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07/07/2022 | FRANCE | N°20/01817

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 07 juillet 2022, 20/01817


Arrêt n° 22/00544



07 Juillet 2022

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N° RG 20/01817 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLKJ

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

28 Septembre 2020

F 19/283

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



sept juillet deux mille vingt deux





APPELANT :



M. [T] [L]
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Représenté par Me Sarah SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES





INTIMÉE :



CAISSE AUTONOME NATIONALE DE SECURITE SOCIALE DANS LES MINES (CANSSM) prise en sa direction territori...

Arrêt n° 22/00544

07 Juillet 2022

---------------------

N° RG 20/01817 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLKJ

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

28 Septembre 2020

F 19/283

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

sept juillet deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [T] [L]

[Adresse 2]

Représenté par Me Sarah SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES

INTIMÉE :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE SECURITE SOCIALE DANS LES MINES (CANSSM) prise en sa direction territoriale de l'Est, CARMI de l'Est exerçant sous l'enseigne FILIERIS, prise en la personne de son Directeur Régional en exercice

[Adresse 1]

Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Alexandre DUPREY, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, conseillère pour la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [T] [L] a été embauché par la Société Secours Minière de Moselle-Est (SSM), devenue CARMI puis CANSSM (Caisse Autonome Nationale de Sécurité Sociale dans les Mines) exerçant sous l'enseigne Filieris.

Le 1er juin 1999, il a conclu avec cette dernière un contrat « capital viager logement », remboursable par versements mensuels correspondant aux indemnités de logement auxquelles il pouvait prétendre.

M. [L] a été mis à la retraite par décision du 28 janvier 1999 prenant effet au 30 juin 1999.

Par lettre du 16 janvier 2017, estimant le remboursement du montant de ce capital atteint, M. [L] a vainement demandé au directeur de la CARMI-Est la reprise du paiement des avantages en nature.

Par acte introductif enregistré au greffe le 10 septembre 2019 et modifié ultérieurement, M.[L] a saisi le conseil de prud'hommes de Forbach aux fins de :

- Débouter Filieris de l'intégralité de ses fins et prétentions,

- Constater que Filieris aurait dû reprendre le versement des indemnités liées aux avantages en nature à compter de l'amortissement du prêt, soit en septembre 2016,

- Condamner Filieris à verser à M. [L] :

- 13 593,95 € au titre des avantages en nature logement retirés à tort du 01/10/2016 au 31/07/2019,

- 401,72 € par mois au titre des avantages en nature logement à compter du 01/08/2019, nonobstant les réévaluations annuelles,

- 5 000,00 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du défaut de reprise des avantages en nature et la résistance abusive de Filieris,

- 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La CANSSM soulève à titre principal l'irrecevabilité des demandes formées par M. [L] et subsidiairement sur le fond s'oppose aux demandes formées contre elle, sollicitant qu'il lui soit versée 3 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 septembre 2020, le Conseil de prud'hommes de Forbach, section activités diverses, a statué ainsi qu'il suit :

- Déboute M. [L] de ses demandes, fins et conclusions,

- Déboute Filieris de sa demande in limine litis,

- Déboute Filieris du surplus de ses demandes reconventionnelles,

- Condamne M. [L] aux entiers frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 15 octobre 2020 et enregistrée au greffe le jour même, M. [L] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 27 février 2021 et notifiées par voie électronique le 1er mars 2021, M. [L] demande à la Cour de :

- Infirmer, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Forbach et, statuant à nouveau :

. débouter FILIERIS de l'intégralité de ses fins et prétentions,

. constater que FILIERIS aurait dû reprendre le versement des indemnités liées aux avantages

en nature à compter de l'amortissement du prêt, soit en octobre 2016,

. condamner FILIERIS à verser à M. [L] :

- 19 667,99 € au titre des avantages en nature logement retirés à tort du 01/10/2016 au

31/10/2020,

- 405,74 € par mois au titre des avantages en nature logement à compter du 01/11/2020,

nonobstant les réévaluations annuelles,

- 5 000,00 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du défaut de reprise des

avantages en nature et la résistance abusive de FILIERIS,

- 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et 3500€ à hauteur de cour,

. condamner FILIERIS en tous les frais et dépens, d'instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2021, la CANSSM demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Forbach du 28 septembre 2020 en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande d'irrecevabilité des demandes de M. [L],

- Statuant à nouveau sur ce chef de jugement infirmé :

