Arrêt n° 22/00269
20 Juin 2022
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N° RG 19/03082 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FFUU
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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social
08 Novembre 2019
16/1073
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 - Sécurité Sociale
ARRÊT DU
vingt Juin deux mille vingt deux
APPELANT :
Madame [Z] [I] veuve de Monsieur [N] [I]
[Adresse 5]
[Localité 2]
agissant en qualité d'ayant droit de M. [N] [I] décédé le 7.08.2021
représenté par l'association ADEVAT-AMP, prise en la personne de Mme [J] [U], salariée de l'association munie d'un pouvoir spécial
INTIMÉS :
Société TOTAL PETROCHEMICALS FRANCE
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe BIDAL, avocat au barreau de LYON
substitué par Me ANTONIAZZI-SCHOEN, avocat au barreau de METZ
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Adresse 9]
[Localité 6]
représenté par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ
CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM
ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur
et pour adresse postale
L'Assurance Maladie des Mines
[Adresse 11]
[Localité 4]
représentée par Mme [A], munie d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre
Mme Carole PAUTREL, Conseillère
Mme Sophie RECHT, Vice-Présidente placée
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation du 03.05.2022
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Né le 12 avril 1940, Monsieur [N] [I], a travaillé pour le compte de la société Total pétrochemichals France, venant successivement aux droits des sociétés CDF Chimie, NORSOLOR, ELF ATOCHEM , du 1er décembre 1969 au 31 août 1996. Il a occupé successivement les emplois de :
ServicePériodePoste occupé
Ammoniac 01.12.69 au 31.10.74 Conducteur machines synthèse
01. 11.1974 au 27.06.82 Conducteur machines
synthèse et reforming
Détachement Sce intérieur28.06.82 au 21.11.82 Garde gardiennage
Ammoniac 22.11.82 au 10.01.88 Conducteur machines
synthèse et reforming
Spécialités HCN 11.01.88 au 31.08.96 Opérateur HCN
II a déclaré, selon formulaire du 5 mai 2015, une maladie professionnelle sous forme de « Asbestose atteinte interstitielle fibrose » MP 30A, accompagnée d'un certificat médical initial du Docteur [R] en date du 6 octobre 2014.
Après instruction, par décision du 21 octobre 2015, l'assurance maladie des mines (ci-après la caisse) a pris en charge cette pathologie, asbestose avec fibrose, inscrite au tableau n° 30A, au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Par décision du 17 décembre 2015, la caisse a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 5 % et lui a attribué une indemnité en capital de 1.948,44 euros au 7 octobre 2014, lendemain de la date de consolidation.
Suite à une aggravation de la maladie professionnelle, asbestose avec fibrose pulmonaire, l'Assurance maladie des mines a porté le taux d'incapacité permanente de M.[I] à 10% à compter du 3 novembre 2017 lui donnant droit désormais à une rente à compter de cette date, impliquant le remboursement de la moitié de l'indemnité en capital précédemment versée.
Selon quittance subrogative du 17 mars 2016, Monsieur [N] [I] a accepté l'offre du FIVA d'indemniser les préjudices liés à sa maladie professionnelle 30A à hauteur de 12300 euros, se décomposant comme suit :
* 10.400 euros au titre du préjudice moral ;
* 300 euros au titre du préjudice physique ;
* 1.600 euros au titre du préjudice d'agrément.
Selon quittance subrogative du 14 juin 2016, [N] [I] a accepté l'offre du FIVA d'indemniser son préjudice d'incapacité fonctionnelle qui était restée en attente, à hauteur de la somme de 257,42 euros déduction faite du capital versé par l'organisme de sécurité sociale en réparation du même préjudice,complétée par une rente annuelle de 998 euros à compter du 1er avril 2016.
Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la caisse par courrier du 4 janvier 2016, Monsieur [N] [I] a, selon requête expédiée le 9 juin 2016, saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Moselle, aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société Arkema établissement de [Localité 8], dans la survenance de sa maladie professionnelle, et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent.
La société Arkema a informé le tribunal que ce recours ne la concernait pas .
Le 28 octobre 2016,Monsieur [N] [I] a modifié sa demande , la dirigeant contre la société Total Petrochemicals France.
