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15/06/2022 | FRANCE | N°19/01832

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 15 juin 2022, 19/01832


Arrêt n° 22/00389



15 juin 2022

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N° RG 19/01832 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FCND

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

13 juin 2019

19/00020

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quinze juin deux mille vingt deux





APPELANT :



M. [D] [S]>
67 Avenida de la Osa Mayor- 28023 MADRID (ESPAGNE)

Représenté par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Michel NASSOY, avocat au barreau de THIONVILLE, avocat plaidant





INTIMÉE...

Arrêt n° 22/00389

15 juin 2022

---------------------

N° RG 19/01832 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FCND

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

13 juin 2019

19/00020

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quinze juin deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [D] [S]

67 Avenida de la Osa Mayor- 28023 MADRID (ESPAGNE)

Représenté par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Michel NASSOY, avocat au barreau de THIONVILLE, avocat plaidant

INTIMÉE :

S.A.S. SIXENCE ENGINEERING venant aux droits de la société SIXENCE IPRS, prise en la personne de son représentant légal

22-24 rue Lavoisier- 92000 NANTERRE

Représentée par Me Hélène PATTE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [D] [S] a été engagé par la SAS IPRS, selon contrat à durée déterminée, à compter du 30 mars 2009 au 31 mai 2010, en qualité de chargé d'affaires génie civile. La relation de travail s'est poursuivie par la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 1er juin 2010.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des personnels des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseil.

M. [S] percevait une rémunération mensuelle brute 3 029,82 €.

L'entreprise IPRS a été vendue en 2012 au groupe Vinci, sous la tutelle de Nuvia/Soletanche Freyssinet, désormais dénommée Sixence.

M. [S] a été mis à pied disciplinairement les 16 et 17 janvier 2017.

Il a été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 8 février 2017, au siège de la société situé dans le Var, entretien auquel il s'est pas rendu.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mars 2017, M. [S] a été licencié pour faute grave.

Par acte introductif enregistré au greffe le 14 novembre 2017 et modifié ultérieurement, M.[S] a saisi le conseil de prud'hommes de Thionville aux fins de :

Dire et juger le licenciement pour faute grave du demandeur sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la SAS IPRS Sixence à payer à M. [S] les sommes suivantes :

. indemnité compensatrice de préavis : 9 089,46 €

. congés payés sur préavis : 908,94 €

. indemnité conventionnelle de licenciement : 8 079,52 €

. dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 24 238,56 € net

. rappel de salaire pour les mois de février et mars 2017 : 4 635,78 € brut outre 463,57 € brut pour les congés payés afférents ;

. rappel d'indemnités kilométriques : 32 014,90 € brut

. remboursement de la CSG - CRDS : 19 362,29 €

. congés payés sur les armées 2017 et 2018 : 3 959,54 6 brut, et en conséquence, ordonner la recti'cation du solde de tout compte sous astreinte de 80 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

. remboursement des frais de déplacement : 3 808,00 €,

. dommages et intérêts pour remise tardive des documents de 'n de contrat: 2 000,00 €

. dommages et intérêts pour harcèlement moral : 36 128,00 €

. article 700 du code de procédure civile : 4 000,00 €

Condamner la SAS IPRS Sixence aux entiers dépens,

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La SAS IPRS Sixence s'opposait aux demandes formées contre elle et sollicitait le versement de la somme de 1 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Thionville, section activités diverses, a statué ainsi qu'il suit :

Dit que le licenciement prononcé par la SAS IPRS Sixence à l'encontre de M. [S] repose sur une faute grave,

En conséquence,

Déboute M. [S] de ses demandes formées à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, à titre d'indemnité de préavis et congés payés sur préavis,

Déboute M. [S] de ses demandes formées à titre de rappel de salaire de février et mars 2017, et des congés payés y afférents,

Déboute M. [S] de sa demande à titre d'annulation de la mise à pied disciplinaire des 16 janvier et 17 janvier 2017,

Déboute M. [S] de sa demande à titre de rappel d'indemnité kilométrique et à titre de frais de déplacements,

Déboute M. [S] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents post-contractuels,

Déboute M. [S] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Dit que le conseil de prud'hommes est incompétent matériellement pour connaître de la demande formée par M. [S] à titre de remboursement de la CSG et de la CRDS,

Condamne la SAS IPRS Sixence prise en la personne de son représentant légal, à payer à M.[S] la somme de 134,24 € bruts à titre de reliquat de congés payés pour les années 2017 et 2018,

Met les dépens à la charge de la SAS IPRS Sixence.

