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21/06/2022 | FRANCE | N°19/01720

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 21 juin 2022, 19/01720


Arrêt n° 22/00409



21 juin 2022

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N° RG 19/01720 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FCEC

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

05 juin 2019

17/00821

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt et un juin deux mille vingt deux







APPELANTE :



Mme [

J] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Hanane BEN CHIKH, avocat au barreau de METZ





INTIMÉE :



SARL AMBULANCES ET TAXIS FACE prise en la personne de son gérant

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par ...

Arrêt n° 22/00409

21 juin 2022

---------------------

N° RG 19/01720 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FCEC

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

05 juin 2019

17/00821

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt et un juin deux mille vingt deux

APPELANTE :

Mme [J] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Hanane BEN CHIKH, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

SARL AMBULANCES ET TAXIS FACE prise en la personne de son gérant

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Anne CAPELLE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Mme [C] a été embauchée par la SARL Ambulances et Taxis Face, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 16 septembre 2013, en qualité d'auxiliaire ambulancier.

Mme [C] percevait un salaire mensuel brut de 1 477,44 euros pour 152 heures mensuelles auquel s'ajoutait une prime d'ancienneté de 29,55 euros bruts.

Mme [J] [C] a signé une rupture conventionnelle et son contrat a pris fin le 16 mars 2017.

Par acte introductif enregistré au greffe le 07 août 2017, Mme [C] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

Condamner la SARL Ambulances et Taxis Face à lui payer les sommes de :

'2.915,40 euros brut au titre de rappel de salaire, primes et indemnités pour la période du 01/01/2014 au 31/12/2014 auquel s'ajoute la somme de 291,54 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

'1.543,94 euros brut au titre de rappel de salaire, primes et indemnités pour la période allant du 01/01/2015 au 31/12/2015 auquel s'ajoute la somme de 154,39 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

'2.379,72 euros brut au titre de rappel de salaire, primes et indemnités pour la période allant du 01/01/2016 au 31/12/2016 auquel s'ajoute la somme de 237,97 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

'110,16 euros brut au titre de ses congés payés pour l'exercice 2013-2014 ;

'460,10 euros brut au titre de ses congés payés pour l'exercice 2014-2015 ;

'134,20 euros brut au titre des congés payés supplémentaires dus au titre du fractionnent pour l'année 2014 ;

'139,46 euros brut au titre des congés payés supplémentaires dus au titre du fractionnement pour l'année 2015 ;

'5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

Avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir et exécution provisoire par application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du Travail.

Condamner la SARL Ambulances et Taxis Face à lui payer la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir pour le tout, en application de l'article 515 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la SARL Ambulances et Taxis Face aux entiers et frais dépens.

Par jugement du 05 juin 2019, le Conseil de prud'hommes de Metz, section activités diverses a statué ainsi qu'il suit :

- Déclare les demandes et l'acte de saisine de Mme [J] [C] recevables mais mal fondées,

- Déboute Mme [J] [C] de l'intégralité de ses demandes,

- Déboute la SARL Ambulances et Taxis Face, prise en la personne de son représentant légal, de l'intégralité de sa demande reconventionnelle,

- Dit que chaque partie supportera la charge de ses frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 04 juillet 2019 et enregistrée au greffe le jour même, Mme [C] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 08 avril 2021, Mme [C] demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de METZ en date du 05 juin 2019 en ce qu'il a déclaré l'acte de saisine et ses demandes recevables et en ce qu'il a débouté la SARL Ambulances et Taxis Face de ses demandes reconventionnelles.

- Débouter la SARL Ambulances et Taxis Face de ses demandes reconventionnelles et donner acte à celle-ci de ce qu'elle reconnaît être redevable à son égard de la somme de 3.136,65 euros bruts au titre du rappel d'heures supplémentaires pour les années 2014 à 2016.

- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de METZ en date du 05 juin 2019 pour le surplus.