Le FIVA est intervenu volontairement à l'instance et l'Assurance maladie des mines a été mise en cause.
Par jugement du 8 novembre 2019, le Pôle social du Tribunal de grande Instance de Metz, nouvellement compétent, a :
- déclaré Monsieur [N] [I] recevable en son action ;
- déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [N] [I] , recevable en son action;
- déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM- l'Assurance maladie des mines ;
- dit que la faute inexcusable de la société Total Petrochemicals France dans la survenance de la maladie professionnelle du tableau n°30A déclarée par Monsieur [N] [I] n'est pas établie ;
- débouté Monsieur [N] [I] et le FIVA de leurs demandes;
- condamné Monsieur [N] [I] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.
Par courrier recommandé expédié, le 28 novembre 2019, Monsieur [N] [I] a interjeté un appel de ce jugement qui lui avait été notifié par LRAR du 27 novembre 2019.
Monsieur [N] [I] est décédé, le 7 août 2021.
Sa veuve Madame [Z] [I] née [S] a repris l'instance.
Par conclusions du 20 septembre 2021 , soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son représentant,elle demande à la cour de :
- d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
- de juger que la maladie professionnelle dont était atteint Monsieur [N] [I] est la conséquence de la faute inexcusable de la société Total Petrochemicals France,
- de fixer à son maximum la majoration de sa rente, conformément à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale ( taux d'IPP 10%),
- de juger que l'Assurance Maladie des Mines devra verser cette majoration qui prendra la forme d'un capital concernant la rente ante mortem.
- de juger que cette majoration prendra effet à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle;
- condamner la société Total Petrochemicals France, aux dépens et au paiement de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites du 22 novembre 2021, verbalement développées à l'audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de:
- infirmer le jugement entrepris;
- juger recevable sa demande en qualité de créancier subrogé;
- juger que la maladie professionnelle 30A dont était atteint Monsieur [N] [I] est la conséquence de la faute inexcusable de la société Total Petrochemicals France;
- fixer à son maximum la majoration de rente servie à Monsieur [N] [I] et juger que l'Assurance maladie des mines devra verser:
+ les arriérés de majoration de rente dûs jusqu'à la date de la décision à intervenir au FIVA dans la limite des sommes qu'il a versées jusqu'à cette même date et à la succession de Monsieur [I] pour le solde éventuel;
+ les arrérages de majoration de rente à échoir à la succession de Monsieur [N] [I], le Fiva devant réviser l'indemnisation à sa charge en recalculant sa rente résiduelle à compter de la date de la décision conformément aux dispositions de l'article 53-VI de la loi du 23 décembre 2000.
- juger qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant,
- fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [N] [I] à raison de 10400 euros pour son préjudice moral et 300 euros pour ses souffrances physiques.
- juger que l'Assurance maladie des mines devra verser au FIVA cette somme de 10700 euros en sa qualité de créancier subrogé;
- condamner la société Total Petrochemicals France aux dépens et à payer au FIVA la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions reçues le 23 novembre 2021, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, la société Total Petrochemicals France demande à la cour de :
- confirmant le jugement entrepris, débouter Madame [Z] [I], veuve de M. [N] [I] et le FIVA de leurs demandes en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur;
- subsidiairement, débouter le FIVA de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice moral et des souffrances physiques, plus subsidiairement, les réduire à de plus justes proportions;
- débouter le FIVA de sa demande au titre du préjudice d'agrément;.
- en tout état de cause, rejeter la demande de Madame [Z] [I] , veuve de Monsieur [N] [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 27 juillet 2021, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM, demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société Total Petrochemicals France ;
Le cas échéant :
- fixer la majoration de rente dans la limite de 1.948,44 € ;
- dire et juger qu'elle versera entre les mains du FIVA les sommes susceptibles d'être allouées au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [N] [I];
- prendre acte qu'elle ne s'oppose pas à ce que la majoration de rente suive l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [N] [I] ;
- constater qu'elle ne s'oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de Monsieur [N] [I] consécutivement à sa maladie professionnelle ;
- déclarer irrecevable la demande éventuelle d'inopposabilité de la société Total Petrochemicals France ;
- condamner la société Total Petrochemicals France , dont la faute inexcusable aura préalablement été reconnue, à rembourser à la Caisse les sommes (principal et intérêts) qu'elle sera tenue de verser à Monsieur [I] et au FIVA au titre de la majoration de l'indemnité en capital et au FIVA, au titre des préjudices extra- patrimoniaux, en application de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, ainsi qu'aux pièces déposées par elles.
