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20/09/2022 | FRANCE | N°21/00541

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 20 septembre 2022, 21/00541


Arrêt n°22/00608



20 Septembre 2022

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N° RG 21/00541 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FOE7

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Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de METZ

19 Février 2021

20/00010

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



vingt septembre deux mille vingt deux







APPELANTE :

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Mme [T] [S]

[Adresse 1]

Représentée par Me Xavier IOCHUM, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004566 du 07/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle...

Arrêt n°22/00608

20 Septembre 2022

------------------------

N° RG 21/00541 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FOE7

----------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de METZ

19 Février 2021

20/00010

----------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt septembre deux mille vingt deux

APPELANTE :

Mme [T] [S]

[Adresse 1]

Représentée par Me Xavier IOCHUM, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004566 du 07/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

INTIMÉE :

Société NEUFBOURG COIFFEURS

[Adresse 2]

Représentée par Me Maud GIORIA, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, conseillère pour la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Vu le jugement de départage prononcé par le conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, le 19 février 2021 pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens initialement présentés par les parties ;

Par jugement de départage prononcé le 19 février 2021, le conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, a :

- Débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné Mme [S] à rembourser à la SARL Neufbourg Coiffeurs la somme de 14 253,83€, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- Débouté la SARL Neufbourg Coiffeurs de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [S] aux dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 3 mars 2021, Mme [S] a régulièrement formé un appel contre ce jugement.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mai 2021, Mme [S] demande à la cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il a :

. Condamné Mme [S] à verser la somme de 14 253,83 € à la SARL Neufbourg Coiffeurs ;

. Débouté Mme [T] [S] de :

- sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la SARL Neufbourg Coiffeurs ;

- ses demandes de condamnation de la SARL Neufbourg Coiffeurs à lui verser les sommes de :

. 14 335,42 € bruts,

. 1 320,00 € de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation sur les pauses,

. 1 300,00 € de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation sur la durée maximale hebdomadaire,

. 3 300,00 € de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation sur la durée maximale quotidienne de travail,

. 3 223,71 € bruts au titre des heures supplémentaires non payées, outre 322,37 € au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

. 6 636,24 € nets au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

. 5 000,00 € pour harcèlement moral ;

Statuant à nouveau,

. Dire et juger que la résiliation du contrat liant Mme [S] et la SARL Neufbourg Coiffeurs a eu lieu aux torts exclusifs de l'employeur ;

. Au besoin, prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de l'employeur ;

. En tout état de cause,

- Condamner la SARL Neufbourg Coiffeurs à verser à Mme [S] les salaires qui auraient été dus si la période d'apprentissage était allée à son terme, à hauteur de 14 335,42 € bruts, et débouter corrélativement la SARL Neufbourg Coiffeurs de sa demande reconventionnelle ;

- Condamner la SARL Neufbourg Coiffeurs à lui verser les sommes suivantes :

. 1 320,00 € de dommages et intérêts au titre du non-respect de la réglementation sur les pauses,

. 1 300,00 € de dommages et intérêts au titre du non-respect de la réglementation sur la durée maximale hebdomadaire du travail,

. 3 300,00 € de dommages et intérêts au titre du non-respect de la réglementation sur la durée maximale journalière du travail,

. 3 223,71 € bruts au titre des heures supplémentaires non payées, outre 322,37 € au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

. 6 636,24 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

. 5 000,00 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

. 2 000,00 € au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que Mme [S] aurait exposés si elle n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article 700 §2 du code de procédure civile ;

- Condamner la SARL Neufbourg Coiffeurs aux entiers frais et dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 juillet 2021, la SARL Neufbourg Coiffeurs demande à la cour de :

- Déclarer Mme [S] mal fondée en son appel et de le rejeter ;

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Metz le 19 février 2021 en toutes ses dispositions ;

- Débouter en tout état de cause Mme [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Y ajoutant,

. Condamner Mme [S] à payer à la SARL Neufbourg Coiffeurs la somme de 2 500,00€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

. Condamner Mme [S] en tous les frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2021.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat

Selon l'article L 6222-18 du code du travail dans sa version antérieure au 1er janvier 2019 applicable au litige, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties jusqu'à l'échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l'apprenti.

Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.

En cas de liquidation judiciaire sans maintien de l'activité ou lorsqu'il est mis fin au maintien de l'activité et qu'il doit être mis fin au contrat d'apprentissage, le liquidateur notifie la rupture du contrat à l'apprenti. Cette rupture ouvre droit pour l'apprenti à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

En l'espèce il est constant que le contrat d'apprentissage liant les parties a été suspendu par décision du 13 mai 2016 de l'administration (DIRECCTE), avant que cette même administration ne prononce une décision de refus de reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage le 27 mai 2016.

La décision du 27 mai 2016 ayant été cependant annulée par arrêt du 19 novembre 2019 prononcé par la cour administrative d'appel de Nancy, il convient de statuer sur la demande formée par Mme [S] aux fins de prononcer la résiliation du contrat de travail comprenant une période d'apprentissage.

Il résulte des dispositions de l'article L 6222-18 précitées que la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage ne peut intervenir que pour une faute grave, ou des manquements répétés de l'une ou l'autre partie, ou enfin en cas d'inaptitude du salarié à exercer son métier.

Il y a lieu dès lors d'apprécier dans un premier temps la réalité des manquements reprochés par Mme [S] à la SARL Neufbourg Coiffeurs et contestés par celle-ci.

1- Sur la réalité des manquements reprochés à l'employeur

En l'espèce, Mme [T] [S] reproche à son employeur les manquements suivants :

- non respect de son obligation de formation :

En application de l'article L 6221-1 du code du travail, dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, l'employeur s'engage, outre le versement d'un salaire, à assurer à l'apprenti une formation professionnelle complète, dispensée pour partie en entreprise et pour partie en centre de formation d'apprentis ou section d'apprentissage.

Mme [S] reproche à son employeur de ne pas avoir respecté son obligation de formation en lui ayant donné principalement à exécuter des tâches au rabais (shampoing, soins, couleurs), ainsi qu'en lui ayant demandé d'effectuer en grande partie des prestations d'esthétique pour lesquelles elle était déjà formée mais qui ne correspondaient pas à la formation pour laquelle elle était en apprentissage (préparation d'un brevet professionnel coiffure).

Elle précise que le formation sur la conception de mises en forme (brushing) et de coupes ne représentait qu'une partie infiniment faible de son activité et qu'elle n'a pas pu acquérir les compétences nécessaires en matière de coiffure.

La SARL Neufbourg Coiffeurs conteste le manquement à son obligation de formation, expliquant qu'elle a essentiellement confié à Mme [S] des prestations de coiffure et l'a formé sur les techniques nécessaires à l'obtention d'un brevet professionnel de coiffure pour laquelle elle bénéficiait d'un contrat d'apprentissage.

Il résulte de l'examen du « tableau de bord collaborateur » concernant l'activité de Mme [S] versé aux débats qu'entre le 5 juin 2015, date de commencement du contrat d'apprentissage, et le 31 décembre 2015, Mme [T] [S] a effectué 1799 visites-prestations et 10 visites-vente seule, dont 13 coupes, 142 colorations, 438 soins.

Il n'est pas contesté par la salariée que ce tableau ne contient que les prestations facturées, et n'inclut pas les prestations gratuites effectuées sur des clients volontaires pour servir de modèle.

Si Mme [S] s'est plaint à l'inspecteur du travail lors de sa visite du 4 mai 2016 de ne pas avoir été formée au métier de coiffeuse et avoir été affectée à des taches d'esthéticienne, les attestations versées aux débats par de nombreuses clientes ou modèles (Mmes [H], [L], [J], [K], [Y] et [G]) montrent que Mme [S] effectuait régulièrement des prestations de coiffure (shampoing, coloration mais aussi coupe, mise en forme, lissage), notamment sur les modèles, sous la supervision de M.[W] son formateur, gérant par ailleurs de la SARL Neufbourg Coiffeurs.

Il n'est pas contesté que Mme [S] se voyait également confié des prestations d'esthéticienne, pour laquelle elle était déjà formée, mais la preuve de la réalité des prestations de coiffure, pour l'ensemble des techniques nécessaires à l'obtention d'un brevet professionnel coiffure, est suffisamment rapportée par ces attestations pour démontrer que l'employeur respectait son obligation de formation, la carence technique de Mme [S] pour certaines techniques de coiffure n'étant ni alléguée ni démontrée, et les clientes soulignant la qualité professionnelle de Mme [S].

