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20/09/2022 | FRANCE | N°20/00273

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 20 septembre 2022, 20/00273


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 20/00273 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FHCL

Minute n° 22/00234





[K], [O]

C/

[U] VEUVE [I], S.A.S. VALYNELZO IMMO









Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE, décision attaquée en date du 16 Décembre 2019, enregistrée sous le n° I 17/01166





COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022<

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APPELANTS :



[K] [Z] [C] [A] [K]

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représenté par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ



Madame [F] [O] épouse [K]

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentée par Me Hugues M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 20/00273 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FHCL

Minute n° 22/00234

[K], [O]

C/

[U] VEUVE [I], S.A.S. VALYNELZO IMMO

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE, décision attaquée en date du 16 Décembre 2019, enregistrée sous le n° I 17/01166

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022

APPELANTS :

[K] [Z] [C] [A] [K]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

Madame [F] [O] épouse [K]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

Madame [M] [R] [U] VEUVE [I]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

S.A.S. VALYNELZO IMMO représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Manuel RAISON, avocat plaidant au barreau de Paris

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 28 Avril 2022 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 20 Septembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT :Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Flores, Présidente de Chambre et par Mme Cindy Nondier, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon acte authentique du 10 février 2014, M. [Z] [K] et Mme [F] [O], son épouse, ont acquis auprès de Mme [M] [U] veuve [I], avec le concours de la SAS Valynelzo Immo, agence immobilière, une maison d'habitation sise [Adresse 3] à [Localité 6].

Se plaignant de l'apparition d'importantes fissures sur la façade extérieure de l'immeuble ainsi que sur certains murs intérieurs, les époux [K] ont, par exploits d'huissier des 23 et 28 janvier 2015, assigné Mme [I] et la SAS Valynelzo Immo devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Thionville lequel a, par ordonnance du 23 juin 2015, fait droit à leur demande d'expertise et désigné pour y procéder M. [L].

Après une première réunion d'expertise, le juge des référés, sur demande des époux [K], a étendu les opérations d'expertise par ordonnance du 1er décembre 2015, d'une part à la SCP Noël-Nodée-Lanzetta, liquidateur de la SARL Pellin & Compagnie, intervenue en 2010 aux fins de réaliser un traitement de remontées capillaires par injection de résine et d'autre part à M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne [V] bâtiment, intervenu pour la pose d'un drainage en 2013.

Par exploits d'huissier des 7 et 8 juin 2017, les époux [K] ont saisi le tribunal de grande instance de Thionville d'une action en responsabilité dirigée contre Mme [I], la SAS Valynelzo Immo et M. [V], exerçant sous l'enseigne [V] bâtiment, tout en se réservant le droit de conclure plus amplement sur la part de responsabilité de chacun et sur le chiffrage des désordres après dépôt du rapport définitif.

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 24 novembre 2017.

Par conclusions du 11 avril 2019, M. et Mme [K] ont demandé au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :

condamner Mme [I], la SAS Valynelzo Immo et M. [V] exerçant sous l'enseigne [V] bâtiment in solidum à indemniser les préjudices qu'ils ont subis,

condamner en conséquence Mme [I], la SAS Valynelzo Immo et M. [V] exerçant sous l'enseigne [V] bâtiment in solidum à leur verser la somme de 282 873,03 euros TTC au titre des travaux de remise en état, la somme de 23 956,75 euros au titre des intérêts du prêt contracté auprès de la Banque Populaire aux fins de réaliser les travaux de remise en état, la somme de 15 300 euros au titre du préjudice d'inoccupation et du trouble de jouissance, outre la somme de 300 euros par mois jusqu'à complet achèvement des travaux de remise en état, la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que leur condamnation en tous les frais et dépens y compris ceux de la procédure de référé n°15/00211 et 15/00032.