SUR CE:
Sur la faute inexcusable de l'employeur:
Madame [Z] [I], veuve de Monsieur [N] [I] fait valoir que l'employeur avait une conscience du danger particulièrement concrète, compte tenu de la réglementation alors applicable, des connaissances scientifiques de l'époque, mais également de l'importance, de l'organisation et de la nature de l'activité de l'employeur et des moyens importants dont il disposait. Elle fait valoir que malgré cette conscience du danger, l'employeur s'est abstenu de mettre en 'uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé de ses salariés ce qu'elle démontre par de nouveaux témoignages de collègues de travail de son époux produits en appel .
Le FIVA soutient les arguments développés par Madame [Z] [I] pour faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.
La société Total Petrochemicals France ne conteste pas qu'aient été utilisés sur le site de [Localité 8],pour l'essentiel au sein de l'atelier dit Ammoniaque, ou centrale gaz, des matériaux d'isolation et d'équipements de protection contenant de l'amiante, à l'époque où son utilisation n'était pas interdite.Elle fait valoir que pour autant, de par ses fonctions, l'exposition au risque de Monsieur [I], à la supposer établie, n'a pu être que ponctuelle. Elle souligne que le développement d'une maladie professionnelle ne peut en soi, caractériser dans ce contexte, une faute, à fortiori inexcusable et que sa responsabilité du chef des sociétés aux droits desquelles elle vient n'est pas susceptible d'être engagée au titre de la période d'emploi de Monsieur [I], celles-ci ne s'étant jamais vues dresser un procès-verbal d'infraction ou notifier une quelconque mise en demeure. Elle précise dès lors que l'employeur n'a pu avoir conscience d'un risque dont la dangerosité n'a été notoirement établie qu'à la fin du 20ème siècle et que les pièces produites par Monsieur [I] ne permettent pas de caractériser un manquement à l'obligation de sécurité, les nouvelles attestations qu'il verse aux débats émanant de Messieurs [Y], [O] et [W] manquant de force probante.
L'Assurance maladie des mines s'en remet à l'appréciation de la cour.
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En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise.
Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur ; le manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé de son salarié a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale , lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver .
La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime.
S'agissant de l'exposition au risque, la société Total Petrochemicals France reconnaît à minima une exposition indirecte et ponctuelle au risque amiante, lors de ses déplacements dans les unités ou des intervenants réalisaient en sa présence des travaux d'entretien sur des équipements qui pour certains pouvaient contenir de l'amiante ( cf rapport employeur- pièce n° 6 de la caisse).
Il convient de rappeler que l'abestose est une maladie caractéristique de l'inhalation de poussières d'amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30A des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d'entraîner les affections consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante .
Or, tel était bien le cas de Monsieur [N] [I] ainsi qu'en atteste un de ses anciens collègues sur le site de [Localité 8] , Monsieur [P] [W], son collègue de 1970 à 1988, dans une attestation datée du 10 juillet 2020, établie postérieurement au jugement entrepris et produite en appel . Ce témoin atteste que Monsieur [N] [I] était habilité lors des arrêts de maintenance, à intervenir et à prêter main forte pour tous les travaux de maintenance et à intervenir ainsi sur des fours calorifugés avec des matériaux à base d'amiante. Il précise que ses fonctions l'amenait à être présent lors de certains travaux sur les machines, telles que des opérations de décalorifugeage qui dégageaient massivement des poussières contenant des fibres d'amiante.
Si la cour écarte les deux autres attestations produites en appel, à savoir celle de Monsieur [K] [Y] rédigée en termes trop généraux et de surcroît non datée et celle de Monsieur [C] [O] au regard de ses liens avec M. [I], celui-ci n'étant autre que le Président de l'association ADEVAT-AMP qui le représente dans la présente procédure judiciaire, elle retient le témoignage précité d Monsieur [P] [W] caractérisant, de par ses fonctions sur le site de [Localité 8] pour le compte de sociétés aux droits desquelles vient la société Total Petrochemicals France, une exposition habituelle aux poussières d'amiante.