. juger les demandes de M. [L] irrecevables car prescrites,

- Subsidiairement, en cas de rejet du moyen tiré de la prescription, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Forbach le 28 septembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- En tout état de cause :

. débouter M. [L] de toutes ses demandes, moyens, fins et prétentions,

. condamner M. [L] à payer à la CANSSM la somme de 6 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure (3 000,00 € au titre de la première instance, 3 000,00 € au titre de l'instance d'appel) ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2022.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la demande en paiement des indemnités liées à l'avantage en nature logement :

- sur la prescription de la demande

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit « a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

S'agissant en l'espèce d'une demande tendant à la reprise des versements des indemnités liées à l'avantage en nature tiré du logement, le délai de prescription applicable est celui prévu par l'article 2224 précité, concernant les actions personnelles ou mobilières, et non celui prévu par l'article L 3245-1 du code du travail qui ne concerne que le paiement ou la répétition des salaires.

Il est rappelé que cette prescription de l'article 2224 du code civil, telle qu'issue de la loi du 17 juin 2008, qui réduisait la durée antérieure de la prescription qui était de 30 ans à 5 ans, s'est appliquée, selon les dispositions transitoires de cette loi, aux prescriptions en cours à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, de sorte que ce délai de prescription réduit à cinq ans s'est trouvé définitivement applicable à compter du 18 juin 2013, cinq ans après la promulgation de la loi, et était celui applicable à l'action que M. [L] a introduite le 10 septembre 2019.

La demande formée par M. [L] ne tend pas à l'annulation du contrat « capital-viager-logement » mais porte sur le paiement des indemnités mensuelles de logement exigibles à compter d'octobre 2016 et jusqu'en octobre 2020 inclus.

Le point de départ de la prescription étant fixé à la date d'exigibilité de ces indemnités, soit pour la plus ancienne d'entre elles à la date d'octobre 2016, il convient de constater que ces échéances ne sont pas prescrites comme étant exigibles depuis moins de 5 ans à la date de la demande.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera ainsi rejetée, et le jugement entrepris complété sur ce point en ce qu'il n'a pas statué expressément sur la recevabilité de la demande.

- sur le fond de la demande :

Conformément aux règlements en vigueur et notamment en vertu de l'article 23 du décret N° 46-1433 du 4 juin 1946 modifié, portant statut du personnel des exploitations minières et assimilées, les membres du personnel, chefs ou soutiens de famille, sont logés gratuitement par l'entreprise, ou, à défaut, perçoivent de celle-ci une indemnité de logement. Les autres membres du personnel peuvent percevoir également une indemnité mensuelle de logement ('). Les anciens membres du personnel et leur conjoint survivant (') peuvent recevoir des prestations de logement.

La cour entend rappeler que si un salarié ne peut valablement renoncer, tant que son contrat de travail est en cours, aux avantages qu'il tire d'une convention collective ou de dispositions statutaires d'ordre public, la renonciation est valable lorsqu'elle est effectuée au moment du départ en retraite du salarié.

En l'espèce, M. [T] [L] a signé le 1er juin 1999 un contrat « capital viager logement » aux termes duquel :

« Article 1 :

La Société de Secours Minière verse à M. [T] [L] un capital d'un montant de 411567,00 FF correspondant au coefficient de capitalisation sur une tête, à l'âge de 60 ans, de ses avantages en nature logement.

Article 2 :

M. [T] [L] s'oblige à s'acquitter de la dette qu'il a contracté à l'égard de la Société de Secours Minière par des versements mensuels dont le premier interviendra le 31 juillet 1999 et ainsi de suite, et ce, pendant la vie durant de M. [T] [L].

Article 3 :

Le montant des versements dus aux échéances mensuelles correspondra à celui de l'indemnité de logement à laquelle pourra effectivement prétendre M. [T] [L] à la date de l'échéance considérée.

Article 4 :

M. [T] [L] autorise la Société de Secours Minière, à retenir les sommes visées à l'article 3 lors de chaque échéance mensuelle de paiement de l'indemnité de logement qui lui est due.

Article 5 :

M. [T] [L] et son épouse renoncent expressément au bénéfice du logement ou de l'hébergement gratuit dans une habitation appartenant à la Société de Secours Minière ou gérée par elle, réservée au logement du personnel en application des dispositions de l'article 35 de la Convention Collective Nationale de travail des Personnels non cadres des Sociétés de Secours Minières. »

En outre, il est préalablement exposé dans les premières lignes de ce contrat que « la Société de Secours Minière offre à M. [T] [L], et à sa demande, la possibilité d'adhérer à un contrat viager comportant :

-le versement par la Société de Secours Minière d'un capital,

-le paiement mensuel à la Société de Secours Minière par le retraité, sa vie durant, d'une somme déterminée ».