Par conclusions du 27 juin 2019, Mme [I] a demandé au tribunal de :

débouter M. et Mme [K] ainsi que toutes autres parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions sinon appels en garantie dirigés à son encontre,

condamner solidairement M. et Mme [K] à lui payer la somme de 2 260 euros au titre des frais d'expertise privée de M. [Y],

condamner solidairement M. et Mme [K] à lui payer une indemnité de procédure de 15 368 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement M. et Mme [K] à lui payer l'intégralité des frais et dépens engagés au titre des procédures de référé n°15/00211 et 15/00032 et de la présente instance,

subsidiairement, condamner solidairement la SAS Valynelzo Immo et M. [V] à la garantir intégralement de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

plus subsidiairement, prononcer un partage de responsabilité entre elle, la SAS Valynelzo Immo, M. [V] ainsi que M. et Mme [K] et qui lui sera largement favorable sans être supérieur à 10 %,

réduire le montant des condamnations qui sera prononcé au profit de M. et Mme [K] à hauteur de leur part de responsabilité,

dire que les travaux supplémentaires doivent rester à la charge de M. et Mme [K] et qu'il conviendra de se limiter strictement au montant fixé par l'expert à savoir 172 149,61 euros TTC,

débouter M. et Mme [K] de leur demande au titre de l'indemnité de procédure pour être injustifiée et disproportionnée, sinon la ramener à de plus justes proportions.

Par conclusions du 29 mai 2019, la SAS Valynelzo Immo a demandé au tribunal de :

débouter les époux [K] de l'intégralité de leurs demandes,

débouter Mme [I] de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,

subsidiairement, minorer très substantiellement les préjudices allégués par les époux [K],

à titre reconventionnel, condamner Mme [I] à la garantir et la relever indemne de toutes condamnations pouvant être formulées à son encontre,

condamner solidairement les époux [K] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Par conclusions du 29 mai 2019, M. [V], exerçant sous l'enseigne [V] bâtiment, a demandé au tribunal de :

débouter M. et Mme [K] ainsi que toutes autres parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions sinon appels en garantie dirigés à son encontre,

condamner M. et Mme [K] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [K] en tous frais et dépens,

Subsidiairement, limiter et réduire sa part de responsabilité.

Par jugement du 16 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Thionville a :

débouté M. et Mme [K] de leurs demandes d'indemnisation,

débouté Mme [I] et la SAS Valynelzo Immo de leur demande en garantie, en l'absence de condamnation prononcée à leur encontre,

condamné M. et Mme [K] à verser à Mme [I], la SAS Valynelzo Immo et M. [V] chacun la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. et Mme [K] aux dépens y compris ceux de la procédure de référé,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Sur l'action dirigée contre Mme [I], le tribunal a considéré que les désordres allégués par les époux [K] revêtent le caractère de vices cachés au sens des articles 1641 et suivants du code civil, en ce que les acquéreurs n'ont pas eu connaissance avant la vente de l'origine des fissures même si ces dernières étaient visibles lors de la transaction.

Il a toutefois considéré que la clause d'exclusion de garantie des vices cachés mentionnée dans l'acte notarié de vente devait conserver son plein effet au profit de la défenderesse. En effet, il a relevé que Mme [I] avait certes commandé des travaux destinés à traiter les problèmes d'infiltration et de remontées capillaires, mais qu'il n'est pas démontré que les professionnels aient évoqué avec elle l'origine des fissures. Il a ajouté que finalement l'origine desdites fissures a été révélée uniquement lors des opérations d'expertise, de sorte que la mauvaise foi de Mme [I] n'est pas démontrée.

S'agissant des demandes subsidiaires, le tribunal a rappelé que l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive d'une action fondée sur le dol en application de l'ancien article 1116 du code civil.

Il a néanmoins considéré que la demande des époux [K] sur le fondement du dol et du défaut d'information devait être rejetée car lors des visites, les fissures étaient déjà apparentes, de sorte qu'elles ne pouvaient échapper à la vigilance des époux [K], outre le fait que ces derniers s'étaient vus informés dans l'acte de vente du 10 février 2014 de l'aléa retrait-gonflement des argiles. Il a ajouté qu'il n'était pas démontré que Mme [I] connaissait la véritable origine des désordres, de sorte qu'une dissimulation intentionnelle de la part de celle-ci n'était pas établie. Il en a conclu qu'il y avait lieu de rejeter, outre les demandes des époux [K], la demande de Mme [I] en garantie dirigée à l'encontre de la SAS Valynelzo Immo.

Sur l'action dirigée par les époux [K] contre l'agent immobilier, le tribunal a considéré qu'en l'absence de preuve du fait que ce dernier avait eu connaissance avant la vente de l'origine des fissures, il ne pouvait lui être reproché de ne pas en avoir avisé les acquéreurs. Dès lors, la responsabilité de la SAS Valynelzo Immo ne peut être engagée.