Statuant à nouveau :

- Condamner la SARL Ambulances et Taxis Face à lui payer les sommes suivantes :

'2.915,40 euros brut au titre du rappel de salaire, primes et indemnités pour la période allant du 01.01.2014 au 31.12.2014 auquel s'ajoute la somme de 291,54 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

'1.543,94 euros brut au titre du rappel de salaire, primes et indemnités pour la période allant du 01.01.2015 au 31.12.2015 auquel s'ajoute la somme de 154,39 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

'2.379,72 euros brut au titre du rappel de salaire, primes et indemnités pour la période allant du 01.01.2016 au 31.12.2016 auquel s'ajoute la somme de 237,97 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

'110,16 euros brut au titre de ses congés payés pour l'exercice 2013-2014 ;

'460,10 euros brut au titre de ses congés payés pour l'exercice 2014-2015 ;

'134,20 euros brut, au titre des congés payés supplémentaires dus au titre du fractionnement pour l'année 2014;

'139,46 euros brut au titre des congés payés supplémentaires dus au titre du fractionnement pour l'année 2015;

'5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

Le tout avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement du première instance.

- Condamner la SARL Ambulances et Taxis Face face à lui payer la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles de première instance.

- Condamner la SARL Ambulances et Taxis Face à lui payer la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

- Condamner la SARL Ambulances et Taxis Face aux entiers frais et dépens de procédure, en ce compris les éventuels frais d'exécution forcée.

Par ses dernières conclusions datées du 05 août 2021, enregistrées au greffe le jour même, la SARL Ambulances et Taxis Face demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Metz du 05 juin 2019 en ce qu'il a déclaré l'acte de saisine de Mme [C] recevable,

Pour le surplus,

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Metz du 5 juin 2019 en ce qu'il a débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes,

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Metz du 05 juin 2019 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- Dire et juger que la requête de Mme [J] [C] est nulle,

- Déclarer par conséquent irrecevable la requête présentée par Mme [J] [C].

A titre subsidiaire :

- Débouter Mme [J] [C] de l'ensemble de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire :

- Constater que les demandes formulées par Mme [J] [C] ont été mal évaluées et que compte tenu des erreurs manifestes de décompte, la condamnation au titre du rappel d'heures supplémentaires ne pourra excéder 3.136,65 euros bruts pour les années 2014 à 2016.

En tout état de cause :

- Constater le versement d'une majoration de salaire à hauteur de 2% versée de manière indue à Mme [J] [C],

- Condamner Mme [J] [C] à lui rembourser par conséquent la somme de 564,91 euros nets ainsi que les congés payés y afférents soit 56,91 euros nets.

- Ordonner le cas échéant une compensation entre les condamnations éventuelles et le remboursement de l'indu,

- Condamner Mme [J] [C] à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux entiers frais et dépens de la procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 janvier 2022.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la nullité de la requête introductive d'instance

La SARL Ambulances et Taxis Face soutient à titre principal que la requête doit mentionner les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige mais que cette indication faisait incontestablement défaut au cas d'espèce.

La SARL Ambulances et Taxis Face ajoute que la transmission des pièces était incomplète, non numérotée, ni tamponnée, ce qui ne permettait pas de s'assurer d'une transmission exhaustive des éléments du dossier en demande.

La société ne conteste pas que la communication de pièces ait été régularisée par la suite mais souligne que les dispositions de l'article R.1452-2 du Code du Travail en vigueur n'ont pas été observées au moment des faits et estime que la requête introductive d'instance est nulle.

Mme [C] réplique qu'il n'y a aucun grief subi par la SARL Ambulances et Taxis Face du fait de l'absence d'indication dans la requête des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige et qu'il a été établi de nouvelles écritures en cours de procédure qui ont été communiquées avec un bordereau de pièces.