Dès lors, ce manquement n'est pas caractérisé et ne sera pas retenu à l'encontre de l'employeur.

- non respect des règles relatives à la durée du travail et aux temps de pause :

Selon l'article L 3121-35 du code du travail dans sa version applicable au litige, au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.

L'article L 3121-34 prévoit en outre que la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.

S'agissant des pauses, selon l'article L 3121-33 du même code, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes.

Mme [S] fait état d'un non-respect par son employeur des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail, outre un non-respect des temps de pause et reproche au conseil de prud'hommes de l'avoir débouté de ses demandes au seul motif qu'elle ne démontrait pas ce grief, alors que la charge de la preuve du respect des dispositions légales prévues en matière de durée du travail et de temps de pause repose exclusivement sur les épaules de l'employeur.

La salariée précise en outre que la convention collective impose à l'employeur de mettre en place un moyen de contrôle du temps de travail, ce que la SARL Neufbourg Coiffeurs ne démontre pas avoir fait.

Elle soutient avoir travaillé 5 jours par semaine, au lieu de 4 prévus dans le contrat de travail, du mardi au samedi inclus, avec un horaire du mardi au vendredi allant de 8h30 à 19h (soit 10h30mn par jour) et le samedi de 8h à 19h (soit 11h par jour), caractérisant un temps de travail hebdomadaire de 53 heures en cas de semaine pleine, et ce sans avoir pu prendre ses pauses méridiennes. Elle fonde son grief et ses demandes indemnitaires sur ces horaires et ce nombre de jours de travail.

La SARL Neufbourg Coiffeurs s'oppose aux prétentions formées par Mme [S] à ce titre, invoque les dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail et précise que Mme [S] n'apporte pas suffisamment d'éléments pour étayer sa demande.

La cour entend rappeler que s'agissant du respect de la durée maximale quotidienne et de la durée maximale hebdomadaire du travail, tout comme pour la preuve du respect des temps de pause, le régime de la preuve défini par l'article L 3171-4 du code du travail ne s'applique pas, et c'est à l'employeur qu'incombe la charge de la preuve de leur respect.

En l'espèce, Mme [S] produit un document intitulé « tableau de bord collaborateur » établi par l'employeur, montrant le nombre de jours ouvrés (118 jours entre le 5 juin et le 31 décembre 2015) mais également les performances et prestations qu'elle a réalisées.

Elle verse également aux débats un calendrier des jours ouvrés et travaillés correspondant à cette période, montrant qu'après déduction des dimanches et lundis non travaillés, des jours fériés, et des jours de formation, subsistent 118 jours ouvrés, qu'elle indique avoir tous travaillés.

Mme [S] produit enfin deux attestations montrant qu'elle ne terminait pas son travail avant 19h, Mme [E] précisant qu'entre septembre et mi-octobre 2015 elle raccompagnait la fille de Mme [S] jusque chez elle après la fermeture à 19h de la structure d'accueil du fait que Mme [S] était dans l'impossibilité de la récupérer à 19h, et Mme [B] attestant de son côté avoir notamment dû attendre Mme [S] à la sortie de son travail à 19h, et ce lors d'une journée où celle-ci n'a pas pris de pause par ailleurs.

Si l'employeur conteste le fait que la totalité des jours ouvrés a bien été travaillée par Mme [S], ainsi que l'amplitude des heures quotidiennes de travail invoquée par la salariée et l'absence de pause, il ne produit aucun document permettant de déterminer les jours et heures travaillés effectivement par celle-ci, ainsi que les temps de pause qu'elle a pu prendre, se contentant de produire des attestations d'autres salariées précisant qu'elle a pu prendre ses temps de pause et se référant aux heures d'ouverture du salon (de 9h à 18h) qui ne démontrent pas à eux-seuls que Mme [S] n'a pas été sollicitée de 18h à 19h pour le rangement comme elle le prétend.