Sur l'action dirigée contre M. [V], le tribunal a retenu que son intervention dans le cadre de la pose d'un drain n'était pas à l'origine des fissures, mais uniquement un facteur aggravant de ces dernières, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée à cet égard.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 23 janvier 2020, M. et Mme [K] ont interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Thionville le 16 décembre 2019 en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes d'indemnisation et condamnés à verser à Mme [I] et à la SAS Valynelzo Immo la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 11 février 2021, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. et Mme [K] demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 anciens, ainsi que des articles 1602, 1603 et 1641 du code civil de :

infirmer le jugement du 16 décembre 2019,

Statuant à nouveau,

dire et juger que Mme [I] engage, à titre principal, sa responsabilité contractuelle sur le fondement de la garantie des vices cachés,

dire et juger que Mme [I] engage, à titre subsidiaire, sa responsabilité délictuelle sur le fondement du dol et du manquement à l'obligation d'information,

dire et juger que la SAS Valynelzo Immo engage sa responsabilité quasi-délictuelle ou délictuelle à leur égard, dès lors qu'elle a manqué à son obligation de conseil et d'information,

En conséquence,

condamner Mme [I] et la SAS Valynelzo Immo, in solidum, à indemniser les préjudices qu'ils ont subis,

condamner en conséquence, in solidum, Mme [I] et la SAS Valynelzo Immo à leur verser la somme de 282 873,03 euros TTC au titre des travaux de remise en état, la somme de 23 956,75 euros TTC au titre des intérêts au prêt contracté auprès de la Banque Populaire aux 'ns de réaliser les travaux de remise en état, la somme de 15 300 euros TTC au titre du préjudice d'inoccupation et du trouble de jouissance, outre la somme de 300 euros par mois jusqu'à complet achèvement des travaux de remise en état,

dire et juger que l'ensemble des sommes susvisées porteront intérêts au taux légal à compter du jour du jugement entrepris, à savoir le 16 décembre 2019,

condamner, in solidum, Mme [I] et la SAS Valynelzo Immo, à leur verser une indemnité de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles d'instance, outre 20 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner, in solidum, Mme [I] et la SAS Valynelzo Immo, en tous les frais et dépens, y compris ceux de la procédure de référé n°15/00211 et n°15/00032,

dire et juger que l'appel incident de Mme [I] tendant à se voir allouer la somme de 2 260 euros au titre des frais d'expertise de M. [Y] sera rejeté par l'accueil des justes motifs postulant au bien-fondé de leur appel principal,

rejeter toutes demandes de Mme [I].

Les époux [K] soulignent que l'expert judiciaire a confirmé que les fissures qui affectent l'immeuble en litige sont très importantes et affectent l'ensemble de la partie ouest de la maison, qu'elles sont évolutives et qu'elles se sont gravement accentuées au cours de l'automne/hiver 2015, au point qu'ils n'utilisent plus cette partie de l'habitation.

Ils estiment que ni Mme [I] ni l'agence immobilière ne pouvaient ignorer que l'immeuble pouvait subir des problèmes de fissures, dès lors que l'acte de vente comprend une clause relative à la situation de la propriété en zone d'aléa de retrait et de gonflement des argiles.

Ils rappellent que la société Terrafor, qui a réalisé des sondages à la demande de l'expert judiciaire, a confirmé que le tassement inégal de la maison est dû aux mouvements des argiles, phénomène aggravé par différentes interventions réalisées depuis 2004, année au cours de laquelle Mme [I] a fait réaliser différents travaux aux fins d'aménagement du sous-sol situé en partie ouest de la maison.

Ils relèvent que Mme [I] ne s'explique pas sur la nature et les conséquences des travaux ainsi réalisés, notamment la destruction des drains périphériques.

Les appelants rappellent que la société Pellin et Compagnie est intervenue pour réaliser un traitement des remontées capillaires ainsi que l'entreprise [V] Bâtiment qui s'est contentée de réaliser un drainage en surface, contrairement aux préconisations de la société Aqua Détect formulées en 2012.

Ils considèrent que pour des raisons d'économie, Mme [I] s'est abstenue de faire réaliser un drainage sur le pourtour de la maison et qu'elle s'est contentée de faire réaliser un drainage superficiel par l'entreprise [V] Bâtiment, juste avant la vente, afin d'éliminer provisoirement les traces d'humidité et de rendre son bien présentable auprès d'éventuels acquéreurs.