L'article R.1452-2 du code du travail, en sa version issue du décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017 applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 12 mai 2017, dispose que : « La requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes. Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. (') »

Quant à l'article 58 du code de procédure civile, applicable au litige dans sa rédaction issue du décret n° 2015- 282 du 11 mars 2015, il prévoit :

« La requête ou la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire n'ait été préalablement informé.

Elle contient à peine de nullité :

1° Pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur;

Pour les personnes morales : l'indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l'organe qui les représente légalement ;

2° L'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social;

3° L'objet de la demande.

Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Elle est datée et signée. »

Enfin, l'article 127 du code de procédure civile précise que « s'il n'est pas justifié, lors de l'introduction de l'instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation ».

En l'espèce, il résulte de la combinaison de ces textes que l'absence d'indication relative à la tentative de résolution amiable du litige ne constitue pas une cause de nullité de la saisine par Mme [C] puisque seul le défaut des trois premières mentions relatives à l'identification des parties au litige et à l'objet de la demande est sanctionné par la nullité de la requête.

Le défaut de mention des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable n'a par ailleurs causé aucun grief à la SARL Ambulances et Taxis Face.

De surcroît, outre que selon l'article R.1452-2 du code du travail susvisé, le fait pour la demanderesse de ne pas verser à l'appui de sa requête l'intégralité des pièces dont elle entend se prévaloir n'est pas sanctionné par la nullité de l'acte, la cour observe que la requête de Mme [C] devant le conseil de prud'hommes était accompagnée d'un certain nombre de pièces, que cette requête exposait précisément les demandes de la salariée et les motifs développés au soutien de celles-ci et que la SARL Ambulances et Taxis Face reconnaît elle-même que l'ensemble des pièces ont été transmises au cours de la procédure de sorte que cette dernière avait connaissance de la nature des demandes et de leur étendue et qu'aucun grief ne peut ainsi être caractérisé.

Aussi, dès lors qu'aucune nullité n'est encourue, la cour confirme le rejet par la juridiction prud'homale de l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevée par la SARL Ambulances et Taxis Face.

Sur la demande de rappel de salaire

Mme [C] demande un rappel de salaire global au titre des heures supplémentaires, des indemnités pour travail le dimanche et de la majoration des jours fériés.

Mme [C] affirme que ses feuilles de route constituent des pièces susceptibles d'étayer de manière irréfutable les horaires de travail qu'elle invoque et conteste les décomptes réalisés par la société puisqu'ils ne reprenaient pas dans leur intégralité les heures de travail figurant sur feuilles de route hebdomadaires.

Mme [C] souligne qu'aucun accord d'entreprise n'a été adopté au sein de la SARL Ambulances et Taxis Face concernant la modulation du temps de travail et qu'aucune modulation du temps de travail ne pouvait s'appliquer.

La SARL Ambulances et Taxis Face, outre qu'elle conteste l'irrégularité de la modulation du temps de travail, soutient que les éléments versés au débat par Mme [C] sont imprécis et conclut que Mme [C] n'étaye pas sa demande de rappel de salaire.

La SARL Ambulances et Taxis Face souligne que les éléments de calculs sont erronés dans la mesure où la salariée n'a pas pris en considération les heures supplémentaires mentionnées sur les bulletins de paie et que tous les mois la société a joint aux bulletins de paie remis aux salariés un décompte des temps de travail auquel elle estime qu'il convient de se référer.

La société ajoute que Mme [C] ne justifie pas d'une demande de réalisation d'heures supplémentaires émanant de l'employeur ou de l'autorisation de la Direction suite à sa propre demande d'effectuer d'heures supplémentaires.

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par la salariée et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par la salariée.

La salariée étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l'existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l'employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments.

Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La cour rappelle qu'en application de l'article 2 de l'avenant n °3 du 16 janvier 2008 modifiant l'article 3 de l'accord-cadre du 4 mai 2000, afin de tenir compte des périodes d'inaction (notamment au cours de services de permanence), de repos, repas, coupures et de la variation de l'intensité de leur activité, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants est décompté, dans les conditions visées ci-dessous, sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité prises en compte :

1. Services de permanence : Pour 75% de leurs durées

2. En dehors des services de permanence : Pour 90% de leurs durées.


En l'espèce, la cour constate d'abord que les bulletins de salaire de Mme [C] mentionnent une « modulation » pour le décompte des heures de travail qui est contestée par cette dernière.

L'avenant n°3 du 16 janvier 2008 à l'accord du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans les activités de transports routiers et activité auxiliaires prévoit à son article 6.4 intitulé « Mise en 'uvre d'un dispositif de modulation du temps de travail » que « la mise en place d'un régime de modulation du temps travail doit obligatoirement faire l'objet d'un accord d'entreprise ».

Or, la SARL Ambulances et Taxis Face se limite à souligner la régularité du mécanisme de modulation du temps de travail sans produire d'élément de justification, notamment un accord d'entreprise, alors que la mise en place d'un tel régime devait obligatoirement faire l'objet d'un accord d'entreprise d'après les dispositions conventionnelles précitées.

Dès lors, l'employeur n'établissant pas l'instauration d'un accord d'entreprise sur ce point, le mécanisme de modulation ne pouvait pas s'appliquer à Mme [C].

Ensuite, pour étayer sa demande en paiement des heures supplémentaires qu'elle déclare avoir accomplies entre 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2016, Mme [C] produit aux débats des feuilles de route hebdomadaires, lesquelles indiquent l'heure de prise de service, l'heure de fin de service et l'amplitude journalière, et sont signées par la salariée et l'employeur, ainsi que des tableaux récapitulatifs détaillant les heures supplémentaires mises en évidence par les feuilles de route et pondérées en fonction des périodes de permanence (75% de l'amplitude de travail) et hors permanence (90% de l'amplitude de travail).

Ces éléments, suffisamment précis pour étayer la demande de Mme [C] et permettant à l'employeur d'y répondre utilement, ne peuvent être considérés comme efficacement contredits par les décomptes des heures de travail annexés aux bulletins de paie dans la mesure où les feuilles de route signées chaque jour par la salariée et l'employeur sont manifestement plus fiables que les décomptes établis par l'employeur lui-même dans le cadre du régime de modulation dont il a été au demeurant jugé qu'il était inopposable à Mme [C].

Par ailleurs, la SARL Ambulances et Taxis Face ne démontre aucune erreur dans le décompte de la salariée qui a précisément repris l'ensemble des données des feuilles de route et les a comparées avec ce qui a été payé pour la période litigieuse du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Il sera également relevé que l'employeur, qui signait tous les jours les feuilles de route de Mme [C], avait manifestement connaissance que le travail confié imposait des heures supplémentaires mais n'a pas réagi, donnant ainsi son accord implicite à l'accomplissement de ces heures supplémentaires qu'il devait payer dans son intégralité.

En outre, s 'agissant des jours de travail le dimanche, en application des règles fixées par l'accord-cadre du 4 mai 2000 et de l'accord du 2 décembre 2004, le montant des indemnités pour travail le dimanche et jours fériés des personnels ambulanciers est fixé à :

18,67 euros à compter du 1er juillet 2009 ;

18,85 euros à compter de la date du 1er anniversaire de l'extension de l'avenant n° 3;

19,23 euros à compter de la date du 2e anniversaire de l'extension de l'avenant n° 3 ;

19,61 euros à compter de la date du 3e anniversaire de l'extension de l'avenant n° 3.

La SARL Ambulances et Taxis Face ne démontre pas qu'elle a bien payé les indemnités de l'ensemble des dimanches travaillés en 2014 tels qu'ils figurent sur les feuilles de route. Il convient donc de faire aussi droit à la demande de Mme [C] à ce titre.