S'agissant de la conscience du danger, qu'avait ou aurait du avoir la société Total Petrochemicals France , la reconnaissance des dangers liés à l'amiante a été admise pour la première fois dès 1945, par la création du tableau n° 25 des maladies professionnelles, suivi par la création du tableau n° 30 en 1951. Par la suite, de nombreuses études scientifiques ont alerté des dangers liés à l'inhalation des poussières d'amiante. Le décret du 17 août 1977 est venu fixer des limites de concentration moyenne de fibres d'amiante dans l'atmosphère inhalées par un salarié pendant sa journée de travail.
Or compte tenu de son importance et de son organisation, de la nature de son activité , des moyens dont elle disposait pour s'informer et des travaux auxquels était affecté son salarié, la société Total Petrochemical , qui avait une parfaite conscience de l'existence de nombreux matériels contenant de l'amiante au sein de son entreprise, ne pouvait pas ignorer les dangers liés à l'inhalation de poussières d'amiante.
S'agissant de l'absence de mesures prises pour protéger la santé de son salarié, le témoignage précité de Monsieur [P] [W] confirme l'absence de protections individuelles respiratoires efficaces, l'absence d'extracteur d'air dans la salle des machines avec seulement une ventilation naturelle et l'absence de mise en garde sur les dangers de l'inhalation de poussières d'amiante sur la santé.
Force est de constater que l'employeur n'a pas mis en place des moyens de protection appropriés et suffisants pour permettre à Monsieur [N] [I] de se prémunir contre les risques que ses activités professionnelles faisaient courir sur sa santé.
La faute inexcusable de la société Total Petrochemicals France dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [N] [I] est ainsi caractérisée.
Sur les conséquences financières de la faute inexcusable:
Sur la majoration de rente:
En application de l'article L 452-1, L452-2 et L 452-3-1 du code de la sécurité sociale , la victime ou ses ayants droit , ont droit à la majoration des indemnités qui leur son dues à son taux maximum, la majoration étant payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les conditions déterminées par décret.
En l'espèce Monsieur [N] [I] s'est vu attribuer une indemnité en capital de 1948, 44 euros à la date du 7 octobre 2014, lendemain de la date de consolidation à laquelle son taux d'IPP en rapport avec sa maladie professionnelle, asbestose a été fixée à 5%.
En application de l'article précité , sa veuve est fondée à solliciter la majoration au maximum de cette indemnité, soit son doublement.
La maladie de M. [N] [I] s'étant postérieurement à cette date aggravée, le taux d'IPP de Monsieur [N] [I] ayant été porté à à 10% à compter du 3 novembre 2017 et la victime s'étant vu allouer par l'organisme de sécurité sociale une rente à compter de cette date , il convient dès lors de dire que cette majoration au maximum suivra l'évolution du taux d'IPP de M. [I] dans la limite des plafonds fixés par l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale.
Elle sera avancée par l'organisme de sécurité sociale qui la versera au FIVA, en sa qualité de créancier subrogé dans la limite des sommes qu'il a versées à la victime jusqu'à son décès et pour le solde éventuel à la succession de M. [N] [I].
Sur les souffrances physiques et morales de M. [N] [I]
Le FIVA qui a indemnisé la victime demande de voir fixer les préjudices personnels de Monsieur [N] [I] à la somme de 10400 euros au titre du préjudice moral et 300 euros au titre des souffrances physiques.
Il fait valoir que Monsieur [N] [I] souffre de troubles ventilatoires, d'une dyspnée à l'effort et de de toux surtout matinales.
Il souligne que ce poste de préjudice échappe à toute idée de consolidation, s'agissant d'une pathologie évolutive.
Il ajoute que le le préjudice moral est caractérisée par l'inquiétude de voir la maladie évoluer et précise qu'il n'est pas démontré que les souffrances physiques et morales de M. [I] imputables à sa maladie professionnelle , asbestose avec fibrose pulmonaire sont déjà indemnisées par l'indemnité en capital ou la rente dans le cadre du déficit fonctionnel permanent.
La société Total Petrochemicals France fait valoir que le FIVA ne rapporte pas la preuve de souffrances physiques et morales subies par Monsieur [I], distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent.
L'Assurance maladie des mines s'en remet à l'appréciation de la cour.
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ll résulte de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'évènement qui lui est assimilé.
L'indemnisation des souffrances physiques et morales prévues par ce texte ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la date de consolidation ou encore de l'absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent qui ,n'est ni prévue par ce texte, ni par les dispositions des articles L 434-1, L 434-2 et L 452-2 du code de la sécurité sociale, puisque la rente servie après consolidation est déterminée par la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle ne comprenant pas la prise en compte de quelconques souffrances. Il s'ensuit que la rente et sa majoration ne peuvent indemniser les souffrances endurées.
Le FIVA produit aux débats le rapport médical d'évaluation du taux d'IPP en MP fixé à la date de consolidation du 6 octobre 2014, date du certificat médical initial à 5% sur un état antérieur non précisé , si ce n'est qu'est mentionné l'existence d'une maladie professionnelle du 21 octobre 1998, des explorations fonctionnelles du 22 juillet 2015, un rapport médical de révision du taux incomplet ( 3 pages sur 4) et le compte rendu du scanner thoracique du 22 août 2017 mentionnant qu'outre l'asbestose, M. [N] [I] était aussi atteint de silicose.
Au vu de ces éléments médicaux faisant ressortir un état antérieur interférent, il n'est pas démontré que les troubles dont se plaignait Monsieur [N] [I] étaient imputables à sa maladie professionnelle, asbestose.
Le FIVA est par conséquent débouté de sa demande au titre des souffrances physiques.
S'agissant du préjudice moral, Monsieur [N] [I], était âgé de 74 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint d'asbestose avec fibrose pulmonaire.
L'anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d'une maladie irréversible due à l'amiante et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance est réparée par l'allocation d'une somme de 10000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l'âge de Monsieur [N] [I] au moment de son diagnostic.
Sur l'action récursoire de la caisse
Le principe de l'action récursoire dont dispose la caisse contre l'employeur en application des article L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale n'est pas discutée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'issue du litige conduit la cour à condamner la société Total Petrochemicals France aux dépens de première instance dont les chefs sont nés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel.
Par ailleurs, la société Total Petrochemicals France qui succombe principalement est condamnée à payer à Madame [Z] [I] , veuve de Monsieur [N] [I] et au FIVA, la somme de 1000 euros à chacun , au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement entrepris du Pôle social du tribunal de grande instance de Metz du 8 novembre 2019.
Statuant à nouveau,
DIT que la maladie professionnelle, asbestose avec fibrose pulmonaire , du tableau 30A du 6 octobre 2014 dont était atteint Monsieur [N] [I] est due à la faute inexcusable de la société Total Petrochemicals France.
ORDONNE la majoration au maximum de l'indemnité en capital allouée à Monsieur [N] [I], soit la somme de 1.948,44 euros .
DIT que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [N] [I], en cas d'aggravation de son état de santé et qu'elle sera versée par la Caisse Autonome Nationale de la sécurité Sociale dans les Mines au FIVA , créancier subrogé dans la limite des sommes versées à la victime jusqu'à son décès et pour le solde éventuel , à la succession de Monsieur [N] [I] .
DEBOUTE le FIVA de ses demandes au titre du préjudice de souffrances physiques.
FIXE l'indemnité en réparation du préjudice moral de Monsieur [N] [I] à la somme de 10.000 euros.
DIT que la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines devra verser ladite somme de 10.000 euros au FIVA, en sa qualité de créancier subrogé.
CONDAMNE la société Total Petrochemicals France à rembourser à la Caisse Autonome nationale de la sécurité sociale dans les Mines les sommes qu'elle aura versées au FIVA titre de la majoration de rente et du préjudice moral de la victime, sur le fondement des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale.
CONDAMNE la société Total Petrochemicals France à payer au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et à Madame [Z] [I], veuve de Monsieur [N] [I] , à chacun, la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Total Petrochemicals France aux dépens de première instance dont les chefs sont nés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président