].

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement déféré relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur M. [G] [B] et relatives aux dépens seront confirmées.

Il est contraire à l'équité de laisser à la charge M. [G] [B] ses frais irrépétibles exposés à hauteur de cour. Il lui sera alloué une somme de 1 000 euros à ce titre.

La société [H] Espaces Verts, qui succombe en son recours, assumera ses frais irrépétibles, et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant en dernier ressort publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 29 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Thionville dans l'intégralité de ses dispositions ;

Condamne la société [H] Espaces Verts à payer à M. [G] [B] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société [H] Espaces Verts ;

Condamne la société [H] Espaces Verts aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/01206
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;19.01206 ?
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