En revanche Mme [C], qui allègue que « lorsqu'ils sont travaillés, en Alsace Moselle, les jours fériés sont payés double », ne cite aucune disposition du droit local ou conventionnelle qui prévoit un paiement double des jours fériés travaillés, excepté le 1er mai, de sorte qu'il faut écarter de ses décomptes les montants de 259,47 euros en 2015 et 19,44 euros en 2016 pris en compte à ce titre.

En définitive, au regard des éléments d'appréciation mis à sa disposition, la cour fait droit à la demande en paiement d'un rappel de salaire à hauteur de 2 915,40 euros bruts, outre 291,54 euros bruts de congés payés afférents, pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, de 1 284,47 euros bruts, outre 128,45 euros bruts de congés payés afférents, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 et de 2360,28 euros bruts, outre 236,03 euros bruts de congés payés afférents, pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, comprenant les heures supplémentaires et les indemnités pour travail le dimanche, ce après déduction des heures supplémentaires et des indemnités déjà payées par l'employeur.

Le jugement déféré sera par conséquent infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire mais confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de majoration des jours fériés.

Sur les congés payés

Mme [C] sollicite également un rappel de congés payés en se basant sur ses bulletins de paie, en dehors des heures supplémentaires précédemment retenues.

La SARL Ambulances et Taxis Face n'apporte aucune observation sur ce point, permettant en l'occurrence de contredire le calcul présenté par la salariée, et ne démontre pas avoir payé la totalité des congés payés restants que cette dernière n'a pas été en mesure de prendre tel qu'il en résulte de ses bulletins de paie de 2013, 2014 et 2015.

Infirmant le jugement entrepris, il sera donc alloué à Mme [C] la somme réclamée de 110,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour l'exercice 2013-2014 et 460,10 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour l'exercice 2014-2015.

Sur les congés payés de fractionnement

Mme [C] sollicite un rappel de congés payés pour fractionnement pour les années 2013, 2014 et 2015 dans la mesure où l'employeur ne lui permettait pas de prendre tous ses congés payés du 1er mai au 31 octobre.

Selon les articles L.3141-19 et L.3141-23 du code du travail, en cas de fractionnement des congés payés, le salarié a droit à deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours.

En l'espèce, Mme [C] se contente de préciser le nombre de jours revendiqués sans démontrer qu'elle satisfait aux conditions posées par le code du travail. En effet, elle ne justifie pas de jours de congés pris donnant lieu à des congés payés supplémentaires alors qu'il ressort de ses bulletins de paie qu'elle a pris les congés payés suivants, tous inclus dans la période du 1er mai au 31 octobre, à savoir :

Du 8 au 21 septembre 2014,

Le 31 août 2015,

Du 1er au 20 septembre 2015.

L'employeur n'ayant pas pris les mesures propres à assurer à la salariée la possibilité de prendre l'ensemble de ses congés payés, il lui revenait de payer à Mme [C] une indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux congés payés restants, ce qui a précédemment fait l'objet d'une régularisation, sans qu'il y ait toutefois un droit automatique aux congés payés supplémentaires pour fractionnement en dehors de tout congés payés pris pendant la période du 31 octobre au 1er mai.

Mme [C] sera dès lors déboutée de sa demande de congés payés pour fractionnement et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué en ce sens.

Sur le préjudice moral

Mme [C] demande des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait de la mise au placard de la part de son ancien employeur et qui l'a contrainte à mettre un terme à son contrat de travail en acceptant une rupture conventionnelle.

L'appelante produit à cet égard l'attestation de M. [I] [E], ambulancier, qui rapporte que « on lui (Mme [C]) répétait souvent que c'était grâce à son père qu'elle a été embauchée dans la société (') la direction l'a décrédibilisée devant ses collègues en nous demandant de ne pas la laisser conduire quand on était en ambulance et en remettant en cause ouvertement ses compétences d'ambulancière. C'est la seule employée qui n'a pas reçu le bon d'achat pour Noël (') Les relations entre [J] et l'entreprise ont continué à se dégrader jusqu'à ce qu'elle soit obligée d'accepter la rupture à l'amiable malgré sa situation financière difficile » et qui démontre que l'employeur refusait que la salariée conduise les ambulances alors que cette tâche faisait partie de ses attributions d'après son contrat de travail, la dénigrait et ne lui a pas attribué de chèque cadeau à Noël contrairement aux autres employés.