Par déclaration formée par voie électronique le 15 juillet 2019 et enregistrée au greffe le jour même, M. [S] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 13 novembre 2020 et notifiées par voie électronique le 16 novembre 2020, M. [S] demande à la Cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Dire et juger le licenciement pour faute grave de M. [S] sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamner la SAS IPRS Sixence à lui payer les sommes de :

. 9 089,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 908,94 € au titre des congés payés sur préavis,

. 8 079,52 € net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 24 238,56 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 4 635,78 € brut à titre de rappel de salaires pour les mois de février et mars 2017,

. 32 014,90 € brut à titre de rappel d'indemnités kilométriques,

. 19 362,29 € au titre du remboursement de la CSG et de la CRDS,

. 3 959,54 € brut au titre du paiement des congés payés sur les années 2017 et 2018 et en conséquence, ordonner la rectification du solde de tout compte sous astreinte de 80€ par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

. 3 808,00 € au titre de remboursement de frais de déplacement,

. 2 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

. 36 128,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 4 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 3 octobre 2019, la SAS Sixence Engineering demande à la Cour de :

Constater l'intervention volontaire de la société Sixense Engineering venant aux droits de la société Sixence IPRS ;

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thionville en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a condamné la société Sixense IPRS à payer à M. [S] la somme de 134,24 € au titre des congés payés pour les années 2017 et 2018 ;

Statuant à nouveau sur ce point, débouter M. [S] de cette demande ;

A titre principal, se déclarer incompétent en ce qui concerne les demandes de M. [S] au titre du remboursement de la CSG et de la CRDS ;

En tout état de cause,

. dire et juger que le licenciement de M. [S] pour faute grave est bien fondé ;

. débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;

. condamner M. [S] à payer à la SAS Sixence Engineering, venant aux droits de la SAS IPRS Sixence la somme de 2 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2020.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Il convient au préalable de constater que la SAS Sixense Engineering est intervenue régulièrement à la procédure d'appel, celle-ci venant aux droits de la SAS IPRS Sixence suite à une transmission de patrimoine enregistrée le 14 août 2019 à la SAS Sixence Concrete, associé unique, devenue par la suite SAS Sixence Engineering.

Sur l'annulation de la mise à pied disciplinaire

M. [S] sollicite dans le corps de ses conclusions l'annulation de la mise à pied disciplinaire décidée le 5 janvier 2017 et portant sur les 16 et 17 janvier 2017 aux motifs qu'il n'a pas reçu notification de cette sanction et qu'il conteste les griefs qui lui étaient reprochés.

La SAS Sixense Engineering s'oppose à cette demande au motif que cette sanction a été notifiée à M. [S] en lettre recommandée aux deux adresses déclarées par celui-ci (à Madrid et à Férolles) et que les accusés de réception sont revenus avec la mention « non réclamé » de sorte qu'elles ont été régulièrement communiquées à M. [S].

L'examen de la lettre de transmission de la sanction notifiée le 5 janvier 2017 de mise à pied disciplinaire pendant 2 jours montre qu'elle a été notifiée en recommandé à l'adresse de M. [S] située à Madrid en Espagne, que celui-ci revendique comme étant la sienne.

Le défaut de notification régulière, quand bien même il se serait trouvé en mission, n'est donc pas établi.

La lettre de mise à pied disciplinaire fait état de propos tenus par M. [S] en novembre et décembre 2016 à l'égard de certains collaborateurs de la société, où M. [D] [S] aurait adopté un comportement déplacé et un ton particulièrement agressif notamment le 30 novembre 2016 à l'égard de M. [U].

Il résulte du courriel adressé à cette date par M. [D] [S] à M. [U] (contrôleur de gestion au sein de la société employeur) mais également à M. [Z] et à Mme [O] que M.[S] s'est adressé à M. [U] dans les termes suivants :

« Il est évident que vos réponses évasives et rares vont donner lieu à une information détaillée à l'URSSAF et à l'inspection du travail, il est évident que M. [U] prend les salariés en déplacement pour des imbéciles, et que le verre est plein pour ma part ».

Si la menace d'informer l'URSSAF ou l'inspection du travail ne peut pas être considérée comme abusive, l'invocation du fait que M. [U] prend certains salariés pour des imbéciles, constitue des propos agressifs et injurieux constitutifs d'une faute au sens de l'article L 1333-1 du code du travail.

La mise à pied pendant deux jours de M. [S] avec retenue du salaire constitue une sanction proportionnée au manquement constaté et établi, de sorte qu'il n'y a pas lieu à annuler cette sanction.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave

Lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d'apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, à charge ensuite pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et les motifs invoqués devant être suffisamment précis, objectifs et vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée par la SAS IPRS Sixence à M. [S], datée du 22 mars 2017 et notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception remise le 7 avril 2017, est rédigée de la façon suivante :

« Concernant les propos injurieux, diffamatoires et vexatoires envers votre hiérarchie :

Le 11 janvier 2017, vous avez adressé un courrier à l'attention de M. [G] [M], Directeur Général de la Société, accompagné de plusieurs pièces ; courrier ayant pour objet « mise en demeure ».

