RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RG 18/02593 - N° Portalis DBVS-V-B7C-E3P7
Minute n° 22/00306
Société GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DU CHENE
C/
[X]
Jugement Au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux de SARREBOURG, décision attaquée en date du 24 Mars 2016, enregistrée sous le n° 51 13/004
COUR D'APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE - Baux Ruraux
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
Société GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DU CHENE, représentée par son gérant
[Adresse 1]
[Localité 7]
Comparante, représentée par Me Soline DEHAUDT, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉ :
Monsieur [B] [X]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Comparant, représenté par Me Nathalie DEVARENNE ODAERT, avocat au barreau de NANCY
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 12 Mai 2022 tenue par M. MICHEL, Magistrat Rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 08 Septembre 2022.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Sophie GUIMARAES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame BASTIDE, Conseiller
Monsieur MICHEL, Conseiller
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme GUIMARAES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [B] [X] est preneur de diverses parcelles en vertu :
- d'un bail sous seing privé du 23 décembre 1996 consenti par M. [C] [D] portant sur des parcelles situées sur la commune d'[Localité 12] pour une superficie totale de 15 ha 90 a et 65 ca d'une durée de 9 ans à compter du 23 décembre 1996
- d'un bail verbal consenti le 2 décembre 1996 par M. [Z] [V] portant sur des parcelles situées sur la commune d'[Localité 12] pour une superficie totale de 3 ha 22 a, avec effet à compter du 23 décembre 1996
- d'un bail verbal consenti le 2 décembre 1996 par Mme [J] [D], épouse de M. [Z] [V], portant sur des parcelles situées sur la commune d'[Localité 12] d'une superficie totale de 4 ha 59 a, avec effet à compter du 23 décembre 1996.
Après remembrement, la location porte sur les parcelles suivantes:
- sur la commune d'[Localité 12] :
' section 30 n°[Cadastre 4] '[Localité 9]' 5 ha 67 a 21 ca
' section 30 n°[Cadastre 8] 'entre deux ruisseaux' 3 ha 0 a 79 ca
' section 31 n°[Cadastre 3] '[Localité 10]' partiellement, à hauteur de 13 ha 37 a 60 ca
- sur la commune de [Localité 13] :
' section 18 n°[Cadastre 5] '[Localité 11]' 0 ha 16 a 49 ca
Le 19 octobre 2009, les consorts [V]-[D] ont constitué le GFA du Chêne et lui ont fait apport de ces parcelles.
Par acte d'huissier du 3 mai 2013, sur le fondement de l'article L.411-60 du code rural et de la pêche maritime, le GFA du Chêne à fait délivrer à M. [X] un congé pour reprise à son profit, l'exploitation des parcelles devant être assurée par l'un des associés en la personne de M. [P] [V], et ce à effet du 22 décembre 2014 pour une partie des parcelles d'une superficie de 15,9065 ha et du 10 novembre 2014 pour le surplus.
Par requête enregistrée au greffe le 2 septembre 2013, M. [X] a fait convoquer le GFA du Chêne devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Sarrebourg. Au dernier état de la procédure il a demandé au tribunal de :
- annuler le congé délivré à la demande du GFA du Chêne le 3 mai 2013
- dire et juger qu'il bénéficiera d'un nouveau bail de renouvellement de 9 années aux conditions du bail en cours à compter du 22 décembre sur les parcelles ainsi désignées:
sur la commune d'[Localité 12] :
' section 30 n°[Cadastre 4] '[Localité 9]' 5 ha 67 a 21 ca
' section 30 n°[Cadastre 8] 'entre deux ruisseaux' 3 ha 0 a 79 ca
' section 31 n°[Cadastre 3] '[Localité 10]' partiellement, à hauteur de 13 ha 37 a 60 ca
sur la commune de [Localité 13] :
' section 18 n°[Cadastre 5] '[Localité 11]' 0 ha 16 a 49 ca
- condamner le GFA du Chêne à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile et aux dépens.