Les époux [K] soutiennent que Mme [I] engage à titre principal sa responsabilité sur le fondement des vices cachés de l'article 1641 du code civil.

Ils admettent que les fissures étaient présentes lors de la vente mais ils affirment qu'ils ne pouvaient pas se douter ni de la cause de ces fissures, laquelle constitue le vice structurel de l'immeuble, ni de l'évolution aggravante de ces fissures et ils ajoutent qu'interrogés par eux, la venderesse et l'agent immobilier les ont faussement rassurés sur l'absence de caractère évolutif desdites fissures.

Ils indiquent que l'acceptation par eux de fissures qu'ils avaient considérées comme étant non évolutives ne vaut pas acceptation de la cause des désordres, non connue par les acquéreurs le jour de la vente, étant rappelé que les intéressés ne sont pas des professionnels de la construction.

Ils en déduisent que Mme [I] ne peut pas se prévaloir de la clause d'éviction de la garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente.

Ils font valoir que Mme [I] avait nécessairement connaissance de l'ampleur du problème, puisqu'elle avait déclaré, dès 2011, un sinistre à son assurance-habitation et ils soulignent qu'elle n'a pas produit le rapport d'expertise de son assureur suite à cette déclaration de sinistre.

Ils relèvent que selon l'expert judiciaire, les professionnels sollicités par Mme [I] n'ont pas pu ne pas l'alerter sur la gravité des désordres qui affectent une partie de la maison.

Ils ajoutent qu'au moment de la vente, elle a caché avec des galets les fissures apparentes en bas de façade du pignon ouest.

Ils relèvent également que durant les opérations d'expertise, elle n'a pas répondu aux sollicitations de l'expert concernant d'éventuels travaux réalisés sur le réseau d'évacuation des eaux pluviales.

Ils soutiennent que devant le premier juge, Mme [I] a fait des affirmations mensongères, puisqu'elle a écrit que la configuration de la maison n'avait jamais changé, en dépit des travaux réalisés en 2004. Ils affirment que Mme [I] avait tu la réalisation de ces travaux aux candidats acquéreurs et ils font grief à l'intéressée de ne jamais avoir révélé l'identité de l'entreprise ayant réalisé les travaux de transformation de l'immeuble, même au cours des opérations d'expertise judiciaire.

Les appelants indiquent que l'ensemble de ces faits caractérise la mauvaise foi de l'intéressée, son incapacité à gérer son bien en bon « père de famille » et surtout son intention de cacher aux acquéreurs l'ampleur du phénomène de fissuration de l'immeuble.

S'agissant de leur demande de réparation, les époux [K] indiquent qu'ils ont fait le choix de conserver la maison et de mettre en 'uvre les travaux leur permettant de mettre fin aux dommages, compte tenu de l'urgence à les réaliser.

A titre subsidiaire, les époux [K] considèrent que Mme [I] a manqué à son obligation d'information à l'égard des acquéreurs, en ne leur donnant pas connaissance des sinistres survenus antérieurement ni des travaux importants réalisés et ils soutiennent qu'il s'agit d'une réticence dolosive.

Les appelants indiquent que les travaux menés par Mme [I] avaient moins de dix ans, que dans le cadre de la garantie décennale, elle aurait dû les en informer et qu'ils ne se seraient pas engagés dans cette acquisition s'ils avaient su que l'immeuble avait fait l'objet d'importants travaux et que leur cessionnaire n'était pas en mesure de leur révéler l'identité des entreprises intervenues au marché de construction.

Ils ajoutent que Mme [I] a volontairement caché certaines fissures intérieures de la maison, comme celles présentes sur le mur arrière du garage, qui n'étaient pas visibles lors de la visite du bien car masquées par différentes meubles et objets entreposés devant ce mur.

S'agissant de leur action à l'encontre de la SAS Valynelzo Immo sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel, les époux [K] rappellent que l'agent immobilier est tenu à une obligation de conseil et d'information non seulement à l'égard du vendeur qui le mandate, mais aussi à l'égard de l'acquéreur.

Ils soulignent que les juges sanctionnent l'agent immobilier qui n'a pas attiré l'attention des acquéreurs sur l'origine très vraisemblable des fissures et sur leur gravité potentielle.

Ils soutiennent qu'en l'espèce, l'agence immobilière n'a pas interrogé suffisamment Mme [I] sur l'apparition de sinistres antérieurs et sur l'état des fissures présentes sur les façades.