Le préjudice moral de Mme [C] sera évalué, au vu des éléments du dossier, à la somme de 2 000 euros et le jugement entrepris sera infirmé sur ce chef.

Sur le remboursement de l'indu

La SARL Ambulances et Taxis Face demande à titre reconventionnel le remboursement de la somme de 564,91 euros nets au motif qu'elle a payé à tort à Mme [C] une majoration de salaire de type 1 de 2% alors que la salariée n'avait pas à réaliser de tâches complémentaires.

L'article 12.5 de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 dispose que « lorsqu'en raison des activités annexes habituelles de l'entreprise, et dès lors que son contrat de travail ou un avenant à celui-ci le prévoit, un salarié est amené à effectuer les tâches définies au paragraphe a ci-dessous, qui peuvent nécessiter la possession d'attestation et/ou de diplôme ou le suivi de formations spécifiques, les montants du SMPG du mois considéré sont majorés conformément aux dispositions du paragraphe b ci-dessous.

a) Liste des tâches complémentaires

Personnel ambulancier

Type 1 :

- conduite de tous véhicules non sanitaires de moins de 10 places ;

- transport de corps avant mise en bière ;

- transport, livraison, installation et entretien du matériel médical.

(...)

b) Taux des majorations

Personnel ambulancier

Type 1 ... 2 % ».

En l'espèce, aucun élément ne met en évidence que Mme [C] a effectivement conduit des véhicules non sanitaires de moins de 10 places ou transporter, livrer, installer et entretenu du matériel médical, ce qu'elle n'évoque d'ailleurs pas dans ses conclusions, sachant qu'elle a été embauchée en qualité d'auxiliaire ambulancier et que ses missions habituelles étaient la conduite des véhicules sanitaires, le relevage, le brancardage, le portage et l'assistance et le transport des patients de sorte que la majoration de 2% n'aurait pas dû s'appliquer au profit de l'appelante qui devra rembourser à la SARL Ambulances et Taxis Face la somme réclamée de 564,91 euros nets ainsi que 56,49 euros nets au titre des congés payés afférent.

Cette somme viendra en compensation des rappels de salaire dus à la salariée et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point en ce sens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront également infirmées.

La SARL Ambulances et Taxis Face qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Conformément aux prescriptions de l'article 700 du code de procédure civile, la SARL Ambulances et Taxis Face sera condamnée à verser à Mme [J] [C] la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que l'acte de saisine de Mme [J] [C] était recevable et en ce qu'il a débouté Mme [J] [C] de sa demande de majoration des jours fériés et de sa demande de congés payés supplémentaires au titre du fractionnement.

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne la SARL Ambulances et Taxis Face à payer à Mme [J] [C] les sommes suivantes :

2 915,40 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, heures supplémentaires et indemnités de travail le dimanche compris,

291,54 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

1 284,47 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, heures supplémentaires et indemnités de travail le dimanche compris,

128,45 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

2 360,28 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, heures supplémentaires et indemnités de travail le dimanche compris,

236,03 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

110,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour l'exercice 2013-2014,

460,10 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour l'exercice 2014-2015,

1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [J] [C] à payer à la SARL Ambulances et Taxis Face la somme de 564,91 euros nets au titre la majoration de salaire pour tâches complémentaires ainsi que 56,49 euros nets au titre des congés payés y afférent.

Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties.

Condamne la SARL Ambulances et Taxis Face aux dépens de première instance et d'appel.

La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/01720
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-21;19.01720 ?
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