Le GFA du Chêne a demandé au tribunal de débouter M. [X] de ses prétentions et de :
- valider le congé délivré le 3 mai 2013
- condamner M. [X] ainsi que tout occupant de son chef à libérer les parcelles sous peine d'astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir
- subsidiairement surseoir à statuer dans l'attente que M. [V] obtienne une autorisation définitive d'exploiter
- condamner M. [X] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile et aux dépens.
Par jugement du 24 mars 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux de Sarrebourg a :
- déclaré nul le congé signifié le 3 mai 2013 à la demande du GFA du Chêne à M. [X]
- constaté en conséquence que les baux en cause se trouvent renouvelés pour une durée de 9 ans
- rejeté les autres demandes des parties
- condamné le GFA du Chêne à payer à M. [X] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration réceptionnée au greffe de la cour le 27 avril 2016, le GFA du Chêne a formé appel de ce jugement.
Par arrêt du 8 décembre 2016, la cour a déclaré l'appel recevable et :
- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que le congé délivré était régulier en la forme et en ce que les statuts du GFA du Chêne autorisaient l'exploitation directe et que M. [P] [V] ne remplissait pas la condition de capacité professionnelle pour exercer la reprise
- l'a infirmé pour le surplus et statuant à nouveau dit et jugé que M. [P] [V] remplit la condition de possession du matériel et du cheptel nécessaires à l'exploitation
- sursis à statuer sur la contestation du congé délivré le 3 mai 2013 jusqu'à l'issue de la procédure pendante devant le tribunal administratif de Strasbourg suite au recours exercé par M. [P] [V] à l'encontre de l'arrêté du préfet de la Moselle du 16 juin 2014 portant refus d'autorisation d'exploiter
- réservé à statuer sur le surplus des demandes.
Le GFA du Chêne a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt et M. [X] a formé pourvoi incident. Par arrêt du 5 avril 2018, la Cour de cassation a rejeté les pourvois et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Par arrêt du 7 juin 2018, la cour administrative de Nancy a confirmé le jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg le 27 juillet 2017 ayant annulé :
- la décision du préfet de la Moselle du 16 juin 2014 refusant à M. [V] une autorisation d'exploiter et la décision implicite portant rejet du recours gracieux formé le 6 octobre 2014 par M. [V] à l'encontre de cette décision
- la décision du préfet de la Moselle du 16 juin 2014 accordant à M. [H] [X] une autorisation d'exploiter et la décision implicite portant rejet du recours
- la décision du ministre et de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt du 29 décembre 2014, rejetant le recours hiérarchique de M. [V]
- la décision du préfet de la Moselle refusant au GFA du Chêne une autorisation d'exploiter.
Par conclusions enregistrées au greffe de la cour le 5 octobre 2018, le GFA du Chêne a repris l'instance et par arrêt du 23 mai 2019, la cour a ordonné le sursis à statuer sur la contestation du congé délivré le 3 mai 2013 jusqu'à l'arrêt à intervenir du Conseil d'Etat suite au recours formé par M. [X] à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 7 juin 2018. Par arrêt du 10 février 2020, le Conseil d'Etat a rejeté ce pourvoi.