Ils ajoutent que l'agent immobilier a commis une faute supplémentaire caractérisée, en ne justifiant pas avoir régulièrement interrogé la venderesse quant à l'existence de travaux ayant été réalisés dans un délai de garantie décennale.

Ils indiquent qu'il est désormais d'usage constant que l'agent immobilier, lors de l'établissement du compromis, veille à y annexer tant les factures que les justificatifs de travaux réalisés par le vendeur au cours des dix dernières années.

Ils supposent que l'agent immobilier souhaitait procéder à la vente au plus vite et qu'il s'est abstenu de leur fournir des éléments d'information qui auraient pu les dissuader d'acheter.

Les appelants contestent également avoir une quelconque part de responsabilité dans leur préjudice et ils rappellent qu'ils étaient des profanes en matière immobilière, de sorte qu'ils ont fait confiance à la vendeuse et à l'agent immobilier.

Enfin M. et Mme [K] détaillent leurs différentes demandes suite aux travaux de réparation qu'ils ont préfinancés.

Par conclusions déposées le 4 novembre 2020, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SAS Valynelzo Immo demande à la cour, au visa des articles 9 et 700 du code de procédure civile et des articles 1147, 1315 et 1382 anciens du code civil, de :

débouter M. et Mme [K] de l'intégralité de leurs demandes,

confirmer le jugement du 16 décembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Thionville en toutes ses dispositions,

débouter Mme [I] de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,

A titre principal,

constater, dire et juger l'absence de lien contractuel entre elle et M. et Mme [K],

déclarer M. et Mme [K] irrecevables de ce fait en leurs demandes présentées sur ce fondement et à tout le moins infondés,

en déduire que M. et Mme [K] ne peuvent agir à son encontre que sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

juger qu'elle n'a commis aucune faute,

juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre sa mission et les préjudices allégués par M.et Mme [K],

constater l'absence de préjudice indemnisable imputable à son encontre,

juger que sa responsabilité n'est pas engagée,

A titre subsidiaire, à supposer que la SAS Valynelzo Immo ait commis une faute,

juger que le dol de Mme [I] l'exonère de toute responsabilité,

constater le caractère excessif des préjudices allégués par M. et Mme [K],

en conséquence, minorer très substantiellement les préjudices allégués par M. et Mme [K],

A titre reconventionnel,

condamner Mme [I] à la garantir et la relever indemne de toutes condamnations pouvant être formulées à son encontre,

En toute hypothèse,

confirmer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens d'instance,

condamner solidairement par M. et Mme [K] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,

Subsidiairement,

condamner Mme [I] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel,

condamner Mme [I] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La SAS Valynelzo Immo soutient que son obligation d'information est limitée aux seules informations apparentes et dont l'agence immobilière avait connaissance via le vendeur et elle ajoute que les époux [K] ne peuvent soutenir que le vice serait caché les concernant mais apparent à l'égard de l'agent immobilier.

Elle fait aussi valoir que le mandant, vendeur, a lui-même en amont une obligation d'information et de loyauté envers son mandataire, l'agent immobilier et elle souligne que le vendeur est le mieux placé pour connaître parfaitement le bien.

Elle indique aussi que l'agent immobilier est un professionnel de l'immobilier et non un professionnel de la construction.

Elle ajoute que l'obligation d'information de l'agence immobilière ne dispense pas son interlocuteur de tout devoir de prudence et de diligence.

La SAS Valynelzo Immo indique que Mme [I] n'a jamais porté à sa connaissance des informations qui se sont révélées par la suite primordiales, en ce compris l'existence de sinistres intervenus antérieurement à la vente ou encore la réalisation de travaux importants.

L'intimée conteste avoir été sollicitée par les époux [K] quant aux fissures dont ils avaient constaté l'existence lors de leur visite. Elle assure qu'au moment de la vente, il n'y avait aucune fissure ouverte, ces fissures ayant été comblées avant la vente par Mme [I]. Elle ajoute qu'elle-même ne pouvait pas avoir connaissance des fissures dissimulées par des galets et des meubles dans le garage.

Elle indique que le caractère évolutif des fissures constituait, tant pour les époux [K] que pour elle-même, un vice caché.