Au vu de ces éléments, il convient de constater que la SARL Neufbourg Coiffeurs ne démontre pas avoir respecté la durée maximale quotidienne de travail, ni la durée hebdomadaire maximale de travail, ni enfin le temps de pause de Mme [T] [S], de sorte que le grief est caractérisé sur ce point.

Les demandes indemnitaires formées par Mme [S] sur la base du nombre de jours travaillés entre le 5 juin 2015, date du début de son contrat, et le 30 janvier 2016, date de son dernier jour travaillé, ne sont pas contestée quant aux montants sollicités.

Il convient d'y faire droit et de condamner la SARL Neufbourg Coiffeurs à verser à Mme [S] les sommes suivantes :

- 3 300,00 € de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale quotidienne du travail ;

- 1 300,00 € de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire du travail ;

- 1 320,00 € de dommages et intérêts pour non respect des temps de pause.

- sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.

Le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l'existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l'employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments

Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Le décompte des heures supplémentaires établi par Mme [S] est fondé sur le « tableau de bord collaborateur» établi par l'employeur, et sur un calendrier mentionnant les jours de formation, de maladie, les jours fériés et les jours non-travaillés (dimanche et lundi).

La SARL Neufbourg Coiffeurs conteste ces horaires « automatiques », ceux-ci reprenant systématiquement les mêmes horaires de travail quel que soit le jour travaillé, et se bornant à présenter les jours ouvrés sans que Mme [S] ne démontre qu'elle a travaillé l'ensemble de ces jours. Elle ajoute avoir réglé une partie des heures supplémentaires sollicitées.

Cependant, si ces documents ne reprennent que deux types d'horaires de travail (l'un pour les samedi et l'autre pour les journées du mardi au vendredi) et mentionnent comme jours travaillés tous les jours ouvrés après déduction des jours de formation, de maladie, des dimanche et lundi non travaillés, l'employeur n'allègue pas ni ne justifie que Mme [S] avait un planning de travail montrant notamment que certains jours ouvrés n'étaient pas travaillés, et qu'elle avait un horaire journalier qui n'était pas celui prétendu par Mme [S].

En invoquant les seuls horaires d'ouverture du salon de coiffure (de 9h à 18h), sans justifier de la mise en place d'un système de contrôle et de décompte des heures de travail accomplies par Mme [S] comme le lui impose les dispositions de l'article 12.1 de la convention collective, la SARL Neufbourg Coiffeurs ne justifie pas du temps de travail effectif de Mme [S], et ce alors que celle-ci produit deux attestations montrant qu'elle est sortie certains jours comme elle le soutient à 19h.

Par ces éléments, Mme [S] étaye suffisamment sa demande d'heures supplémentaires, et en l'absence de production par l'employeur de tout élément de preuve des heures réellement effectuées par Mme [S], il convient de considérer qu'elles sont justifiées.

Compte tenu du nombre d'heures de travail effectuées par Mme [S] entre le 5 juin 2015 et le 30 janvier 2016 (382 heures supplémentaires), du nombre d'heures supplémentaires déjà payées par l'employeur sur cette période (92,66 heures au vu des bulletins de salaire), la SARL Neufbourg Coiffeurs sera condamnée à verser à Mme [S] la somme de 2 440,00 € bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires impayées, outre 244,00 € bruts pour les congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Mme [S] demande également une indemnité au titre du travail dissimulé qui résulterait de l'accomplissement des heures supplémentaires non rémunérées par l'employeur.

Aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail, est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Selon l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Mme [T] [S] n'allègue pas en quoi la SARL Neufbourg Coiffeurs a dissimulé de façon intentionnelle les heures qu'elle a effectivement travaillées.

Le défaut de comptabilisation des heures de travail effectif et le non-paiement des heures supplémentaires ne caractérisant pas à eux seuls l'intention de l'employeur de dissimuler une activité mais pouvant résulter d'un comportement négligent, il convient de constater que l'élément intentionnel n'est pas établi de sorte que le travail dissimulé n'est pas caractérisé.

La demande d'indemnité formée par Mme [S] à ce titre sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

- harcèlement moral :

L'article L 1152-1 du code du travail stipule qu' « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le harcèlement moral s'entend en l'occurrence selon sa définition commune d'agissements malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l'humilier.