Par conclusions du 24 mars 2021, le GFA du Chêne a repris l'instance et demande à la cour d'infirmer le jugement du 24 mars 2016 et de :
- valider le congé qu'il a délivré à M. [X] le 3 mai 2013
- condamner M. [X] ainsi que tout occupant de son chef à libérer les parcelles sous peine d'astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
- condamner M. [X] à l'indemniser de la perte d'exploitation subie depuis la date d'effet du congé soit depuis le 22 décembre 2014 pour une partie correspondant à 15,9065 ha des parcelles qui lui sont attribuées par le remembrement et le 10 novembre 2014 pour le surplus des locations, chiffrée à un montant de 248 616 euros
- subsidiairement le condamner au paiement d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure à l'échéance du congé, chiffrée à 90.611,44 euros
- très subsidiairement, le condamner à l'indemniser de la perte d'exploitation subie chiffrée pour l'année 2020 et 2021 à un montant de 82.872 euros ou à tout le moins à une indemnité d'occupation fixée à 4 fois le montant du fermage, soit 33.851,28 euros pour les années 2020 et 2021, outre un montant d'arriérés de fermage pour 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, soit 14.190,04 euros
- à défaut désigner un expert agricole et foncier afin de déterminer et chiffrer le préjudice résultant de la privation des années d'exploitation
- débouter M. [X] de ses demandes
- le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le GFA du Chêne expose qu'en suite de l'arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour administrative d'appel de Nancy, il a confirmé le 20 février 2019 sa demande d'autorisation d'exploiter au préfet de la Moselle, qu'en l'absence réponse dans le délai de quatre mois une décision tacite favorable était acquise le 20 juin 2019, que le préfet l'a reconnu par courrier du 19 août 2019 en indiquant cependant qu'il envisageait de retirer la décision et qu'il n'en a finalement rien fait après avoir reçu ses observations, de sorte que la décision d'autorisation est définitive.
Il indique qu'il a été définitivement jugé que le congé est régulier en la forme, que M. [V] remplit la condition de possession du matériel et du cheptel nécessaires à l'exploitation, qu'il a pris l'engagement dans le congé d'exploiter les biens repris pendant 9 ans, qu'il n'y a pas lieu de préjuger du non respect de cet engagement qui peut faire l'objet d'un contrôle a posteriori et qu'il demeure toujours à l'adresse figurant dans l'acte laquelle se situe sur les mêmes communes que les terres objet de la reprise à l'exception d'une parcelle qui se trouve à 3 kilomètres seulement et qu'en conséquence, la condition d'habitation située à proximité du fonds est remplie.
Sur la condition de capacité professionnelle, le GFA du Chêne soutient justifier d'une autorisation d'exploiter et que le recours tardif introduit par M. [X] devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'encontre de cette autorisation est purement dilatoire pour justifier une nouvelle demande de sursis à statuer et qu'en application de l'article L.411-58 du code rural, le sursis est facultatif. Il conteste par ailleurs le comportement déloyal que lui prête M. [X] en précisant que la décision du préfet a été affichée en mairie aux fins d'opposabilité aux tiers. Il explique que ses pertes d'exploitation sont considérables et qu'un nouveau sursis aurait pour conséquence de l'empêcher d'exploiter encore plusieurs années en attendant l'issue de la procédure administrative qui peut être longue, alors que la décision d'autorisation d'exploiter est exécutoire et que le recours introduit par M. [X] n'a pas d'effet suspensif.
L'appelant fait valoir que la demande d'indemnisation est recevable alors même qu'elle n'a pas été formulée en première instance, en application de l'article 566 du code de procédure civile, s'agissant d'une prétention accessoire à l'opposition à contestation du congé formée par M. [X] et à sa propre demande de validation du congé.
Sur le fond, il soutient avoir été privé de 7 années d'exploitation, que son préjudice a été chiffré à 248.616 euros par M. [Y] expert près les tribunaux, spécialisé en matière agricole, que les chiffres annoncés par M. [X] (13.839,88 euros par année culturale) pour s'opposer à la demande, ne sont pas comparables dans la mesure où la configuration de l'exploitation n'est pas identique, que le rapport de M. [Y] est détaillé et chiffré et qu'aucune contestation précise n'est formulée à son encontre.
A titre subsidiaire, il souligne qu'à défaut de retenir le préjudice tiré du défaut d'exploitation, l'intimé doit en tout état de cause être condamné au paiement d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure à l'échéance du congé, laquelle doit être calculée sur la base du revenu procuré par les biens immobiliers compte tenu de la rémunération du travail du preneur pour obtenir ces revenus et que faute par celui-ci de produire la marge brute de son exploitation, l'indemnité d'occupation doit être fixée à quatre fois le montant du fermage, soit 90.611,44 euros au total.