Elle fait grief à l'expert judiciaire de proposer un partage de responsabilités et donc de se prononcer sur la responsabilité des parties et en tout état de cause, de limiter à 15% la part de responsabilité de Mme [I], alors que cette dernière a commis un dol qui doit exonérer l'agent immobilier de sa responsabilité.

A titre subsidiaire s'agissant du préjudice subi par les époux [K], la société Valynelzo Immo considère qu'il doit être indemnisé par Mme [I] sous peine de permettre un enrichissement sans cause de cette dernière, car si Mme [I] avait été une co-contractante loyale, elle aurait nécessairement vendu son bien à un prix moindre.

La SAS Valynelzo Immo discute les différents chefs de préjudice dont l'indemnisation est demandée par les appelants.

Elle estime qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les préjudices allégués et la mission de l'agence immobilière.

Elle conteste la demande d'appel en garantie formulée par Mme [I], en faisant valoir que l'agent immobilier n'est pas tenu de procéder à des investigations supplémentaires afin de déceler l'origine de vices apparents et que le silence gardé par son mandant l'exonère de toute responsabilité à cet égard.

Enfin la société Valynelzo Immo considère qu'à l'inverse, Mme [I] qui est à l'origine des dommages doit la garantir de toutes condamnations pouvant être formulées à son encontre.

Par conclusions déposées le 10 mai 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [I] demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants ainsi que des anciens articles 1147, 1382 et 1383 du code civil de :

confirmer le jugement du 16 décembre 2019,

En outre, et statuant à nouveau,

débouter M. et Mme [K] de l'ensemble de leurs demandes,

condamner solidairement M. et Mme [K] à lui payer 2 260 euros au titre des frais d'expertise de M. [Y], 15 368 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de référé et la procédure de première instance, 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, les frais et dépens engagés au titre des procédures de référé n°15/00211 et 15/00032, de la première instance et de la procédure d'appel,

Subsidiairement,

condamner la SAS Valynelzo Immo à la garantir intégralement de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle sinon délictuelle en raison de l'inexécution de son obligation de conseil,

Plus subsidiairement,

prononcer un partage de responsabilité entre elle, la SAS Valynelzo Immo, ainsi que M. et Mme [K] et qui lui sera largement favorable sans être supérieur à 10 %,

réduire le montant des condamnations qui sera prononcé au profit de M. et Mme [K] à hauteur de leur part de responsabilité,

En tout état de cause,

dire qu'il conviendra de se limiter strictement au montant fixé par l'expert à savoir 172 149,61 euros TTC,

rejeter totalement sinon partiellement la demande relative au préjudice d'inoccupation et de jouissance pour être infondée et injustifiée en tout ou partie,

débouter M. et Mme [K] de leur demande au titre de l'indemnité de procédure pour être injustifiée et disproportionnée, sinon la ramener à de plus justes proportions, tant en première instance qu'à hauteur d'appel.

Mme [I] soutient que l'affaissement soudain de la maison côté gauche est lié à une situation naturelle et exceptionnelle en raison des sècheresses longues et successives de ces dernières années.

Elle affirme que les fissures en cause constituent bien un vice caché, que la cause et l'amplitude des désordres ne pouvaient être connues le jour de la vente et qu'une longue et complexe expertise a été nécessaire pour déterminer l'ensemble des facteurs pouvant être à l'origine de l'affaissement du mur.

Elle admet que des fissures ont été rebouchées à son initiative et sont restées parfaitement visibles lors de la vente, que cette situation lui semblait normale s'agissant d'une maison construite plus de quarante années auparavant, que ces différentes interventions n'ont pas été faites à la veille de la vente mais plusieurs années auparavant, que rien n'a été dissimulé, qu'elle n'a jamais rencontré de problème sur cette maison excepté l'épisode des infiltrations d'eau qui a justifié plusieurs interventions, qu'aucune entreprise ne l'a alertée quant à un risque relatif à la solidité des bâtiments et qu'il a fallu l'expertise judiciaire pour déterminer l'origine des désordres.

Elle souligne que l'expertise judiciaire a mis en évidence un phénomène d'assèchement et non de gonflement et que les travaux qu'elle avait entrepris n'ont rien à voir avec le phénomène de fissuration. Elle conteste les conclusions de l'expert judiciaire selon lesquelles les différents travaux qu'elle a pu faire diligenter ont aggravé les fissurations et elle verse aux débats le rapport demandé à un expert privé, la société Compétence Géotechnique, qui contredit les conclusions de la société Terrafor.