S'agissant de la preuve du harcèlement, l'article L 1154-1 du même code précise, dans sa version applicable au litige, que lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L 1152-1, « le salarié présente des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement » et « au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »

Il résulte des dispositions des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier souverainement si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [S] reproche à la SARL Neufbourg Coiffeurs, aux termes de ses conclusions, les méthodes managériales de M. [W], gérant de la société, qui n'hésitait pas au vu des décisions de l'inspecteur de travail à rabaisser ses salariées devant la clientèle, qui ne les valorisait pas et qui en outre leur faisait effectuer des dépassements d'horaires importants.

La SARL Neufbourg Coiffeurs conteste l'existence d'un harcèlement moral, précisant que Mme [S] ne démontre pas les faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral et n'apporte pas d'élément permettant de justifier que le syndrome dépressif dont elle souffrirait a une origine professionnelle.

Mme [S] se fonde principalement sur la décision de l'inspecteur du travail de suspension de son contrat d'apprentissage du 13 mai 2016 qui fait état de plusieurs témoignages de salariées ou d'anciennes salariées de la SARL Neufbourg Coiffeurs.

Dans le rapport détaillé de l'inspecteur du travail daté du même jour, il précise que les témoignages obtenus l'ont été auprès de Mmes [C] et [O] qui exposent principalement leurs situations et les comportements de M. [W] à leur égard.

Les propos rapportés par l'inspecteur du travail sont cependant remis en cause par les attestations établies par Mmes [C] et [O] le 14 octobre 2019, alors qu'elles ne sont plus salariées et donc plus sous la subordination de M. [W], et au travers desquelles Mme [C] conteste les propos que lui prête l'inspecteur du travail et Mme [O] indique ne plus en avoir le souvenir et n'avoir eu aucun litige avec M. [W].

Par ailleurs, aucun des autres témoignages auquel font référence le rapport et la décision de l'inspecteur du travail, ou le mémoire établi par l'administration devant le tribunal administratif, n'est corroboré par la moindre attestation, que ce soit celui du voisin du salon de coiffure (le docteur [V]), celui de l'inspectrice de l'apprentissage auprès de la chambre des métiers (Mme [I]), ou encore celui de Mme [P] (ancienne apprentie en 2009-2010) rapporté dans le mémoire en défense de l'administration.

En outre, les témoignages des clientes ou modèles de la SARL Neufbourg Coiffeurs et d'autres anciens salariés (M. [Z], Mme [X], Mme M. [K], Mme [A]) ne font état d'aucun manquement de l'employeur en termes de brimade, ou de dénigrement.

A défaut d'élément permettant de démontrer le contenu des brimades et dénigrement personnellement subis par Mme [S], il convient de constater que la salariée ne démontre pas la réalité brimades et rabaissements reprochés à M. [W].

En revanche, il résulte des développements qui précèdent que l'employeur n'a pas respecté les temps de pause et les durées légales maximales du travail, et ce tout au long du temps d'exécution du contrat de travail, soit sur près de 7 mois.

Compte tenu de la répétition de ces agissements, de l'incidence de ces violations des obligations sur les conditions de travail de Mme [S] qui n'ont pu que se dégrader, et des arrêts de travail et certificats médicaux produits par la salariée montrant qu'elle a été arrêtée à compter du 4 février 2016 et suivie par un psychiatre entre mars et mai 2016, il convient de constater que ces agissements pris dans leur ensemble caractérisent des faits de harcèlement moral commis par l'employeur sur la personne de Mme [S].

Au vu de la durée de ces agissements et de leur nature, il convient de fixer justement le montant du préjudice subi par Mme [S] du fait du harcèlement à la somme de 800,00 €, et de condamner la SARL Neufbourg Coiffeurs au paiement de cette somme.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce point.

2- Sur la gravité des manquements

Les développements qui précèdent montrent que la SARL Neufbourg Coiffeurs a fait preuve de harcèlement moral sur la personne de Mme [S] et n'a pas respecté la réglementation sur la durée hebdomadaire du travail, la durée quotidienne du travail le temps de pause et n'a pas réglé la totalité des heures supplémentaires effectuées par la salariée.