M. [T] [L] demande qu'il soit fait application de ce contrat, sauf en son article 5 qui doit lui être déclaré inopposable en ce qu'il est contraire aux dispositions d'ordre public prévues par l'article 23 du statut précité, et qu'il ne pouvait renoncer à cet avantage alors qu'il était encore lié par son contrat de travail à la CANSSM.

Il demande la reprise du versement des indemnités de logement qui lui sont dues depuis octobre 2016, date à laquelle le capital prêté par la CANSSM a été intégralement remboursé.

La CANSSM s'oppose aux demandes formées par M. [L], estimant que celui-ci a valablement renoncé à percevoir ces indemnités en contrepartie de quoi un capital lui était versé afin de l'aider à financer l'acquisition de son logement au moment de sa mise à la retraite. Elle estime que ce type de contrat a été validé par la législation et différentes conventions collectives, et qu'il constitue non pas un renoncement à un avantage tiré du statut des mineurs ou d'une convention collective mais une modalité d'attribution de cet avantage prévue à la convention collective que le salarié est libre de demander lors de son départ en retraite.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que M. [L] a demandé à bénéficier du rachat de ses avantages en nature par lettre du 4 novembre 1998, en vue de sa retraite qu'il envisageait devoir prendre lorsqu'il aurait 60 ans, soit en juin 1999.

Par lettre du 28 janvier 1999, l'employeur lui répondait qu'il entendait le mettre à la retraite à compter du 30 juin 1999.

La conclusion du contrat est intervenue le 1er juin 1999 et a pris effet au 31 juillet 1999, date du premier versement mensuel, soit concomitamment au départ en retraite de M. [L].

Dès lors, il convient de constater que M. [L] pouvait valablement renoncer à percevoir les indemnités de logement auxquelles il pouvait prétendre à compter de sa retraite, étant souligné que cette renonciation aux indemnités logement « sa vie durant » avait une contrepartie non négligeable qu'était le versement d'un capital de 411 567,00 FF (soit 62 742,98 €) lui permettant l'acquisition de son logement.

L'article 5 de ce contrat ne contrevient donc pas aux dispositions d'ordre public prévues au statut et reste opposable à M.[L], comme toutes les autres mentions du contrat et notamment celle prévoyant clairement le versement de l'indemnité de logement par M. [L] et « sa vie durant » au profit de la Société de Secours Minière, conférant ainsi un caractère viager au contrat qui ne peut pas être analysé comme un contrat de prêt.

Il est rappelé au surplus que les contrats de capitalisation des indemnités logement ou chauffage ont déjà été validés, en ce qui concerne le pouvoir de contracter de l'employeur, tant par la loi, en l'espèce la loi de finances pour 2009, même si son objet était essentiellement fiscal, que par la jurisprudence, notamment au regard de l'habilitation du Ministre de l'Industrie et du Commerce en date du 13 octobre 2009 s'agissant du droit au logement et de la circulaire ministérielle du 1er septembre 1956 concernant l'indemnité de chauffage.

Le contrat « capital-viager-logement » faisant loi entre les parties, la demande formée par M.[L] en reprise du versement des indemnités logement n'est pas justifiée, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ces prétentions de ce chef.

Sur la demande principale en dommages et intérêts pour résistance abusive

La demande principale en paiement formée par M. [L] n'étant pas justifiée, il n'y a pas lieu à considérer l'attitude de la CANSSM, qui s'est opposée au paiement, comme abusive ou traduisant une volonté de nuire à M. [L].

La demande en dommages et intérêts formée par M. [L] à ce titre sera donc rejetée comme n'étant pas justifiée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L], partie perdante à l'instance, sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande en revanche de laisser à la CANSSM la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés dans la présente procédure. Sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la CANSSM (Caisse Autonome Nationale de Sécurité Sociale dans les Mines), exerçant sous l'enseigne Filieris, de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement des indemnités liées à l'avantage en nature logement ;

Déboute la CANSSM, exerçant sous l'enseigne Filieris, de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [T] [L] aux dépens d'appel.

Le GreffierP/ La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01817
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.01817 ?
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