Mme [I] considère que l'expert judiciaire se contredit, en retenant sa mauvaise foi au prétexte qu'elle a rebouché les fissures, alors qu'il admet également que ces fissures étaient parfaitement visibles au moment de la vente.

Elle estime qu'elle est fondée à se prévaloir de la clause d'éviction de la garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente.

Elle assure que la configuration de la maison n'a jamais changé, qu'il n'y a eu aucun agrandissement et que les travaux de l'entreprise [V] n'ont eu pour objectif que de mettre fin aux problèmes d'infiltration sans aucun lien avec la fissuration de l'immeuble.

Au soutien de sa demande au titre des frais irrépétibles, Mme [I] produit les factures émises par ses conseils dans cette affaire.

A titre subsidiaire, elle estime que l'agence immobilière aurait dû alerter la venderesse et les acquéreurs de la nécessité d'effectuer une expertise préalable à la vente compte tenu de la présence de nombreuses fissures et elle en déduit que la responsabilité de la société Valynelzo Immo doit être engagée.

Elle ajoute que l'agent immobilier a agi avec une légèreté blâmable, compte tenu de sa connaissance de la région, des problèmes liés aux argiles et aux arbres situés à proximité des maisons.

A titre plus subsidiaire, Mme [I] propose de retenir le partage de responsabilités suggéré par l'expert judiciaire.

Enfin, Mme [I] discute les demandes d'indemnisation formulées par les époux [K].

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des articles 12 et 16 du code de procédure civile que lorsqu'une juridiction décide de relever d'office un moyen, elle est tenue en toute circonstance de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à s'expliquer sur celui-ci.

L'agent immobilier qui intervient en qualité de négociateur est tenu à l'égard des parties à un devoir d'information quant aux modalités de l'opération et à ses difficultés éventuelles.

S'agissant d'un mandat conclu avec le vendeur de l'immeuble, sa responsabilité éventuelle à l'égard des acquéreurs repose sur un fondement délictuel (article 1240 anciennement 1382 du code civil).

M. et Mme [K] réclament la condamnation de la SAS Valynelzo Immo, in solidum avec Mme [I], à leur payer la somme de 282 873,03 euros TTC au titre des travaux de remise en état, la somme de 23 956,75 euros TTC au titre des intérêts du prêt contracté auprès de la Banque Populaire pour financer les travaux de réparation, la somme de 15 300 euros TTC au titre du préjudice d'inoccupation et du trouble de jouissance et la somme de 300 euros par mois jusqu'à complet achèvement des travaux de remise en état.

En réalité et si les griefs des époux [K] à l'encontre de la SAS Valynelzo Immo devaient être avérés, la faute délictuelle de l'agent immobilier se traduirait par une perte de chance pour les époux [K] de renoncer à l'acquisition de l'immeuble et d'exposer les frais de réparation et autres consécutifs aux fissures.

Si la cour devait retenir la responsabilité de la SAS Valynelzo Immo, la perte de chance constituerait le seul fondement sur lequel pourrait être évalué le préjudice éventuellement subi au titre des frais consécutifs aux réparations et à la perte de jouissance.

Les débats seront réouverts afin de permettre aux parties de s'expliquer sur le fondement juridique ainsi soulevé par la cour.

L'affaire fera l'objet d'un calendrier de procédure et sera renvoyée à la conférence du président de la première chambre civile de la cour d'appel de Metz.

Les demandes ainsi que les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

ORDONNE le rabat de l'ordonnance de clôture ;

ORDONNE la réouverture des débats, tous droits et moyens des parties réservés ;

INVITE les parties à s'expliquer sur la requalification des préjudices résultant des frais de réparation, des frais de conclusion d'un prêt immobilier et des troubles de jouissance et d'inoccupation du bien en préjudices résultant de la perte de chance de renoncer à l'acquisition et d'exposer les frais de réparation, les frais de conclusion d'un prêt immobilier et les troubles de jouissance et d'inoccupation du bien, selon le calendrier suivant : les observations des époux [K] sont attendues avant le 31 décembre 2022 et celles de Mme [I] et de la SAS Valynelzo Immo avant le 31 mars 2023 ;

DIT que l'affaire sera renvoyée à la conférence du 13 avril 2023 à 15h00 ;

RESERVE les demandes ainsi que les dépens.

La GreffièreLa Présidente de Chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00273
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;20.00273 ?
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