S'agissant de manquements répétés, perpétrés sur une période de plusieurs mois, il convient de constater qu'ils rendent impossible la poursuite du contrat et justifient la résiliation du contrat d'apprentissage aux torts de l'employeur qu'il convient de prononcer, le contrat d'apprentissage n'étant que suspendu du fait de l'annulation du refus de reprise.

3- Sur la demande au titre des salaires prévus jusqu'à la fin de la période d'apprentissage

Mme [S] sollicite le paiement de la somme de 14 335,42 € bruts au titre des salaires qui lui auraient été versés si la période d'apprentissage était allée jusqu'à son terme, aux motifs que la rupture du contrat d'apprentissage est prononcée aux torts de l'employeur et qu'elle est par ailleurs en droit de prétendre aux salaires restant dus aux termes des articles L 6222-18 et L 1243-4 du code du travail, la rupture du contrat ne résultant ni de manquements répétés ou d'une faute grave de sa part, ni de la force majeure, ni de sa demande, ni enfin de son inaptitude.

La SARL Neufbourg Coiffeurs s'oppose à cette demande et sollicite reconventionnellement le remboursement de la somme de 14 253,83 € correspondant aux salaires dus par l'employeur à compter du 27 mai 2016, date du refus par l'administration de la reprise du contrat d'apprentissage, jusqu'à l'issue normale de la période d'apprentissage, somme que la SARL Neufbourg Coiffeurs a versée à Mme [S] en vertu de l'ordonnance de référé prononcée par le conseil de prud'hommes de Forbach le 18 janvier 2018 la condamnant au paiement de cette somme.

Elle explique que compte tenu de l'annulation par la juridiction administrative de la décision du 27 mai 2016 qui servait de fondement à la décision du 18 janvier 2018, elle n'est pas tenue de verser les salaires dus au titre de la période d'apprentissage non exécutée par Mme [S].

Cependant, la résiliation du contrat de travail étant prononcée ce jour aux torts de l'employeur, Mme [S] est en droit de demander le paiement des salaires perdus jusqu'au terme de la période d'apprentissage de deux ans intervenu le 5 juin 2017, soit avant la date du prononcé de la résiliation du contrat.

La somme de 14 284,00 € brut retenue dans la motivation de l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Metz du 18 janvier 2018, correspondant aux salaires qu'aurait perçus Mme [S] entre le 27 mai 2016 et le 5 juin 2017, n'est pas contestée quant à son calcul et son montant, de sorte qu'il convient de condamner la SARL Neufbourg Coiffeurs à verser, cette somme à Mme [S] et de débouter l'employeur de sa demande en remboursement de celle-ci, étant constaté que le règlement de la somme de 14 253,83 € a été effectué par la société intimée par chèque du 1er février 2018.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SARL Neufbourg Coiffeurs étant la partie perdante à la procédure, elle sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance.

Elle sera en outre condamnée à payer à Maître Iochum, avocat de Mme [S] qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 1500,00 € au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [T] [S] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs à payer à Mme [T] [S] la somme de 1300,00€ à titre d'indemnité pour non respect de la durée hebdomadaire du travail ;

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs à payer à Mme [T] [S] la somme de 3300,00€ à titre d'indemnité pour non respect de la durée quotidienne du travail ;

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs à payer à Mme [T] [S] la somme de 1320,00€ à titre d'indemnité pour non respect de la réglementation sur le temps de pause ;

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs à payer à Mme [T] [S] la somme de 2440,00€ brut au titre du rappel de salaire pour les heures supplémentaires impayées, outre 244,00€ brut pour les congés payés afférents ;

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs à payer à Mme [T] [S] la somme de 800,00€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant du harcèlement moral ;

Prononce la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée avec période d'apprentissage aux torts de l'employeur ;

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs à verser à Mme [T] [S] la somme de 14284,00 € brut au titre des salaires perdus jusqu'au terme de la période d'apprentissage de deux ans intervenu le 5 juin 2017 ;

Déboute la SARL Neufbourg Coiffeurs de sa demande reconventionnelle en remboursement formée à ce titre ;

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs aux entiers dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs à payer à Maître Iochum, avocat de Mme [T] [S], la somme de 1 500,00 € au titre des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SARL Neufbourg Coiffeurs aux dépens d'appel.

La GreffièreP/ La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 21/00541
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;21.00541 ?
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