Plus subsidiairement, si la cour fait droit au moyen de M. [X] relatif à la prorogation de plein droit du bail en raison du sursis à statuer, l'appelant prétend que l'indemnisation est due en tout état cause pour les années 2020, 2021 et 2022, l'autorisation d'exploiter ayant été obtenue en juin 2019, et que dans ce cas le préjudice ressort à 124.308 euros. Il soutient qu'à défaut de prendre en considération le préjudice d'exploitation, l'intimé doit payer a minima une indemnité d'occupation pour ces trois années, soit la somme de 22.526,64 euros au total à laquelle s'ajoutent les arriérés de fermage pour les années 2015 à 2019 dans la mesure où il n'a pas encaissé les fermages que lui a adressés M. [X] pour que cela ne soit pas analysé comme une renonciation au congé.
M. [X] demande à la cour de :
- dire n'y avoir lieu de faire droit à la demande de reprise d'instance
- surseoir à statuer sur la contestation du congé délivré le 3 mai 2013 jusqu'à l'issue du recours formé devant le tribunal administratif de Strasbourg
- réserver le surplus des demandes et les dépens
- subsidiairement et à défaut, confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 24 mars 2016 en ce qu'il a annulé le congé délivré le 3 mai 2013
- déclarer irrecevable la demande indemnitaire ainsi que la demande en arriéré de fermage
- à titre infiniment subsidiaire, débouter le GFA du Chêne de l'ensemble de ses demandes
- en tout état de cause, condamner le GFA du Chêne à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Sur la demande de sursis à statuer, il expose que c'est seulement à l'occasion de l'acte de reprise d'instance de l'appelant, de ses conclusions récapitulatives du 22 mars 2021 et du bordereau de pièces, qu'il a appris que celui-ci était désormais titulaire d'une autorisation au titre de la législation des structures agricoles et qu'il a introduit un nouveau recours devant le tribunal administratif de Strasbourg le 17 mai 2021 pour solliciter son annulation. Il prétend que la communication tardive des pièces du GFA du Chêne ne répond pas à l'obligation de loyauté qui est l'un des éléments constitutifs du droit au procès équitable consacré par l'article 6-1 de la convention Européenne des droits de l'Homme.
Sur le fond, l'intimé rappelle que la cour a définitivement jugé que M. [V] ne disposait, à la date du congé, ni des conditions de capacités, ni des conditions d'expérience professionnelles prescrites par l'article L.411-59 du code rural, que l'autorisation supplétive au titre de la législation des structures n'a pas été produite et qu'en conséquence le congé doit être annulé.
Il soutient par ailleurs que la réclamation indemnitaire du GFA du Chêne et sa demande d'arriérés de fermages sont irrecevables comme étant nouvelles devant la cour et que ces prétentions ne sont ni l'accessoire ni le complément de la défense opposée à la demande principale qui porte sur la contestation d'un congé. Il prétend également que ces demandes sont dépourvues de fondement en expliquant qu'elles méconnaissent la portée des dispositions de l'article L.411-58 4°, 5° et 6° du code rural selon lesquelles le bail est prorogé de plein droit lorsque le sursis à statuer a été ordonné. L'intimé rappelle à cet égard que la cour a sursis à statuer à deux reprises, que par voie de conséquence le bail a été prorogé à son profit et que faute par M. [V] d'obtenir l'autorisation requise, la prorogation se poursuit jusqu'à ce que la cour statue. Il précise que contrairement à ce qu'il soutient, le GFA du Chêne ne peut prétendre à une indemnité, même pour les années 2020 et 2021, puisque pour ces deux années M. [V] n'a pas obtenu l'autorisation d'exploiter qu'il devait solliciter personnellement, qu'en tout état de cause l'appelant ne peut se prévaloir d'une autorisation administrative d'exploiter définitive à son profit puisqu'un recours a été formé devant le tribunal administratif à l'encontre de la décision implicite du préfet de la Moselle.