Dans cette lettre, vous n'hésitez pas à tenir des propos calomnieux, diffamatoires et injurieux envers la Direction Générale de la société.

A titre d'exemple, vous indiquez :

« J'ai constaté que depuis votre entrée dans l'entreprise IPRS comme remplaçant du remplaçant en janvier 2014, vous n'avez eu de cesse que de baratiner les salariés d'IPRS (Primes imaginaires, évolutions imaginaires, etc etc.). Vous avez sorti de l'entreprise plusieurs salariés par ailleurs après de loin mois de harcèlement moral, j'en subis d'ailleurs moi-même les effets à travers les responsables sur qui vous avez la main mise comme M.[Z] [H], en tant que responsable de région Est (') et par courrier en recommandé pour des convocations sans fondements pour laquelle vous êtes incapable de donner des motifs préalablement comme exposer dans mon courrier RAR (...) »

- « Vous n'avez à aucun moment essayé de trouver une issue légale pour moi (') vous avez essayé de me destabiliser en me renvoyant vers Mme [C] [F] sans prévenance ni explication et dans le but de me faire changer de résidence sans plus de détour »

-  « La seule excuse (nullement justifiée par aucun document émanant de l'URSSAF ou autre) que vous avez trouvé, fût que je vous fournisse une fiche d'imposition espagnole (Vous noterez dans votre mail du 16/09/2015 que vous l'avez écris en majuscule ESPAGNOLE, ce qui est très agressif et autoritaire de votre part M. [M]). »

- « Il est à noter également de graves dysfonctionnements dans l'entreprise IPRS depuis que vous en avez la direction (') Je pense que vos motivations à me harceler moralement est dû à votre homophobie latente, que vous avez peine à dissimuler (ce qui pourra donner lieu à une plainte également au pénal) ».

- En conclusion : Dans ces conditions de communication, ou plutôt de persécution de votre part à mon égard (...) »

Bien que vous disposiez d'une liberté d'expression, par laquelle vous pouvez émettre des critiques, celle-ci ne vous autorise pas pour autant à dénigrer qui que ce soit.

Or, vos revendications, émises de manière véhémente et relativement agressive, ont pour objectif de remettre en cause la probité de votre hiérarchie et par extension celle de l'entreprise.

Aussi, nous ne pouvons que constater que vos propos revêtent un caractère injurieux, diffamatoire et excessif, d'autant que vous n'hésitez pas à insulter ouvertement votre Directeur Général.

Nous vous rappelons que vous n'êtes pas sans connaître votre obligation de correction dans votre comportement vis-à-vis de vos collègues et hiérarchie dans la mesure où vous avez déjà fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de deux jours pour des faits similaires en date du 05 janvier 2017.

Nous ne pouvons dès lors que constater que votre comportement s'inscrit dans la récidive manifeste.

Ainsi, compte tenu de la récurrence des faits, nous avons été contraints de vous convoquer à un entretien préalable.

Dans l'intervalle, vous avez adressé un second courrier, en date du 17 février 2017, par lequel vous utilisez, là-encore, un ton plutôt menaçant.

L'ensemble de vos propos sont simplement inacceptables et intolérables.

Nous vous rappelons que le titre III A de notre règlement intérieur dispose que « Tout salarié doit travailler dans le respect des autres et de toute personne en contact avec l'entreprise ».

En sus, nous vous rappelons que depuis plusieurs mois, vous adoptez un comportement excessif dans la manière de vous exprimer envers la Direction du Groupe ainsi que d'autres collaborateurs lors de vos échanges de mails.

Nous avons, à plusieurs reprises, fait preuve d'une certaine tolérance à votre égard en ne sanctionnant pas votre attitude et en prenant le temps de vous répondre, voire de vous accompagner dans certaines démarches.

Cela étant, vous comprendrez que nous ne pouvons tolérer plus longtemps un pareil comportement.

Votre comportement créé un climat délétère, tendu et démotivant pour l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise et par extension du Groupe.

Concernant votre absence injustifiée :

A titre liminaire, nous vous rappelons que vous êtes rattaché administrativement au siège de l'entreprise situé à Pignans. Vous êtes affecté depuis plusieurs années sur le site de Cattenom.

Depuis que vous êtes affecté sur le site de Cattenom, vous exerciez vos fonctions sur l'activité « assistance Technique ». Le 9 janvier 2017, M. [H] [Z], votre Responsable Région, vous a adressé un nouvel ordre de mission afin que vous participiez au projet « PBMP ».

Vous avez refusé cet ordre de mission, qui serait, selon vos termes, non-conforme à la législation.

Vous avez alors adressé un mail à votre responsable en date du 9 janvier 2017 afin de lui signifier votre refus et lui lister les éléments qui, selon vous devrez apparaître.

Nous nous sommes étonnés de votre mail. En effet, puisque l'ensemble des conditions d'emploi demeuraient inchangées, nous n'avions pas jugé utile de vous les rappeler.

Ainsi, nous déplorons le fait que vous vous formalisiez sur ce type de document et que vous vous permettiez de refuser catégoriquement d'effectuer cette mission.

Eu égard à votre refus, le Directeur Général vous a par conséquent demandé, par mail le 9 janvier 2017 de revenir au siège (votre lieu de rattachement contractuel), à compter du lundi suivant, afin de trouver une solution.

Or, depuis le lundi 9 janvier 2017, vous n'avez, ni repris vos fonctions sur le site de Cattenom, ni au siège, et ce sans fournir de justificatifs. Vous êtes donc en absences injustifiées.

Votre absence contrevient gravement aux dispositions de notre règlement intérieur ainsi qu'à vos obligations contractuelles.

Par ailleurs, votre absence continue à désorganiser fortement votre équipe.

Effectivement, en vue d'assurer la qualité de service que nous souhaitons apporter à nos clients afin de répondre à nos obligations contractuelles et compte tenu de la durée imprévisible de votre absence, votre hiérarchie s'est trouvée dans l'obligation de pourvoir à votre remplacement de manière inopinée via l'occupation d'une tierce personne qui n'avait pas l'historique de l'affaire et qui n'a pu vaquer à ses occupations.

Nous ne pouvons accepter un tel comportement qui aurait pu mettre en cause de manière significative la confiance que notre client nous porte, ce qui n'est pas acceptable.

Concernant votre absence justifiée tardivement :

Alors que vous étiez en arrêt de travail pour maladie du 14 au 23 janvier 2017 inclus, vous avez communiqué vos justificatifs que le 23 janvier 2017.

Or, l'article 16 du règlement intérieur dispose que « Tout salarié malade ou empêché de se présenter au travail doit immédiatement prévenir ou faire prévenir l'employeur en précisant la cause de l'absence et, si possible, la durée probable de celle-ci. Sauf force majeure ou motifs légitimes, toute absence non déclarée dans les 48 heures entraînera l'une des sanctions prévues au présent règlement (...) »

Là encore vous ne respectez pas les règles internes de l'entreprise.

Un tel comportement n'est pas admissible et ne peut rester sans conséquences.

Votre attitude laxiste à l'égard de l'entreprise dans le cadre de vos fonctions met en cause la bonne marche de l'entreprise.

La gravité des faits qui vous sont reprochés démontre un comportement fautif avéré et contraire à vos obligations contractuelles, caractérisant un manquement manifeste dans l'exécution de votre contrat de travail.

En conséquence de ce qui précède, nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise ».

En ce qui concerne le premier grief visé dans la lettre de licenciement, à savoir les propos injurieux, diffamatoires et vexatoires de M. [S] envers sa hiérarchie, le salarié conteste les reproches qui lui sont faits, indiquant que les courriels des 11 janvier et 17 février 2017 ne révèlent aucune intention malveillante de sa part pouvant être qualifié d'abus de sa liberté d'expression.

Cependant, l'examen des deux messages visés dans la lettre de licenciement montrent que si le courrier daté du 17 février 2017 fait état de critiques et de doléances de la part de M. [S] à l'égard de la direction de la SAS IPRS Sixence sans aucun caractère injurieux, diffamatoire ou vexatoire, les termes du courrier du 11 janvier 2017, tels que repris partiellement dans la lettre de licenciement ont un caractère insultant à l'égard du directeur, M. [M], à qui M. [S] reproche d'être homophobe, et de « baratiner » ses salariés sur différents points, mais également dénigrant quand il reproche personnellement à son directeur de graves dysfonctionnements dans l'entreprise depuis que celui-ci a repris la direction de l'entreprise.

Ces propos excèdent l'exercice normal de sa liberté d'expression et d'émettre des critiques vis à vis de certaines décisions prises pour assurer le fonctionnement de l'entreprise, et caractérisent un comportement fautif d'autant plus grave que M. [S] avait fait l'objet d'une précédente sanction disciplinaire le 5 janvier 2017 pour des faits de même nature commis à l'encontre de son responsable régional.

Le second grief visé dans la lettre de licenciement porte sur l'absence injustifiée de M. [S] du 9 au 13 janvier 2017.

M. [S] considère que son absence est justifiée par la non-conformité de son ordre de mission à la législation en vigueur.

Il résulte des échanges de courriels entre les parties établis à la date du 9 janvier 2017 que la SAS Sixense Engineering a informé M. [S] de ce qu'une nouvelle mission commençait le même jour sur le site de Cattenom, où il n'est pas contesté par le salarié qu'il se trouvait déjà dans le cadre d'une précédente mission.

Devant le refus d'exécuter cette mission exprimé par M. [S] dans un courriel envoyé à 19h54, le directeur général de la société, M. [M] répondait à M. [S] dans un message adressé à 20h27 qu'il pouvait simplement faire remarquer que l'ordre de mission ne lui convenait pas et il lui demandait de se présenter dès qu'il pourrait au siège de l'entreprise à Pignans (Var).

Il est constant que M. [S] ne s'est pas présenté à Pignans ou à Cattenom entre le 9 janvier et le 13 janvier 2017, jours où il était censé travailler et être à la disposition de son employeur.

Si M. [S] reproche à son employeur le formalisme de son ordre de mission pour justifier son absence, les articles 51 et 66 de la convention collective applicable à la relation de travail ne prévoient pas, de formalisme détaillé pour les déplacements en France métropolitaine et précisent même que l'ordre de mission pourra être permanent pour les salariés dont les fonctions, telles que précisées dans le contrat de travail, les conduisent à effectuer des déplacements multiples pour des interventions ponctuelles.

En outre, quand bien même l'envoi de l'ordre de mission s'est fait tardivement, il n'empêchait pas le salarié de se présenter sur son lieu de travail dans les quatre jours suivants, que ce soit à Cattenom sur son lieu de mission, ou à Pignans au siège de l'entreprise comme son employeur le lui demandait.

En refusant de se mettre à la disposition de son employeur, M. [S] a manqué au respect de la principale obligation résultant de son contrat de travail.

Enfin M. [S] justifie avoir été en arrêt maladie du 14 au 23 janvier 2017 inclus, mais ne démontre pas avoir avisé son employeur de cet arrêt avant l'envoi de son justificatif parvenu au siège de l'entreprise le 23 janvier 2017, tel que cela ressort du tampon d'entrée du courrier.

Or tant le contrat de travail à durée indéterminée liant les parties que la convention collective (article 42) ou encore le règlement intérieur de l'entreprise (article 16) prévoient que le salarié en cas d'absence doit prévenir immédiatement ou au plus tard dans les 24 heures son employeur de son absence, et doit justifier de son arrêt maladie dans les 48 heures à compter du premier jour de son indisponibilité.

Si M. [S] indique qu'il n'est pas responsable des délais de la poste, il ne justifie pas avoir averti son employeur immédiatement de son indisponibilité, que ce soit par courriel ou par un autre moyen dont il disposait. Il ne démontre pas non plus avoir envoyé son arrêt maladie dans les 48 heures de son premier jour d'arrêt fixé au 14 janvier. En agissant ainsi, M. [D] [S] a manqué à ses obligations découlant du contrat de travail.

Les trois griefs reprochés à M. [S] dans la lettre de licenciement sont dès lors établis, et leur gravité est suffisamment importante, eu égard notamment à l'absence de respect manifestée par M. [S] à l'égard de sa hiérarchie, à son absence injustifiée sur son lieu de travail et à l'impossibilité pour l'employeur de prévoir dans quelles conditions son salarié acceptera de se présenter sur son lieu de travail, pour justifier l'impossibilité pour l'employeur de conserver M. [D] [S] dans son entreprise.

Le licenciement pour faute grave est justifié, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les demandes formées par M. [S] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront en outre rejetées, le licenciement pour faute grave étant validé.

Sur le rappel de salaire au titre des mois de février et mars 2017

M. [S] sollicite le paiement de la somme totale de 4 635,78 € brut au titre du rappel de salaires pour les mois de février et mars 2017, expliquant que s'il n'était pas présent sur son lieu de travail à compter du 9 janvier 2017, il était cependant dans l'attente d'un ordre de mission, à disposition de son employeur, et non en absence injustifiée.

La SAS Sixense Engineering s'oppose à cette demande, précisant que M. [S] était en absence injustifiée à compter du 9 janvier 2017 de sorte qu'il ne pouvait pas prétendre au paiement d'un salaire.

En l'espèce, il est établi par les développements qui précèdent que M. [S] se trouvait en absence injustifiée du 9 au 13 janvier 2017 inclus, puis en arrêt maladie du 14 au 23 janvier 2017, et il n'est pas contesté que M. [S] ne s'est pas présenté sur son lieu de travail à l'issue de son arrêt maladie, se contentant d'adresser des reproches à son employeur par courriers, notamment sur le non-respect de la forme des ordres de mission (courriers du 11 janvier et du 17 février 2017).

La SAS Sixense Engineering établissant ainsi que M. [S] ne se trouvait plus à sa disposition en refusant les conditions de travail proposées, il convient de constater que le non-paiement du salaire sur cette période est justifié, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande.

Sur la demande de remboursement de la CSG-CRDS

M. [S] sollicite le remboursement des sommes prélevées par l'employeur au titre de la CDG-CRDS et ce depuis 2009, au motif qu'il n'en était plus redevable puisque n'étant plus domicilié fiscalement en France, et que l'employeur avait tous les éléments (explications et justificatifs) dès la signature du contrat de travail pour ne pas effectuer ces prélèvements.

La SAS Sixense Engineering demande la confirmation de la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il s'est déclaré incompétent rationae materiae sur ce chef de prétention, et subsidiairement s'oppose à cette demande invoquant notamment les dispositions de l'article 13 du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971.

Selon le dernier al. du V de l'art. L 136-5, les différends nés de l'assujettissement à la contribution des revenus mentionnés aux art. L 136-1 à L 136-4 (CDG-CRDS) relèvent du contentieux de la sécurité sociale et sont réglés selon les dispositions applicables aux cotisations de sécurité sociale.

La demande formée par M. [S] tendant au remboursement des sommes prélevées par la SAS IPRS Sixence au titre de ces contributions, et non en paiement d'une indemnité tendant à sanctionner le manquement éventuel de l'employeur qui aurait prélevé abusivement ces contributions au profit de l'URSSAF, elle relève de la compétence des juridictions de la sécurité sociale.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent rationae materiae pour connaître de ce chef de prétention.

Sur le paiement des congés-payés pour les années 2017-2018 et la rectification du solde de tout compte

M. [S] sollicite le paiement de la somme de 3 959,54 € brut correspondant au paiement des congés payés sur les années 2017 et 2018, et la rectification du solde de tout compte au vu de cette somme nouvellement due.

La SAS Sixense Engineering s'oppose à cette demande et au paiement de la somme de 134,24 € telle que retenue par les premiers juges, expliquant que M. [S] a été rempli de ses droits, qu'il ne précise pas le fondement de sa demande et qu'il ne peut bénéficier de jours de congés au titre de l'année 2018 pour laquelle il n'était plus salarié de l'entreprise.

Il résulte de l'examen du solde de tout compte établi par la SAS Sixense Engineering que M.[S] s'est vu attribuer la somme totale de 3 447,74 € (1251,15 € + 2196,59 €) brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

M. [S] ne précisant pas sa demande et notamment le nombre de jour restant dus et au vu de quelle pièce ils apparaîtraient comme impayés, il convient de constater que cette demande est injustifiée.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et M. [S] débouté de l'intégralité de sa demande.

Sur la demande de rappel des frais kilométriques

M. [S] sollicite le remboursement des frais kilométriques qu'il a engagés de 2009 à 2017 pour effectuer les déplacements avec son véhicule personnel entre son domicile situé à Madrid et l'aéroport international de Madrid par lequel il passe pour rejoindre ses lieux de mission, se fondant sur l'article 3 de son contrat de travail prévoyant le remboursement des frais de déplacement.

La SAS Sixense Engineering soulève la prescription de la demande ainsi que l'absence de justification de ces frais. Elle souligne par ailleurs qu'elle prenait en charge les déplacements de M.[S] en lui versant des indemnités de grands déplacements dont le remboursement figure sur les bulletins de salaire du salarié.

S'agissant d'une demande de remboursement de frais kilométriques ayant la nature de salaire, la prescription triennale prévue à l'article L 3245-1 s'applique en l'espèce, et en cas de rupture du contrat de travail, le salarié peut demander le paiement des sommes dues au titre des droits dernières années précédant la rupture du contrat de travail.

Dès lors, la demande de remboursement des frais kilométriques portant sur la période antérieure de plus de trois ans avant la rupture du contrat de travail, soit sur la période antérieure au 22 mars 2014 est prescrite.

En ce qui concerne la période postérieure au 22 mars 2014, le contrat de travail signé entre les parties prévoit que « les frais de déplacement de M. [D] [S] engagés à l'occasion de ses fonctions lui seront remboursés selon les barèmes adoptés par la société ».

L'examen des bulletins de salaire de M. [S] montre que celui-ci percevait des « indemnités temps de trajet » ainsi que des « indemnités grands déplacement ».

M. [S] ne justifie pas de l'engagement de la SAS Sixense Engineering à payer des frais kilométriques pour ses trajets domicile-aéroport en plus des indemnités temps de trajet ou de grands déplacement déjà versées.

Sa demande n'est donc pas justifiée à ce titre et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de cette prétention, étant ajouté que la demande concernant la période antérieure au 22 mars 2014 sera déclarée irrecevable comme étant prescrite.

Sur le remboursement des indemnités de déplacements

M. [S] sollicite, sur le fondement de l'article 50 de la convention collective applicable à la relation de travail, le versement d'indemnités de déplacement pour les mois de janvier à mars 2017 inclus alors qu'il se trouvait en intermission, en attente de se voir communiquer l'ordre de mission conforme à la législation (7 066,90 €), outre la somme de 12 € par jour sur 8 ans, 11 mois et 21 jours (24 948,00 €) correspondant au rattrapage des indemnités promises et non versées (84 € dues par jour alors que 72 € versées).

La SAS Sixense Engineering s'oppose à ces demandes, indiquant d'une part que M. [S] n'a plus effectué le moindre déplacement à compter du 9 janvier 2017 du fait de ses absences injustifiées et de son arrêt maladie, et d'autre part que la demande au titre du rattrapage des indemnités promises est partiellement prescrite et pour le reste injustifiée, la promesse invoquée par le salarié étant relative au CDD ayant précédé le CDI litigieux, M. [S] bénéficiant en outre d'une indemnité de grands déplacement en application de son contrat de travail.

En ce qui concerne les indemnités de déplacement pour les mois de janvier à mars 2017, il résulte de l'article 3 du contrat de travail à durée indéterminé prenant effet le 1er juin 2010 que seuls les frais de déplacement engagés par M. [S] à l'occasion de ses missions sont remboursés par l'employeur, de sorte que le salarié ne peut prétendre aux indemnités grands déplacements s'il n'a pas effectué la moindre mission occasionnant des déplacements.

Il est établi que M. [S] n'a plus effectué de déplacement et ne s'est plus rendu sur ses lieux de missions à compter du 9 janvier 2017 de sorte que sa demande sur ce point n'est pas justifiée.

En ce qui concerne le rattrapage de la somme de 84 € par jour promise par l'employeur, il convient de déclarer prescrite la demande formée au titre de la période antérieure au 22 mars 2014, en application de l'article L 3245-1 du code du travail.

Pour la période postérieure au 22 mars 2014, la cour entend constater que la promesse de l'employeur concerne le CDD conclu entre les parties antérieurement au CDI litigieux, et qu'aucun document ne démontre que cette indemnité a été reprise au titre des engagements de l'employeur dans le cadre du contrat prenant effet à compter du 1er juin 2010.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande, étant ajouté que la demande concernant la période antérieure au 22 mars 2014 sera déclarée irrecevable comme étant prescrite.

Sur les dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrats

Selon les articles L 1234-19 et R 1234-9 du code du travail, l'employeur est tenu de remettre au salarié à l'expiration de son contrat de travail un certificat de travail ainsi que les attestations destinées à Pôle emploi lui permettant d'exercer ses droits aux prestations chômage.

M. [S] sollicite 2 000,00 € de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, expliquant les avoir reçus plus d'un mois après son licenciement et avoir subi un préjudice compte tenu du retard que cela a causé quant à son inscription à pôle emploi.

La SAS Sixense Engineering s'oppose à cette demande, invoquant l'absence de justification par M.[S] de sa situation auprès de Pôle emploi suite à son licenciement, outre le fait que les documents ont été adressés seulement 15 jours ouvrables après le licenciement, et qu'elle n'est pas responsable des délais d'acheminement de la poste.

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que les documents de fin de contrat ont été adressés par l'employeur à M. [S] par lettre recommandée déposée le 13 avril 2017, et retirée par M. [D] [S] le 28 avril 2017.

La date de dépôt valant preuve de la date d'exécution de l'obligation de remise des documents de fin de contrat, il convient de constater qu'un délai de 22 jours s'est écoulé entre la date de licenciement et la date d'envoi des documents de fin de contrat.

Si l'employeur n'a pas remis à M. [S] ces documents dès l'expiration du contrat, M. [S] ne produit aucun justificatif permettant de constater quelle a été sa situation à l'issue du contrat de travail litigieux, et notamment à quelle date il a pu être inscrit à Pôle emploi.

A défaut de justifier de sa situation et d'un préjudice résultant du retard dans la remise des documents de fin de contrat, M. [S] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral

L'article L 1152-1 du Code du travail stipule qu' « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Le harcèlement moral s'entend en l'occurrence selon sa définition commune d'agissements malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l'humilier.

S'agissant de la preuve du harcèlement, l'article L 1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L 1152-1, « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement » et « au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »

M. [S] estime avoir été victime de harcèlement de la part de son employeur à compter du rachat de l'entreprise par le groupe Vinci. Il invoque les agissements suivants dont il convient d'examiner s'ils sont caractérisés dans un premier temps :

- sur l'attribution partagée du véhicule de service :

M. [S] reproche à son employeur qu'à compter du début de l'année 2013, celui-ci lui a demandé de partager son véhicule de service.

La SAS Sixense Engineering indique que cette mesure n'était pas individuelle mais collective, décidée pour tous les salariés travaillant sur des sites hors du siège social.

Il résulte des échanges intervenus entre M. [S] et ses supérieurs entre le 2 et le 4 janvier 2013 que l'employeur a modifié sa politique d'attribution des véhicules de services pour ses salariés à compter du 14 janvier 2013 dans un but de réduire le coût des déplacements, laissant un véhicule pour deux salariés, ce que M. [S] a vivement contesté dans ses courriers.

Si ce changement a fait perdre à M. [S] une partie de l'avantage qu'il tirait de l'attribution d'un véhicule de service à sa seule personne, cette perte résulte d'une modification de la politique de l'entreprise applicable à l'ensemble des salariés et non à M. [S] seul, qu'elle est justifiée par des considérations de bonne gestion, et qu'il ne peut dès lors constituer un manquement de l'employeur à ses obligations.

- sur les changements d'affectation :

M. [S] reproche à la SAS Sixense Engineering de l'avoir informé par l'envoi d'ordre de missions de la modification de ses missions impliquant des déplacements importants, avant d'y renoncer, et d'avoir modifié ses missions avant l'expiration du temps prévu initialement pour celles-ci.

La SAS Sixense Engineering conteste le fait que ces agissements constituent une dégradation des conditions de travail de M. [S], ajoutant que celui-ci a contesté systématiquement les ordres de mission à compter de 2013 au motif qu'il ne respectaient pas les dispositions légales.

Il est constant et il ressort du contrat de travail liant les parties que les fonctions de M. [S], en sa qualité de chargé d'affaires génie civil catégorie cadre, s'exercent sur les différents sites des clients de la SAS Sixense Engineering que sont les centrales nucléaires, les ouvrages d'art de grande hauteur, les ouvrages sous-marins ou les conduites forcées, donnant lieu à l'établissement de missions d'une durée limitée qui se succèdent l'une à l'autre.

M. [S] reproche à son employeur de le prévenir de changements devant intervenir rapidement, ou de modifications qui n'ont finalement pas lieu mais le perturbent dans son organisation.

Si l'ensemble des courriers ou ordres de mission prévoyant les changements invoqués par M. [S] ne sont pas versés aux débats, le fait de prévenir M. [S] le 22 octobre 2013 pour un changement de mission à compter du 12 novembre 2013 suite à l'achèvement d'une mission à une date arrivant plus tôt que prévu, ne constitue pas un manquement à un délai de prévenance raisonnable et permet à M. [S] de s'organiser, ses fonctions étant par nature susceptibles de changer régulièrement de lieu d'exécution.

Dès lors, le grief reproché par M. [S] à l'employeur n'est pas caractérisé en l'espèce.

- sur l'envoi de lettres recommandées au domicile de ses parents :

M. [S] fait grief à la SAS IPRS Sixence d'avoir adressé des courriers recommandés au domicile de ses parents, dans le Loiret, alors qu'il savait qu'il était en mission à Cattenom en Moselle et qu'il avait son domicile en Espagne.

Cependant, l'adresse de M. [S] déclarée sur son contrat de travail est bien celle située dans le Loiret, et la SAS Sixense Engineering justifie de l'envoi par M [S] d'un message électronique daté du 4 novembre 2013 par lequel il demande à son employeur de lui adresser les courriers soit chez ses parents dans le Loiret, soit en Espagne à son adresse personnelle, les deux adresses lui convenant indifféremment.

Par la suite, ce n'est que par courrier du 12 décembre 2016 que M. [S] justifie demander à son employeur de ne pas lui envoyer de courriers à l'adresse de ses parents mais plutôt en Espagne, de sorte que les reproches adressés par M. [S] sur ce point ne sont pas légitimes, et ne peuvent être retenus.

- sur l'enchaînement d'une procédure disciplinaire puis de licenciement :

Il résulte des développements qui précèdent que la mise à pied disciplinaire notifiée le 5 janvier 2017 puis le licenciement pour faute grave notifié le 22 mars 2017 sont justifiés, de sorte qu'ils ne traduisent pas une volonté de l'employeur de nuire à M. [S] et ne sont pas constitutifs d'agissement constituant des manquements de l'employeur à ses obligations.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que les griefs reprochés par M. [S] à l'encontre de la SAS IPRS Sixence au titre du harcèlement moral ne sont pas démontrés ou ne constituent pas, pris dans leur ensemble, des actes caractérisant des faits de harcèlement moral.

La demande d'indemnisation formée par M. [S] pour ce motif sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [S] étant la partie perdante à l'instance, le jugement entrepris sera infirmé sur ses dispositions sur les dépens et M. [S] débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

M. [S] sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'intervention régulière de la SAS Sixense Engineering aux droits de la SAS IPRS Sixence,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- condamné la SAS IPRS Sixence prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D] [S] la somme de 134,24 € bruts à titre de reliquat de congés payés pour les années 2017 et 2018 ;

- condamné la SAS IPRS Sixence aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déboute M. [D] [S] de sa demande formée au titre du reliquat de congés payés pour les années 2017 et 2018 ;

Condamne M. [D] [S] aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable comme étant prescrite la demande de rappel d'indemnités kilométriques concernant la période antérieure au 22 mars 2014 ;

Déclare irrecevable comme étant prescrite la demande de remboursement de frais de déplacement concernant la période antérieure au 22 mars 2014 ;

Déboute M. [D] [S] de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne M. [D] [S] aux dépens d'appel.

La GreffièreP/ La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/01832
Date de la décision : 15/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-15;19.01832 ?
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