M. [X] fait également valoir que les estimations versées aux débats pour étayer la demande d'indemnisation, sont dépourvues de toute consistance, que M. [Y] fait abusivement état de sa qualité d'expert devant les tribunaux alors qu'il n'est pas intervenu à ce titre mais à la seule demande du GFA du Chêne et que le résultat de son rapport quant au manque à gagner (248.616 euros sur 5 ans) est aberrant, sans commune mesure avec la marge brute globale que lui-même obtient (13.839,88 euros par an). Sur la demande en paiement d'arriérés, il expose justifier avoir toujours réglé son fermage.
A l'audience du 12 mai 2022, les parties représentées par leurs conseils ont repris oralement leurs écritures déposées le 9 mai 2022 par le GFA du Chêne et le 3 mai 2022 par M. [X].
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime que le bénéficiaire de la reprise doit notamment justifier par tous moyens qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L.331-2 à L.331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions.
L'article L.411-58 (alinéa 4) du même code dispose que si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitation agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une décision définitive.
Le texte précise (alinéa 7) que lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d'une société et si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.
En l'espèce, le congé contesté est motivé par une reprise des terres par le GFA du Chêne, l'exploitation des parcelles devant être assurée par l'un de ses associés en la personne de M. [P] [V]. Par arrêt du 8 décembre 2016, la cour a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que M. [V] ne remplissait pas la condition de capacité professionnelle pour exercer la reprise. Cependant conformément à l'article L.411-59, le bénéfice d'une autorisation d'exploiter dispense le bénéficiaire de la reprise de justifier de la capacité ou de l'expérience professionnelle.
Il résulte des pièces figurant au dossier que le refus du opposé par le préfet de la Moselle à la demande préalable d'autorisation d'exploiter les parcelles litigieuses présentée par le GFA du Chêne au mois de novembre 2014, a été annulé par le tribunal administratif de Strasbourg par jugement du 27 juillet 2017, confirmé par arrêt de la cour administrative de Nancy du 7 juin 2018 et que le Conseil d'Etat a rejeté le 10 février 2020 le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt. Le GFA du Chêne justifie avoir obtenu depuis lors, par décision tacite implicite en date du 20 juin 2019, l'autorisation d'exploiter les terres. Toutefois, bien qu'exécutoire, l'autorisation d'exploiter n'est pas définitive et M. [X] établit avoir introduit avec M. [H] [X], un recours en annulation de cette décision au mois de mai 2021, la procédure étant actuellement pendante devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il n'est pas établi que ce recours a été formé tardivement à des fins purement dilatoires alors qu'il n'est ni démontré, ni même allégué que la décision a été notifiée à un moment quelconque au preneur et que l'affichage en mairie de l'autorisation ne permet pas de considérer à lui seul que M. [X] en a eu effectivement connaissance avant la reprise d'instance effectuée le 24 mars 2021, étant observé que cet affichage est lui-même intervenu presque un an après la décision. Si le sursis à statuer n'a qu'un caractère facultatif, il reste le meilleur moyen de préserver la sécurité juridique, ce qui a été retenu par les deux précédentes décisions de sursis des 8 décembre 2016 et 23 mai 2019. Dès lors, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il apparaît nécessaire d'ordonner un nouveau sursis à statuer sur la contestation du congé notifié le 3 mai 2013, jusqu'à l'issue de la procédure introduite devant le tribunal administratif de Strasbourg par MM. [X] à l'encontre de la décision tacite implicite en date du 20 juin 2019 autorisant le GFA du Chêne à exploiter les parcelles litigieuses.
Le surplus des demandes et les dépens sont réservés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
ORDONNE le sursis à statuer sur la contestation du congé notifié le 3 mai 2013 jusqu'à l'issue de la procédure introduite devant le tribunal administratif de Strasbourg par MM. [B] et [H] [X] à l'encontre de la décision tacite implicite en date du 20 juin 2019, autorisant le GFA du Chêne à exploiter les parcelles, objet de ce congé ;
DIT que la présente procédure sera remise au rôle et les parties convoquées à une audience dès que l'une des parties en fera la demande et produira la décision définitive du tribunal administratif de Strasbourg ou de toute juridiction d'appel statuant sur la contestation de la décision du 20 juin 2019;
RÉSERVE le surplus des demandes et les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT